C'est la question que se posait le roi Théoden dans l’œuvre de Tolkien et adapté au cinéma par Peter Jackson "Les deux tours". Le roi se posait cette question alors qu'une immense armée était prête à déferler sur son peuple frêle et mal armé pour la bataille. Face à une fatalité, la lucidité revient et l'on se demande quels évènements ont alors pu conduire à un tel désastre. Malheureusement, c'est bien souvent trop tard que les hommes pensent à nouveau à leur situation et réfléchissent à leur réalité. Une réalité qui les a amenés là où ils en sont, c'est à dire dans une situation périlleuse voir dramatique. Cette question du roi Théoden est donc tout à fait appropriée pour la situation actuelle de la France. À un moment où celle-ci est d'ailleurs en train de se chercher un nouveau roi, et cela alors que les prétendants n'émoustillent guère les papilles électorales de nos concitoyens. On ne saurait trop les en blâmer d'ailleurs. Entre un président sortant d'une médiocrité effarante. Un opposant dont les idées n'ont guère plus que l'épaisseur d'un cheveu pour se distinguer de celles qui guident les actuels dépositaires du pouvoir régalien. Quand aux outsiders ils ne brillent guère plus, entre un Bayrou qui fait semblant d'être une alternative et un FN qui reste un repoussoir absolu pour la population et qui sera incapable de rassembler au deuxième tour , on peut d'ores et déjà se demander à quoi peuvent servir ces élections. On peut d'ailleurs certainement se demander si ce n'est pas en définitive la démocratie telle que nous l'avons conçu qui nous a conduits au désastre actuel. Le sujet est tabou tant les modernes sont persuadés que leur réalité est la seule possible, mais les faits parlent d'eux même. La vitesse à laquelle l'occident et la civilisation occidentale dans son ensemble a coulé est tout simplement spectaculaire. Il n'y a pas de précédent en terme de rapidité d'agonie. En l'espace de deux générations, l'occident aura réussi à perdre toutes ses cartes et toute l'avance qu'il avait eues par rapport au reste du monde. Au point d'être dépassé par des régimes fort peu démocratiques, et ayant un moteur culturel différent. On pourrait donc effectivement se demander comme nous en sommes arrivés là. À un point tel de décrépitude que les états nations des vieilles sociétés occidentales se disloquent. Et qu'ils décident de détruire leur propre pouvoir en le confiant à des corporations privées et à des régimes supranationaux. Le marché domine l'occident parce que les états lui confient en quelque sorte les affaires publiques.
La démocratie électorale entre mythe et réalité
S'il est une chose encore plus tabou que le protectionnisme ou le doute sur les bienfaits de l'immigration, c'est bien la mise en question de la démocratie. Ce régime politique qui en définitive n'a jamais duré très longtemps dans l'histoire et qui n'a représenté qu'une fraction minuscule de temps longs de l'histoire humaine est pourtant devenu un régime indiscutable et indiscuté. Même les dirigeants du FN que l'on présente comme des fascistes se disent démocrates et attachés à la République française. On pourra préciser tout de même que démocratie et république ne vont pas forcément de pair, tout comme monarchie et démocrate ne sont pas forcément opposées. Le diable étant toujours dans les nuances et dans la précision. Évidemment pour ce qui est de la France la république se conjugue avec la démocratie puisque l'évolution de l'une s'est faite en compagnie de l'autre. D'où la confusion des deux termes, les élites françaises vont même encore plus loin dans la confusion puisque certains font fusionner l'identité française avec la république. J'ose personnellement le dire, la France existait avant la république, défendre la France peut également se faire contre la république si ce régime nous conduit au désastre. C'est pour cette raison que personnellement je ne suis pas républicain, je défends l'intérêt du peuple français en tant que tel et je ne confonds pas notre régime politique avec la substance qui doit être défendu. Il est possible par contre que la défense d'un régime politique qui ne fonctionne manifestement pas conduise à la mort le peuple de France.
