Panne espagnole et nuisances de l'UE

Une panne historique vient donc d'avoir lieu en Espagne. L'un des bons élèves de l'idéologie européiste qui applique toujours avec sérieux les directives de la bureaucratie bruxelloise. Cette panne est en un sens un résumé de tout ce qui ne va plus en Europe. Des idéologues couplés à de la corruption et à des collusions d’intérêts qui prennent des décisions complètement contraires au bon sens et à l'intérêt général. Cela après que l'Espagne ait vécu très récemment des événements dramatiques avec les inondations de Valencia pour des causes décisionnelles assez similaires en fait. Une vision à court terme et une absence de planification générale participant à l'aggravation d'un phénomène naturel sommes toute assez récurrent dans la région. Plus globalement l'Espagne est un des pays qui ont payé lourdement le prix de l'euro et de la construction européenne, même si les Espagnols encore aujourd'hui, pour des raisons historiques certainement, restent attachés à l'UE.

Il faut dire que les Espagnols sont rentrés dans l'UE, ou plutôt dans la CEE à l'époque, presque immédiatement après la fin du franquisme . L'Espagne n'est pas restée une démocratie indépendante plus de 9 ans en fait de 1977 à 1986 dates de son entrée dans la CEE. Les Espagnols ont donc faussement associé la construction européenne avec la modernité démocratique si je puis dire. C'est assez similaire à la situation des pays de l'Est en définitive qui ont rejoint eux aussi l'Empire germanique européen pratiquement immédiatement après avoir quitté l'Empire soviétique. Cela donne probablement une grande difficulté politique à critiquer justement la construction européenne dans sa nature même. Et cela rend même probablement plus difficile encore qu'en France ou en Italie, pays fondateurs de l'UE, l'idée d'une sortie éventuelle de la construction européenne. Il n'en demeure pas moins vrai que l'UE n'a pas été formidable pour ce pays malgré les investissements massifs dont il a bénéficié. Et la panne que les espagnoles viennent de vivre sont en partie le résultat du délire énergétique de la construction européenne, lui même le fruit en réalité de décisions allemandes.

Car rappelons toujours cette réalité qu'Emmanuel Todd déclame souvent, la construction européenne n'est pas un système égalitaire où toutes les nations se vaudraient. C'est de facto une structure hiérarchique dominée par l'Allemagne sur le plan économique et par les USA sur le plan géopolitique. Les autres acteurs ne comptent pas en réalité, et les pays du sud encore moins que les autres, on l'a vu pendant la crise des subprimes pour ceux qui s'en souviennent encore. L'Espagne qui faisait partie des pays au fameux acronyme raciste des PIGS (Portugal, Italie, Grèce, Espagne), paya un lourd tribut aux absurdités européennes de libre circulation des capitaux et de dérégulation financière. Les réformes structurelles imposées ensuite aggravèrent le chômage et la précarité comme à chaque fois. Et même si le taux de chômage a baissé depuis le pic de 2014 il reste à des niveaux très élevés 12,5% de la population active. Dans un pays qui vieillit pourtant extrêmement vite avec un taux de natalité alarmant à seulement 1,21enfant par femme.

Si l'on parle souvent des conséquences dramatiques de la crise de 2008 du point de vue macroéconomique et du chômage, il y a eu un autre effet violent. En effet de la fin des années 90 à 2008, la courbe de la natalité remontait lentement, mais elle remontait. On voit clairement la cassure de 2008 qui a fait plonger le pays dans l’extinction démographique si je puis dire. En 2008 la natalité était remontée à 1,44 enfant par femme, elle est retombée à 1,21 en 2023. Entre 1998 et 2008, la natalité espagnole avait ainsi progressé de 0,31 enfant par femme passant de 1,13 à 1,44 enfant par femme. Si l'on prend la même progression, elle aurait dû atteindre, sans la crise de 2008, 1,75 enfant par femme en 2018 et même 1,967 en 2025 sur la base d'une croissance linéaire de la natalité avec une progression de 0,031 enfant par femme et par an. Alors il ne s'agit là que de conjecture et de projection, la démographie c'est souvent plus compliqué que cela. Mais au coût économique qu'a été la réponse à la crise des subprimes pour l'Espagne, il faut, je pense, ajouter aussi ce coût humain et démographique. Sans la crise des subprimes, et surtout sans les politiques européennes absurdes qui ont suivi, si l'Espagne avait par exemple pu dévaluer en sortant de l'euro. La natalité du pays serait certainement beaucoup plus élevée aujourd'hui. Elle serait peut-être même au seuil du renouvellement des générations.

