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Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.

La dévaluation du dollar, une mauvaise chose ?

 

Ce qui caractérise les réactions modernes des médias et plus généralement des hommes de pouvoir aujourd'hui c'est leur incapacité de plus en plus voyante à analyser les problèmes et l'actualité de façon neutre et posée. Il n'y a plus de recul ou d'analyse froide des situations. L'on parle souvent de machiavélisme pour caractériser des stratégies cyniques, mais il faut rappeler tout de même que selon Machiavel lui-même le cynisme pouvait être utilisé s'il s'agissait de défendre en réalité le bien commun. Du cynisme et du réalisme machiavéliques c'est bien ce qui manque aux dirigeants français et européens d'aujourd'hui. Les seuls moments où ils se révèlent stratèges, n'étant que pour défendre leurs propres petits intérêts.

 

Quoiqu'il en soit, cette absence permanente de rationalité et de sens des réalités se retrouve un peu partout. Ainsi les discours irréalistes pendant le Covid où des décisions collectives totalement irrationnelles ont été prises sous l'influence de la peur. Ou encore les discours stupides sur la Russie, ses faiblesses et son effondrement inéluctable suite aux sanctions occidentales, ont montré cet incroyable manque de discernement non seulement des décideurs occidentaux, mais aussi de toutes les couches sociales dominantes, en particulier dans les médias. Cette façon de penser qui consiste à regarder les événements de façon idéologiques sans se soucier du réel se retrouve dans à peu près tous les domaines. Dans les politiques énergétiques absurdes par exemple qui consistent à remplacer notre électricité nucléaire déjà décarbonée par des énergies intermittentes beaucoup plus chères et nécessitant l'utilisation de gaz ou de charbon à côté pour compenser. C'est un autre exemple de l'idéologie qui aveugle les modernes.

 

Il n'est pas très étonnant de voir la même chose en économie. Nous avons dernièrement longuement parlé des questions tarifaires de Trump. En particulier du fait que le protectionnisme devait être progressif et accompagner une politique plus générale de reconstruction de la base industrielle de leur pays. Des économistes l'ont très justement fait remarquer dernièrement, les USA ne sont plus le pays qu'ils étaient encore en 1970. Et les tarifs protectionnistes auront un effet beaucoup plus inflationniste que ceux qu'ils ont eus dans le passé de ce pays. La base industrielle s'est fortement étiolée, la population s'est détournée des études scientifiques et techniques pour des raisons économiques évidentes liées justement à la globalisation. Réindustrialiser les USA sera donc probablement l'affaire d'au moins une génération. On peut accélérer ça avec de bonnes politiques publiques en particulier sur l'éducation, la formation professionnelle et l'investissement public. Mais même avec les meilleures politiques possibles, il y aura un temps incompressible pour passer d'une société impériale de consommateurs à une société nationale équilibrée qui produit ce qu'elle consomme.

 

Cependant, nous avions aussi vu que comme le dit très régulièrement Emmanuel Todd, le principal adversaire économique à la réindustrialisation des USA c'est le dollar. Ou plus particulièrement le statut du dollar comme monnaie de réserve et d'échange international. En effet, ce statut leur permet littéralement de s'endetter gratuitement avec des dollars, qu'il ne tient qu'à eux d'émettre comme disait de Gaulle. Mais comme nous l'avons vue, c'est un avantage à doubles effets. Cela leur permet effectivement aux USA depuis 1971, date du décrochage du dollar de l'or, de s'endetter sans intérêt ou presque et en plus d'exporter leur inflation. Pour la simple raison que les autres nations sont obligées d'acheter des dollars pour ne pas voir leur monnaie trop s'apprécier ce qui mettrait fin à leurs exportations. L'empire américain c'est le produit de cet « avantage » qui les a mis dans une situation de consommateur en dernier ressort. Et comme on l'a vue pendant la crise de 2008 lorsque les USA cessent de consommer ou réduisent fortement leur déficit commercial de moitié la planète entière entre en récession. En particulier les deux pays mercantilistes du système global que sont l'Allemagne et la Chine.

