Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
J'aurai pu parler aujourd'hui de la prestation ridicule de Marine Le Pen et Jean Luc Mélenchon sur France 2 hier, mais le fait est que la caricature que ces deux olibrius ont faite d'eux-mêmes pendant 20 minutes rend cet exercice peu intéressant. Je dois dire qu'avec des ennemis pareils les partisans du néolibéralisme n'ont guère à avoir peur pour leur avenir. Entre Marine Le Pen incapable de défendre un programme qu'elle n'a pas vraiment compris. Et un Mélenchon bourré de contradictions et au comportement ridiculement agressif. On peut dire que les deux grands alternatifs au système en sont les meilleurs alliés en ce moment. Mais passons. Je préfère parler d'un énième texte aux idées fossilisées dans les années 70 et qui se croit hautement intelligent. Un texte provenant d'une des nombreuses Pravda du libéralisme à savoir "Le Nouvel économiste", une revue qui devrait plutôt s'appelait « Le grabataire économiste » au regard des propos qu'ils tiennent en général, et dans ce texte en particulier.
Comme à l'accoutumée les économistes mainstreams défendent l'idée que la réindustrialisation est impossible, que c'est une chimère. Que le CDI c'est pour les vieux cons et que l'intérim c'est super chouette. Bref un classique de la pseudo-rationalité qui voit dans l'évolution de nos sociétés un courant "naturel" auquel nul ne pourrait s'opposer et qui oublie en général que cette évolution est le fruit de choix collectifs et non justement le fruit d'une évolution naturelle. D'ailleurs, l'article en question ne fait strictement aucune démonstration, juste des citations et des affirmations qui font office d'autorité et de sérieux. Un ex-PDG à la con sortant son diplôme des arts et métiers comme garanti de sérieux et qui a évidemment tout intérêt à dire à quel point la délocalisation c'est inévitable. Un économiste de l'OFCE, organisme qui se trompe régulièrement et qui n'avait pas vu la crise de 2007. Avec en plus à la fin de l'article une sortie sur l'Amérique qui sort de la catastrophe comme par miracle. Il faut éviter de rire. Et l'auteur de déclarer classiquement que l'avenir de l'industrie en France c'est l'industrie verte et la haute valeur ajoutée. Comme si celles-ci n'étaient pas délocalisables. Autant d'idées reçues qui passent par l'hypothèse idiote que les partisans de la réindustrialisation proposent celle-ci dans le même cadre commercial que celui qui prévaut aujourd'hui.
C'est à dire un cadre de libre-échange intégral et de monnaie totalement surévaluée. L'auteur prend d'ailleurs l'exemple du textile où l'on nous dit qu'une pièce de lingerie coûte 13 euros à produire en France et 7 en Tunisie. Et que donc il n'y a aucun intérêt à produire en France. Mais que se passerait-il si la monnaie était dévaluée de 50% ? L'hypothèse n'est même pas soulevée. Et que se passerait-il si la France remettait des quotas comme il y en avait autrefois? L'industriel serait bien obligé de relocaliser non? Et les droits de douane, inconcevables. Puisqu'on vous dit qu'il n'y a pas le choix, c'est une évolution « naturelle ». À croire que le protectionnisme US de 1865 à 1945 (droits de douane à 50% en moyenne), ou celui du Japon des années d'après-guerre (et pendant l'ère meiji) n'ont jamais existé. Au 19e on présentait aussi la montée en puissance de l'industrie britannique comme naturelle. Si nos élites de l'époque n'avaient pas réagi en faisant du protectionnisme ni l'Allemagne ni la France ne se seraient industrialisées. Il en va de même pour les pays comme la Chine dont le protectionnisme est multidimensionnel. Elle qui oblige les entreprises étrangères à partager leurs savoir-faire avec les locaux pour bénéficier de la main d’œuvre à bas prix nationale. Le journaliste du nouvel économiste prend ici vraiment le lecteur pour un imbécile, il suppose que les défenseurs de la réindustrialisations veulent rester en régime de libre-échange. Bon évidemment si l'on pense que seuls les candidats du centre tel Bayrou parlent de réindustrialisation on peut effectivement se moquer d'eux de cette manière. Des pays comme l'Argentine ou le Brésil pratiquent ouvertement des politiques de réindustrialisation avec un succès indéniable. Mais qui se soucie de ce détail ? Certainement pas notre économiste-journaliste crypto-libéral.
La mondialisation commerciale est responsable de la crise
Ce que semble complètement ignorer également ce fumeux article ce sont les effets dépressionnaires que produit cette désindustrialisation et qui ne se comprennent que si l'on raisonne à l'échelle mondiale. En effet à quoi correspondent donc les délocalisations? À une réduction quantitative du revenu de la masse salariale. C'est-à-dire que si l'on se place à l'échelle mondiale à quantité de production constante ou augmente, on diminue le volume d'argent qui va vers les salariés et donc vers les consommateurs. À l'échelle mondiale, tout se passe comme si l'on contractait volontairement le volume de consommateur potentiel puisque les salariés des pays à basse pression salariale se voient distribuer une moindre quantité de salaires en volume que les salariés qu'ils remplacent. Bien évidemment ceci étant un jeu de vase communiquant certaines nations y gagne pendant que beaucoup d'autres y perdent. Mais globalement, on assiste à une contraction de la demande mondiale solvable. Une contraction qui ne s'est pas traduite jusqu'à présent dans la consommation parce que justement le système a délibérément laissé filer l'endettement privé comme public dans les anciens pays industrialisés dont on nous dit dans cet article bidon qu'ils doivent leur croissance au tertiaire...
