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19 août 2024 1 19 /08 /août /2024 15:48
Trum n'a rien trouvé de plus con pour décrire son adversaire politique. Mais ça fait du bruit sur les réseaux...

 

La campagne électorale aux USA continue son bonhomme de chemin et ce que l'on peut apercevoir c'est la nullité de plus en plus forte des caricaturales des débats publics. Les USA, nous le savons, sont largement en avance sur nous en matière de dégradation du système démocratique même si l'on pourrait longuement objecter que les USA n'ont jamais réellement été une démocratie. Surtout si l'on analyse leur système politique qui est grandement fait pour empêcher les couches populaires de peser dans la balance politique. Mais si les USA ont toujours un problème de violence politique, une violence qui est assez structurelle dans cette société expérimentale, elle atteint aujourd'hui des niveaux grotesques entre les démocrates et les républicains. Surtout si l'on convient du fait que la différence de politique pratique entre les deux courants est en fait assez mince. Rappelons que les USA ne sont plus vraiment une nation même s'ils se dépeignent comme tels. 80 ans de domination sur le monde et de maîtrise de la monnaie mondiale avec le dollar ont profondément changé ce pays .

 

Comme je l'ai longtemps répété, les USA sont en fait devenus un empire surtout à partir des années 70 et de la déconnexion du dollar de l'or. Une déconnexion qui leur a fait perdre la contrainte de maintenir un certain équilibre économique en particulier sur la balance commerciale. Un empire qui ne s'assume pas, mais un empire quand même puisque vivant en grande partie sur le dos de leurs vassaux. Alors bien évidemment il est ici parfois difficile de distinguer leur rôle impérial des questions purement macroéconomiques. S'il est vrai que les USA ont un rôle primordial dans le maintien de la demande mondiale, c'est bien leur rôle monétaire qui leur a donné cette prépondérance, les USA n'ayant pas besoin d'équilibrer leur balance des paiements contrairement aux autres pays du monde. L'empire américain se maintient non seulement par sa violence militaire et ses capacités de nuisance, d'influence et de corruption, mais aussi par la vision économique erronée des autres nations. Ainsi les USA peuvent-ils continuer à maintenir leur emprise sur l'économie mondiale parce qu'ils sont les seuls à avoir conscience du problème de la demande adressée aux entreprises.

 

En Chine ou dans la décadente zone euro, on est prisonnier d'une vision néolibérale mercantiliste où la demande est déconnectée de la question des revenus distribués et des politiques monétaires. On attend, on produit, quelqu'un finira bien par acheter ce qu'on fabrique. S'il est stupide de vouloir consommer sans produire, il est tout aussi stupide de produire sans pouvoir vendre. Il est donc assez grotesque de décerner des trophées comme le font les économistes en vogue aux pays qui accumulent des excédents et de mauvais points à ceux qui accumulent des déficits. En réalité, les uns ne pourraient exister sans les autres, c'est une sorte de système d'interdépendance malsaine assis sur l'accumulation de dettes privées et publiques. Que les unes arrêtent de consommer et c'est la dépression que les autres arrêtent de produire et c'est la pénurie planétaire ! Dans ce contexte, la politique américaine n'est plus vraiment américaine, elle est une gestion de l'empire et du gros atout qu'est le statut du dollar. J'ai pris un peu de temps pour expliquer ça, mais cela me semble très important à dire. Les deux gros partis américains sont justes en désaccord pour savoir comment défendre l'Empire. Et même si Trump apparaît comme un isolationniste, ce qu'il est peut-être, il sera contraint par cette réalité. C'est d'autant plus vrai que le service de la dette US vient d'atteindre des niveaux invraisemblables. Plus que jamais la question du statut du dollar est donc en jeu pour ces élections, même si les élites US ne parlent jamais de ça aux électeurs.

 

Tout le problème des élites américaines est donc de savoir quel est le meilleur moyen de défendre l'empire. Les démocrates pensent qu'il faut continuer à taper sur la Russie et maintenir l'Europe aux ordres tout en tapant un peu partout avec le gros marteau impérial. Les républicains sont plutôt dans une optique de replis impériale et de concentration des moyens sur les vrais ennemis de l'Empire, en l'occurrence la Chine. On pourrait donc dire en un sens que la différence entre Trump et Harris sur cette question c'est la façon de voir la situation impériale. Pour les democrates, l'Empire reste invulnérable. Il peut affronter la Russie et la Chine sans problème. Il peut même encore accroître ses déficits sans tenir compte du risque pour le dollar. Pour Trump l'empire est au bord du précipice et il faut tout faire pour empêcher sa chute, car on ne sait pas ce qu'il ressortirait d'une panique sur la valeur du dollar. À mes yeux c'est ça le centre du débat aux USA. Le wokisme et tout le reste ne sont là que pour faire pencher la balance électorale aux yeux d'électeurs assez peu politisés en réalité. C'est dans ce contexte qu’apparaît la forte dégradation du discours politique qui devient de plus en plus caricatural puis qu’aucune question de fond n'est jamais abordée.

 

La dégradation du débat public

 

Cette dégradation n'est pas nouvelle cependant et elle ne touche pas que les USA. En France on a vu l'incroyable absurdité du barrage au RN qui s'est transformée en une machinerie de communication visant à interdire le pouvoir aux couches populaires. On a même vu LFI ressusciter le PS et le parti présidentiel pour faire barrage à une extrême droite essentiellement imaginaire, puisque le programme du RN aurait très bien pu être celui du RPR des années 80. Cette course à la caricature médiatique arrive donc même à convaincre les partis d'agir contre leurs propres intérêts électoraux les plus rationnels. Aux USA on a des attaques à base d'anathèmes ridicules, d'un côté Trump serait un fasciste, de l'autre Harris serait une communiste. On marche littéralement dans le n'importe quoi, il ne faut rien connaître du fascisme ou du communisme pour arriver à de telles descriptions. Le problème c'est que les deux camps se renvoient sans cesse ces caricatures sans queue ni tête tout en pensant qu'ils sont les seuls à être sérieux alors qu'en réalité aucun des deux côtés n'est vraiment sérieux. Cet emballement de communication électoral n'est pas nouveau, c'est le produit de la communication moderne à base de médias audiovisuels. Nous avions déjà un peu abordé cette thématique dans un texte consacré aux médias « Pourquoi les médias sont-ils malsains ? ».

 

Tout tourne autour de la communication et de l'amplification produite par le système de la communication moderne. Un système qui par nature rend de plus en plus hystérique la parole des intervenants . En un sens, la mécanique de la course à l'audience et à l'audimat transforme même les génies en idiots débitant des âneries tant que cela fait parler d'eux. La mécanique qui a fait passer la télévision française de l'ORTF relativement sage et structurée culturellement en une machine à produire des bêtises par la mécanique du marché dérégulé se retrouve dans tous les secteurs fonctionnant à base de course à l'audience. Le milieu du streaming est particulièrement révélateur sur cette mécanique implacable d'abrutissement généralisé. On peut en dire autant des réseaux sociaux, ce ne sont pas vraiment les comptes les plus sérieux qui sont les plus suivis. Il n'est donc guère étonnant de voir la même évolution dans le milieu politique. On peut dès lors très raisonnablement se poser la question de savoir si la démocratie est viable avec le système de communication moderne. À titre personnel, je pense que non. Car une démocratie n'est pas qu'un système politique organisé autour du vote. C'est aussi, et même surtout, une culture, une façon d'organiser les relations entre les citoyens et le politique.

 

Pour fonctionner, une démocratie a d'abord besoin d'une population qui fait de la politique et qui est donc politisée. Politisée cela ne veut pas dire voter tous les cinq ans. Cela veut dire suivre l'actualité, s'instruire des sujets importants, s'engager dans les partis, les syndicats et les groupes politiques. Dans notre société de consommation, ce critère très important est déjà assez absent, les partis ne rassemblant guère de citoyens. La démocratie c'est aussi un système où les citoyens sont bien informés. Là encore, on botte en touche que ce soit en France ou aux USA. Avec des médias aux mains des puissances d'argent ou de l'état l'information se confond souvent avec la propagande. Et le monologue qu'est devenue l'information officielle en dit déjà long sur l'état réel de l'information en occident. Osons le dire, quand tout le monde dit la même chose, c'est que plus personne ne pense. Enfin, il faut un personnel politique qui parle des problèmes de fonds. Mais comme on l'a vu, la communication a remplacé les discours de fond parce que les discours de fond n'intéressent pas les consommateurs, cela n'intéresse que les citoyens, mais ils sont en voie d’extinction.

 

On peut donc assez vite conclure que cette dégradation du discours politique est à la fois une cause et une conséquence de la dépolitisation de nos sociétés et de la mécanique de course à l'audience. Sans règle stricte pour organiser les débats, sans citoyens éclairés et médias faisant leur job, le politique raisonnable et parlant avec sérieux n'a tout simplement aucune chance d'exister médiatiquement et donc politiquement. De là à penser que notre système est une immense machinerie à sélectionner les pires des individus, il n'y a qu'un pas. Mais cela explique assez bien la dégradation du personnel politique dans nos sociétés. Les débats publics vont de plus en plus se résumer à un manichéisme grotesque singeant les chasses aux sorcières du moyen-âge tardif et de la renaissance.

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5 février 2024 1 05 /02 /février /2024 16:03

 

Nous reprenons donc notre critique du dernier livre d'Emmanuel Todd au moment où il analyse la situation en Grande-Bretagne et rapidement dans le monde scandinave. La partie consacrée à la Grande-Bretagne est en un sens assez triste. On sait combien Emmanuel Todd est attaché à ce pays. Il y a fait une partie de ses études et de sa vie. Son côté atypique vient probablement en grande partie de sa double formation entre la France et la Grande-Bretagne. Il ne faut donc vraiment pas voir ses critiques comme étant nourri par une quelconque anglophobie. Il en va de même d'ailleurs pour les USA ensuite. Il regarde juste froidement les données qu'il utilise et essaie de les interpréter. Todd semble penser que les Anglais ont voté pour le Brexit pour de mauvaises raisons désormais. Essentiellement parce que les choix de la Grande-Bretagne postBrexit semblent assez mauvais. Il faut dire que la Grande-Bretagne n'a pas rompu avec son néolibéralisme traditionnel. Et il n'y a pas vraiment de volonté de réindustrialiser le pays. Les errements politiques des dirigeants britanniques et leur étrange hargne contre la Russie ont convaincu Todd qu'il y a désormais quelque chose de pourri au royaume de James Bond.

 

Todd fait notamment cette remarque statistique invraisemblable, en 2019, la probabilité qu'un jeune anglais blanc puisse faire des études supérieures était de 33%, alors qu'elle était de 49%pour les noirs, et de 55% pour les asiatiques. Il note que les élites anglaises sont en fait de moins en moins anglaises. Il met cela sur le compte de l'effondrement éducatif allié à l'effondrement de la croyance religieuse protestante qui jouait un rôle dans les efforts pour l'instruction. On pourrait y rajouter une xénophilie des élites qui n'est probablement pas étrangère non plus à cette situation. Autre marque de l'effondrement anglais, ils rétrécissent. On sait depuis longtemps qu'il y a une corrélation très forte entre la nutrition et la taille. Ce n'est pas un hasard si la taille moyenne de la population a augmenté dans les années d'après-guerre. On peut donc effectivement conclure que, sauf exception particulière, la baisse de la taille des enfants n'est pas un très bon signe sur l'état de santé de la population et son accès à la nutrition. Cependant, il faut faire attention avec ces données. Le Japon par exemple connaît aussi une baisse de la taille de sa population. Les Japonais les plus grands sont nés entre 1975 et 1980. Depuis, leur taille diminue légèrement. Mais ce n'est pas lié à un problème d'accès à la nourriture, mais plutôt aux pratiques médicales, les médecins japonais limitant très fortement la prise de poids des femmes enceintes au Japon. L'obsession de ne pas grossir aussi joue probablement aussi, les Japonais sont un des rares pays développés à échapper à l'augmentation de l'obésité. Il se peut que ce comportement ait joué sur la taille de la population. On le voit bien dans cet exemple, le lien avec la situation économique n'est pas automatique si je puis dire.

 

Pour Emmanuel Todd cet effondrement anglais est lié à la situation religieuse. Le Thatchérisme était en quelque sorte l'émanation de ce nihilisme produit par l'effondrement religieux. Il fallait prendre au mot la dame de fer lorsqu'elle disait que la société n'existe pas. On pourrait ici contredire Todd en disant simplement que les couches sociales aisées ont pris tout le pouvoir et que tout ceci n'a pas grand-chose à avoir avec l'effondrement religieux. Todd lui-même parle ensuite des pays scandinaves pour montrer dans leur caractère belliqueux récent la marque de ce nihilisme. Mais les pays scandinaves n'ont pas été touchés comme la Grande-Bretagne par un effondrement du système de santé ou du système éducatif comme Todd le dit lui-même d'ailleurs. À titre personnel je pense que l'influence des USA joue aussi son rôle dans le comportement de la Suède et du Danemark sur le plan géopolitique. Il n'est même pas sûr que ces pays aient une réelle politique indépendante. Y voir les effets de l'effondrement de la religion me paraît tiré par les cheveux.

