Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Nous avons vu dans la première partie de ce texte les réactions potentielles d'une partie des BRICS à la politique plus agressive en apparence de Donald Trump. La réalité des rapports de force entre la Russie, la Chine et les USA va vite montrer les limites des actions du nouveau président américain. Ce qui s'est passé récemment avec la fameuse IA DeepSeek a montré les limites de la technologie américaine et de sa supposée suprématie absolue en matière scientifique. La réalité triviale c'est que la science américaine ne tourne plus que grâce du personnel asiatique et que la science américaine actuelle est déjà largement chinoise en réalité. Les jeunes Américains s'étant détournés massivement des études scientifiques. Dans ce contexte, le fait que les USA possèdent en théorie la propriété intellectuelle et des brevets ne les protège absolument pas en pratique de transferts rapides vers l'Asie ou ailleurs. En délocalisant tout, y compris la recherche, les USA ont scié la branche sur laquelle ils étaient assis. De plus, rappelons que la Chine à elle seule forme plus de thésards chaque année que l'ensemble de l'Europe, des USA et du Japon réunis. La compétition est déjà terminée si je puis dire.
La réaction au Trumpisme en Amérique du Nord
Mais intéressons-nous maintenant aux réactions potentielles des vassaux plus ou moins directs des USA. Nous commencerons par l’Amérique du Nord et le Mexique. Nous commencerons par l'immense Mexique. Pays frontalier des USA dont le célèbre proverbe résume assez bien les relations entre les deux pays : « Pauvre Mexique, si loin de Dieu et si près des États-Unis » . Les USA ont été un pays impérialiste dès le début de leur existence menant des guerres et des élargissements territoriaux réguliers contre leurs voisins. Et le Mexique en fit les frais aux 19e siècles puisqu'il perdra la Californie, le Texas et toute une partie de la nouvelle Espagne au profit des USA. Un coup d’œil sur la carte de la nouvelle Espagne vers 1800 montre ce que ce pays s'est fait voler par l'Empire US. L’agressivité de Trump qui en plus se met à renommer le golfe du Mexique a de quoi énerver les Mexicains. Alors certes il y a de l'immigration et du trafic de drogue, mais les USA sont loin d'être étrangers à la situation macroéconomique générale du Mexique. Les USA ayant tout fait pour empêcher la naissance d'un concurrent potentiel à leurs portes.
Le grand paradoxe finalement c'est qu'en maintenant le Mexique dans une misère relative les USA ont favorisé une fuite des populations chez eux. Une fuite qui s'apparente de plus en plus à une reconquista démographique des territoires perdus d'autrefois. En regardant la carte de la proportion des latinos, on voit clairement que les USA sont en train de perdre le sud de leur pays. Sur le plan commercial, le Mexique est désormais le premier partenaire commercial des USA. Et le Mexique dégage d'importants excédents commerciaux avec les USA. Comme dans le cas du Canada dont nous avions parlé d'un texte récent, le Mexique est beaucoup trop dépendant de l'économie américaine. Les USA représentent en effet 76% de leur marché d'exportation. Et le Mexique comme le Canada compense ses déficits commerciaux avec d'autres zones économiques comme l'UE ou la Chine par ses excédents avec les USA.
Un regard au graphique ci-dessous vous convaincra du problème mexicain. Et le Canada a exactement le même problème. Or pour être un pays indépendant, il faut soit être capable de produire tous les biens dont on a besoin soi-même pour vivre en autarcie. Peu de pays en seraient capables, en réalité, peut-être la Russie. Soit il faut équilibrer son commerce et ne pas devenir trop dépendant d'un pays en particulier. De façon à garder des marges de manœuvre en cas de tension comme c'est le cas entre les USA et ses voisins en ce moment. Et n'imaginez pas que les excédents commerciaux du Mexique ou du Canada les protègent. En réalité ils sont dans la même situation qu'un fournisseur de pièces détachées qui a un seul gros client. Ce gros client bien que théoriquement dépendant d'eux est en fait le chef et leur impose les prix qu'il veut. Pour se sortir de cette situation et si ces pays ne veulent pas être politiquement absorbée par les USA doivent diversifier leurs économies et réduire massivement leur dépendance au marché américain. Cela n'a rien d'impossible, ces pays ont plein d'atouts, et de matières premières en plus. Mais cela prend du temps. Comme nous l'avons déjà dit, les USA ont créé le Premier Empire dont l'arme est avant tout la consommation. Ils rendent leurs partenaires dépendants de leur consommation pour ensuite leur imposer la soumission. Pour se libérer de ça, il faut cesser de chercher à exporter chez eux et donc trouver ou créer d'autres débouchés. Après il n'est pas impossible non plus que les USA finissent en réalité par être annexés par le Mexique démographiquement au rythme où ça va. Auquel cas nous n'irions pas vers un Make USA Great Again, mais vers un Mexico Great Again.
