Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Nous avons parlé dernièrement des mesures protectionnistes de Trump. Nous avons vu que si les mesures protectionnistes prises par Trump pouvaient être critiquées pour leur caractère trop rapide et déstabilisant, elles avaient quand même une justification de base irréfutable. Comme le rappelle Trump lui-même avec sa fougue habituelle, un système commercial mondial ne peut pas fonctionner indéfiniment avec d'immenses déséquilibres. Il ne peut pas y avoir des pays qui produisent et d'autres qui consomment sans que des crises graves finissent par se produire. On en sait quelque chose en Europe, surtout avec le désastre de la crise de 2008. Par nature, les pays mercantilistes, ceux qui accumulent des excédents commerciaux en permanence et de façon volontaire agressent globalement les pays déficitaires et les poussent à la faillite. On devrait pourtant connaître le caractère critiquable du mercantilisme en France puisque c'est un français, Jean-Baptiste Colbert, qui a inventé, on peut dire, cette méthode de domination économique.
Les premiers libéraux combattaient d'ailleurs à l'origine le mercantilisme qui était considéré comme une abomination à bannir. En effet loin du doux commerce cela conduit naturellement au conflit puisque les pays en déficit n'avaient d'autre choix que de répondre à ces agressions commerciales par des rétorsions commerciales voir militaires. Cette question était probablement plus visible à l'époque, car l'on utilisait alors les métaux précieux pour commercer et que les déficits pouvaient rapidement engendrer des pénuries et donc des impossibilités physiques pour commercer. Alors qu’aujourd’hui tout est un peu camouflé par la possibilité d'emprunt sur les marchés financiers ou dans les grandes instances bancaires internationales. Mais la problématique reste la même, un pays qui reste trop longtemps en déficit de la balance des paiements finit par se retrouver à terme en cessation de paiement.
Le trumpisme est une réponse à cette situation qui touche plein de pays en déficit, à la différence que les USA sont la grande puissance qui jusqu'ici permit à ce système de perdurer grâce à l’emprunt et à l’émission monétaire du dollar. Les USA ce n'est pas la pauvre Grèce ou l'Islande victime de grands déséquilibres en 2008. Les USA ont alimenté le système et permis par leurs emprunts au système financier de se maintenir malgré les grands déséquilibres. La demande internationale qui a été réduite progressivement par l'optimisation fiscale et salariale des entreprises aurait dû depuis longtemps produire une crise économique mondiale. Si celle-ci à perdurer c'est bien parce que les états, les entreprises et les consommateurs ont pu s'endetter toujours plus pour maintenir cette espèce de pyramide bancale que fut la globalisation. Et les crises que nous avons connu régulièrement et donc le rythme n'a cessé de croître depuis 40 ans n'étaient pas des accidents, mais la remontée partielle des problèmes à la surface.
Trump et les USA ont décidé de mettre fin à ce système. Certains vont le déplorer en pensant que finalement il ne fonctionnait pas si mal, mais ce n'est bien évidemment pas mon cas. La globalisation libérale a permis avant tout une concentration des richesses comme jamais l'humanité n'en avait connu. Elle a déformé la valeur marchande à un niveau tellement ridicule que cela en devenait indécent, nos agriculteurs qui ne peuvent même plus vivre de leurs productions pourtant essentielles à la vie peuvent en témoigner. Les revenus délirants de métiers totalement inutiles pouvant accompagner la sous-rémunération d'emplois pourtant essentiels. On ne mesure pas à quel point le sens moral même de la population a été vicié quelque part par cette globalisation qui a caricaturé jusqu'à l'extrême les propos de Rousseau sur l'origine de l'effondrement des sociétés (les arts sont lucratifs en raison inverse de leur utilité).