 

L'empire américain et son effondrement

 

Nous venons maintenant au cœur du livre même si la partie précédente sert d'assise à la logique d'Emmanuel Todd. Les USA sont la nation du protestantisme et c'est ce protestantisme qui a nourri leur dynamique historique en matière d'alphabétisation précoce. Emmanuel Todd le rappelle même si c'est un fait assez connu. On pourrait d'ailleurs rajouter que c'est aussi ce protestantisme qui a nourri leur démographie. On l'a un peu oublié, mais les USA ont eu une natalité bien plus forte que l'Europe à la même période. Les Américains faisaient encore plus de 3 enfants par femme à la fin des années 60, la France du baby-boom c'était 2,6. On met souvent la dynamique démographique des USA sur le dos de l'immigration, mais en réalité c'est surtout la forte fécondité qui a créé leur dynamique. Une forte fécondité qui rendait d'ailleurs beaucoup plus facile l'assimilation des immigrés européens qui avaient souvent moins d'enfants que les locaux. Mais j'avais déjà parlé longuement de tout ceci dans mon texte consacré à la situation démographique américaine.

 

Pour Todd l'effondrement du protestantisme aux USA est marqué par le fait que les dirigeants du pays ne sont même plus de culture protestante. Le comportement erratique des USA, extrêmement belliqueux et en même temps incohérents, vient de la perte de valeur collective cimentant les élites. Le côté irrationnel est effectivement voyant en terme géopolitique. Les USA n'avaient par exemple absolument aucun intérêt à se mettre la Russie sur le dos. Bien au contraire, une Russie dépendante de l'Allemagne et donc des USA aurait été bien plus intéressante pour eux. Surtout pour faire face à l'immense Chine puis à la montée de l'Inde ensuite. Au lieu d'amadouer les Russes, les dirigeants américains les ont jetés dans les bras de la première puissance industrielle de la planète. Il faut bien comprendre qu'au-delà de la question de la démocratie, des libertés et de toutes ses fariboles dont on abreuve les médias, ce sont surtout les intérêts matériels des nations et des élites des nations qui structurent normalement les politiques étrangères. Il est effectivement très curieux de voir les dirigeants américains favoriser leur principal concurrent pour des questions pour lesquelles ils n'ont jamais eu d'intérêt réel dans le passé. Qui peut réellement croire que les USA se battent pour la démocratie ? Soyons sérieux, on parle d'un pays qui a fait bombarder et mis sous blocus des nations qui avaient eu le malheur de mal voter. On pensera au Chili par exemple. Les USA ont toujours agi dans leurs intérêts à plus ou moins court terme. Même si ce n'était pas toujours de façon très intelligente, il est vrai. Mais là on peut être d'accord avec Todd sur le fait qu'il y a une bizarrerie dans leur comportement anti-russe.

 

Alors le nihilisme peut être une explication. Mais on peut aussi se poser des questions quant à la structure du pouvoir aux USA. Y a-t-il vraiment un pilote dans l'avion ? La grande séparation des pouvoirs et la multitude de structures de pouvoir en concurrence les unes avec les autres pourraient aussi expliquer en partie les comportements étranges et contre-productifs de ce pays. On l'a vu avec l'élection de Trump. Le président et son équipe sont loin d'avoir les rênes sur ce qui se passe au niveau des actions générales entreprises par les USA. On se souvient du discours d'Eisenhower sur le complexe militaro-industriel américain qui risquait de prendre le pouvoir. Les USA sont le pays de l'individualisme, mais aussi des communautés. C'est-à-dire des groupes fermés qui agissent comme des entités indépendantes par rapport à la société. On pourrait voir dans la cacophonie géopolitique américaine le fruit pourri de ce communautarisme et de cette façon d'organiser la société, chaque groupe agissant dans son intérêt sans penser à l'ensemble de l'intérêt national. Ce n'est pas forcément plus rassurant que l'hypothèse Toddienne d'un nihilisme autodestructeur pour être honnête.

 

L'économie US

 

Nous arrivons au point faible de son essai à mes yeux, le volet économique. Je vais commencer par dire que je suis globalement d'accord avec la thèse de Todd sur l'effondrement de la puissance économique américaine. Ce n'est pas sur les conclusions que je vais être en désaccord, mais surtout avec la méthode qu'il emploie. En fait, la partie consacrée à l'économie américaine est assez courte alors qu'elle est d'importance sur la fin du livre et sur les réflexions de Todd. Je m'avance peut-être, mais j'ai l'impression qu'il a négligé cette partie du livre parce qu'il avait déjà fait des analyses plus poussées dans ses œuvres précédentes. « Après l'Empire » et surtout « L'illusion économique » sont indubitablement supérieures sur cette question et je vous renvoie à ces deux livres pour compléter l'analyse plus superficielle que Todd fait dans celui-ci.

 

Pour résumer, les USA sont une puissance qui consomme plus qu'elle ne produit. Une nation qui n'arrive plus à produire et qui dépend toujours plus des importations pour fonctionner. Le PIB américain est en quelque sorte fictif, bidon. Et si Todd parle de l'effondrement du protestantisme pour expliquer en partie cette réalité, ainsi que de l'effondrement éducatif, les jeunes Américains se détournant largement des sciences. Il rappelle tout de même le rôle joué par le dollar. Je pense d'ailleurs qu'il se met dans ce livre à sous-estimer les effets de la monnaie en général sur l'économie. On l'a pourtant vu avec la France qui voit sa balance commerciale s'effondrer depuis la mise en place de l'euro. La corrélation est extrêmement forte. C'est la même chose pour les USA. Est-ce que les USA auraient aussi mal tourné si le dollar n'avait jamais été la monnaie universelle ? Même avec l'effondrement de la croyance religieuse, je ne pense pas qu'ils auraient pu connaître un tel effondrement industriel. Simplement parce qu'ils n'auraient pas pu importer autant pour compenser. La vie c'est des contraintes. Elles nous embêtent souvent, elles nous limitent, mais elles sont aussi le pouvoir de nous structurer. Elle nous force à agir contre elle en quelque sorte. Les USA ont en quelque sorte une économie malade de ne plus avoir de contraintes. La seule qu'ils ont étant le chiffre du plafond de la dette sans cesse mise à un niveau plus élevé avec le petit jeu de la frayeur du moment. Va-t-on relever le plafond de la dette ? Cela occupe les médias, mais il n'y a en réalité jamais de suspens sur la conclusion.

 

À mon sens Todd a sous-estimé dans son livre le poids des politiques macroéconomiques sur la société en général et peut-être surestimé les effets socioculturels et anthropologiques. Pour revenir sur la question du PIB, Todd se perd dans une tentative un peu maladroite pour essayer de mesurer la réalité du PIB américain. Je pense qu'il aurait plutôt dû s'appuyer comme il l'avait fait autrefois sur les PIB exprimés en parité de pouvoir d'achat. Une méthode qui a déjà le mérite de prendre en compte le coût de la vie locale et l'inflation. Je vous renvoie à mon texte sur l'illusion économique américaine sur ces questions. Comparer des nations entre elles avec des instruments comme le PIB est très difficile. Il vaut mieux s'appuyer comme on le faisait autrefois sur les capacités de production. C'est ce que fait succinctement Todd d'ailleurs. Sans entrer dans une relation de prédation comme le fait Todd, on pourrait décrire le modèle américain comme la conclusion d'un comportement macroéconomique étatique en contradiction avec son modèle pratique. En gros, les USA ont voulu à partir des années 70-80 devenir néolibéraux et détruire toutes les frontières commerciales et financières. Mais ils n'ont pas voulu les conséquences de ce modèle à savoir la hausse du chômage et l'appauvrissement d'une partie croissante du pays. Ils ont donc continué à faire des relances de type keynésiennes de l'époque fordiste qui l'avait précédé.

 

L'abscence des USA sur le Podium des producteurs de machines-outils en dit long sur la réalité de leur économie.

 

Ils ont gardé la maxime de Keynes qui disait qu'il valait mieux payer les gens à creuser des trous et à les reboucher plutôt que de laisser la dépression et le chômage s'installer. Mais dans le modèle keynésien, l'économie était relativement fermée. L'argent injecté pour consommer par les creuseurs de trou faisait donc tourner la machine économique et évitait la dépression. Mais les USA ont abandonné les frontières avec le néolibéralisme. L'argent qu'ils injectent fait donc toujours bosser les creuseurs de trous,les services divers, les activités superfétatoires des youtubeurs aux coachs en tout genre, en passant par les services de santé beaucoup trop chers, mais ils produisent aussi des importations de plus en plus massives. Comme Todd l'avait bien compris et expliqué dans Après l'Empire, les USA sont devenus l'état keynésien de la planète entière. Et la dernière crise l'a confirmé. Le modèle économique américain consiste à créer de la dette ou émettre de la monnaie qui permet de payer des gens dans des métiers superflus, ce qui leur permet ensuite de consommer des objets produits ailleurs. Cela va même plus loin puisque le pays importe maintenant massivement de la population pour gonfler sa consommation et accroître toujours plus artificiellement son PIB.

 

Alors on peut se dire que cela marche, les USA ont de la « croissance ». Mais sur le plan interne, on voit les problèmes s'accumuler, et pas seulement sur le plan macroéconomique. Les bullshit job de David Graeber ont des effets sur la psyché de la population qui a du mal à trouver du sens à ce qu'elle fait et pour cause. L'explosion de l'usage de la drogue ne doit pas être totalement étrangère à ce phénomène. Mais surtout ce n'est pas tenable. Le reste du monde ne va pas éternellement payer pour ce modèle aberrant et le rôle du dollar pourrait être remis en question dans les années qui viennent. Mettant ainsi ce modèle absurde face à ses contradictions.

 

Nous aborderons les conclusions de Todd dans une troisième et dernière partie consacrée à ce livre.

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30 octobre 2023 1 30 /10 /octobre /2023 16:52

 

On avait déjà remarqué le fait que les élites de l'occident n'avaient plus toute leur tête avec la crise du Covid. La guerre en Ukraine a accéléré le processus, les élites occidentales ayant perdu tout sens des réalités, en particulier en Europe, et cette folie collective a entraîné la pauvre Ukraine dans un bourbier sans fin où elle perd sa jeunesse, déjà peu nombreuse, dans un conflit qu'elle ne peut gagner. La raison aurait dû pousser l'Ukraine à négocier dès le début, mais les politiciens d'occident en ont décidé autrement et ont poussé ce pays à maintenir un conflit dramatique pour leur avenir. S'il est très facile de trouver des raisons objectives à ces hystéries et à cette colère occidentale comme nous allons le voir, il ne faut pas réduire non plus cette hystérie à un phénomène purement occidental. En effet, l'hystérie touche toutes les sociétés, y compris les nouvelles puissances montantes. Il ne faut pas croire que l'occident à l'apanage de l’irrationalité . Les mouvements antisémites et islamistes qui profitent du conflit en Israël pour nourrir leur propagande, y compris en France, valent bien les va-t-en-guerre du gouvernement israélien ou américain. Du reste, les extrêmes se nourrissent les uns les autres, car le conflit les fait exister.

 

Il faut sauver l'empire américain

 

L'ambiance dans l'occident actuel, ou ce que l'on appelle de façon excessive l'occident, est clairement sombre et pessimiste. Pour commencer, définissons clairement l'occident dont nous parlons. Il s'agit bien évidemment de l'empire américain. Ce qui explique que des nations qui ne sont clairement pas occidentales d'un point de vue culturel puissent être vues comme occidentales à l'image de la Corée du Sud et du Japon. À l'inverse l'Amérique du Sud qui est totalement occidentale d'un point de vue culturel se retrouve exclue étrangement du club. L'occident tel qu'il est utilisé sans précision par les masses médias c'est donc les nations qui font partie du système économique américain mis en place après la Seconde Guerre mondiale. L'Europe de l'Ouest et l'Asie d'Extrême-Orient ayant été acquis par l'invasion militaire américaine suite à la défaite germano-nipponne. Dans le passé on n'aurait pas hésité à présenter cela comme un empire avec ses vassaux et ses colonies. Mais après la Seconde Guerre mondiale, les empires n'avaient plus bonne presse, il fallait donc inventer autre chose. De là est parti à mon avis l'imbroglio linguistique qui fait user de termes imprécis la définition de cet empire qui ne veut pas qu'on l'appelle ainsi. Parfois, il se singe aussi en communauté internationale.

