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Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.

L'UE vraiment malade de la régulation ?

Un des principes fondateurs de la construction européenne. On est très loin du communisme

 

S'il y a bien un problème dans la vision politique du monde actuel, c'est bien celle de la description falsifiée et déformée de la réalité. Comme le disait Albert Camus : « Mal nommer les choses c'est ajouter au malheur du monde », et mal nommer les choses c'est devenu presque consubstantiel à la communication moderne. Il ne s'agit pas juste des médias de masse dont le sens de l'éthique n'a que la boussole de l'audimat pour s'orienter. C'est le cas aussi de la communication générale de nos concitoyens même les plus éclairés qui par moment s'emportent en confondant leurs représentations de la réalité avec la réalité elle-même. Et sur ces confusions descriptives, ces mélanges d'idées approximatives sur à peu près tous les sujets, se lèvent quelques manipulateurs qui usent allègrement de ces approximations pour faire valoir leur propre agenda. Je ne saurais dire à quel point des personnages comme Trump ou Musk font partie justement de ces nouveaux manipulateurs. Mais il est clair que des courants de pensée utilisent les confusions actuelles pour faire progresser leurs propres idées.

 

L'une des plus fausses et des plus en vogue en ce moment est l'idée en réalité farfelue de faire de l'UE une espèce d'URSS bis. Je ne parle pas de son destin qui est probablement semblable, mais de son idéologie. La question n'est pas anodine puisque beaucoup d'intellectuels de plateau télé ou de streaming et d'autres manipulateurs de symboles résument l'UE à une machine à produire des normes. Normes qui seraient à la source de tous nos problèmes bien évidemment. Il s'agit là d'une constante critique venue directement d'outre-Atlantique puisque les Américains notablement individualiste et englué dans leur libéralisme à degrés divers s'entêtent à ne voir que l'état comme source de tous leurs maux. Cette haine de toute forme de collectif s'exporte chez nous par l'entremise des libertariens de degrés divers puisque ces derniers n'ont souvent qu'une image elle-même assez approximative de ce qu'est le libéralisme. Nous passerons ici sous silence les paradoxes qu'il y a chez un type comme Musk. Un type qui soutient à la fois le libertarien extrémiste d'Argentine qui est un obsédé du libre-échange, et Trump, qui remet des barrières protectionnistes qui sont pourtant elles une marque réelle de régulation étatique par définition.

 

 

L'UE entre néolibéralisme et ordolibéralisme

 

L'UE n'est pas un régime communiste comme on peut le lire chez des démagos de la droite américaine. Ce n'est pas plus un régime étatiste bien au contraire. Dès le départ la construction européenne a été constituée pour affaiblir les états nations membres. Ce projet était d'ailleurs très explicite chez les « pères » fondateurs de la construction européenne qui n'est pas des défenseurs de l'état, mais bien au contraire des obsédés de la dérégulation avec une admiration pour les USA et une haine profonde pour les états nations européens tous considérés comme responsables du désastre de la Seconde Guerre mondiale. Plus profondément l'UE est une construction qui a été mise en place par la volonté des USA. L'idée de départ était simplement d'assurer le contrôle des USA sur les satellites européens pour faire face au bloc communiste. Il fallait également anesthésier les mouvements communistes qui existaient alors un peu partout en Europe. Rappelons qu'après guerre le communisme en Europe se portait bien. Les partis communistes étaient très puissants que soit en France ou en Italie et il fallait à tout prix empêcher ces partis d’accéder au pouvoir.

 

Il est donc assez risible d'entendre aujourd'hui les mêmes Américains décrire leur bébé comme un machin proche de l'idéologie bolchevique. L'UE a eu deux moteurs, le moteur externe qui a été le déclencheur du système avec une pression et une corruption américaine visant à intégrer économiquement les pays européens dans un même bloc. La construction européenne était alors un peu comme l'équivalent politique et économique de l'OTAN. Mais elle eut aussi un moteur interne par l'entremise de quelques idéologues plus ou moins bien intentionnés. La construction européenne a d'ailleurs eu plusieurs vies. Et l'UE actuelle n'a plus grand-chose à voir avec la communauté économique européenne des débuts. Comme je l'ai déjà expliqué dans d'autres textes, la première Europe, celle de la CEE était relativement viable.

