Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Todd nous a encore fait une de ses fracassantes déclarations dont il a le secret en déclarant dans un interview dans l'Express "Hollande peut devenir le Roosevelt français". J'ai cru tout d'abord à une plaisanterie, mais non, il semble sérieux. J'avais jusqu'ici mal compris les raisons qui poussaient Todd à appeler à voter pour Françoise Hollande. Cela semble s'éclairer ici. Il fait le pari d'un retour à la raison après crise à l'image de Roosevelt qui était effectivement un modéré lorsqu'il est monté au pouvoir et il s'est radicalisé par la force des choses au cours des années 30. Enfin dans l'histoire il ne faut pas oublier que les réformes de Roosevelt ont été largement insuffisantes, les politiques de relances étant alors bien trop timorées pour relancer durablement l'activité économique. C'est donc surtout l'effort de guerre qui mit fin à la grande dépression des années 30. On ne sait pas comment auraient évolué les choses si la guerre n'avait pas eu lieu. Enfin, on le saura bientôt puisque l'humanité a pris le même chemin qu'alors et que contrairement à l'époque il n'y a pas vraiment de raison pour qu'une guerre entre grandes puissances puisse avoir lieu. Nous connaitrons bientôt l'évolution du même mécanisme d'autodestruction du capitalisme par la mondialisation sans la rupture militaire. Tout du moins, il faut l'espérer.
Le comparatif historique a également une autre contrainte, c'est qu'au moment du New Deal les USA étaient en surproduction, ils n'ont pas eu à lutter à la fois contre une désindustrialisation accélérée et contre une baisse de la demande ce qui est le cas aujourd'hui. Les USA de Roosevelt taxaient à 50% en moyenne les importations de sorte que Roosevelt n'eut à affronter que la question de la relance de la demande intérieure sans se soucier des rapports commerciaux avec l'étranger. Le problème est nettement plus ardu et moins simpliste aujourd'hui . Les dirigeants doivent à la fois faire une politique de relocalisation des activités et faire une politique contra-cyclique. De fait pour faire une bonne politique économique à l'heure actuelle en France il faut avoir une véritable compréhension des contraintes et des enjeux. Qualité que je ne vois absolument pas apparaître au sein du PS. Le seul haut membre du PS à avoir un début de réflexion de ce genre étant Montebourg. Et il est encore loin d'avoir vraiment pris en compte tous les tenants et les aboutissants. En montant au pouvoir, celui-ci fera des politiques tout aussi déséquilibrés que celles de l'UMP. En supposant encore que le PS est de bonne foi ce dont je doute largement. L'histoire récente de ce parti ayant déjà montré sa vraie nature.
On le remarque d'ailleurs déjà dans le programme du PS, la proposition visant à mettre à 75% les impôts des plus aisés relevant de la démagogie pure et simple en régime de libre circulation des capitaux. Cela ne fera qu'accélérer le départ des capitaux comme c'est le cas depuis que le PS des années 80 a ouvert les frontières du capital et des marchandises. On constate d'ailleurs qu'historiquement c'est bien l'incapacité de compréhension du PS et sa haine des frontières qui ont discrédité les politiques de relance en France tout comme les hausses d'impôts. Une grande part de la paralysie intellectuelle de la France actuelle venant directement des effets du tournant de la rigueur de 1983 lui-même étant le fruit d'une politique de relance non appuyée sur des barrières douanières et des dévaluations. L'acharnement de la gauche à faire des politiques incohérentes est pourtant palpable depuis déjà bien longtemps. Ce n'est pas l’accession au pouvoir qui y changera quelque chose. Au contraire je crains que la gauche une fois au pouvoir ne fasse bien pire encore que l'actuel clown qui nous sert de président.
Même dans le parti pseudo-révolutionnaires de Mélenchon on veut juste changer l'Europe. Les frontières étant toujours considérées comme des grossièretés de droite, et l'Europe comme étant une avancée indépassable. Si l'extrême gauche est dans cet état que peut-on donc espérer du PS ? Par quel miracle assisterions-nous à une mutation au moment de la sacralisation de ce parti de notables ? Roosevelt nous dit Todd ? Et pourquoi pas Pétain ? Parce que le positivisme c'est bien gentil, mais il faut aussi parfois regarder les choses en face. En Grèce ce sont des socialistes qui ont fait des horreurs. Aux USA Obama aussi on le présentait comme un Roosevelt 2, on a vu le résultat. C'est que Roosevelt avait aussi un autre avantage par rapport à ses successeurs, c'était un homme né au 19e siècle tout comme De Gaulle. Ils ont été à la charnière entre le monde d'avant, celui où la raison guidait en partie l'occident, une époque où il fallait démontrer pour être en parti pris au sérieux. Une époque où l'écrit dominait encore largement à l'inverse de notre époque où c'est l'image qui domine. Cette différence crée des conditions politiques très différentes de celles de l'entre-deux guerre.
Le temps des sophistes et des démagogues
En effet, notre époque est bien différente de celle de Roosevelt ou De Gaulle et pas seulement pour la question de la taille du terrain de jeu du capital ou du niveau technologique, même si cela a son importance. Ces deux hommes n'auraient jamais accédé au pouvoir à notre époque. Les médias audiovisuels ayant largement perverti les rapports démocratiques et les débats. Nous vivons le temps de la domination du sophisme, et sa domination est liée à la nature des médias dominants. La télévision dont j'ai souvent parlé sur ce blog casse complètement le rapport entre la réflexion et la politique. La télévision et les médias imposent les débats tout comme les priorités des politiques. Je trouve d'ailleurs toujours aussi curieux que Todd ne parle jamais de la question médiatique. Il critique à juste titre l'obsession du présent et du superficiel qui domine dans les médias, mais semble ignorer parfaitement les effets sur les politiques et les citoyens. Les politiques sont pourtant souvent faites pour plaire aux médias et non pour répondre aux intérêts supérieurs de la nation. Et pour cause les hommes politiques qui ne se plient pas aux contraintes médiatiques ont peu de chance d'être élus.