Je ne suis bien évidemment pas là pour défendre la mise en place d'une nouvelle monarchie absolue. Celle qu'a connue la France est morte et enterrée. Et les mœurs ou les coutumes qui l'ont portée pendant mille ans ont disparu. Or un régime politique efficace doit correspondre un temps soit à peu à la disposition culturelle du peuple qu'il est censé servir. La monarchie fonctionnait tant que durait l'esprit d'honneur pour reprendre les thèses de Montesquieu . Une fois les valeurs anciennes éteintes au plus haut niveau de l'état, le régime était condamné. Il en va probablement de même avec la République française actuelle qui met à sa tête les pires des hommes que le pays produit. La démonstration en a été faite avec les propos lourds de sens de ce pauvre Copé qui ne juge de la qualité des hommes en regard de leur avarice. S'il est un sens au mot vice, Copé en fait ici la plus parfaite définition (1). En un sens, Copé répond avec quelques années d’intervalle à la célèbre formule de Jacques Séguéla sur les montres Rolex et la vie ratée. Pour que la république arrive à mettre à sa tête de tels personnages, c'est que le processus de sélection est profondément bancal à moins de considérer effectivement tel un Jorion (2) que la qualité des personnes est directement proportionnelle à la somme qu'ils reçoivent comme traitement à la fin du mois. La vérité c'est que l'argent n'attire qu'un seul type de personne, les avares et les individualistes. La question est de savoir si l'appât du gain comme seul stimuli fait de bons politiques. Cela fait de bons commerciaux certes, mais l'on sait que l'appât du gain fait de mauvais chercheurs ou médecins. Et à fortiori c'est probablement bien pire dans une profession qui a pour but la défense de l'intérêt général. On voit mal comme un parvenu égoïste ira défendre l'intérêt d'un pays dont il se fiche.
C'est pourtant bien ce type de personnage que la puissance publique met au pouvoir en France depuis trente ans. Et c'est exactement la même chose aux USA ou en Grande-Bretagne pour ne citer que les deux autres vieilles démocraties en pleine décrépitude. Pour en revenir à notre question sur la démocratie il faut bien voir que ce que nous appelons la démocratie n'est qu'une forme possible de ce régime politique et probablement pas la meilleure qui plus est. En effet notre régime pourrait être qualifié de démocratie à explosion pour faire un parallèle mécanique. Dans le sens où elle consiste à prendre une photo de l'envie électorale une fois par une période variable suivant les régimes en place. Une fois ce choix des élus fait, le peuple n'a strictement plus rien à dire sur son propre destin. Et d'ailleurs si on lui demande son avis c'est en général que l'on s'efforce de lui imposer une décision grâce à la machine de propagande, que l'on ose appelé le journalisme en France ou aux USA. Et si par malheur le peuple rejette tout de même les propositions, on lui passera par dessus avec des justifications toute plus tordues les unes que les autres comme on l'a vue en France en 2005 avec le rejet du TCE. Cette élection aura au moins eu le mérite de montrer toutes les limites de la démocratie à l'occidentale, et j'espère mes concitoyens de moins en moins dupes sur la marchandise frelatée que l'on essaie de leur faire avaler depuis deux siècles. Un jour ou l'autre il va bien falloir l'admettre, la démocratie électorale occidentale est en fait bien peu démocratique. Elle n'a fonctionné que tant que d'autres éléments culturels issus de la société traditionnelle l'encadraient. Des éléments comme le patriotisme, la croyance religieuse, les mœurs classiques, l'honneur, etc. Et d'ailleurs les grands moments de l'histoire de France de ces deux derniers siècles ne furent jamais vraiment le fruit du système électoral. Pour ne prendre exemple que sur le Général de Gaulle qui pourrait croire que ce dernier aurait pu monter à la tête de l'état grâce aux règles classiques de la démocratie électorale ? Un régime où l'art de se faire élire est en contradiction avec l'art de diriger. Le Général n'aurait jamais été élu en temps normal. Et les médiocres de son époque auraient continué à diriger le pays.
