Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Avec le déclenchement de la guerre commerciale par Trump, ou plutôt avec la réaction américaine aux importations particulièrement chinoise, ressurgit la peur d'un changement impérial majeur. On imagine de plus en plus la Chine remplaçant simplement les USA comme superpuissance . Et il est vrai que sur le plan industriel la Chine est aujourd'hui pratiquement aussi puissante que les USA en 1945. L'idée n'est donc pas totalement irrationnelle même si comme nous allons le voir la Chine ne fera probablement pas comme les USA en 1945. La mentalité de ce pays est différente et surtout la démographie chinoise ne lui permettra pas de faire ce que les USA ont fait après guerre en créant un système économique mondial tourné autour de la consommation américaine.
La montée en puissance de la Chine est aujourd'hui incontestable. Si certains économistes continuent à s'illusionner en employant le PIB exprimé en dollar pour comparer les nations, surestimant ainsi gravement les économies européennes ou américaines. Il n'en demeure pas moins qu'il est plus compliqué de camoufler le raz de marée des biens de consommation chinois sur les marchés internationaux. Il est fini le temps où la chine produisait uniquement des objets conçus par d'autres, désormais elle innove. Le marché européen qui sous l'impulsion délirante des bureaucrates européens s'est lancé dans une électrification grotesque de son parc automobile est ainsi inondé de produit chinois. L'Empire du Milieu ayant fait cette orientation plus tôt a une industrie beaucoup plus à l'aise avec la voiture électrique. Elle écrase donc la concurrence européenne sur son propre sol . On vient d'apprendre par exemple que BYD, le constructeur chinois, vient ainsi de dépasser les ventes de Citroën en Europe.
Alors nous n'allons pas ici épiloguer sur la bêtise qu'est la voiture électrique y compris d'un point de vue environnemental. La Chine qui est l'économie la plus électrifiée de la planète produit pourtant bien plus de C02 par tête que la France. Elle est aussi l'économie qui a le plus développé les énergies intermittentes, mais elle utilise massivement le charbon pour compenser. C'est de l'écologisme à l'Allemande, c'est-à-dire complètement stupide. Avec probablement derrière des intérêts d'entreprise camouflé. Il ne faut pas croire que les élites chinoises seraient comme par magie épargnées par les mêmes phénomènes de corruption qu'en occident. Et les collusions d'intérêt vont probablement bon train au pays du confucianisme. Mais de facto l'UE a mis son industrie automobile dans une situation absolument dramatique qui la condamne s'il n'y a pas un protectionnisme minimal en place.
Cette poussée industrielle chinoise montre donc la réalité factuelle du pays bien loin des comparatifs à base de taux de change courant du dollar. C'est d'autant plus vrai que la Chine tout comme le Japon ou la Corée du Sud pratique régulièrement la sous-évaluation monétaire. Ces pays font passer la production avant la consommation intérieure et préfèrent en quelque sorte appauvrir le consommateur en rendant toutes les importations très chères plutôt, en favorisant leur production nationale plutôt que l'inverse. Dans un monde dérégulé, cette stratégie est payante. Ce fut d'ailleurs un peu la même chose pour l'Allemagne d'ailleurs toute proportion gardée. Car l'euro a eu un effet similaire à une sous-évaluation monétaire pour l'Allemagne la mettant ainsi à l’abri des effets monétaires de ses excédents commerciaux. La Chine est la première puissance économique du monde et petit à petit cette réalité fait son chemin dans la tête des dirigeants.
Comme on l'a déjà vu dans d'autres textes, Trump et les élites américaines ont déjà compris la réalité du monde actuel. Et ces élites ont réagi avec diverses stratégies plus ou moins avisées, seul le temps nous dira si ces décisions furent les bonnes ou pas. Les élites européennes, elles n'ont probablement rien compris. C'est ce qui ressort de diverses décisions en particulier dans le domaine économique. L'UE ayant décidé de ne plus taxer les voitures importées chinoises, ce qui revient à jeter à la poubelle l'industrie européenne dans ces conditions. Cependant, il y a une marge entre le fait que la Chine soit la première puissance économique de la planète et la mise en place d'un impérialisme chinois. L'on peut cependant penser que ce pays utilise une méthode impériale somme toute plus classique dans l'histoire humaine, celle de la domination commerciale et productrice.
Car l'empire américain fut en réalité une anomalie dans l'histoire humaine. Jamais dans l'histoire on n’avait vu un empire se construire, et se solidifier, par l'importation de marchandises. Si l'on peut faire des parallèles avec l'empire espagnol du 16e et 17e siècle, l'Espagne d'alors avait comme assise l'or qu'elle extrayait en quantité d’Amérique du Sud. Les Américains eux n'ont eu qu'à imprimer des dollars que les autres se disputent en exportant de vraies marchandises contre ces bouts de papier ou contre les titres de dette US. Les autres grands empires de l'histoire se sont plutôt construits par l'exportation, et le commerce lointain. La Grande-Bretagne du 19e siècle construit ainsi son empire sur les avantages colossaux que lui a apportés l'invention de la machine à vapeur et l'exploitation du charbon. C'est avant toute son avance technologique et organisationnelle, construit en grande partie derrière des barrières protectionnistes, qui firent l'Empire britannique. Ainsi en 1850, la Grande-Bretagne produisait la moitié de l'acier du monde. Un siècle plus tard, ce sera le tour des USA, et aujourd'hui de la Chine.