 

Cependant, il est vrai qu'après guerre étant donné les rapports de force technologiques, humain et industriel, on pouvait considérer l'Empire américain comme un empire pratiquement planétaire par son influence. L'URSS et la Chine étaient des nains à côté . En contrôlant l'Europe et le Japon, les USA détenaient alors au moins 80 % de l'industrie et de la richesse de la planète. Mais voilà en vassalisant ces régions, l'empire a petit à petit entraîné leur déclin. Et la globalisation que l'Empire a voulu imposer à partir des années 70, surtout pour financer les effets de la guerre du Vietnam sur son économie, a déplacé petit à petit le centre de gravitation de la richesse mondiale vers des états qui n'étaient entièrement dominés par Washington. Illustrant à merveille les propos de Lénine disant que les capitalistes vendraient la corde avec laquelle il les pendrait, les USA, par courte vue et clientélisme politique, ont favorisé les puissances qui aujourd’hui les font tomber. À tel point que la question du dollar comme monnaie de réserve internationale est de plus en plus sur la table. La fin de ce statut représentant une véritable épée de Damoclès sur la tête de l'oncle Sam.

 

C'est dans ce contexte que l'effet hystérie arrive. En effet, la perte de puissance et l'incapacité à agir comme on le faisait avant crée une angoisse chez les dominants. C'est vrai aux USA où les élites multiplient depuis des années les plans tordus et les stratégies pour maintenir à tout prix leur domination si lucrative pour leur classe sociale. Mais c'est aussi vrai pour les élites secondaires, celles des vassaux qui ont une peur panique de la fin de l'empire américain. Car si l'empire est une structure économique qui a enrichi une population. Il ne faut pas oublier que les empires ont aussi comme caractéristique d'avoir de fortes inégalités internes. L'empire par nature rend inutiles les producteurs locaux, les importations coûtant moins cher grâce justement à la domination impériale. C'est là la maladie mortelle qui tue les empires. La source de leur prospérité est également ce qui les conduit au déclin au fil du temps. Grâce au dollar, les USA ont pu consommer gratuitement, avec des dollars qui ne tient qu'à eux d'émettre comme disait de Gaulle, des marchandises venant de la terre entière. De sorte que l'immense capacité de production des USA de 1945 déclinera jusqu'à presque disparaître puisque les producteurs locaux n'étaient plus utiles. L'économie impériale devient un système de ponction économique alimenté par l'émission monétaire permanente qui permet d'acheter des biens à l'extérieur et des entreprises. C'est de là que vient l'exceptionnel déficit commercial permanent des USA.

 

Mais la ponction impériale ne s'est même pas arrêtée aux biens , aux entreprises et aux services, les personnes elles-mêmes sont importées pour faire tourner l'Empire. Aujourd'hui, les centres de recherche américains ne pourraient plus fonctionner sans ses chercheurs chinois, indiens ou européens. Là aussi la logique impériale a parlé, il est moins coûteux d'importer des gens formés que de les former soi-même. Les USA ont donc renoncé à instruire leur jeune correctement pour se concentrer dans l'importation de gens déjà formés qu'ils conditionnent à leurs besoins ensuite dans leur réseau universitaire. C'est comme cela qu'il se retrouve avec un niveau d'instruction générale lamentable, mais un bon système universitaire très coûteux. Ce système de pillage est aujourd’hui indispensable au fonctionnement même des USA. Car sans ce flux de marchandises et de personnes permanent les USA s’arrêteraient simplement de fonctionner, les magasins seraient vides et plus personne ne pourrait faire fonctionner le pays. L'hystérie vient de cette extrême dépendance, d'autant qu'en cas de perte du dollar la population extrêmement armée et violente des USA pourrait déchaîner sa colère dans tous les sens. Les multiples conflits internes étant maintenus par l'arrosage monétaire impériaux. Je continue de penser que la fin de l'empire américain sera beaucoup plus violente pour la population de l'empire que celle de l'URSS. On comprend mieux dans ces conditions la pression permanente qui pousse parfois les élites à l'hystérie surtout lorsqu'il faut défendre les précarrés de l'empire contre la Russie ou la Chine.

 

Chez les élites des vassaux, la situation est un peu différente. Les pays européens sont eux-mêmes victimes de la domination américaine. On l'a particulièrement vu avec l'affaire Nord Stream, l'Allemagne qui a subi un acte de guerre à son encontre de la part des USA n'a même pas réagi. Les USA prennent des ponctions régulières sur le Japon et l'UE. Ils aspirent la richesse humaine et financière de ces régions avec la complicité des élites locales. Ce fut même littéralement explicite au moment des accords de Plaza dans les années 80 qui obligèrent littéralement l'Allemagne et le Japon à financer les déficits extérieurs US. Cependant si les USA sont impitoyables et détruisent toute concurrence potentielle venant d'Europe ou d'Asie de l'Est, ils savent par contre amadouer les élites locales. On parle souvent de la « French american fondation », mais la corruption ce n'est qu'une petite partie du problème. Les USA sont les champions de l'inégalité sociale, ils promeuvent un modèle brutal pour la grande majorité de la population, mais extrêmement agréable pour ses élites. L'adulation que nos propres dirigeants ont pour les USA n'est donc pas le fruit que d'une affaire de corruption. Les USA plaisent vraiment aux élites, c'est un peu leur paradis absolu. Ajoutons à cela que les USA sont un peu le défenseur en dernier ressort des élites européennes. Nos élites ont une peur panique de se retrouver face à leurs responsabilités et aux conséquences de leurs politiques. Le protecteur extérieur est donc pour elles une garantie de sécurité face à leur propre peuple. L'américanophile délirante des élites françaises qu'on voit en particulier depuis l'arrivée de Macron est aussi liée à leur haine et à leur peur concomitantes de leur propre population.

 

L'actuelle israélophilie délirante de nos élites ne vient pas d'une adulation d’Israël, mais des USA. C'est parce que les USA ont fait de l'état hébreu leur coqueluche que nos élites sont à ce point pro-israéliennes. Il en va de même pour la détestation de la Russie d'ailleurs. L'hystérie européenne est donc surtout un suivisme extrémiste des positions US. Il faut plaire au maître pour qu'il ne nous abandonne surtout pas. Et puis au passage on peut peut-être espérer de bons postes ensuite quand on aura changé de carrière. L'hystérisation des positions en Europe est donc à mon avis en grande partie liée à cette situation de suzeraineté US et d'absence d'autonomie. Ce qui n'a d'ailleurs pas échappé aux grandes puissances russes et chinoises qui n'écoutent plus vraiment les positions européennes considérées comme sans intérêt. Mieux vaut négocier directement avec le chef américain.

 

Hystérie collective, média et violence mimétique

 

Mais à ce phénomène d'hystérie, des élites s'additionnent d'autres mécanismes qui favorisent l'extrémisme dans le débat public. Je vois trois facteurs prépondérants à ce phénomène. Le premier est la baisse générale du niveau des personnels politiques et des journalistes. Il suffit de regarder le niveau des hommes politiques des années 60 par exemple pour comprendre à quel point le niveau général s'est effondré. L'absence de recul culturel et intellectuel favorise à lui seul la montée des violences. En effet, l'inculture ne permet pas d'exprimer des idées complexes et de décrire le monde avec des nuances. L’appauvrissement du langage entraîne quant à lui une incapacité à penser correctement tout en empêchant d'exprimer aussi ses idées avec clarté. Si l’abêtissement de la population et des élites n'est pas l'unique source de toute cette hystérie et cette violence, cela participe clairement à la dégradation du débat public sur tous les sujets. La culture amène naturellement à la pondération, elle donne du recul. C'est particulièrement vrai de la culture historique qui permettrait à nos dirigeants de prendre avec des pincettes les discours extrêmes que l'on peut lire régulièrement dans les grands médias et sur internet.

 

Et les médias, j'y viens maintenant, sont bien évidemment l'autre grand facteur d'alimentation de l'hystérie. Par leur nature immédiate, ils empêchent la pensée et se focalisent sur l'émotion, le pathos plutôt que sur le logos. C'est bien évidemment particulièrement vrai pour les médias vidéo et audio, l'écrit favorisant plutôt le recul et la réflexion (je parle ici de l'écrit long, pas des réactions twittées qui s'apparentent souvent à des réactions sans réflexion) . Les médias d'ailleurs ne sont pas totalement étrangers à la baisse du niveau général de la population, mais aussi et surtout de celle des élites. En effet la réussit médiatique conditionne la réussite politique. Dans nos « démocratie », c'est la quantité de fois où vous apparaissez dans les médias, et le nombre de vus qui compte, plus que la qualité de votre discours. La concurrence marchande et à la course à l'audience particulièrement prégnante dans les médias, y compris sur internet, conduits naturellement à la l'élimination des plus pondérés et rationnels. Car ce n'est pas vendeur d'êtres trop sage et rationnel dans les médias. D'où l'explosion de la démagogie en politique, les trois grands groupes politiques dominants notre pays étant tous dominé par des démagogues que ce soit Emmanuel Macron, le démago eurocentriste ultralibéral, Mélenchon le démago d'extrême gauche qui fait du clientélisme électoral et réduisant les immigrés à leur religion, ou madame Le Pen qui raconte vouloir sauver la France tout en restant dans l'UE et dans l'euro. Aucune de ces personnes n'aurait un tel poids dans notre société si les médias favorisaient la raison et le dialogue rationnel. C'est au contraire les coups médiatiques qu'ils favorisent et donc l'hystérie et l'irrationalité.

 

Dernier facteur, et non des moindres, celui de la violence mimétique. Ce célèbre concept qui a été mis en exergue par René Girard explique assez largement pourquoi la violence apparaît aussi facilement dans nos sociétés. Car si la violence est dramatique, et conduit à des désastres et parfois à la guerre, elle a aussi une fonction sociale. La violence n'existe pas par hasard, elle a une fonction d'unification et de liant social. On peut résumer ça à la guerre sépare en rassemblant. Elle sépare les groupes, mais rassemble les individus. Par la séparation des groupes, elle crée en quelque sorte ces groupes. C'est un paradoxe, mais c'est pourtant ce que l'on observe assez facilement dans les groupes humains dès la petite enfance. On observe dans les jeunes classes des formations de groupe par l'opposition parfois violente. C'est de cette idée qu'est née l'idée de bouc émissaire de René Girard. Le bouc émissaire servant d'expulsion de la violence par la désignation d'une victime. Là encore, les soufres-douleur dans les écoles sont souvent les boucs émissaires à petite échelle qui permettent de créer des groupes contre eux. La violence a donc cet usage social fondamental et attristant.

 

Dans le conflit entre Israélien et Palestiniens, on voit bien le rôle jouer par la violence. Du côté israélien la violence du Hamas permet de réunifier un groupe très hétérogène à la base. Car la population israélienne est extrêmement divisée, que ce soit parce qu’elle est d'origine très diverse, sur le plan religieux entre laïc et juifs orthodoxes ou que ce soit sur le plan idéologique. La violence ici est donc un mécanisme qui permet de donner un ennemi commun qui rassemble et fait taire les dissensions. De la même manière, les réactions très violentes d'Israël permettent d'unifier les Palestiniens derrière le Hamas, et de nourrir la chimérique oumma des islamistes en faisant taire les dissensions locales. On le voit ici, ce mimétisme de la violence est malheureusement intéressant pour les deux groupes. On pourrait dire que les deux côtés ont intérêt à la montée de la violence pour ne pas se retrouver fragmentés par une paix trop longue. Sur notre bonne vieille terre de France, le même type de mécanisme existe malheureusement. Les islamistes qui veulent impérativement empêcher la population musulmane de s'assimiler nourrissent cette violence et utilisent les réactions extrêmes de certains pour maintenir l'esprit de l’oumma chez les immigrés les moins croyants. La violence est le fondement de leur existence en quelque sorte et ils ont besoin de la violence de l'extrême droite ou de l'état pour exister. Et inversement, les extrémistes de l'identité françaises ont aussi besoin des islamistes pour exister. On comprend mieux d'ailleurs leur passion pour Israël quand on comprend ce besoin.

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25 mai 2023 4 25 /05 /mai /2023 18:34

 

«Il n'y a pas de culture française. Il y a une culture en France. Elle est diverse».

E.Macron février 2017

Emmanuel Macron alerte contre une « décivilisation » de la société

En mai 2023.


