Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Il ne déçoit jamais les centristes. À chaque fois que l'on s'attend au pire avec eux, ils arrivent à faire pire. Notre illégitime premier ministre, monsieur Bayrou dont on ne sait pas très bien en réalité ce qu'il fiche à son poste, nous a donc fait un discours larmoyant sur la situation désastreuse du pays. La France ne produit pas assez, a-t-il sermonné. J'avoue qu'en entendant ça, j'ai failli recracher mon café tant il s'agit d'une insulte à l'intelligence . Je sais que monsieur Bayrou semble avoir quelques problèmes de mémoire, en particulier sur les implications qu'il a dans quelques affaires judiciaires. Mais tout de même, il a fait toute sa carrière comme centriste en particulier dans le parti de Valery Giscard d'Estaing à savoir l'UDF. Pour les plus jeunes, il s'agissait d'un parti centriste fortement libéral, atlantiste et très pro-européen. Bref, c'était en réalité du Macron avant l'heure. Et l'on pourrait même décrire Macron comme un giscardien attardé en quelque sorte.
Toute la carrière de monsieur Bayrou a été accès sur le triptyque Europe, libéralisme, moralisme. Et dans les années 80, il a fait comme tous ses copains de l'époque, il voulait plus de marchés, plus de dérégulation, plus de franc fort aussi. Parce que ce n'était pas la cohérence qui les étouffait non plus. Nos centristes de l'UDF ils pouvaient à la fois être libéraux dans les discours et dans la manière de déréguler l'économie et en même temps vouloir une monnaie rigide attachée au deutschmark. Ce qui est un illogisme absolu si l'on se réfère aux critères libéraux eux-mêmes. Mais peu importe, la logique, et la raison dont ils se prétendaient les défenseurs, tel était leur credo, la monnaie forte, plus la dérégulation économique. Donc vous comprenez bien qu'il est assez navrant de voir aujourd'hui ce même Bayrou crier à la catastrophe et à la sous-production française alors que toute sa carrière a consisté à démolir les capacités productives du pays.
Et il n'est pas le seul de la bande des bras cassés de l'eurolibéralisme à se pavaner dans les médias en ce moment. Entre Attali, Alain Minc et même Madelin, on voit revenir tous les zigotos de la pensée unique des années 80-2000. Ils sont sans doute sortis de leur retraite en voyant le méchant Trump balancer leur idéologie à la poubelle. C'est que l'heure est grave et les 50 ans d'eurolibéralisme et de globalisme vont être payés chèrement par les Français qui n'avaient rien de demandé en réalité. Car ce courant économico-politique n'a jamais réellement dirigé le pays tout seul, mais il a réussi à imposer sa vision bancale au reste du pays. Ce courant de pensée a d'ailleurs traversé tous les partis puisqu'aujourd'hui en réalité il ne reste plus que ce fond eurolibéral même chez les communistes. À gauche il fut représenté par les deux grands traîtres de la gauche que furent Jacques Delors et Michel Rocard même si ce dernier a eu quelques moments de regrets à la fin de sa vie.
Alors on peut se demander comment la France a pu passer si vite d'une société capitaliste, certes, mais avec un état régulateur et protectionniste à une société néolibérale dérégulée et cela en grande partie avec en théorie des socialistes au pouvoir pendant les années 80. Je dirai ici que les médias de masse et en particulier la télévision ont joué un rôle essentiel dans cette histoire. Ce que l'on a appelé la pensée unique c'est-à-dire le monologue libéral qui a petit à petit envahi la totalité des médias n'aurait jamais existé sans le rôle central de la télévision. Pierre Bourdieu avait lui-même montré comment à partir des années 70-80 les anciens médias comme la presse écrite ont perdu du poids par rapport à l'invasion médiatique du petit écran.