 

En effet, elle n'était composée que de six membres avec la France et l'Allemagne en son cœur. La relative homogénéité du niveau de vie rendait le libre-échange entre ses membres relativement indolores d'autant que cette Europe-là était protectionniste vis-à-vis de l'extérieur. Chaque pays membre avait également gardé sa monnaie, ce qui permettait une adaptation monétaire aux variations des balances des paiements. D'ailleurs, le Franc et la lire Italienne ont très souvent dévalué face au Mark sans que cela ne pose de réel problème quant au fonctionnement de la CEE bien au contraire cela garantissait le dynamisme des pays du sud qui bénéficiait en retour à l'économie allemande sans qu'elle ne s'en rende vraiment compte. Avec l'euro on se rend compte maintenant des dégâts que peuvent produire des unions monétaires farfelues. À bien y réfléchir, la première construction européenne fut en quelque sorte un miracle né du hasard. Cela a fonctionné parce que les conditions géopolitiques et économiques ont permis ce petit miracle. Malheureusement en s'approfondissant et en s'élargissant, la construction européenne va casser ce fragile équilibre.

 

Le premier coup déjà fatal sera donné par la Grande-Bretagne qui en rejoignant l'UE va également y introduire ses propres lubies. A posteriori on peut d'ailleurs se demander si l'entrée de la Grande-Bretagne dans la CEE n'était pas simplement un stratagème américain pour casser une structure qui commençait à devenir trop prospère et gênante pour eux. La fragile cohésion de l'Europe des six sera cassée par l'entrée de la Grande-Bretagne et des autres membres. Et petit à petit, l'UE perdra sa cohésion par l’incorporation progressive de pays n'ayant pas du tout les mêmes niveaux de vie ni les mêmes conditions de production. Le coup final sera l'élargissement à l'Est. Mais cette évolution n'est pas le fruit du hasard. Les forces politiques qui ont conduit à l'avancée de la construction européenne ont été en réalité de plus en plus poussées par des lobbys industriels et économiques dont le seul but était l'abaissement constant des conditions de travail. La libre circulation des capitaux et des marchandises dans un cadre fortement inégalitaire ne pouvant produire qu'une concurrence vers le bas et la démolition des quelques états pratiquant justement des politiques plus favorables aux travailleurs.

 

J'insiste sur ce point, car c'est là qu'est la plus grande forfaiture qu'il y a à décrire l'UE comme un modèle socialiste ou régulateur. Depuis l'acte unique européen, l'UE a complètement dérégulé la finance. Elle a permis à toute entreprise ou personne riche de mettre son argent où elle le souhaite sur le territoire de l'UE. Et certains pays comme l'Irlande en ont largement profité. Cela revient donc à mettre en concurrence toutes les fiscalités des pays membres. La course vers la baisse de la fiscalité pour les entreprises en Europe est partie de cette décision qui date de 1986. Et que dire du libre commerce interne ou des travailleurs détachés ? Si c'est du communisme, il va falloir revenir sur la définition du communisme ou du socialisme. Tout ceci vient en réalité directement de l'influence de l'école de Chicago et des néolibéraux. Alors pourquoi les idéologues libertariens ou autres décrivent-ils l'UE comme une machine à réguler ? Je pense qu'il y a tout d'abord une inconnaissance totale de la réalité de la construction européenne. Ensuite il y a clairement une volonté de camoufler les dégâts de l'idéologie néolibérale aux yeux des naïfs. Car l'UE c'est un pur produit du néolibéralisme américain en très grande partie même si en pratique les idéologues français ont bien participé à cette horreur.

