Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Nous avons déjà longuement parlé de l'élection de Trump, mais essentiellement en nous penchant sur l'économie américaine elle-même. On peut se questionner sur la capacité des USA et de Trump à redresser un système qui décline à cause justement de l'impérialisme monétaire américain. Nous avons d'ailleurs vu qu'il y a de fortes contradictions dans les politiques de Trump, car il n'a pas tranché entre l'empire et la nation. Comment le pourrait-il d'ailleurs, aucun candidat aux élections ne pourrait dire ouvertement que pour réindustrialiser le pays, il faudrait probablement réduire le niveau de vie de la population en particulier des 10% d'en haut. Car pour réindustrialiser les USA, il faudrait déjà mettre fin aux avantages du dollar et donc dévaluer. Et tout est une affaire de rythme, les USA étant allée très loin dans la désindustrialisation. Mais nous allons maintenant voir surtout comment le reste du monde et en particulier l'Europe pourrait réagir. Et comme le reste du monde devrait d'ailleurs réagir.
Trump a ceci de particulier qu'il assume ouvertement l'égocentrisme américain. Les commentateurs français en particulier nous présentant Trump comme un nouvel impérialisme américain. La réalité c'est que c'était déjà le cas de ses prédécesseurs et en réalité les USA n'ont jamais été autre chose qu'un pays impérialiste en Europe en particulier depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En France les communistes et les gaullistes de la période d'après-guerre en avaient parfaitement conscience. Hélas, le temps passant, et la compétition avec l'URSS ont fait petit à petit oublier aux Européens qu'ils étaient en réalité occupés par une puissance étrangère. Il y avait bien quelques manifestations de temps en temps aux cris de « US go home », mais cela n'avait pas d'impact sur l'organisation générale de la société. Les Européens tout comme les Japonais se sont en quelque sorte endormis sous le parapluie américain pensant que rien ne changerait plus. Et puis ce n'était pas si mal même s'il fallait payer un tribut par l’intermédiaire du financement des dettes et des déficits US. Malheureusement la disparition de l'URSS mit les USA en ébullition pensant étendre leur empire sur le monde entier alors qu'ils étaient déjà en déclin industriel depuis les années 70.
Cette hubris infernale prit réellement de l'ampleur après l'attentat de 2001 qui justifia tous les délires. Nous vivons la fin de cette période, les USA ont la gueule de bois et désormais revient un peu sur terre, les élites américaines essayant péniblement de corriger le tir en s'attaquant à leur énorme problème de désindustrialisation. L'empire devient plus violent et agressif vis-à-vis de ses vassaux parce que justement ce sont leurs vassaux et qu'ils n'aient aucune chance de répondre à l'empereur, du moins c'est ce que l'empereur actuel croit. Nous allons voir pourtant que les Européens ont toutes les cartes en main pour répondre en réalité. Encore faudra-t-il qu'ils s'en saisissent .
Réaction des BRICS
Commençons par la réaction potentielle des BRICS. Pour l'instant la Russie cherche à gérer la fin de la guerre en Ukraine. On ne sait pas pour l'instant ce qu'il restera de ce pays, mais ce qui est certain c'est que la fin du conflit est proche. La Russie n'a pas à craindre le protectionnisme de Trump pour la simple raison qu'elle a déjà fortement diminué son commerce avec la zone dollar à cause des très nombreuses sanctions. En réalité pour la Russie l'arrivée de Trump ne change pas grand-chose en fait. Poutine a d'ailleurs déjà fait savoir qu'il avait perdu toute confiance dans les Occidentaux pour signer des accords et on le comprend. Il ira certainement au bout du conflit pour assurer la sécurité de sa frontière avec l'ouest. Comme nous l'avions vu, Trump n'a aucune marge de manœuvre pour négocier en réalité, c'est la Russie qui imposera ses conditions. Même s'il est probable que le résultat sera camouflé par toute une campagne pour minimiser la défaite de l'OTAN.