Aujourd'hui la démagogie dans les médias consiste à vouloir sortir de l'euro ou à monétiser la dette. D'un point de vue rationnel, c'est pourtant l'inverse. C'est vouloir rembourser la dette telle qu'elle est, ou rester dans la zone euro en régime de libre-échange qui est démagogique. Pour expliquer cela, il faudrait des relais dans les médias nous permettant d'avoir du temps pour exprimer ces évidences factuelles aux Français, seulement du temps ces thèses n'en auront jamais. Elles sont donc réduites au silence tout comme les hommes politiques qui les mettent trop à l'avant, ou alors elles s'expriment en des lieux à l'audience lilliputienne. L'amour des médias et particulièrement de la télévision pour les évidences sans questionnement par faute de temps est à l'origine du conservatisme terrifiant dont fait preuve ce soi-disant lieu de débat. Quand on comprend cela, on voit bien qu'il y a peu de chance pour que nous ayons un réel changement en France en Europe ou aux USA dans les années qui viennent, et ce quel que soit le degré de souffrance de la population. En effet pour se révolter encore faudrait-il que les Français comprennent d'où viennent leurs problèmes. C'est mal parti puisque ces mêmes Français qui semblent lucides sur la question du libre-échange deviennent aveugles dès qu'on leur parle de l'euro. Et il ne faut malheureusement pas compter sur les médias pour leur ouvrir des portes de sortie intellectuelles.
La France : une nation malade de son universalisme
La gauche est prête à sacrifier son peuple sur l’autel de ses croyances et de sa bonne morale. On dit souvent de la France qu'elle est une idée, oui et non. La France c'est avant tout les Français, soit une population qui habite un certain lieu de l'espace de cette petite planète sur laquelle nous vivons. Une population qui a constitué un peuple au fur et à mesure que le temps est passé. Des guerres des révoltes des rois puis des présidents ont constitué la France par de petites strates donnant aux populations qui vivent ici un langage commun et une ambition commune. Par définition, l'espace français est celui sur lequel le peuple de France décide seul de son avenir de ses lois et de sa façon de vivre. Pour unifier cette nation effectivement disparate à l'origine comme aiment à le rappeler les intellectuels de gauche il a fallu aussi beaucoup de violence. De cela les mêmes intellectuels en parlent moins. La France avait aussi son atout anthropologique égalitariste qui l'a mené à produire ou à favoriser des doctrines universalistes. Doctrine qui ont permis de créer le ciment collectif nécessaire à établissement de la nation française malgré les diversités locales.
Cependant si l'universalisme était un avantage pour unifier un petit empire, ce même universalisme semble aujourd'hui produire de la dislocation. Les Français étant prêts à nier leurs propres intérêts et identités pourvu qu'ils fassent partie d'un nouvel universalisme. Peu importe d'ailleurs la nature de cet universalisme qu'il soit communiste, libéral, américain , russe, chinois ou musulman, il fera l'affaire tant qu'il est universel. La seule chose qui compte c'est l'égalité totale de toute l'humanité. En rétrécissant, la France a perdu sa possibilité d'étendre son universel, elle préfère donc s'abandonner à l'universel des autres ou ce qu'elle conçoit comme l'universel des autres. On comprend mieux ici l'abandon par la gauche de l'héritage révolutionnaire français au profit de celui de l'Union soviétique après guerre, ou encore la passion des libéraux français pour le libéralisme économique crétin du monde anglo-saxon (surtout américain), alors même que le libéralisme français fut nettement moins con pour parler crument. On voit pourquoi l'Allemagne recommence à fasciner les élites du pays. Elle est puissante donc elle peut imposer le nouvel universalisme. Ce qui est étrange quand on sait que les Allemands sont tout sauf des universalistes.
Il faut le reconnaître, les Français aiment plus l'égalité que leur propre nation, au point qu'ils sont peut-être aujourd'hui prêts à détruire celle-ci pour faire partie d'un grand néant autocratique, l'Union européenne. L'histoire n'est pas encore écrite bien évidemment et il est possible que la France puisse se ressaisir, mais il faut aussi envisager l'hypothèse que celle-ci soit touchée dans son cœur profond. Que ce qui a permis sa création est aujourd'hui ce qui provoque sa chute. Il en va d'ailleurs de même pour les USA, l'autre nation « idée », mais pour d'autres raisons. En ce cas la France n'est plus sauvable et elle se disloquera dans le siècle qui vient. À titre personnel je ne suis pas prêt à vendre mon pays pour des « valeurs » ou des idéologies, aussi sympathiques soient-elles. Et c'est ce qui me différencie d'un idéologue de gauche ou de droite. D'ailleurs pour moi aucune idéologie ou mode de vie n'est universel, seules la raison, les mathématiques et les sciences le sont. Les modes de vie, les façons de s'organiser sont par nature des constructions arbitraires, vendre les nôtres comme les seuls possibles ou les meilleures pour l'humanité entière est faire preuve d'une incroyable vanité. La France se sauvera le jour où elle acceptera d'être ce qu'elle est, à sa façon, sans que sa façon d'être ne soit l'idéal du monde entier. Elle doit redevenir humble tout simplement.