 

Mais l'UE n'a pas seulement dérégulé la finance et le commerce. Elle a aussi, il est vrai, fabriqué une bureaucratie, qui elle, peut effectivement prendre quelques atours de la vieille bureaucratie soviétique. Mais son logiciel de fond est bien libéral. L'UE a dernièrement signé un traité de libre-échange avec le Mercosur. Qu'est-ce donc sinon du libéralisme ? À l'heure actuelle l'UE est beaucoup plus libérale sur le plan économique que les USA dont l'interventionnisme atteint des sommets entre politique protectionniste,injection de subventions massives et interventionnisme géopolitique général. Les quelques restes d'interventionnisme étatiques sont en réalité les résidus de la période précédant l'Acte unique européen qui était en réalité le vrai moteur des économies européennes. Car loin de souffrir d'un trop-plein d'intervention étatique, l'Europe en réalité souffre d'un trop grand laissez-faire. SI l'UE n'a pas de champion dans les domaines de pointe c'est essentiellement parce qu'elle a interdit à ses membres de faire des politiques favorables aux producteurs locaux tout comme elle leur interdit de subventionner les entreprises nationales. La politique de Trump au sein de l'UE serait considérée comme anticoncurrentielle et contraire à la logique libérale, ce qui est tout à fait exact. La fermeture de l'usine qui fabriquait les uniformes de l'armée française n'est qu'un énième exemple des effets de l’obsession de la concurrence « libre et non faussée » de la construction européenne. Elle applique son idéologie jusqu'au suicide collectif. À la limite, ce que l'on pourrait lui reprocher c'est de mettre des normes à ses producteurs tout en les mettant en concurrence avec des zones qui n'appliquent pas ces normes. Mais excusez moi messieurs les libertariens, l'UE n'est pas une organisation soviétique ou socialiste, elle n'est en réalité que la conclusion logique de vos propres croyances. Une société sans état pour réguler l'économie où chacun fait ce qu'il veut, joue sur la concurrence sur le coût du travail ou la fiscalité et où les travailleurs n'ont en réalité aucun droit.