La Chine est par contre beaucoup plus concernée par le changement de régime à la maison blanche. Les USA sont encore un énorme partenaire commercial pour ce pays même s'il a tendance à décliner. L'ASEAN pris dans son ensemble est aujourd'hui le premier partenaire commercial de la Chine suivi de l'UE, mais si l'on parle par pays les USA restent en tête devant le Japon, la Corée du Sud et Taïwan. Hong-kong est un cas à part puisqu'en réalité c'est un port chinois. On a la même déformation des chiffres du commerce avec les Pays-Bas et la Belgique en Europe qui sont devenus les ports du continent si je puis dire. Ces pays sont surreprésentés dans l'excédent chinois par exemple. Mais cela traduit simplement leur rôle de pays de transite pour les marchandises. Donc les rapports commerciaux entre les deux pays restent importants même s'il est clair que la Chine tente de réduire son commerce avec les USA et cherche plutôt à le développer ailleurs en particulier en Inde et en Asie du Sud-est. Rajoutons à cela l'immensité des excédents chinois qui atteignent maintenant 1000 milliards de dollars. Sur ce tas, les USA ont représenté 270 Milliards, soit environ un quart des excédents chinois. Mais cela n'explique qu'une partie parce que les produits chinois passent aussi par des pays intermédiaires. La globalisation ayant très fortement complexifié les rapports commerciaux entre les pays.
Ainsi un appareil peut très bien être fait au Mexique avec des pièces chinoises pour être ensuite exporté aux USA. Cela n'entre alors pas en compte dans l'excédent chinois avec les USA. C'est pour cela que cet excédent sous-estime probablement l'importance de l'excédent de la Chine avec les USA. Il en va de même avec le commerce européen d'ailleurs. On le voit ici, les USA peuvent faire mal à la Chine avec des taxes à l'importation. C'est d'autant plus vrai que la Chine entre désormais dans une déflation et dans une crise de surproduction. Certains décrivent cela comme une évolution similaire à celle du japon. C'est pourtant différent parce que le Japon durant sa crise qui commence à la fin des années 80 a pu faire appel à la demande étrangère pour maintenir sa croissance. Mais le Japon ne pesait pas plus que la CEE de l'époque ou que les USA. Le PIB réel de la Chine a lui dépassé celui des USA en 2017. Les Chinois ne peuvent plus maintenir leur croissance par les exportations, ils sont devenus trop gros pour ça. Trump doit donc penser qu'il a ici les moyens de faire plier la Chine en la menaçant d'aggraver sa crise interne en lui enlevant un de ses marchés d'exportation les plus lucratifs.
En un sens, la Chine se retrouve comme l'UE et le Japon dans une situation produite par sa propre obsession des exportations. Depuis les années 70 les USA sont devenus l'empire de la consommation. Ils ne tiennent pas les vassaux par la puissance de leur production ou de leur technologie contrairement à ce que croient les naïfs, mais par leur consommation nourrie à la dette et à l'émission monétaire du dollar. Ils ont su faire parfaitement usage de leur privilège monétaire même si cela les a conduits à une désindustrialisation massive et à la destruction en réalité de leur société et des classes moyennes. Cependant, la comparaison s'arrête là puisque même avec la demande américaine, la Chine fera quand même face à une poussée du chômage et à une insuffisance de la demande. Comme nécessité fait loi, je ne pense pas que la Chine puisse s'endormir à la manière japonaise dans le confort de l'exportation en se pliant aux ordres US. Elle n'a pas ce luxe. Elle devra donc affronter la contradiction de son modèle interne et Trump ici risque gros, car si la Chine arrive à mettre en place une demande nationale à la hauteur de sa production, les USA perdront même leur privilège de premier consommateur mondial. Les autres zones comme l'UE et le Japon pourraient alors changer de pays d'exportation si je puis dire.
Rappelons aussi que des taxes très fortes d'un coup contre la Chine auraient d'abord pour effet de nourrir l'inflation aux USA, car il y aura très peu d'industrie pour compenser les importations. Et le plus probable c'est que ces taxations ciblées sur un seul pays n’entraînent en réalité qu'un changement dans l'origine du pays d'importation. Les industriels chinois ont d'ailleurs anticipé la situation en mettant en place des lieux d'assemblage dans des pays tiers. Encore une fois, le protectionnisme est un outil nécessaire pour réindustrialiser, mais il doit être manié avec précaution. Et Trump, en réalité comme son prédécesseur, ne cherche pas tant à réindustrialiser les USA qu'à mettre la production sur des territoires dominés par les USA. Les élites US ne voulant pas d'un retour du pouvoir des ouvriers américains sur la part de la valeur ajoutée. Cela fait partie des escroqueries de la communication politique américaine actuelle d'ailleurs.
Nous verrons le sort des autres pays et en particulier des sous-fifres européens dans le prochain texte.