Les journaux du 20 heures de TF1 ont pris alors un poids auquel un jeune de 20 ans en 2025 aurait bien du mal à imaginer. En effet la télévision est aujourd'hui un média en déclin même si sa capacité de nuisance reste forte surtout chez les plus âgés. Mais en 1975 ou en 1990, la télévision était toute puissante. Elle façonnait les esprits et certains propagandistes l'ont vite compris. À l'image de l’invraisemblable Bernard Henri Levy dont la carrière de pseudophilosophe commence à la télévision dans les émissions de Bernard Pivot sur Apostrophes en 1977. Du point de vue académique BHL n'existait pas. Il n'était même pas philosophe, il n'a jamais passé les examens nécessaires. Il n'a donc jamais été reconnu par ses pairs. Mais grâce à la télévision, il va être adoubé comme philosophe. Il a en quelque sorte utilisé la télévision comme passe-droit pour griller le fonctionnement normal des institutions universitaires.
Ce fonctionnement de parasitisme intellectuel fabriqué par la télévision va être opéré de la même manière dans beaucoup de secteurs intellectuels. Les écrivains eux-mêmes seront de plus en plus fabriqués par la télévision et bien évidemment ce fut la même chose en politique ou en économie. On notera que le phénomène n'est pas terminé puisque la télévision fabrique toujours ses « intellectuels », mais elle est maintenant concurrencé par internet et YouTube ce qui n'est pas forcément beaucoup mieux il faut bien le dire. Même si pour le coup le système central contrôle beaucoup moins la fabrication des « élites ». C'est d'ailleurs très certainement ce qui les chagrine le plus dans le phénomène des médias sur internet. La pensée unique fut donc avant tout le produit d'un moment historique où nos sociétés ont été soumises à un monologue intellectuel sans fin. Le néolibéralisme avait gagné et c'était la fin de l'histoire surtout à la chute du communisme.
La France a la gueule de bois de la pensée unique
Bien évidemment la réalité était tout autre. Les mauvais signaux économiques se sont vite multipliés dès les années 70. La dérégulation financière a en réalité favorisé l'inflation et les délocalisations ont vite produit du chômage dans nos pays. La croissance ralentit dès le début de l'introduction du néolibéralisme d'ailleurs. Mais on va camoufler tout ça en créant de la dette. Étrangement les idéologues de la pensée unique vont utiliser le seul outil keynésien qu'ils connaissaient la dépense publique. Ils ont jeté Keynes à la poubelle, mais ils ont gardé le seul instrument de la relance. En particulier aux USA. Bien évidemment les plans de relance ont fonctionné de moins en moins bien au fur et à mesure que les importations remplaçaient les productions locales. Aux USA c'est particulièrement visible avec la décroissance du multiplicateur keynésien.
Le discours de monsieur Bayrou est donc en réalité une autocondamnation même s'il ne donne pas vraiment l'impression de s'en rendre compte. Bayrou vient tout simplement de reconnaître l'échec de sa propre idéologie. Mais pensez-vous donc qu'il en tire les bonnes conclusions ? Bien évidemment que non. Il ne remettra jamais en cause l'UE, l'euro, le libre-échange ou la libre circulation des capitaux. Il va taper sur les boucs émissaires classiques des eurolibéraux, les fonctionnaires, les pauvres, les chômeurs qui sont forcément des fainéants. La similitude avec l'effondrement de l'URSS et ses intellectuels qui pensaient que si cela ne marchait pas c'était qu'il n'y avait pas assez de communisme est assez étonnante quand on pense à l'opposition idéologique théorique entre ces deux courants. Comme l'avait prédit Emmanuel Todd, les néolibéraux ont gagné la bataille médiatique. Ils n'ont plus qu'un seul ennemi, la réalité. Et contre elle, tous les monologues télévisuels, tous les discours larmoyants n'y feront rien, elle vous broiera impitoyablement et les Français avec malheureusement. Plus que jamais les propos d'Albert Jacquard résonnent, les conformistes sont dangereux. Et les conformistes de l'eurolibéralisme sont probablement parmi les plus dangereux conformistes qui ont jamais sévi dans l'histoire de France.