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D
Les libertariens ne seront jamais content de tout façon, leur lubie est impossible.<br /> l'UE a remplacé les nations dans le rôle de normalisation, comme l'illustre l'étiquette CE qui a remplacé l'étiquette NF .<br /> Les europeistes ont répondu au souhait de simplification des marchands.<br /> Il y a un juste milieu a trouver, ces commodités auraient pu se négocier entre nations.<br /> Malheureusement l'UE fait plus que ça, ils interdisent aux nations membres de se protéger. Les mouvements de capitaux de marchandises et de personnes avant l'UE étaient une complexité pour les marchands, mais une complexité qui était nécessaire aux nations.<br /> Puis arrive des réformes par rapport a l'énergie et au CO2 qui laisse perplexe les libéraux.<br /> J'ai l'impression que les europeistes ne se définissent pas tant par le libéralisme. La constante c'est la destruction de l'État-nation. Ils vont montrer une apparence de libéralisme parce qu'il s'attaquent a ce qui limite les échanges entre nations.<br /> Une fois cela fait ils vont faire des politiques qu'auraient pu faire des nations comme la France. Le problème c'est que les différentes nations de L'UE ont des différences notables qui fait quune politique adaptée a tous se voit limitée a un nombre de domaine réduits. L UE est en tous cas un recul de la démocratie pour la France et probablement tous les autres pays membres.
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Y
"L'UE ont des différences notables qui fait quune politique adaptée a tous se voit limitée a un nombre de domaine réduits. L UE est en tous cas un recul de la démocratie pour la France et probablement tous les autres pays membres."<br /> <br /> Pire que cela elle entraine l'effondrement du continent. Une tyrannie ou une bureaucratie autoritaire peut tenir tant que l'intendance suit. Or ce n'est plus le cas. On va vers des temps trouble en Europe parce que l'UE est à la fois tyrannique et inefficace.
L
Bonjour.<br /> Merci de ce texte qui remet la pensée à l'endroit. Je le partage sur les réseaux de 1P6R.<br /> Un complément pour expliquer le "sentiment de sovietisme des libertariens" : Pour qu'un marché fonctionne de manière totalement libre et non faussée selon l'idéologie libérale, il faut que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. C'est cela qui explique pour l'essentiel toutes les normes imposées par l'UE dans le domaine économique.<br /> Une application stricte de l'idéologie libérale donc, et rien d'autre.<br /> Cordialement.<br /> Luc Laforets<br /> www.1P6R.org
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Y
Tout à fait. D'ailleurs si l'on écoute la logique libérale, celle de l'économie libérale bien évidemment, on finit par vouloir une structure apolitique pour gouverner. C'est à dire très exactement l'UE. Un truc normatif totalement neutre et imposant la logique du laissez-faire. Bref, la neutralisation de toute forme de politique. Je le dis souvent, mais il y a fondamentalement une opposition entre le libéralisme politique, celui de la démocratie et le libéralisme économique, celui du saint marché. Les deux ne sont en fait pas compatibles si on va au bout des choses.
L
Réflexion en général judicieuse sur le plan économique même s'il y a malgré tout un éléphant dans votre démonstration ; l'écologie punitive qui prétend réguler toute la vie économique du continent et qui n'est pas tombée du ciel des libertariens (je me fais ici l'avocat du diable). <br /> Il faut pourtant constater que la référence soviétique fonctionne à merveille, probablement parce que la pesanteur du normatif européen affecte toujours plus la vie personnelle des gens dans des domaines aussi essentiels que leur manière de se soigner, d'aimer, d'éduquer leurs enfants, de se distraire, de se nourrir, maintenant de circuler et de s'exprimer, étant déjà dans celle de ne plus pouvoir penser autrement que dans la norme et en respectant la procédure idoine.<br /> Je crois que le cœur du problème est que le néo-libéralisme (je ne parle pas de la vie rêvée des libertariens) secrète tellement d'effets pervers dans sa volonté obtuse de vouloir tout déréguler et tout mettre en concurrence qu'il devient incapable de fonctionner sans enfermer paradoxalement la société dans une bureaucratie coercitive. <br /> C'est en cela que la référence à l'union soviétique vient à l'esprit et encore que - là je risque de faire hurler - quand vous lisez un grand témoin dissident de cette époque comme Zinoviev (son "journal d'un homme en trop" par exemple) vous en venez à vous demander finalement si le totalitarisme russe ne laissait involontairement pas plus d'espace de liberté intellectuelle que le technocratisme boursouflé de l'union Européenne d'aujourd'hui.
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Y
Je pense que si des idéologies théoriquement contraires finissent par produire les mêmes effets c'est qu'elles ont surtout en commun de n'avoir que peu d'intérêt pour le monde réel. Après tout, ce sont des idéologies et par définition elle se structure à l'intérieur de prémisses qui si elles se révèlent fausses finissent par produire l'effondrement de l'ensemble du raisonnement. Donc plus une idéologie est confrontée aux échecs, plus elle tend à ignorer le réel, un peu comme les sectes qui finissent par se couper du reste du monde. <br /> <br /> Il ne faut pas non plus négliger l'aspect corruption du système techno-industriel qui en Europe comme aux USA nourrit tout un tas de mouvement favorable à ses intérêts et pas vraiment à l’intérêt général. Derrière l'écologie politique, il y a beaucoup d'intérêt bassement économique. L'inflation des normes tient aussi comme justification à la croissance du capital et du marché. Là pour le coup il faut relire Jacques Ellul et son « bluff technologique ». La bulle IA dont Elon Musk bénéficie n'est-elle pas nourricière d'une autre forme de parasitisme ?