 

En théorie la Chine est moins dépendante qu'avant des USA

 

Et les effets récessifs mondiaux de la réduction des importations vont bien au-delà du poids théorique des USA sur la consommation mondiale. Ce qu'avait d'ailleurs curieusement souligné l'économiste Jean-Luc Gréau à l'époque. Même si théoriquement la Chine se vante d'avoir en partie déconnecté directement son économie des USA en augmentant surtout le pays des autres pays d'Asie dans son commerce il n'est pas certain que le choc d'une réduction importante des importations US n'aura pas d'effet grave sur l'économie chinoise. Ainsi certains économistes soulignent que les exportations de la Chine vers les USA ne représentent plus que 2,8% du PIB chinois donc que l'impact des mesures sera minime pour elle. C'est à mon avis oublier un peu vite qu'une grande par des exportations vers les USA passe par des intermédiaires. La Chine produit tout un tas de pièces utilisées par d'autres pays pour exporter vers les USA. De sorte qu'indirectement si ces pays sont frappés par le protectionnisme US , cela réduira aussi les exportations chinoises vers le reste de l'Asie ou l'Europe.

 

Il ne faut pas sous-estimer l'extrême complexité que la globalisation a produite ces 50 dernières années. Nous sommes face à un système instable et fortement chaotique qui pourrait produire de grosses surprises avec les changements rapides d'organisation. Quoiqu'il en soit, le dollar fait partie intégrante du problème américain de désindustrialisation. Pourquoi produire des biens si vous pouvez tout importer pour beaucoup moins cher ? À l'image des Espagnols de l'âge d'or, les Américains se sont retrouvés avec une corne d'abondance qui a fini par ruiner leurs manufactures et leurs capacités de production. Comme je l'ai déjà dit, la volonté de Trump de sortir de ce piège et de réindustrialiser est tout à fait louable et ne souffre d'aucune critique rationnelle possible. La seule question est de savoir comment faire sans tout casser ou provoquer une catastrophe économique globale.

 

Dévaluation progressive ou perte de contrôle ?

 

C'est dans ce contexte que l'on a donc entendu nos médias faire de l'idéologie monétaire. Depuis quelques jours le dollar s'est déprécié face à l'euro et aux autres monnaies. De suite, cette baisse s'est traduite dans les discours comme une marque de l'affaiblissement des USA et d'un renforcement de l'UE. Ces réactions traduisent tout d'abord cet aveuglement idéologique dont j'ai parlé précédemment. La détestation de Trump, et la peur d'un changement massif de paradigme dans l'organisation économique mondiale poussent nos élites à dire n'importe quoi, littéralement. En 2008, le taux de change de l'euro était bien plus fort qu’aujourd’hui, il fallait presque 1,5$ pour avoir un euro et pourtant personne ne parlait d'effondrement des USA de Bush ou d'Obama. Avec un taux de change à 1,14, on est même encore en dessous du taux de change de l'euro en 2004. Donc la dévaluation actuelle est déjà extrêmement relative. Ce qui a caractérisé le taux de change récent était plutôt un dollar trop fort.

 

Quand on regarde sur une longue période le taux de change actuel entre l'euro et le dollar est à relativiser

 

Le second facteur est une incompréhension de la monnaie en particulier en France, le pays du fantasme de la monnaie forte. La dévaluation signifie pourtant une baisse du coût des exportations et une hausse du coût des importations. C'est à dire très exactement ce que cherche à faire Trump avec ses droits de douane à savoir relocaliser les activités productives. Quand vous baissez de 10% votre monnaie par rapport à la monnaie du pays avec lequel vous commercez cela revient à baisser tous vos prix de 10%. Et parallèlement à augmenter tous les prix des marchandises du pays en question avec lequel vous commercez de 10%. Cela joue aussi sur les services. Le Japon qui a fortement dévalué sa monnaie depuis deux ans a connu une explosion du tourisme par exemple parce que le japon coûte moins cher pour voyager dans les autres devises. Ce qui s'est traduit par une amélioration de la balance commerciale japonaise. Il est donc assez curieux de voir les gens parler d'une catastrophe pour une dévaluation américaine somme toute assez faible et qui accompagne en pratique les objectifs de Trump.

 

Cela ne veut pas pour autant dire que l'on ne va pas assister à terme à des catastrophes ou à des changements monétaires brutaux.Comme je l'ai dit, le statut du dollar est un énorme problème, pour les USA et pour le reste de la planète. Et nous ne sommes pas à l’abri d'une catastrophe. Cependant, les derniers soubresauts en la matière semblent loin d'être le début de l'effondrement du dollar. D'autant qu'en réalité personne n'aimerait que cela arrive, car cela signifierait l'évaporation des dettes et des titres libellés dans cette monnaie. Les banques centrales du monde entier soutiendraient probablement le dollar pour éviter une telle catastrophe. Ce qui est certain par contre c'est que les difficultés de la zone euro vont s'aggraver avec la hausse de l'euro. En particulier en France, notre pays croulant déjà sous les déficits commerciaux. Nous mourrons tous de notre fantasme de monnaie forte.

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