La traduction de ce mécanisme est un accroissement délirant des déséquilibres commerciaux et in fine un effondrement brutal de la croissance mondial lorsque le niveau d'endettement devient trop important. L'actuelle croissance américaine que l'on voit n'est que l'effet momentané d'une immense injection monétaire. Ce que relance celle-ci ce sont surtout les importations, car les USA ne produisent que des emplois dans le tertiaire justement. La balance commerciale US recommence à plonger à chaque fois que la « croissance » redémarre, préparant ainsi la prochaine crise financière. C'est un jeu idiot qui ne peut que mal se terminer d'autant que les états ne pourront pas sauver le système financier lors de la prochaine crise qui ne tardera pas à se produire. Celle-ci entrainera d'ailleurs les nations comme la Chine qui sont hautement dépendantes de leurs exportations et dont on verra à quel point elles ne sont pas des marchés, mais uniquement des usines de production à faible coût. Il est impressionnant de voir encore des gens défendre l'idée d'une société sans usine au moment où tout démontre que ce modèle n'a pas d'avenir.
La vérité est que croire que la croissance peut perdurer en régime de libre-échange et de désindustrialisation est une chimère. Contrairement aux propos tenus par ce journaliste. L'état de délabrement industriel occidental est tel que toute forme de relance économique ou de croissance est instantanément absorbée par les nations mercantilistes d'Asie et par l'Allemagne et ses satellites à bas revenus, comme la Pologne ou la République tchèque. La croissance mondiale fait donc du Stop and Go. À peine redémarre-t-elle que déjà les nuages s’amoncellent. Les cycles que les économistes médiocres croient naturels ne sont que le fruit de cette incohérence structurelle que produit la déconnexion de la rémunération et de la production. Plus on éloigne le producteur du consommateur et moins le marché s'autorégule.
L'instabilité du contrat de travail aggrave la crise économique
Cependant dans le genre accumulation de poncifs le texte ne s'arrête pas là puisque bien évidemment une attaque contre la réindustrialisation devait nécessairement s'accompagner d'une attaque sur la sécurité de l'emploi. Le journaliste nous présente l'éternel choix cornélien entre l'emploi rigide, mais en faible quantité, à l'emploi flexible, mais en plus grande quantité. Dans un raisonnement simpliste qui présente l'emploi global comme une quantité stable que l'on devrait partager au mieux. La moindre rémunération ou l'instabilité salariale devant maximiser la quantité d'emploi globale. Là encore, la vérité est en fait contraire à ces élucubrations. Car plus l'emploi est flexible et plus la propension à consommer est faible. Lorsque votre emploi est précaire, vous avez tout intérêt à épargner un maximum et à minimiser votre consommation à court terme. Ce n'est pas un hasard si un pays comme la Chine qui n'a ni protection salariale, ni sécurité sociale, si salaire suffisant, a un tel niveau d'épargne incompatible avec son niveau de production sans ses excédents commerciaux phénoménaux. Là encore la flexibilité nuit à la croissance en réduisant la demande, et en réduisant la propension à consommer. Ce faisant une moindre croissance entraine une moindre création d'emploi. Si les économistes d'après-guerre ont milité pour la sécurité de l'emploi ce n'était pas par simple générosité, mais parce que les gens de l'époque avaient vécu la grande dépression et savaient pertinemment que le grand danger pour une économie industrialisée c'est la déflation et l’insuffisance de la demande.
La hausse de la protection sociale après guerre ne fut pas le fruit du hasard de l'époque ou une erreur. C'était un choix murement réfléchi fait par des gens avec un niveau intellectuel nettement plus élevé que les énergumènes qui sévissent dans les journaux soi-disant spécialisés dans l'économie. La stabilité de l'emploi n'est pas seulement morale, elle est le fruit d'un raisonnement rationnel. C'est d'autant plus vrai que la stabilité de l'emploi accompagne en réalité une société productive. Car qui peut raisonnablement croire que l'on peut être réellement productif en changeant sans arrêt d'emploi ? C'est parce que notre société ne produit que des emplois médiocres de vendeur ou de journaliste économique, emplois nécessitant visiblement peu de qualification, que l'on peut en changer aussi aisément. Quand on fait de l’ingénierie, de la recherche ou que l'on est ouvrier spécialisé, on ne change pas de métier aussi vite, car il faut des années avant d'être réellement productif. L'emploi stable était donc aussi la caractéristique d'une société productive et industrielle à l'inverse de notre société de rente et d'emploi précaire peu qualifiés.