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Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.

L'échec sud-africain (partie 2)

 

Nous avons soulevé dans la première partie de ce texte concernant l'Afrique du Sud essentiellement les questions démographiques. Et nous avons vu simplement avec les questions de la mortalité infantile ou de l'espérance de vie que la situation réelle du pays ne doit pas être très reluisante sur le plan économique. En effet, ces indicateurs peu propices à la falsification indiquent bien mieux que n'importe quelle statistique économique la situation réelle d'un pays. Quand la population est malade, on meurt plus jeune et que la mortalité infantile augmente, sans qu'il y ait de guerre bien évidemment, c'est que la situation de la population est simplement mauvaise. En tout cas, qu'elle est mauvaise pour la majeure partie de celle-ci. Un autre indicateur important que je n'avais pas mentionné lors de la première partie et qui fait partie des statistiques importantes pour le développement réussi ou non d'une nation c'est le niveau scolaire général de la population.

 

 

Et sur ce plan non plus, la situation n'est guère brillante. Si l'on regarde les statistiques de l'Afrique du Sud sur cette question comme on pouvait s'en douter, ce pays était très en avance sur l'instruction par rapport au reste de l'Afrique et même par rapport à la moyenne mondiale. Ainsi le taux d'alphabétisation de l'Afrique du Sud était plutôt élevé par rapport à la moyenne mondiale sans atteindre le niveau des pays développés en 1980. Et ce taux d'alphabétisation assez élevé a été atteint à une époque où pourtant l'apartheid était pratiqué, ce qui est assez étonnant en un sens. En effet, on aurait pu penser que l'Appartheid aurait empêché la hausse du niveau scolaire des populations noires largement majoritaires déjà au début des années 80. Pourtant cela ne se voit pas dans les statistiques. On peut même se dire que c'est cette alphabétisation des populations noires qui a probablement précipité la fin du régime de l'apartheid. Car comme dans le cas de la plupart des expériences coloniales, ce qui maintenait les empires c'était avant tout l'absence de conscience nationale des populations locales. Mais en sachant lire et écrire, ces populations prennent dans le même temps conscience de ce qu'elles sont et les mouvements nationaux apparaissent. On ne peut pas expliquer la grande vitesse de croissance des empires européens du 19e ciel et leur chute encore plus rapide au 20e sans ce facteur explicatif. Car beaucoup de pays colonisés, en particulier en Asie, avaient déjà des populations très importantes qui auraient pu empêcher très facilement les conquêtes coloniales. C'est avant tout ce retard mental et éducatif qui explique la courte domination de ces pays par les Européens.

 

 

Dans le cas de l'Afrique du Sud, il semble que l'alphabétisation ait eu le même effet même si dans ce cas là on ne peut pas vraiment parler de colonie puisque comme nous l'avions vu les Boers étaient installés sur ces terres depuis des siècles. Si l'on regarde la courbe de l'évolution de l'alphabétisation de l'Afrique du Sud, on voit malheureusement qu'elle se tasse à partir des années 2000. Pire que cela, on assiste même à un recul en 2015, le taux actuel n'est donc que de 90% alors que dans les pays développés l'alphabétisation est généralement très proche des 100%. Un taux que l'Afrique du Sud compte tenu de son niveau en 1980 aurait dû atteindre depuis longtemps. À titre de comparaison en 1982 le taux d'alphabétisation de la Chine n'était encore qu'à 62%, et je ne vous surprendrai pas si je vous dis qu'il est aujourd'hui de 97%, les quelques 3% restant étant les personnes âgées qui n'avaient pas bénéficié de la hausse assez rapide de l'alphabétisation chinoise. Cet indicateur important nous montre donc un pays bloqué qui régresse même sur le plan le plus basique de l'instruction.

 

 

Plus étonnant, ce relatif échec n'est pas dû à la faiblesse des dépenses de l'état. En effet, l'Afrique du Sud dépense près de 6,1% de son PIB dans l'éducation, ce qui est par exemple nettement plus qu'en France 5,4%. Il faut relativiser tout de même, car le pays a une natalité bien plus forte ce qui mécaniquement conduit à une dépense par tête probablement moindre. Cependant, l'Afrique du Sud fait des dépenses assez hautes et cela sans vraiment faire reculer l'analphabétisme ce qui est assez inquiétant. Comme le montre cette carte du monde, elle fait pourtant partie des pays qui font le plus d'effort budgétaire dans le domaine. Si l'on regarde les niveaux scolaires suivants, on voit une société qui est encore très en retard avec seulement 6% de la population environ faisant des études supérieures et environ un tiers qui arrive à la fin du lycée. Même si l'on parle souvent de l'Afrique du Sud presque comme d'un pays développé, on voit ici que ce n'est pas encore le cas sur le plan éducatif.