 

Je tenais à mettre en parallèle ces propos tenus par le même individu à quelques années près pour montrer tout le côté faussaire et incohérents du macronisme. C'est qu'Emmanuel Macron est avant tout un communicant. Il ne s'intéresse pas réellement aux sujets qu'ils traitent, mais à ce que ces derniers peuvent lui apporter en termes de communication et d'intérêt personnel. Si vous n'admettez pas cela, vous ne pouvez pas comprendre l'incroyable accumulation d'incohérences et de politiques contradictoires tout le long de sa trop longue carrière à la tête de notre pauvre nation. Emmanuel, qui tient tant à faire oublier sa pathétique réforme des retraites incluse dans le plan de relance européen dont la France a été le dindon, cherche donc des événements médiatiques pour détourner l'opinion. Soyons clairs, il n'est pas le premier à faire ça, c'est même une tradition depuis que nos dirigeants ont décidé par eux même qu'ils ne décideraient plus de rien à partir des années 70. La lente construction européenne n'ayant été qu'un lent abandon de leur fonction de direction qui sera ensuite donné à un aréopage de fonctionnaires pour la plupart étrangers, et n'ayant guère à cœur la défense des intérêts français. Vous le voyez donc, Macro n'est que la dernière phase d'un numéro de cachottier qui dure depuis deux générations tout de même.

 

Il a essayé de relancer sa dynamique en parlant de réindustrialisation, malheureusement la ficelle est un peu grosse. Et même le perroquet journaliste le plus dépourvu d'amour propre et de sens professionnel peut bien voir qu'il y a une contradiction avec les chiffres officiels des faillites d'entreprises, de ceux du commerce extérieur et la prétendue réindustrialisation. Heureusement pour Macron, le grand déglinguement socio-économique du pays fournit régulièrement des faits divers, plus ou moins atroces, permettant d'alimenter la machine médiatique, suivant la mécanique dont je vous ai déjà parlé, celle du mimétisme et de l'information omnibus. Ces moments de grande tristesse souvent simulée chez les dominants forment le dernier moment de communion civile dans une société qui peine à donner du lien collectif. Dans ces moments-là, tout le monde est d'accord, c'est atroce, horrible, monstrueux, etc. Malheureusement dès les solutions avancées pour faire semblant de résoudre le problème à l'origine de l'atrocité, les dissensions commencent à réapparaître. C'est donc à l'occasion de meurtres absurdes, ceux de trois policiers en exercice dans un accident de la route , et d'une infirmière tuée, elle par un déséquilibré que Macron a senti l'humeur collective à point pour débiter sa phrase sur la décivilisation qui menacerait la France.

 

Et pour une fois, effectivement, le terme est bien trouvé, car il y a bien une décivilisation, non de la France elle-même, mais bien de tout l'occident. Cependant le sens que donne Macron à ce terme n'est pas celui auquel je pense, car s'il y a bien un agent de la décivilisation en occident qui ronge nos sociétés de l'intérieur ce n'est pas la barbarie. La barbarie n'est que la résultante en réalité d'un mal plus profond qui avait déjà été analysé par d'autres que celle de l'anomie. L'économiste Jacques Généreux dans son livre éponyme de 2006 parlait de la dissociée, plus ancien, Pierre Thuillier dans son livre "la Grande implosion" prophétisait la mort d'un occident aveuglé sur sa propre réalité. Les réflexions de Thuillier prennent un sens particulièrement aigu aujourd'hui quand on voit l'aveuglement dont nos élites ont été capables avec la Russie ou la Chine. Tout se passe comme si l'occident, qui, depuis la révolution industrielle, donne le la à l'humanité, n'arrivait plus à relativiser son propre poids malgré les évolutions flagrantes du monde. D'autres auteurs ont évidemment parlé de notre déclin ou de l'effondrement de l'occident à commencer par Spengler.

 

Du libéralisme à la grande dislocation

 

 

Le propos de notre président cependant concernait spécifiquement des actes odieux liés à des interdits sociétaux. Mais il faut cependant rappeler ici que les statistiques infirment globalement les allégations sur le fait que notre société aurait de plus en plus de meurtres. Les médias déforment énormément la réalité du pays que ce soit en économie ou dans les affaires sociales. Par contre aux USA c'est une réalité malheureusement, mais en France cette affirmation est beaucoup plus discutable. Monsieur Macron utilise donc des faits divers certes malheureux, mais circonstanciels, pour en tirer un raisonnement général sur la société comme n'importe quel chroniqueur médiocre dont pullule le PAF télévisuel ou journalistique français. Donc si j'accepte l'idée d'une décivilisation de la France et de l'occident en général ce n'est certainement pas de la même décivilisation que celle de monsieur Macron. Ma vision personnelle est en fait beaucoup plus proche de celle de Jacques Généreux à savoir que nous vivons dans une structure qui est de moins en moins structurée du point de vue collectif. L'intérêt individuel ayant remplacé complètement l'aspect collectif. Si la décivilisation doit avoir un sens, c'est bien celui-ci.

 

Comme je l'ai expliqué dans mon texte sur l'opposition entre l'intérêt individuel et l'intérêt collectif, l'occident à la suite de l'effondrement du communisme est tombé dans la caricature. La disparition du modèle communiste a agi comme un détonateur libérant les forces dévastatrices de l'individualisme le plus délirant. S'il y a bien une décivilisation, c'est ce libéralisme économique délirant, qu'on l'appelle néolibéralisme ou autre chose, qui en est responsable avant tout. Une société n'est pas un amoncellement de choix individuels agglomérés, une telle structure n'a aucune chance de fonctionner. On ne voit pas par quel miracle magique la somme des intérêts individuels pourrait aller vers l'intérêt collectif. L'anomie qui est la résultante du libéralisme économique conduit la société vers nulle part, au mieux vers la stagnation au pire vers l'effondrement. Et la médiocrité actuelle de la direction de nos sociétés tient aussi de cette évolution culturelle. Car les individus au pouvoir se conduisent bien comme l'homo œconomicus des économistes libéraux. Ils optimisent leurs actions dans leur intérêt individuel n'ayant guère de pensée pour les conséquences collectives. Ils ne pensent pas l'intérêt national, mais bien à leur personne quand ils agissent au plus haut niveau de l'état et monsieur Macron est un parfait représentant de ce type de comportement. Et tous les anciens citoyens font de même, de sorte que l'altruisme, le sens du devoir, l'honnêteté, l'empathie, toutes ces vertus qui faisaient en réalité fonctionner les rapports humains s'estompent au point d'en devenir presque des entraves pour ceux qui les pratiquent encore. Elle est là la décivilisation, c'est la mort du citoyen remplacé par l'homo œconomicus, et le consommateur.

 

Le libéralisme est parti du principe que les individus se comportaient comme ils se comportaient de façon naturelle quel que soit la société dans laquelle ils vivaient. Dès le départ même ils jugeaient la société comme seulement une entrave à l'individu ne comprenant pas l'interaction très importante entre le comportement individuel et les règles et traditions de la société dans laquelle ils avaient grandi. On est face à une erreur anthropologique majeure qui a été de penser l'individu comme complètement indépendant de la société et de la culture dans laquelle il a été élevé. La réalité comme l'ont montré les anthropologues et Emmanuel Todd dans ses œuvres est que l'individu est le produit de sa culture familiale et de la société dans laquelle il baigne. Organiser toute la structure de la société en se basant sur l'idée que laisser les individus suivre toutes leurs lubies conduirait automatiquement au mieux-être social était forcément une impasse. Mais il a fallu du temps encore une fois entre l'application théorique du libéralisme et ses conséquences. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'homme occidental est enfin débarrassé de tous ses liens religieux politiques et même familiaux. Comme le disait le personnage de fiction Aragorn dans le Seigneur des Anneaux adapté par Peter Jackson, c'est donc l'heure des loups et des boucliers fracassés en occident.

 

Ainsi la décivilisation dont parle Macron n'est pas la bonne. Il nous parle d’agressions stupides et violentes de quelques individus. Mais la décivilisation c'est d'abord dans le comportement des dominants, et de ceux qui ont le pouvoir qu'on la voit. La décivilisation c'est par exemple d'imaginer déporter des SDF de la capitale pour que le gratin mondial puisse festoyer en toute quiétude dans la capitale française, appelée jadis ville lumière. La décivilisation c'est quand la police nationale est utilisée de façon violente volontairement contre les citoyens mécontents des politiques menées. La décivilisation c'est quand un individu se croyant tout puissant n'écoute personne et impose son point de vue par la force en détournant le sens des institutions. La décivilisation c'est faire passer des intérêts privés avant l'intérêt général. Faire passer des réformes pour engraisser les copains ou soi-même. La décivilisation c'est passer dans PIF gadget en étant président de la République et accepter la désacralisation de toutes les fonctions de la représentation publique et leur abaissement. La décivilisation c'est abandonner l'instruction des jeunes aux fantasmes de quelques idéologues et ne plus assurer la transmission des savoirs les plus basiques. La décivilisation c'est mentir effrontément en permanence, ne croire en rien et être capable du pire pour faire valoir sa petite personne. La décivilisation c'est faire passer ses intérêts avant tout le reste et dire qu'il s'agit là de la forme suprême de la rationalité économique et politique. La décivilisation c'est vendre son pays à la découpe, pour diverses raisons personnelles et prétendre défendre ses intérêts. Faire preuve de décivilisation c'est se comporter en libéral en fait.

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23 octobre 2022 7 23 /10 /octobre /2022 15:57

 

Je ne parlerai pas de l'affaire récente de la petite Lola pour ce qu'elle représente. Non que je sois insensible à ce genre de chose ou je pense qu'il ne s'agit que d'un fait divers . Il est en partie révélateur de la dégradation de la société française dans son ensemble avec une déstructuration à tous les étages judiciaire, policière, frontalière, politique, économique et même culturelle. Il ne s'agit pas ici de réagir à cette affaire directement, mais plutôt de mettre en exergue les réactions à cette affaire. Et je ne parle pas ici des récupérations politiques à droite ou à gauche, mais plutôt de la façon dont l'ensemble médiatique a réagi. Car l'affaire est révélatrice au fond de la grande horreur de ce que sont devenus les médias français et occidentaux en général. Beaucoup ont fait remarquer à l'occasion le cynisme du présentateur vedette Cyril Hanouna qui a fait une fête pour son record d'audience, record qui avait eu lieu lors de la révélation de cette affaire. Il s'agit là doublement d'un révélateur. D'une part, cela relève le fonctionnement réel des médias , celui de la course à l'audience. Et d'autre part le fait que cette émission soit l'émission « politique » la plus regardée de France est aussi révélateur de l'époque et de la catastrophe que représentent les médias dans leur ensemble, notamment les médias dominants par leur audience.

 

La course à l’abîme depuis les années 80.

 

Je ne jugerais pas ici Hanouna, car il n'est que le jouet d'un système structurellement malsain. Pour le dire à la manière d'un Bourdieu, ce n'est pas la personne le problème, mais le champ dans lequel elle évolue. Cyril Hanouna est ce qu'il est que parce qu'il correspond à la nécessité de fonctionnement correspondant à la tache qui est la sienne. En clair si Hanouna n'était pas tel qu'il est, il ne se serait pas à la fonction qu'il exerce, et un autre l'aurait remplacé, probablement tout aussi odieux par son comportement . Je sais que la population en générale fait beaucoup de cas de la liberté humaine. Nous aimons bien volontiers nous croire libres de nos actions et de nos pensées, mais généralement ce n'est pas le cas. Et plus vous êtes lié économiquement à une structure, une organisation, et moins vous pouvez exercer votre liberté. La morale n'explique globalement rien de l'évolution de nos sociétés, nous sommes souvent faibles face à ce qui peut nous terrasser économiquement. Les hommes d'autrefois n'étaient pas meilleurs ni pires. Mais les structures de la société dans laquelle ils naviguaient étaient différentes. Les rapports de force sociaux et économiques étaient différents. Cela ne veut pas dire non plus que l'on doive excuser pour autant les comportements les plus vils, mais simplement que condamner ces derniers ne résoudra en aucune manière la problématique. S'il ne s'agit que de faire de la posture morale alors on ne fait que finalement répéter la mécanique des médias dont les postures ne servent qu'à se faire bien voir et faire de l'audience.

 

Au final, le comportement d'Hanouna n'est guère différent du journaliste qui cherche le scoop à tout pris. Qui se souvient de la mort de la petite Omayra Sanchez sait que les médias sont capables des pires saloperies pour faire de l'audience, et ce depuis longtemps. Cependant, il faut bien reconnaître que la situation médiatique s'est globalement dégradée depuis les années 70. Là où les faits divers pouvaient remplir une partie des journaux télévisés, ils sont aujourd'hui l'essentiel de l'information. Pierre Bourdieu avait bien vu le changement qu'il pensait être le résultat d'un changement de référentiel d'autorité. Pour faire simple, le journalisme d'autrefois était un journaliste écrit. Au sortir de la guerre, c'était essentiellement le journalisme d'écriture qui faisait la référence dans le domaine de l'information. Et la télévision bien qu'étant le média montant dans les années 60-70 avait encore comme référence les journaux écrits. Le domaine de l'écrit a ceci de particulier qu'il est plus lent, moins sensationnel par nature que la vidéo. Il fait naturellement plus appel à la réflexion que l'information visuelle, qui elle est beaucoup plus influencée par les sentiments, les impressions, les réflexes. Ce que je dis ici n'a évidemment rien de nouveau, mais il est important de le rappeler . Une partie importante des problèmes de nos sociétés vient du passage d'une société de l'écrit à une société de la vidéo, c'est encore plus vrai avec les évolutions médiatiques récentes et l'influence grandissante du streaming vidéo qui n'existait pas à l'époque de Bourdieu.