La Chine crée donc un empire qui se base comme celui de la Grande-Bretagne au 19e siècle sur l'exportation et l'excédent commercial. Son avantage comparatif, construit derrière une habile méthode d'ouverture aux productions occidentales, mais aussi farouchement protectionnistes, puis-qu’obligeant aux transferts de technologie à ses propres entreprises, a accouché d'un monstre qui menace la production du reste de la planète. Évidemment, forte de cet avantage, la Chine joue les prêteuses. La Chine est désormais largement première en termes de prêt fourni à des pays étrangers. Elle est très loin devant le FMI ou le club de Paris comme l'indique le graphique ci-dessous. Il est probable également qu'elle emploie des méthodes peu scrupuleuses comme la vente à perte même si nous n'avons pas forcément de données sur le sujet. Vous vendez à perte sur l'automobile, vous détruisez l'industrie locale puis vous faites grimper vos prix quand la concurrence locale a été exterminée. C'est exactement ce que la Grande-Bretagne a fait au Portugal avec l'industrie textile à l'époque. Les « cadeaux » des prix bas s’inscrivant dans une stratégie de domination à plus long terme. Il ne faut donc pas être dupe des actions chinoises.
Contrairement aux systèmes occidentaux décadents, on a affaire ici à une stratégie impérialiste de long terme qui vise à éliminer la concurrence aux producteurs chinois. Une fois cela fait, la Chine pourra à nouveau être l'Empire du Milieu, du moins c'est l'objectif. Rappelons que l'Empire chinois d’autrefois gardait jalousement son monopole sur la soie au point de punir de mort la sortie de ver à soie du territoire. Et l'empire intervenait régulièrement pour se faire payer tribu par ses voisins . L'impérialisme n'est pas apparu avec l'occident comme semblent le croire certains gauchistes.
Pourquoi l'impérialisme chinois sera-t-il un échec?
Seulement la stratégie chinoise se heurte déjà à certains gros problèmes. Tout d'abord, le reste du monde, en dehors de l'UE, a réagi. On a parlé bien évidemment de Trump, mais il n'y a pas que les USA que le mercantilisme chinois commence à agacer. Leur principal partenaire économique dans les BRICS, l'Inde, vient de mettre en place des taxes à l'importation sur l'acier chinois. L'Inde souffre en effet d'une croissance inquiétante de son déficit commercial avec la Chine qui a atteint l'année dernière 85Md$. La nature même du mercantilisme qui consiste à tirer sa croissance économique par l'exportation est une stratégie qui est en soi extrêmement problématique pour un pays qui fait quand même 1,4 milliard d'habitants. On voit donc tout un tas de pays qui ne tombent pas dans le piège commercial chinois. Même sur les terres rares où la Chine a un quasi-monopole, on va probablement assister à une révolte du reste du monde pour réduire ce dernier. D'autant que la Chine vient d'interdire l’exportation de terres rares pour bloquer les industries étrangères. Montrant ainsi quel usage les bureaucrates chinois font du commerce.
Elle aurait pu le faire en rétorsion pour les USA, mais pourquoi le faire contre tous les pays du monde, alors que seuls actuellement les USA mettent des barrières importantes aux exportations chinoises ? Le second problème de l'impérialisme chinois est plus trivial, la Chine connaît un effondrement démographique. La natalité est tellement basse que le pays pourrait connaître une baisse dramatique de sa population dans les décennies qui viennent. Si la Chine pense pouvoir compenser par une mécanisation et une automatisation accrues, je rappelle ici que cela ne règle théoriquement que la moitié du problème. Déjà il n'est pas dit que tout soit vraiment automatisable même si le secteur de l'IA fait des promesses grotesquement optimistes à mon humble avis. Mais même en automatisant en compensant la baisse de la population par l'automatisation, il y aura toujours le problème de la baisse de la demande allant avec l'effondrement de la démographie.
Faire des robots n'augmentera pas la demande. Or la Chine fait déjà face à une demande intérieure insuffisante, ce qui explique d'ailleurs en partie la hausse récente de l'excédent commercial. Le taux d'épargne en Chine est de pratiquement 50% du PIB. Un taux jamais atteint par aucun pays industrialisé. L'ancien champion, le Japon à la croissance mirobolante des années 80, avait atteint un taux de seulement 35% au maximum. C'est autant de monnaie qui ne sert pas à la consommation dans le système économique chinois, amplifiant ainsi la faiblesse de la demande. L'état chinois a jusqu'ici compensé avec d'immenses travaux, en construisant d'ailleurs parfois n'importe comment et n'importe où, pour utiliser cette épargne et faire circuler l'argent dans l'économie. Mais qu'en sera-t-il dans un pays en déclin démographique avec des infrastructures en surnombre ? On le voit comme souvent dans l'histoire chinoise, ce sont les problèmes internes qui risquent vraiment d'occuper la Chine dans les décennies qui viennent. Je ne pense donc pas que nous irons vers un empire chinois remplaçant celui des USA.