On retrouve d'ailleurs le même phénomène en Italie et en Grèce où les politiques de contrition économique pour rester dans l'euro en équilibrant les budgets et en obéissant aux critères stupides de Maastricht ont aussi cassé la reprise de la natalité italienne dans des proportions similaires. Les gens qui calculent les PIB et les taux de croissance ne prennent pas en compte ces effets secondaires des politiques macroéconomiques. Pourtant ils sont extrêmement importants et portent atteinte à la croissance à plus long terme d'un pays. On le voit donc ici rapidement, la construction européenne n'a pas seulement un coût économique monstrueux pour les pays latins, elle a aussi un coût démographique. Et la situation démographique française actuelle est elle aussi en grande partie le produit de l'euro et du coût de l'appartenance à cette construction grotesque. Appartenir à l'UE ce n'est donc pas seulement avoir une monnaie surévaluée et inadaptée aux besoins de votre pays. Ce n'est pas seulement faire une politique énergétique stupide à base d'énergies intermittentes qui produisent en plus potentiellement des black-out. Ce n'est pas non plus passer son temps à obéir aux USA et à ne jamais défendre votre commerce parce que les traités commerciaux sont signés par les bureaucrates bruxellois. C'est aussi détruire démographiquement votre pays en réduisant massivement la natalité, car les gens n'ont plus de quoi subvenir aux besoins d'une famille après les purges nécessaires au maintien artificiel de l'euro. C'est beau l'Europe.

D'une panne à l'autre

La panne électrique espagnole n'est donc en quelque sorte qu'une démonstration énergétique d'un problème général de décisions européennes absurdes. La panne électrique est plus spectaculaire, elle touche les prolos qui d'un seul coup ne peuvent plus oublier leurs vies de merde à travers les écrans, donc ça les touche énormément. Mais ce n'est qu'une panne électrique si je puis dire. L'effondrement économique, le chômage endémique et la faible natalité sont beaucoup plus graves à long terme, sans parler de l'immigration de masse. Parce qu'en effet l'Espagne préfère importer des immigrés dont beaucoup de musulmans pour bosser plutôt que d'embaucher des Espagnoles et de devoir payer correctement les salariés. On en sait quelque chose en France de ce comportement, l'industrie du BTP et de la restauration font la même chose ici.

Alors tout n'est pas noir en Espagne. Ils ont effectivement bénéficié pendant deux ans d'une croissance moins mauvaise qu'ailleurs en Europe. Mais force est de constater que ce fut essentiellement parce qu'ils ont rompu justement avec le marché européen de l'électricité. Les Espagnols payent grâce à ça une électricité moins cher qu'en France, ce qui est anormal puisque nos coûts de production sont en réalité plus faibles. Mais si l'Espagne a pu échapper aux effets du délire du marché européen de l'énergie, elle n'a pas pu échapper aux conséquences des énergies intermittentes. Si les Espagnols avaient un début de sens de l'intérêt national, ils pourraient se demander si finalement ce n'est pas seulement du marché européen de l'énergie qu'il faudrait sortir, mais de l'UE tout court.

PS : Ce commentaire n'a aucun rapport avec notre sujet du jour, mais si vous l'avez raté, sachez qu'Emmanuel Todd a mis en ligne le texte de sa conférence donnée en Hongrie récemment. Si cela vous intéresse, vous pouvez le lire sur ce lien. Je reparlerai de ce texte ultérieurement très probablement.