 

À la fin des années 70, le poids relatif de l'écrit dans l'information baisse de façon importante. La télévision devient la référence de l'information . Et dans les années 80, la privatisation de TF1 va précipiter en quelque sorte le passage de l'information de l'écrit vers le journal télévisuel qui devient LA référence de l'information au détriment du journalisme classique. Ce changement des rapports de forces médiatiques va entraîner l'effondrement du niveau de la presse écrite qui va finir par singer en fait la télévision. La course à l'audience qui est le cœur de la motivation d'action dans l'audiovisuel va entraîner une perte progressive de la qualité qui pouvait encore prévaloir dans l'Ancien Monde. L'effondrement n'a pas été immédiat, mais progressif parce que les individus élevés dans l'univers d'autrefois ont gardé des habitudes acquises à ce moment-là. Ils ont en quelque sorte tenu la baraque alors que la structure se transformait et s'abêtissait petit à petit. L'information en France pouvait encore faire illusion à la fin des années 90 grâce à cette inertie culturelle liée au passage des générations. Mais elle s'effondrera au début des années 2000. L'arrivée de la télé « réalité » va finalement faire entrer la télévision française brutalement dans l'âge de la débilité généralisée. À quoi bon faire des efforts de qualité, la seule chose qui compte vraiment c'est l'audience et les revenus de la publicité qui en découle. Les émissions d'Hanouna ne sont en définitive que le stade terminal d'une évolution qui a commencé dans les années 70. Le stade terminal de l'audimètre en quelque sorte.

 

Nouveaux médias et mimétisme

 

L'abaissement continu de la télévision provient de cette course effrénée à l'audience, parce qu'elle conditionne en grande partie l'existence économique même du média. Mais comme vous le savez la télévision elle-même décline aujourd'hui remplacée par le streaming et les réseaux sociaux. Si le streaming vidéo a les mêmes tares globalement que la télévision, on peut même considérer que c'est pire parfois. Les réseaux sociaux ont eux mis en avant le fait que la seule mécanique économique n'explique pas totalement le phénomène de la course à l'audience. Même de simples citoyens qui ne gagnent rien en postant des twitt recherchent souvent ce moment de gloire qui consiste à avoir beaucoup de retweett et de like pour user des termes du milieu. Être sous les feux du projecteur est en soi une motivation suffisante, semble-t-il, pour se comporter de la façon la plus horrible qui soit pour certains pour certains.

 

En tout cas, si les nouveaux médias n'ont globalement rien arrangé sur le plan qualitatif, ils permettent tout de même à des microcosmes de pensées indépendantes d'exister. Tout n'est pas forcément noir au niveau des nouveaux médias. Et si l'égalisation du processus de production et de circulation de l'information produit souvent de fausses nouvelles et des erreurs, elle permet aussi la circulation de vérités et de points de vue souvent étouffés par l'autre gros point noir des médias, le mimétisme. Car nul n'est plus mimétique qu'un présentateur télé. Le journalisme moderne qui est devenu un peu la caisse de résonance de toutes les idées reçues du milieu bourgeois ne fait que démontrer la force du comportement moutonnier des individus. Les médias sont un éloge permanent à la psychologie des foules de Gustave Lebon. À ceci près que la foule en question en France se résume aux croyances du petit univers bourgeois parisien. C'est que la France a comme caractéristique première d'avoir une élite qui est produite dans un substrat sociologique extrêmement étroit . Particulièrement dans les milieux proches du pouvoir comme le sont les journalistes médiatiques. C'est probablement pour ça que l'impression de pensée unique produite par le mimétisme est plus fort en France qu'ailleurs, ainsi que la défiance vis-à-vis des médias qui en résulte.

 

Le mimétisme est un mécanisme assez simple. Le but du communicant n'est pas d'informer, mais d'utiliser l’information comme vecteur d'amélioration de sa propre image, de son audience. Pour y parvenir, le meilleur moyen est de faire en sorte de dire tout haut ce que tout le monde pense et croit savoir. Ou du moins ce que le producteur ou le passeur de « l'information » croit que tout le monde croit savoir. Bourdieu appelait ça l'information omnibus, celle qui ne nécessite pas de savoir extérieur, c'est une évidence en quelque sorte. L'on voit ici que les faits divers sont particulièrement pratiques pour ceux qui sont en recherche de promotion par la communication. À l'inverse, si vous parlez de choses complexes qui nécessitent des connaissances importantes sur un sujet ou un travail de réflexion, vous n'êtes plus dans l'information omnibus. Cette simple remarque explique l'abaissement général du niveau d'information. Il y a une contradiction entre l'information réelle, qui peut nécessiter des contraintes de connaissance préalables et la facilité de sa diffusion à un maximum de personnes. Les journaux sont donc réduits à faire de l'amusement public à coup de faits divers. Lors de la question du COVID nous eûmes une démonstration terrifiante de ce phénomène. D'un côté des autorités de savoir qui produisaient des informations souvent biaisées par le truchement de la corruption, mais qui parce que faisant autorité étaient reprises en groupe par les médias sans questionnement. De l'autre une population perdue qui a parfois répété à l'envi le discours officiel et parfois au contraire s'en est allée à construire des récits farfelus de grands complots . Le grand perdant dans tout ça fut la vérité qui est forcément plus nuancée et moins extrême que les discours d'alors.

 

Le processus de montée aux extrêmes produit par discours mimétique est aggravé par la fragmentation sociale actuelle. Comme je l'ai dit, l'information omnibus est une information que tout le monde connaît en quelque sorte. Mais en fait ce tout le monde va dépendre aussi du milieu culturel dans lequel vous évoluez. L'information omnibus est une information que tout le monde connaît, mais elle n'est souvent qu'une évidence dans le milieu ou la société d'où vous venez. S'il peut exister des évidences assez universelles, d'autres peuvent n'être que des évidences locales. Mais comme le milieu journalistique et télévisuel français est extrêmement étroit, l'information omnibus qu'il pourvoit parfois se heurte aux évidences des autres milieux sociaux du pays. On a alors ces affrontements colossaux qui se font entre les croyants d'une idée reçue d'un milieu contre les idées reçues d'un autre milieu. Avec évidemment l'évidence que le milieu d'en haut a des évidences nettement plus vraies que celle des autres milieux sociaux, du moins c'est ce que croient ceux d'en haut. Dans la série des évidences conflictuelles qui reviennent sans arrêt il y a bien évidemment le sujet de l'immigration. Les uns pensent que son bénéfice est une évidence alors que l'autre groupe pense l'inverse. Et au milieu de l'affrontement entre ces informations omnibus meurt la vérité qui est forcément moins absolue.

 

À notre échelle que peut-on faire contre ces phénomènes? Pas grand-chose, je le crains en dehors d'un évident comportement de sagesse et de recul lorsqu'il s'agit de transmettre ou fournir une information. Il est possible que la circulation de l'information moderne soit le cimetière de nos sociétés démocratiques. Sans une information saine, il est impossible de vraiment faire fonctionner une démocratie. Guidés par la mode du moment, les hommes politiques qui sont les jouets de ces processus d'information contradictoires fondés sur des modes et des moments ne peuvent plus diriger rationnellement nos sociétés. Pire que ça, leur sélection se fait uniquement sur la bonne phrase ou la bonne réaction du moment . Macron s'il est un président lamentable n'en demeure pas moins un maître dans le contrôle et la maîtrise de la communication. Il a bien compris que la rationalité n'a pas de prise sur ces phénomènes. Comme disait Keynes à propos des marchés financiers « Mieux vos avoir tort avec la foule que raison contre elle. Sinon elle vous écrase ». Pour l'avenir de nos sociétés, c'est absolument dramatique. La crise énergétique est en partie liée à ça puisque l'information sur l'énergie depuis des décennies a été déformée par quelques idéologues pseudo-éclogiste surreprésentés dans les médias dont on paye aujourd'hui le prix. Et il n'est pas un sujet qui ne subisse les affres de l'information déformée par tel ou tel phénomène de foule médiatique.

 

 

A voir et à revoir la vidéo de Pierre Bourdieu sur le journalisme.

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23 septembre 2019 1 23 /09 /septembre /2019 22:57

Une fois n'est pas coutume François Lenglet vient de faire un intéressant interview d'Emmanuel Todd sur LCI. Il semble que les élites commencent à paniquer devant la dégradation économique mondiale. C'est probablement la fin du modèle économique allemand qui a déclenché l'alarme chez les classes dominantes de notre vieux pays martyrisé par 40 ans de libéralisme décomplexé. Il n'y a pas que monsieur Lenglet qui panique, le chantre du libéralisme des années 90 Alain Minc vient de déclarer dans l'émission très libérale « C'est dans l'air » : « La part des revenus du capital s’est accrue de manière excessive aux dépens des revenus du travail. Il faudrait obliger les entreprises à distribuer pendant quelques années gratuitement 10 % de leur capital à leurs salariés" . »   On parle de l'économiste qui criait la mort du keynésianisme dans les années 90 et qui avait même eu le culot de sortir un livre intitulé « La mondialisation heureuse » en 1997. C'est que de l'eau a coulé sous les ponts et que les conséquences de leurs délires d'alors commencent à se voir fortement . Voici donc l'interview d'Emmanuel Todd

 

 

 

Que dois-je dire sur cette émission? Todd pour une fois a le temps de s'exprimer même s'il est toujours meilleur à l'écrit qu'à l'oral.

 

- Sur la question des Gilets jaunes je suis totalement d'accord avec lui. Je dirai que c'est une jacquerie des temps modernes. Les participants des Gilets jaune soufre c'est indéniable. Ils sentent que la société se délite et qu'ils sont victimes d'un système, mais ils n'ont pas de structure politique ou d'idéologie pour les mener vers une direction constructive. C'est d'ailleurs probablement ce qu'il y a de plus dramatique dans l'affaire. On ne va nulle part. On sait que ça va mal. On l'exprime en groupe, mais personne ne semble savoir comment sortir le pays du bourbier. Le faible écho qu'a eu la question européenne aujourd'hui remplacée par les idéologies de diversion comme le climat montre que la population des Gilets jaunes dans sa masse ne comprend pas la problématique monétaire et macro-économique. Cela pourrait changer à l'avenir, mais pour l'instant il n'y a rien qui va dans ce sens. Et le système médiatique multiplie les débats sociétaux de moins en moins scientifiques pour détourner l'attention d'une population de plus en plus aux abois. La destruction de notre système social est maintenant clairement en marche sans mauvais jeu de mots. La prochaine cible après les retraites restant encore à définir. L'école publique ? La sécurité sociale ? La politique familiale ? On verra bien. Ce dont on est sur c'est que la destruction de la richesse du pays à travers sa désindustrialisation, le chômage de masse, et les déficits commerciaux produit par le libre-échange et l'euro, ne peut que conduire à la destruction de notre modèle social. C'est inéluctable et c'est une fuite sans fin, car la destruction de ce modèle sociale aggravera encore un peu plus la crise de la demande. Il suffit de demander aux Grecques dont la destruction du modèle social a finalement aggravé la dette du pays et aggravé la crise économique.

 

-L’infantilisme généralisé est un tacle subtil de Todd pour éviter la question du paganisme moderne que constitue l'idéologie écologique. La ridicule glorification de Greta Thunberg montrant l'incroyable infantilisme des élites de notre époque qui pour résoudre un problème soi-disant gravissime revient à faire appel à l'avis d'une enfant visiblement enfermé dans un mouvement sectaire. On a peut-être un exemple en direct de la façon dont naissent les religions. Il suffit comme le disait Brassens de faire semblant de croire tous ensemble et bientôt vous croirez vous aussi.

 

-Sur la question migratoire, Todd continue de penser positivement. Comme je l'ai déjà dit, je pense que Todd est un chauvin qui surestime un peu la capacité d'attraction de la société française. Penser qu'il suffit d'un retour au plein emploi pour assimiler les populations immigrées actuellement en France relève plus de la croyance que d'autre chose pour moi. Je ne compte pas les personnes très bien intégrées économiques et qui rejettent pourtant parfaitement les valeurs françaises. À l'inverse, certains pauvres issus des minorités ethniques s'assimilent. Je crois que Todd est ici pris au piège par une trop grande référence à la pensée marxiste même s'il modère ses propos sur la question.