En fin de compte, c'est la paix qui révèle les tares de nos régimes politiques. Car jusqu'alors les conflits et les tensions en Europe pouvaient perturber les fonctionnements politiques intérieurs et permettre à des personnalités atypiques et non-politiciennes de monter au pouvoir. Des personnalités emmenant avec elles une honnêteté et un désintéressement qui manque particulièrement aux professionnels du sophisme politicien. De fait la paix en Europe fera tomber la pseudodémocratie avec plus d'efficacité que tous les Hitler de l'histoire. Et nous sommes probablement dans cette crise au moment de vérité historique puisque l'aristocratie au pouvoir cache de moins en moins la vérité sur l'organisation de la société et les intérêts privés qu'elle défend. L'Europe n'est en définitive que la continuation en plus grande des corporations politiques qui dirigent nos peuples depuis deux siècles. La disparition du patriotisme et des restes de sentiment national chez les élites traduisant la fin définitive de l'Ancien Monde et le début d'un nouveau. En définitive, la démocratie électorale n'aura été démocratique que le temps que les anciennes croyances se perdent pour permettre à une nouvelle aristocratie de diriger grâce à des croyances nouvelles. L'Europe, le libéralisme ou l'écologie délirante autant de nouveaux socles religieux et idéologiques au pouvoir technocratique dans lequel ce dernier cherche sa légitimée nouvelle qui n'est pas encore totale. En effet, il y a encore des gens qui croient réellement que les élites ont un jour voulu donner le pouvoir au plus grand nombre, alors qu’elles ont juste cherché à faire semblant. Le régime ne fonctionne que tant que les gens y croient, la faiblesse du nouveau régime en Europe c'est qu'il est de plus en plus transparent et montre facilement les intérêts qu'il défend.
Vers un nouveau régime politique ?
Ne nous leurrons pas, la crise n'est que partiellement économique. L'économie n'est que la surface des choses, la révélation d'un pourrissement. Elle est le fruit de plus de trente de mauvaise politique, une mauvaise politique dont il était facile de comprendre où elle menait, mais qui était le fruit d'un comportement politique de type clientéliste, corporatiste et individualiste. Le mode de sélection que nous utilisons favorise la corruption et l'esprit de clan au détriment de l'intérêt général et du désintéressement personnel. La politique est devenue un métier, un gagne-pain et l'abnégation a disparu. Si la théorie de Copé était vraie, nous devrions pourtant avoir les meilleurs hommes politiques de l'histoire puisqu'il est avéré qu'ils sont les mieux payés. Il nous faut donc changer radicalement la façon dont nous choisissons nos dirigeants, puisque des dirigeants il nous faut bien avoir. La question est de savoir par quoi remplacer le régime actuel, les options ne manquent pas. Il est cependant vrai aussi que pour ce faire il faut également un peuple motivé à changer le régime. Il semble que le temps en France ne soit pas venu pour la révolution. Ceux qui espèrent pour cette génération un changement d'orientation risque d'en faire l'amère expérience. Et je crois de moins en moins à la révolution par les urnes d'ailleurs. Il faudra une longue décadence de plusieurs décennies pour que le régime vienne à tomber. Ou peut-être un choc extérieur comme ce fut souvent le cas dans l'histoire de France.
Cependant, quoi mettre en place ? À titre personnel je plaide pour une séparation totale du pouvoir économique et du pouvoir politique. Et pour se faire quoi de mieux que la stochocratie, tout du moins une introduction du hasard dans une présélection des élites ? On n’a rien trouvé de mieux que le hasard pour éliminer l'arbitraire et la corruption. Il est de toute façon évident que quel que soit le nouveau régime, il ne durera pas éternellement. En ce cas, le meilleur des régimes est peut-être finalement celui que l'on peut faire tomber le plus aisément. Il est certain en tous cas que la démocratie à l'occidentale a vécu. Et que peu de gens sont encore totalement dupes sur sa réalité. C'est notamment dans les pays non occidentaux que les critiques sont les plus acerbes à raison. Que de guerres déclenchées au nom de la démocratie ! Et de voir l'aristocratie occidentale imposer à ses peuples un servage par dette interposée. Alors qu'elle défend dans le verbe des valeurs qui sont contraires à ses actes, ce doit être particulièrement irritant. Rassurons nous sur ce point dans peu de temps l'Europe et les USA finiront bien par donner leur véritable nom à leurs régimes respectif. Dès lors on pourra laisser enfin la démocratie reposer en paix et reprendre sa place comme relique du passé à moins de la réinventer pour les temps nouveaux.
1-« Tu comprends, si on n’a ici que des gens qui se contentent de 5000 euros par mois, on n’aura que des minables » Jean François Copé©
2- Le « grand » Jorion avait ainsi affirmé il y a quelques années sur son incroyable blog (c'est de l'ironie) que si les régulateurs de la finance étaient moins performants que ceux des banques et des traders c'était simplement parce que les meilleurs allaient là où l'argent coule à flot. Ces propos m'ont profondément heurté, car je pensais bêtement que Jorion était un anthropologue à l'origine et que ce genre de propos de comptoir fréquent chez les pseudo-intellectuels libéraux n'aurait jamais été prononcé par quelqu'un qui devrait bien connaître à la réalité humaine.