Les vassaux d'Asie
Les USA ont trois grands vassaux en Asie, le Japon, la Corée du Sud et Taïwan. On pourrait rajouter les Philippines, mais ce pays bien qu'important sur le plan géostratégique n'est pas un poids lourd économique. Ces pays en réalité ont déjà échappé à l'empire américain. Certes officiellement les USA restent leur partenaire privilégier sur le plan militaire, mais si l'on se place d'un point de vue économique c'est déjà la Chine qui domine largement leur commerce extérieur. C'est également vrai pour des pays pourtant anglophones comme l'Australie ou la Nouvelle-Zélande. On peut dire qu'une politique commerciale agressive des USA si elle était quand même dommageable pour leurs économies n'aurait pas du tout le même effet que sur le Canada ou le Mexique dont les USA représentent 75% des exportations. L'Asie est en plus une zone en forte croissance. À la Chine s'ajoute la croissance de l'Indonésie et de l'Asie du Sud-est qui monte en flèche. Donc s'il y a une région du monde où le trumpisme ne risque pas d'avoir vraiment d'effet à long terme c'est bien l'Asie.
Et le Japon ou la Corée du Sud aurait tout intérêt à maintenir de bonnes relations avec leurs voisins plutôt que de devenir les Ukraine de l'Asie comme le souhaiteraient probablement les USA en les lançant en guerre contre la Chine. Après les politiciens ne sont pas forcément rationnels et les USA peuvent jouer sur les inimitiés historiques qui existent entre ces différents pays. Mais d'un point de vue économique, les USA n'ont plus le contrôle de ces pays qui pourraient tout aussi bien rompre avec eux.
Les vassaux d'Europe
On en vient maintenant à la question qui nous intéresse le plus, l'Europe et la France bien évidemment. On va commercer par un état de fait l'UE à un commerce assez équilibré dans l'ensemble en termes de part de marché. Si les USA sont le premier partenaire commercial de l'UE, ils ne pèsent pas beaucoup plus que la Grande-Bretagne par exemple qui n'est plus membre de l'UE. La Chine arrive en troisième position. L'UE un commerce qui est clairement excédentaire, et ce depuis longtemps, ce qui veut dire en réalité que la zone vit en dessous du niveau de vie qu'elle pourrait avoir. Et cela fait partie du problème actuel des Européens. Si l'UE semble si dépendante des USA, c'est paradoxalement parce qu'elle veut. Les politiques de contrition économique qui ont été le cheval de bataille de l'UE et de l'euro depuis plus des 40 ans ont mis le continent en situation de dépendance vis-à-vis des relances économiques des USA.
L'obsession particulièrement germanique des excédents commerciaux a fait perdre de vue aux Européens leurs propres capacités à croître sans demande externe. C'est un peu ce qui critique le dernier rapport de Mario Draghi, l'UE doit arrêter d'attendre de la croissance en provenance du reste du monde. Cela la met mécaniquement en situation de soumission vis-à-vis des USA alors qu'elle a un marché intérieur avec un potentiel plus grand que ces derniers en réalité. Le protectionnisme de Trump paradoxalement peut réanimer le débat sur les politiques macroéconomiques en Europe. C'est d'autant plus vrai que les illusions germaniques sur les exportations comme potion magique pour croître semblent avoir du plomb dans l'aile, l'Allemagne entrant dans sa troisième année de récession. La Chine qui monte en gamme et qui est maintenant le pays de l'innovation réelle va s'accaparer petit à petit tous les marchés d'exportation, même celui du cognac, c'est dire. Il est illusoire de vouloir la concurrencer. Et dites-vous bien qu'après la Chine il y aura le Vietnam, l'Indonésie et l'immense Inde.
Si nous ne voulons pas devenir des états d'un nouveau tiers-monde, il ne nous reste plus comme solution que de nous protéger comme veut le faire les USA. Mais pour cela il faut ainsi alimenter la demande, ce qui veut dire à nouveau payer correctement le travail et cesser de vouloir concentrer les richesses et verser des dividendes absurdes aux actionnaires. Nous devons retrouver le modèle économique qui était le nôtre avant les années 70. Un système régulé qui n'interdisait pas l’initiative privée, mais dans un cadre bien déterminé assurant un lien entre la hausse de la productivité et celui du niveau de vie de la population. La confrontation avec Trump est en un sens salutaire, car il peut réveiller les Européens de leur torpeur et de leurs illusions. N'ayez pas peur du protectionnisme américain, au contraire, répondons-leur en taxant leurs entreprises, en favorisant des alternatives technologiques européennes. Le continent a tout à fait la capacité de remplacer très rapidement Microsoft, Google ou Amazon en réalité. Et compensons la baisse des exportations par une relance intérieure. Ils auront en réalité plus de mal à se passer des productions chinoises ou européennes que l'inverse. Mais cela signifie arrêter de se comporter comme des larbins et cela veut dire probablement aussi dissoudre l'UE qui en réalité fait partie du problème et de la domination américaine du continent.