 

-Le passage le plus intéressant est sur la question des pays de l'Est. Au détour de la question de la démocratie hongroise l'on voit que Todd introduit un vrai questionnement sur l'évolution de l'Europe de l'Est . Terre jadis victime de l'impérialisme russe à travers le soviétisme. Ces pays ont en fait été détruits physiquement par leur adhésion à l'Europe de l'Ouest. Le libre-échange et la libre circulation des capitaux et des personnes leur ont été en partie fatals. Todd est le premier à le souligner même s'il ne le dit pas comme ça. J'en parlerais plus longuement dans mon prochain texte. C'est un sujet très intéressant notamment la question de l'Allemagne de l'Est aujourd'hui à la pointe de la contestation sociale puisque le parti d'extrême droite allemand l'AFD y fait des scores très importants.

 

C'est un bon retour de Todd dans les médias. Il a su remettre encore une fois la question du pouvoir politique au centre en mettant bien en avant l'impuissance volontaire des hommes politiques français en particulier d'Emmanuel Macron. Tant que la question de la souveraineté de la nation sur les plans monétaires et macroéconomiques n'est pas posée alors la politique reste juste un divertissement de masse entre deux élections rien d'autre.

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6 août 2019 2 06 /08 /août /2019 17:16

On en parle souvent sur ce blog, mais l’extrémisme écologiste a pris maintenant une ampleur invraisemblable . La venue de la pucelle du *svitjod mademoiselle Thunberg qui n'a aucune compétence particulière si ce n'est le fait d'être une fille de milieu aisé monté en épingle par une bulle médiatique très artificielle montre le niveau de bassesse auquel arrivent maintenant nos institutions. L'accélération du bruit médiatique autour du changement climatique anthropocentrique permettant toutes les politiques, justifiant tout et n'importe quoi. L'on voit déjà les idées les plus farfelues comme l'arrêt des centrales nucléaires en France alors qu'on n’a pas à l'heure actuelle d'alternative. La France finira par faire comme l'Allemagne à savoir construire quelques panneaux solaires et éoliennes aussi coûteuses qu’inefficaces puis elle importera et brûlera du charbon. L'histoire de l'arrivée de cette gamine au parlement français est tout de même extraordinairement démonstrative de l’irrationalité des acteurs en question puisqu'elle a coïncidé avec la signature de l'infâme traité du CETA qui condamne l’agriculture française à l'extinction. Il est tout de même rassurant de voir que bon nombre de Français semblent s'être posé la question de la cohérence entre l'objectif écologique affiché et les politiques qui nous mène en sens inverse.

 

En effet qui peut croire qu'un traité de libre-échange consistant à maximiser les échanges et donc les transports soit favorable à la diminution de la consommation énergétique ? La globalisation maximise les gaspillages sous toutes les formes. Le libre-échange n'optimise que la valeur des marchandises et ignore parfaitement les contraintes écologiques , sociales et même macro-économiques. Encore une fois, l'idée que l'on puisse réguler l'économie et la société uniquement par le truchement de la loi de l'offre et de la demande est une absurdité. Il ne faut donc guère s'étonner si ce grand marché mondial conduit à la pollution maximale et à la destruction de la plupart des sociétés humaines. On a donc ici un cynisme apparent tout à fait spectaculaire avec d'un côté une communication faite de pleurs sur la fin du monde et la destruction de notre environnement. Et de l'autre côté, une marche inéluctable vers des politiques économiques qui détruisent ce même environnement tout en détruisant notre tissu économique. On ne saurait mieux mieux illustrer ici la fameuse phrase de Bossuet « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. » . Mais ce serait croire un instant que nos politiques s'inquiètent vraiment pour la planète, il n'en est rien pour la plupart. C'est juste de la communication, du vent de propagande dont le seul objet est de camoufler de plus en plus mal les intérêts économiques et politiques qu'ils défendent.

 

De fait comme on pouvait le présentir l'écologisme remplace petit à petit le discours libéral dans les justifications morales aux politiques économiques bourgeoises. Le coup de l'entrepreneur contraint par le méchant état et les impôts écrasant ça ne fait plus recette chez les jeunes donc on passe au discours sur l'entrepreneur écolo qui a besoin d'un coup de pousse pour sauver la planète. C'est plus cool et présentable. Mais à l'ère d'internet et de la communication ultrarapide cette nouvelle stratégie ne va-t-elle pas dissoudre le statut de l'écologie encore plus vite que ne l'a fait l'ancien discours libéral ? Parce que ce double discours consistant d'un côté à faire du bruit médiatique autour de l'écologie et des contraintes écologiques mis en parallèle avec des actions politiques contraires à l'écologie va nécessairement produire une désaffection à terme. Tout comme le discours européiste a fini par produire une désaffection vis-à-vis de l'Europe quand les gens ont compris que l'UE n'apporterait ni prospérité ni bonheur, mais que bien au contraire elle servait surtout de prétexte à des politiques de plus en plus libérales et à la justification de la destruction de notre État-providence.

 

À droite les déclinistes délirant, à gauche les écologistes de la fin du monde

 

Mais ce catastrophisme communicationnel n'est pas le seul en cour dans notre beau pays de moins en moins rationnel. De l'autre côté de l'échiquier politique aussi l'on voit de nombreux prophètes de la fin du monde. J'en lisais un récemment dans un article du Figaro. L’historien David Engels qui a vu qu'il y avait un gros filon à exploiter et que peut-être le marché francophone n'était pas encore saturé entre Éric Zemmour et Michel Onfray. Là on nous promet la fin de la civilisation occidentale, rien de moins. Il faut frapper fort après le livre « Décadence » de Michel Onfray. Bon l'auteur n'est pas très clair sur ce qu'il appelle la civilisation occidentale, mais on est habitué à ça. L'occident c'est un concept creux, pour ma part il n'y a pas de civilisation européenne, mais des civilisations européennes. Que ces peuples partagent une religion, voire une couleur de peau, ne fait pas d'eux un ensemble unique à l'image de la civilisation chinoise. Les nombreuses guerres et les horribles conflits sont là pour en témoigner, il y a toujours eu plusieurs civilisations en occident et certaines ont pris l'ascendant sur d'autres à différents moments de l'histoire et pour de multiples raisons. Et c'est ce qui a fait la richesse de l'Europe justement cette juxtaposition sur un territoire si exigu entre des peuples aux mœurs et à l’anthropologie si disparate. De la même manière, l'on pourrait voir les USA comme une nouvelle civilisation n'ayant pas grand-chose de commun avec celles qui ont façonné le continent européen. Une civilisation étrangère qui a soumis justement l'Europe à ses vues à travers une colonisation culturelle et intellectuelle de 74 ans maintenant . De ça monsieur David Engels n'en parle pas puisque pour lui l'occident est un bloc monolithique.

 

Je pourrais ici continuer la critique. La question démographique est traitée de façon ridicule de la même manière qu'un Zemour ou qu'un Onfray . L'important n'est pas la réalité, mais le récit et sa cohérence c'est exactement la même chose que pour nos amis écologistes extrémistes ou pour l'extrême gauche. La réalité et sa complexité n'ont pas d'importance. Ainsi l'on a encore cette idée que l'Europe serait presque la seule au monde à décliner démographiquement. L'islam est présenté comme un bloc homogène qui serait dynamique démographiquement contrairement à l'occident décadent. Sauf que la transition démographique touche aussi le monde musulman. Le pays musulman le plus peuplé du monde l’Indonésie a une natalité de 2 enfants par femme et elle décline vite alors que la très catholique Philippine voisine est encore à 3 enfants par femme. L'Iran fait moins d'enfants que la France et les dirigeants turcs s'inquiètent de la faible natalité des Turcs par rapport à celle des minorités kurdes notamment. Il est à parier d'ailleurs que l’agressivité de la Turquie vient de ses problèmes internes en plus de l'économie. À dire vrai à l'échelle mondiale, seule l'Afrique subsaharienne, qu'elle soit chrétienne, musulmane ou animiste, n'a pas fini la transition démographique. Ailleurs, tout le monde suit l'Europe. Alors si nous sommes décadents à cause de la démographie il faudrait élargir cette hypothèse à l'ensemble du monde.

 

La vérité c'est que l'unique responsable de cette situation est la maîtrise parfaite de la natalité grâce à la pilule et aux multiples moyens contraceptifs modernes. Aucune civilisation avant la nôtre n'avait eu à se demander comment relancer la natalité . Les états n'avaient pas à se préoccuper de ça tant que la population pouvait manger, se vêtir, et qu'il n'y avait pas trop de problèmes d'intendance, elle se reproduisait convenablement . C'est vraiment un problème nouveau. Que serait donc devenue la civilisation européenne de l'époque de la guerre de Trente Ans s'il y avait eu la pilule d'après vous ? Elle aurait eu bien du mal à récupérer de l'énorme gaspillage en vie humaine . D'ailleurs, les pays de l'Est comme la Pologne ou la Hongrie ont des taux de natalité encore plus faibles que ceux de l'Europe de l'Ouest. Preuve que l'attachement à la tradition ou à la religion n'ont pas vraiment de rapport avec la question démographique. Comme l'avait très bien écrit Pierre Chaunu dans un de ses derniers livres « Essai de prospective démographique » l'humanité est confrontée à quelque chose de totalement nouveau. Il faut créer les conditions sociales et économiques pour que les gens n'aient pas peur de fonder une famille et d'avoir des enfants. Tout ceci n'a aucun rapport avec une décadence, ou à la multiplication des homosexuels, comme le sous-entendent certain de ces néoréactionnaires. Mais il est plus simple de dire qu'il y a décadence et que tout est lié. Et puis c'est peut-être le résultat d'un complot qui sait. Tant que ça fait du bruit médiatique et que ça permet de vendre des livres. Peu importe que cela pollue le débat public en faisant passer le public à côté des vrais problèmes et de leur réalité, le but n'est pas de toute façon de les résoudre.

 

L'hyper-communication conduit à l'hyper-stupidité collective.

 

J'ai voulu rapprocher ici les discours de l’extrémisme écologiste et de celui d'une certaine droite décliniste pour montrer que nous avons affaire à un processus neutre sur le plan politique. Il est coutume aujourd'hui à droite, et chez les anti-systèmes, de voir la gauche, ou du moins une partie de la gauche, comme une machine à produire des discours irrationnels, faux et parfois même dangereux. Et c'est tout à fait vrai . Mais la gauche n'est pas la seule touchée. C'est le résultat d'un effondrement général de la qualité de la communication et du désordre produit par la rapidité de la communication qui fait fit de la retenue et de la prise de recul. C'est un phénomène ancien. L'on peut penser que si l'imprimerie permit à terme à la société de progresser, elle fut aussi responsable indirectement à court terme des guerres de religion et de bon nombre de malheurs. Il en va de même pour la télévision, internet et les médias rapides. Nous n'avons pas encore les mécanismes sociaux, les habitudes et l'organisation qui permettraient la prise de recul nécessaire à la recherche minimale de la vérité. S'en suit que toutes personnes ayant un peu de bagout, de culture et de sens de la communication, peut surfer sur l'information pour créer de toute pièce des problèmes qui n'existent pas. Ou pour en exagérer certains autres sans qu'à aucun moment un recul rationnel sur le problème en question ne puisse être pris.

 

Et les hommes politiques suivent le mouvement, le manipulent parfois quand ils ne sont pas eux-mêmes pris dans la spirale de la communication. S'il y a bien un phénomène de déclin, c'est bien ce rapport au réel dû à la communication moderne qui en est la cause bien plus qu'autre chose. Il est bien dommage que sur ces questions la simple réponse donnée par les pouvoirs publics fût d'encadrer le mensonge c'est-à-dire de faire en sorte non que la vérité puisse être véritablement défendu, mais au contraire de faire en sorte que la « vérité » gouvernementale soit autorisée à exister. La chasse aux fameuses fake news ne fut que ça, une opération de blanchiment des mensonges officiels. On attend encore qu'une solution réelle aux problèmes de la communication moderne soit trouvée. En attendant, les marchands de malheur vont pouvoir continuer à prospérer. Qui sait, ils finiront bien par la provoquer la fin du monde avec toutes leurs idioties.

 

*Ancien nom de la Suède à l'époque païenne. La glorification de gaïa de la part des écologistes ayant une proximité assez grande avec les anciens cultes animistes, je crois que la Suède devrait reprendre son ancien nom, car elle n'a plus grand-chose de chrétien avec ses multiples dérives sectaires.

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27 avril 2011 3 27 /04 /avril /2011 15:20

 

Je viens de lire un texte très intéressant sur le CGB  qui s'interroge sur le peu de créativité de la production télévisuelle française. L'auteur se plaint de voir  les USA réussir à pondre quelques merveilles en terme de série télévisée pendant que la France patauge dans le médiocre malgré les énormes investissements  publics. Il cite pour cela la prochaine série de HBO basée sur la série culte de livres du Thrône de fer , grande épopée de la Dark fantasy anglo-saxonne ,et dont le premier épisode fait beaucoup de bruit. C'est un sujet intéressant parce qu'il soulève la question de la limite de la puissance publique en terme de relance de certaines activités. Il se trouve que l'on peut déverser des milliards d'euros  dans un secteur, s'il ne vont pas alimenter les bonnes personnes ces milliards seront perdus et ne serviront rigoureusement à rien. Dans la production cinématographique ou télévisuelle, on voit rapidement si l'argent est bien utilisé ou pas.