 

Nous en arrivons donc rapidement aux questions macroéconomiques. Commençons par le chiffre le plus dramatique, celui du taux de chômage. L'Afrique du Sud affiche un taux officiel de chômage de 33% en 2024, c'est énorme. Et ce taux augmente année après année, il n'était encore « que » de 25% en 2010 par exemple. Comme on va le voir, le fort taux de chômage s'explique par la faiblesse récurrente de la croissance économique . En effet, on constate que depuis la crise économique des années 2008-2010 provoquée par la crise des subprimes aux USA l'Afrique du Sud peine à trouver de la croissance. Ce pays connaissait en effet une croissance assez forte avant cela, mais depuis on tourne entre 0 et 3% de croissance. Cela pourrait aller si le pays était un pays développé, mais c'est un pays avec un niveau de vie assez faible et une croissance démographique encore soutenue. Il devrait donc avoir au moins une croissance de 3 à 4% par an minimum pour absorber la croissance de sa population active tous les ans. Ce n'est malheureusement pas le cas et cela explique la forte hausse du chômage depuis 15 ans. Et pire que cela, la croissance semble de plus en plus faible. En 2023, elle n'a été que de 0,7%, un chiffre à l'Européenne si je puis dire, mais sans le déclin démographique, ce qui pose de graves problèmes sociaux. C'est ce qui explique aussi en partie la remontée des meurtres et de la violence dans le pays alors qu'elle avait tendance à baisser au début des années 2000.

 

 

Sur le plan commercial, la situation est moins dramatique. Le pays équilibre ses échanges et a même souvent des excédents commerciaux. Après il s'agit d'un pays avec un très fort taux de chômage. On peut imaginer qu'en situation de plein emploi la balance commerciale ne serait pas aussi équilibrée. Après tout, la France a maintenu longtemps sa balance à l'équilibre en faisant du chômage et en contraignant sa demande intérieure. Ce fut le cas durant toute la période des années 80-90. C'est un peu la même chose ici. Pour ce qui est des exportations comme vous vous en doutez, les matières premières arrivent en tête, et de loin, mais le pays exporte aussi des voitures. La part de l'industrie manufacturière dans le PIB n'est cependant que de 13% si l'on ajoute l'industrie extractive, on monte à près de 20%. C'est nettement plus que la France, mais la production de matière première pipe un peu les dés comme dans le cas de l'Australie. Pour ce qui est des partenaires commerciaux, l'on peut voir que comme d'habitude l'Asie et la Chine en particulier sont devenues des partenaires essentielles et surtout pour les importations. En effet, l'Afrique du Sud a de gros déficits avec l'Asie qu'elle compense par des excédents avec les autres zones comme l'Europe ou le reste de l'Afrique . Un schéma de développement que l'on retrouve malheureusement souvent et qui tient au fait que la Chine est devenue l'usine du monde, les produits étant ensuite assemblés localement.

 

Nous en avons fini avec cette petite analyse. Si l'Afrique du Sud est présentée comme positivement comme l'un des membres des BRICS, il faut quand même relativiser cette réalité. Le pays a beaucoup de problèmes internes et la situation économique n'est guère reluisante. Il se pourrait même à terme que le pays perde un peu son rôle de leader en Afrique, car d'autres pays du continent sont maintenant bien plus dynamiques et affichent des progressions bien plus impressionnantes sur le plan humain et éducatif. On peut penser par exemple à l'Éthiopie qui jadis était symbole de misère, on se souvient tous des famines dans les années 80, mais qui décollent rapidement aujourd'hui. L'Afrique du Sud même si elle ne le reconnaîtra peut-être jamais avait bénéficié du régime précédent qui avait quand même quelques qualités macroéconomiques. Mais le pays semble avoir lapidé son héritage sans l'avoir fait fructifier. Et il risque aujourd'hui d'être dépassé, y compris par d'autres pays africains.

 

La composition des exportations de l'Afrique du Sud

 

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D
L' atonie de ce pays me chagrine car je trouve leur politique étrangère exemplaire. Ils auraient pu s'aligner sagement au "camp des democraties" mais ont preferé l'independance et le monde multipolaire. De meilleurs resultats economiques aurait permis de donner un exemple aux autres pays africains.<br /> On va voir ce que va devenir le groupe de l'AES dans le Sahel, des pays qui semblent refractaires à l'ordre mondial bhlien...
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Y
Je ne sais pas peut-être que si cette région du monde était divisée en plusieurs états plus homogènes si je puis dire cela fonctionnerait mieux. On sait à quel point les états artificiels fonctionnent mal surtout au sein de l'UE:) . La situation actuelle montre que la direction prise n'est pas la bonne en tout cas. Les statistiques sont quand même assez significatives.