La chute des dominos en cascade
Alors vous allez me dire ici, certes les USA semblent vouloir sortir de la globalisation, mais s'ils sont tout seuls à le faire, celle-ci pourrait quand même perdurer sans eux non ? Et bien c'est très certainement impossible, car comme je l'ai expliqué rapidement ce sont les USA qui ont maintenu la demande mondiale par leur endettement et le rôle du dollar. Ils ont été à l'origine de la globalisation, ne l'oublions pas. Aujourd'hui, aucun pays ne songe ni n'a les capacités à se substituer à ce rôle de consommateur en dernier ressort, et d'état « keynésien » de la planète entière. Les deux grandes puissances commerciales que sont l'Allemagne et la Chine n'imaginent pour leur économie qu'un accroissement constant de leurs exportations. D'autant que la Chine a maintenant un déclin de la population qui va petit à petit aggraver son insuffisance de la demande interne. Rappelons que la Chine a également un taux d'épargne complètement délirant à pratiquement 45% du PIB. Les Chinois vivent largement en dessous du niveau de vie qu'ils devraient avoir à leur niveau de productivité actuel et c'est là tout le problème.
Ce à quoi nous allons assister est donc à une réalisation globale de la réalité économique mondiale. Nous allons à court terme vers une récession que ce soit aux USA ou ailleurs dans le monde. Les pays excédentaires qui attendent toujours de l’extérieur une relance de la croissance devraient normalement connaître une véritable contraction économique. C'est d'ailleurs déjà le cas en Allemagne qui accumule en plus des décisions énergétique et macro-économique mauvaises. Comme on en a parlé récemment, il est possible que le plan de relance de l'armement visât surtout à relancer cette économie en perdition, qui entraîne le continent qu'elle a soumis par la monnaie avec elle. Je rappelle qu'en 2008 les USA à cause de la crise ont réduit fortement leur déficit commercial en le divisant par deux. Cela avait provoqué une grave récession en Europe et en Chine. Il faut donc s'attendre à bien pire si Trump arrive à équilibrer la balance commerciale du pays.
Mais à cela s'ajoute un autre mécanisme, celui de la concurrence entre la Chine et les autres pays mercantilistes. Les pays et les régions s'étaient en fait spécialisés dans la globalisation néolibérale. Si certains pays avaient en quelque sorte perdu la guerre commerciale, et se sont spécialisés dans la consommation et les services, à l'image des USA, de la France ou de la GB. Les pays mercantilistes spécialisés dans l'exportation n'étaient pas tous identiques. Ainsi la Chine est devenue le producteur universel qui a des excédents avec pratiquement tout le monde sauf les pays producteurs de matières premières. Mais le Japon ou l'Allemagne ont vite compris qu'ils ne pourraient pas concurrencer la Chine. Ils ont créé un système qui est déficitaire avec la Chine, mais qui compense ce déficit par des excédents plus importants encore avec les pays perdants de la globalisation. De sorte que l'Allemagne, par exemple si elle accumule des excédents énormes avec les USA, affiche aussi d'immenses déficits avec la Chine.
Mais vous comprenez bien que dans ces conditions la disparition de l'excédent avec les USA va poser un immense problème à l'Allemagne au Japon ou encore à la Corée du Sud. La zone euro et l’Allemagne pourraient rapidement passer du statut de zone excédentaire permanente à celui de zone déficitaire permanente. Et la stratégie allemande qui a consisté à compresser les salaires au maximum ne marchera pas contre la Chine. On comprend donc bien que le retour du protectionnisme américain va inéluctablement pousser l'Allemagne et donc ses satellites européens à devoir relancer leur protectionnisme eux aussi. Mais pas contre les USA contrairement au discours actuel qui n'a guère de sens, mais bien contre la Chine et le reste de l'Asie qui a globalement des excédents à notre encontre. De la même manière, le Japon, ou encore la Corée du Sud vont avoir beaucoup de mal à maintenir le libre commerce avec la Chine maintenant que le marché US risque de disparaître pour eux. En supprimant le consommateur en dernier ressort, Trump a fait tomber le premier domino qui maintenait la globalisation. Leur chute en cascade va entraîner nécessairement des réactions contre les excédents chinois pour tout le monde, parce qu'ils ne sont pas tenables sans la consommation américaine.