 

 Les 14 premières  minutes du Trône de fer la série:

 


 

Et ce n'est pas qu'une question d'argent ou de masse  critique du marché intérieur, les Anglais font par exemple bien mieux que nous dans ce secteur et la BBC est à un niveau nettement supérieur au service public français qui achète d'ailleurs beaucoup de documentaires à cette dernière. Sans parler des Japonais qui ont d'ailleurs adapté bon nombre d'oeuvres de la littérature française. Beaucoup de personnes de ma génération ont d'ailleurs découvert des oeuvres littéraires françaises sur le petit écran à travers des dessins animés japonais, ce qui est un comble. On pourrait citer le célèbre Rémi sans famille pour le plus connu.  Je parle là des années 80, mais cela s'est encore aggravé avec le temps. En réalité, la France championne de la culture semble incapable de produire dans les nouveaux médias ce qu'elle produisait jadis dans les anciens. Elle se moque du mercantilisme américain, mais fait bien pire en réalité et ce n'est pas "plus belle la vie" qui pourra améliorer ce constat. Et la télévision et le cinéma ne sont pas les seuls médias touchés.

 

  Dans le média montant du jeu vidéo, il serait  bien difficile aujourd'hui de trouver des oeuvres françaises qui ont réellement marqué leur époque. Il y en a eu, mais ce furent souvent les aventures d'un seul homme à l'image d'Éric Chahi le créateur du célébrissime  Another World. Les pionniers du jeu vidéo français étaient d'ailleurs souvent très créatifs, mais la France a manqué l'industrialisation du secteur. Le passage de l'artisanat à la superproduction a tué la créativité française du jeu vidéo. Ce secteur est devenu quasi monopolistique en France avec deux grands groupes Ubisoft et Atari (anciennement Infogrames) qui se contentent de faire des oeuvres optimales pour le marché... Les industries médiatiques françaises sont souvent puissantes, mais prennent encore moins de risques que leurs consoeurs américaines.   Tout se passe comme si une fois une certaine taille franchi la créativité s'évanouit c'est vrai bien évidemment ailleurs qu'en France, mais dans notre pays ce phénomène semble y prendre des proportions plus importantes qu'ailleurs. 

 

    

La France ne manque pourtant  pas de talents individuels, ces derniers s'exportent d'ailleurs beaucoup, mais il semble que notre organisation actuelle rende impossible la libération de ces talents au niveau collectif.  Il faut peut-être voir ici un problème lié justement aux structures familiales françaises qui rendent le travail collectif plus difficile qu'ailleurs. Il s'agit peut-être aussi d'un moment historique pour notre pays qui coïncide avec la prépondérance des préoccupations mercantiles face à toutes les autres. On ne cherche plus à bien faire, à créer ce qui nous plait, mais à optimiser les ventes suivant des doctrines marketing sans âme.  Et ce faisant on oublie que bien souvent c'est l'audace qui crée le marché surtout dans les industries culturelles. Un bon nombre d'oeuvres à succès n'ont pas été prévues. Les succès en la matière échappant lourdement à l'esprit de prévision. Peut-être l'esprit cartésien français qui veut tout maîtrisé interdit-il à nos compatriotes d'avoir l'audace nécessaire à la créativité, ils se brideraient essentiellement par peur de l'échec. Les chaines de télévision françaises préfèrent ainsi acheter des programmes faits ailleurs, essentiellement aux USA, pour éviter les surprises sur l'audimat. Cependant en faisant cela le système de production audiovisuel français se prive de la création de savoir-faire locaux qui auraient pu naître des erreurs tout comme des réussites locale. C'est en forgeant que l'on devient forgeron c'est la même chose dans le cinéma ou la télévision, et l'échec fait aussi parti de l'apprentissage. Une politique publique visant à promouvoir la création française doit donc bien prendre en compte cette mentalité locale qui étouffe la créativité du pays.

 
La culture mondaine et la culture populaire
 
 

  Mais il y a, en plus de la maladie dégénérative liée à l'implantation de l'esprit marketing, un autre facteur qui explique peut-être l'échec de la production culturelle française. En France la culture au sens large est souvent employée pour manifester son statut social, ce ne sont pas tant les oeuvres qui intéressent que leur potentialité en tant que marqueur social. Cette réalité a toujours existait en France et les nobles d'hier usaient d'un langage fleuri pour se distinguer de la masse et des gueux sur lesquels s'exerçait leur pouvoir. C'était vrai à la cour  de Louis XIV, mais ça l'est toujours aujourd'hui. La hausse des inégalités en France n'est probablement pas étrangère à la disparition de ce que nous appelions jadis la culture populaire qu'elle soit dans la chanson ou le cinéma. En France il y a la CULTURE la belle, la traditionnelle celle qui fait que l'on est chez les élites, et l'autre la gueuse celle qui viscéralement inférieure à la première.  Alors pour se donner bonne conscience nos élites ont essayé de faire croire que ces sous-cultures faisaient partie de la CULTURE en général, c'est dans cette optique que l'on a eu des ministres délirants comme Jack Lang qui nous vendaient le RAP comme un grand mode d'expression. Mais en fait nos élites n'y ont jamais vraiment cru, et d'ailleurs la culture traditionnelle elles  la gardent jalousement pour elles et leurs progénitures.  

   
 

  Maintenant loin de moi l'idée qu'il n'y a pas une hiérarchie dans la production culturelle. Un livre sera toujours un média supérieur à un film ou à un documentaire même très bien réalisé. Le livre nécessite du temps, mais transmet des réflexions et fait appel aux fonctions les plus intelligentes de l'esprit humain. Les films, les séries ou la musique font eux plus appel à l'émotion aux réactions les plus animales de l'être humain. Cependant on peut aussi concevoir la culture sous un autre aspect que celui de l'instruction en tant que telle. Si l'on sort de la culture comme moyen d'ascension sociale et que l'on voit cette dernière comme un moyen de créer un langage commun à tous alors il est clairement dommage que la France soit incapable de produire ce langage. La culture de masse est certes critiquable par certains de ses côtés, mais elle est nécessaire. Elle donne une identité collective à un peuple. Le problème identitaire français que certains soulèvent à l'encontre des immigrés   provient pourtant plus surement de la destruction de la culture et de la façon de vivre française par l'importation des codes américains à travers ces produits culturels.  L'abandon par la France de la culture populaire au profit de l'importation de la culture populaire US est l'un des drames qui expliquent la perte d'identité de notre pays. Elle explique aussi en partie les importations des problèmes américains à l'image du modèle communautariste nos immigrés connaissant mieux souvent la société américaine qu'il voient à la télé que la société française. Ce n'est pas un hasard si aujourd'hui la France a des chaines de télé pour les "Blacks", ou des rayons de la fnac réservés aux "Gays" comme si ces derniers avaient des goûts culturels qui puissent les distinguer de la masse des Français. On aime taper sur l'extrême droite et son prétendu racisme, mais l'on oublie ces méthodes marketing de segmentation de la population en segment constitué bien souvent par des préjugés racistes ou autres. Tu es noir donc tu n'écoutes pas de la musique classique, mais du R'n'B ou du Jazz si tu es cultivé. C'est dans l'imagerie médiatique exporté par la sous-culture anglo-saxonne qu'est le racisme le plus répandu dans notre société. Nous importons ainsi des codes culturels qui segmentent la société en tribut appelé poliment des communautés dans lequel l'individu est piégé. Les problèmes actuels de la société française viennent donc aussi et surtout de l'importation sur notre sol d'une culture qui y est complètement étrangère. Et les Français ne savent plus qui ils sont, l'esprit français ayant disparu du petit écran comme du grand.

 
La culture populaire un moyen pour créer un sentiment national et élever le citoyen
 

Les Français ne savent plus transmettre le désir et la passion. Nos amis japonais qui ont réussi leur modernisation culturelle n'ont pas eu l'effet d'américanisation que nous avons connu. Les jeunes japonais se passionnent pour l'histoire de leur propre pays, mais ce désir et cet esprit sont aussi alimentés par la culture populaire locale. Au Japon la culture n'est pas dans les musées et le manga ou l'animation, les jeux vidéos ou les films sont devenus de puissant transmetteur de la civilisation nippone chose que pourtant néglige les élites culturelles françaises. On peut donner envie aux jeunes de lire le classique grâce à d'autre médium, mais cela la France mondaine s'y refuse. La France a mis la culture sous cloche pensant ainsi la préserver alors qu'en réalité une culture n'est vivante que si les gens s'identifient à elle. Ce n'est pas en finançant des musés que nous défendrons la civilisation française, pas plus qu'en  idolâtrant les auteurs du passé. Il faut oser moderniser ces oeuvres, les remettre au gout du jour et en produire de nouvelles.   Ce n'est qu'à ce prix que notre culture renaîtra.    

 
Que peut faire l'état?
 

      La mort de la production culturelle française tout du moins dans les nouveaux médias, ceux qui comptent le plus dans la formation culturelle de la jeunesse, est un fait. Maintenant comment peut-on y remédier? Les subventions ont montré leurs limites, du moins sous leur forme actuelle. Il semble qu'elles soient essentiellement aspirées par une toute petite tranche de producteurs culturels pour qui la notion de succès est un terme étranger. Il ne s'agit pas ici bien évidemment de tout réduire à la question du succès quantitatif,  mais une culture vivante est en partie une culture qui  plait aux jeunes. Aujourd'hui les jeunes Français regardent surtout des oeuvres américaines ou japonaises, la culture française se résume à quelques livres qui prennent la poussière.  J'avais donné quelques pistes dans ce texte. Je continue de penser que notre salut viendra d'en bas et du renouvellement de la production par l'intermédiaire des  nouveaux média. L'état devrait se contenter de favoriser ce renouvellement en baissant les coûts de production et en améliorant les capacités artistiques de la jeunesse dans la création musicale, le dessin, l'animation, etc.. Il faut également donner des garanties au producteur, et créer des mécanismes qui combattent le pessimisme français naturel en mettant des sortes de parachute économique permettant à un producteur de s'en sortir si par malheur sont projet à échouer. Dans un pays où la prise de risque est minimale celle-ci peut-être encouragé par des aides de soutien de secours. Il ne faut pas subventionner en amont de la production, mais plutôt en aval.

 

Le renouvellement de la télévision se fera également grâce aux nouvelles technologies comme la télévision par ADSL dont j'avais parlé ici. Il s'avère d'ailleurs qu'il y a déjà des surprises comme la petite chaine nolife. Cette chaine consacrée aux Geeks et aux Otaku vient de faire du bruit, car elle se  place en terme d'audimat au niveau de certaines  chaines plus anciennes et beaucoup plus grosses en terme de budget. Cette chaine a été créée en 2007 avec un budget ridicule et avec un petit groupe de personnes motivées pour sa création. Elle fait montre de beaucoup d'originalité dans ses programmes et qui diffuse d'ailleurs en ce moment la superbe série d'animation de Satoshi Kon " Paranoïa Agent". Elle marque peut-être l'avènement d'un renouveau culturel pour la jeunesse française qui s'identifie à une nouvelle façon de faire de la télévision. Sur internet les créateurs peuvent également se soustraire à la lourdeur des distributeurs, l'état devrait favoriser les créateurs autonomes plutôt que les grosses maisons d'édition souvent embourbées dans leurs contraintes logistiques qui leur interdit la prise de risque. En ce sens je soutiendrai ici Dupont Aignan qui avait favorisé l'idée de la création d'un  système de licence globale  bien plus intelligent que cette stupide loi Hadopi.

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4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 21:00

        Mon titre est un poncif classique de l'analyse marxiste et de ses multiples dérivés que l'on retrouve  partout sur le net, entre des discours sur  des complots ourdis par tel ou tel groupe d'intérêt, ou quelque analyse limitant l'action des médias à un but de manipulation des esprits. Cette image d'épinal qui colle aux médias va jusqu'à alimenter l'imaginaire de certains sur les prétendus  complots juifs. Des groupuscules s'en sont même fait une spécialité en transformant le terme juif en sioniste, ils surfent sur l'antisémitisme nouvelle version qui grimpe chez nos minorités musulmanes pour recycler le viel antisémitisme français qui n'avait plus la côte. Mais si il est évident pour n'importe qui, que le fait que les médias appartiennent à de grands groupes financier agit nécessairement sur le comportement de ces derniers. Est-ce que pour autant le comportement des médias peut-être expliqué par cette unique raison? La réponse est clairement non, et l'on pourrait même ajouter qu'en réalité le fait que les médias soient aux ordres du capital n'explique en fait pas grand-chose de leur comportement en général.

 

   Si je parle de ça, c'est qu'en regardant la page Facebook de l'UPR je suis tombé sur une drôle de vidéo de l'émission de Frédéric Taddeï où la question des médias était abordée. Ce qui est étrange c'est qu'en partant de la téléréalité et de sa nocivité les invités, en l'occurrence le sympathique, mais souvent excessif Francis Lalanne, en arrivent à une espèce de vision d'un complot visant à abrutir la jeunesse. Le début de ses propos étaient pourtant intéressants et pas du tout dénué d'intérêt, que l'on apprécie ou pas le personnage d'ailleurs.

 

        Ces propos qui visent à trouver une raison de manipulation dans l'étrange effondrement moral auquel fait face la télévision française sont un discours récurent à gauche comme à droite d'ailleurs. L'on retrouvera ici bizarrement les réactionnaires en accord avec les penseurs d'extrêmesgauche.  C'est assez symptomatique d'un mouvement qui vise à vouloir chercher un mal raisonné dans l'origine des problèmes  de nos sociétés, c'est-à-dire ici, à chercher une motivation au grand délabrement que connaissent les médias français. La plupart des théories du complot fonctionnent comme cela, elles font une construction à postériori en amalgamant des choix fait avec leurs résultats. En cherchant une motivation dans les conséquences négatives, on construit un raisonnement explicatif qui est  quelque part rassurant parce que relativement simple. Il y a quelqu'un qui bénéficie de ces choix, c'est donc qu'il est coupable, tel est le raisonnement d'un complotiste moyen. N'importe qui peut tomber dans ce piège, moi y compris d'ailleurs. Mais la réalité n'est pas ainsi faite que les mauvaises politiques ou actions sont forcement intentionnées, ou proviennent d'un calcul volontaire. La dégradation de la télévision française n'est pas plus le résultat d'un complot rationnel que la crise économique n'est le fait d'un complot visant à assurer un nouvel ordre mondial comme le prétendent certains hurluberlus d'extrême droite. Dans les deux cas il s'agit plutôt d'un mouvement provenant de choix souvent irrationnels à court terme, mais n'ayant aucune stratégie de long terme.  Et ces ces choix sont le plus souvent guidsé par des croyances approximatives sur le fonctionnement du réel. C'est la célèbre phrase de Jésus "Père, pardonne-leur car Ils ne savent pas ce qu'ils font". Je sais que c'est dur à croire dans notre société en apparence rationelle, mais objectivement la plupart des catastrophes politiques, économiques, ou autres, sont le résultat de ce type de comportement, plus que de complots. 
   
    Pour ce qui est du sujet des médias et de la téléréalité en particulier, il y a une explication beaucoup plus rationnelle  et simple que la recherche d'un complot ou d'une volonté d'abrutissement des masses. En réalité le seul moteur de la télévision c'est l'audimat, et surtout l'image qu'ont les dirigeants des chaines de télévision de ce qui fait monter cet audimat. J'insiste sur ce point. Car il y a en réalité une grande différence entre ce qui fait objectivement monter l'audimat et le processus de choix des dirigeants des grandes chaines de télévision. La preuve c'est que les échecs commerciaux sont monnaie courante dans le domaine, y compris sur TF1 grande reine de la télévision française. Si l'on veut une comparaison simple, les grandes chaines de télévision ont une image de leurs téléspectateurs qui est équivalente à l'image que se fait Nicolas Sarkozy de ses propres électeurs.  Ils sont tous cons et ils regarderont n'importe quoi pour peu qu'on y mette du sexe et de la violence. Et je caricature à peine si vous voulez  mon humble avis.     
 
      Ce faisant, il n'y a pas dans la tête des directeurs de chaine le but d'abrutir la population, en réalité ils pensent que celle-ci est déjà complètement stupide. Ils donnent simplement à la population ce qu'ils pensent être attractif pour le spectateur moyen. En vérité la télévision ne nous donne pas une image de la population française, elle n'est pas non plus là pour abrutir la population à travers un complot diabolique visant la maitrise des consciences. Non, en réalité la télévision nous donne l'image qu'ont les élites de la population française en général.  Parce que les directeurs de chaine font partie de l'intelligentsia française, qu'ils côtoient tous les jours des politiques, des grands patrons, et des journalistes, ils sont donc représentatifs de leur milieu sociologique et des idées qui traversent ce microcosme. Si l'on regarde la dégradation qualitative  de la télévision sous cette perspective, on peut donc dire sans peine que la qualité de la télévision est  proportionnelle à l'image que se font les élites de la population. Dans notre société de moins en moins démocratique, où les élites s'enferment dans une tour de cristal, il n'est pas surprenant de voir une telle bassesse télévisuelle. A l'époque de l'ORTF lorsque la France était en relative symbiose avec ses élites, la télévision n'avait pas la même tête ni les mêmes objectifs. La qualité de la télévision d'alors traduisait le sentiment démocratique d'égalité qui parcourait la société et qui était présent dans la tête des élites.  
 
Il fallait alors faire monter le peuple au niveau des élites, la bonne image  dont bénéficier la population chez les dirigeants se traduisait par une élévation qualitative de la télévision et des programmes publics, y compris à l'éducation nationale. Aujourd'hui la prolophobie, comme Patrick Buisson  a très justement nommé le phénomène de rejet de la population française par ses élites, fait que l'on diminue la qualité des programmes à la télévision, comme on diminue les exigences vis à vis de l'école publique. A quoi bon faire un effort puisque ce sont tous des abrutis racistes qui ne méritent rien d'autre que Loftstory ou une école au rabais. Telle est en réalité l'origine de la dégradation de la télévision française, elle ne fait finalement que nous donner une image de notre démocratie et le moins que l'on puisse dire est que c'est une catastrophe. Il n'y a donc pas de complot derrière la médiocrité télévisuelle, mais plutôt le résultat d'un divorce entre un peuple et ses dirigeants.     

 

 

 

 

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14 mars 2011 1 14 /03 /mars /2011 20:31

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    Le sondage Harris, qui a fait l'effet d'une bombe en donnant à Marine Le Pen le rôle d'outsider le plus dangereux pour Nicolas Sarkozy, a aussi réveillé les soupçons naturels quant aux manipulations possibles. Ce genre de manipulation sont effectivement tout à fait possible eu égard aux enjeux potentiels. Et c'est dans cette perspective que les pouvoir public ont récemment montrés une volonté de réglementer et de réguler la pratique des sondages politiques. Mais en définitive lorsque l'on remet en cause l'honnêteté ou la véracité de tel ou tel sondage, je crois que l'on passe en réalité à coté de l'essentiel. Le problème n'est pas tant la méthodologie employée par les sondeurs, ou leur indépendance, et leur impartialité. Le vrai problème c'est que l'opinion publique,  tout comme les hommes politiques ou les partis, sont influencés par ces sondages quels qu'ils soient. Et c'est cette influence en elle même qui est problématique, et non seulement l'intervention d'un sondage, favorisant tel parti ou homme politique.

 

Les sondages ne sont pas des instruments scientifiques

 

    Pour commencer il faut tout de même rappeler que la base des sondages en elle même est hautement problématique. En effet les sondeurs usent généralement d'abus de simplifications pour réaliser leurs sondages. Il faut d'ailleurs rappeler que les outils mathématiques stochastiques ont des définitions bien précises et que lorsque l'on sort de ces définitions les variables statistiques que l'on emploie n'ont plus aucune validité mathématique.  Ainsi la moyenne n'a de sens que si les évènements que l'on utilise pour la produire sont réalisés sous conditions identiques. Lorsqu'on lance un dé à six faces plusieurs fois, et que l'on calcul la moyenne de probabilité que  chaque face a de sortir, on réalise un vrai calcule statistique. Le dé ne change pas entre les expériences, c'est toujours le même dé qu'on lance c'est seulement dans un tel cas que l'on peut faire une moyenne au bout de plusieurs essais. Par contre lorsque l'on interroge des personnes elles sont toutes différentes, elles n'ont pas le même vécu ni les mêmes références, une même question peut être interprétée de manières différentes suivant la personne. On comprendra donc naturellement que la moyenne des réponses obtenues ne peut en aucun cas être traitée comme la moyenne d'un tirage de dé ou d'une moyenne comme on en pratique dans les sciences en générale. Il y a un problème de nature à user des statistiques mathématiques dans des conditions d'application qui ne sont manifestement pas respectées. L'emploi des outils statistiques n'est valide que si les évènements qui servent de base au calcul de probabilité  sont de même nature, ce n'est absolument pas vrai pour les statistiques fondée sur des questionnaires et des réponses d'individus. Les évènements ainsi mesurer n'entrent pas dans la définition des outils de la statistique.

 

    Comprenons nous bien, les outils mathématiques issues de la statistiques sont extrêmement importants et utiles, on les utilise souvent dans les domaines les plus pointus des sciences naturelles ou humaines. Je ne remets pas en cause les calculs de la variance, la loi normale ou la méthode de Monte-carlo, je remets juste en cause l'application qu'en font les sondeurs, nuance.  Lorsque l'on calcule par exemple la moyenne du poids des enfants français entre 10 et 15 ans, la moyenne a un sens statistique, du moins si on  calcul celle-ci sur suffisamment d'enfants pour que cette moyenne soit représentative. Par contre si l'on demande aux enfants de nous dire qu'elle est leur émission de télévision préférée, la validité de la moyenne n'est plus vrai, car elle introduit un élément subjectif qui n'a rien d'une mesure neutre. On pose une question et la réponse peut être modifiée en fonction de l'interlocuteur ou de divers facteurs non maîtrisés. Bien évidement dans le cas que je viens de montrer on aura peut-être des réponses assez proches des désirs réels des enfants, le sujet n''étant pas forcement problématique. Mais l'on comprendra bien évidement que dans d'autres cas les sondages peuvent être complètement à coté de la plaque, même avec des personnes interrogées totalement honnêtes.  Et c'est particulièrement vrai dans le cas des sondages politiques.

 

Le vrai danger des sondages

 

      Mais plus que leur invalidité scientifique, ou leur méthodologie discutable, c'est surtout leur influence potentielle qui pose le plus de problèmes sur le plan de la démocratie et de l'éthique. En effet les sondeurs ne semblent même pas se rendre compte qu'ils modifient les élections uniquement par leur existence, pas seulement à cause de leur éventuel volonté de modifier les votes, mais simplement par leurs annonces pseudo-prédictives. Il suffit pourtant pour le comprendre de ce poser ce type de question: "A quoi aurait pu ressembler l'élection de 2007 s'il n'y avait pas eu de sondage au préalable?". On voit très bien que Ségolène Royal par exemple n'aurait pas pu être la candidate du PS, ce sont bien les sondeurs qui ont en quelque sorte poussé le parti socialiste à choisir madame Royal. Car elle était, selon eux et leurs méthodes de mesure, la candidate la mieux placée pour remporter l'élection présidentielle, on connaît la suite. Il y a ici une analogie à faire avec la physique quantique, en effet dans ce domaine de la science, on sait que l'observateur peut modifier l'élément observé, c'est exactement la même chose avec les sondages politiques. En réalité si l'on voulait que les sondages politiques soient réellement scientifiques, non seulement  il faudrait palier aux tares dont nous avons parlé précédemment, mais en plus il faudrait que le résultat des sondages ne soit pas ébruité, si même annoncé. En clair se servir des sondages pour prévoir les élections et en faire les titres de journaux invalide ces mêmes sondages. Un peu comme si un homme remontait le temps pour annoncer une évènement qui finalement n'arrivera pas à cause de sa propre influence.

 

  Ensuite le principe de base de la démocratie électorale est de voter pour les représentants que l'on pense être les plus proches de nos propres idées. En théorie la démocratie devrait fonctionner ainsi, mais les sondages ont introduit la notion d'anticipation dans la tête des électeurs, anticipation qui pousse les citoyens à favoriser des votes de type barrage à l'extrême droite, ou vote utile. Les citoyens se sont mis à voter en fonction de ce que prévoient les sondage et plus en fonction des programmes présentés, c'est un changement de nature du vote. Nos représentant ne sont plus nos représentant, mais les représentants pressentis par les sondages devenus des sortes de prophétie auto-réalisatrices. La démocratie représentative a beaucoup de défauts pratiques qui lui nuisent, mais il semble que les sondages lui ont donné le coup de grâce. Les sondages politiques même s'ils sont honnêtes modifient en profondeur le fonctionnement du vote des citoyens, ils pervertissent par nature la fonction même du vote. Donc la question principale n'est pas de savoir quel sont les conditions de fabrications des sondages, ni même de savoir s'il y a des manipulations comme l'a fait récemment le président de l'UPR monsieur François Asselineau. Non, la vrai question à se poser c'est est-ce que nous ne devrions pas interdire purement et simplement les sondages, surtout dans le domaine politique?

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