Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Il s'agit de la formule à la mode dans les milieux écologistes et qui est employée même par les personnes les plus sérieuses comme l'excellent Jean Claude Michéa ou encore André Jacques Holbecq. Deux personnes que j'apprécie beaucoup, mais avec lesquelles j'ai quelques divergences d'opinions sur le rapport qu'entretient l'homme avec dame nature. Cette assertion concernant la croissance infinie dans un monde fini est un sophisme. C'est une affirmation doublement fausse d'ailleurs comme je vais tenter ici de l'expliquer. Il y a à mon sens une large erreur de modélisation du réel dans cette affirmation. Un raccourci bien pratique pour ceux qui effectivement préfèrent se baigner dans le bain du pessimisme occidental et surtout européen. Notre époque est pessimiste, mais ce pessimisme a des origines qui sont en fait assez éloignées des questions proprement écologiques. C'est le déclin démographique, économique et intellectuel de l'occident qui produit cette adoration pour les retours en arrière sous toutes leurs formes. La forme écologique d'un monde en harmonie avec la nature parait sympathique à une population esseulée par l'individualisme rampant et rongée dans son pouvoir d'achat par le marteau piqueur du libre-échange et les délires néolibéraux.
Pour accepter ce déclin qui semble irrémédiable, les Occidentaux inventent de nouveaux idéaux. Le retour à la terre dont sont friands les types d'extrême droite, ou encore l'éloge de la décroissance de la population ne font qu'accompagner cette culture mortifère qui semble aujourd'hui envahir la totalité de l'esprit occidentale. La thèse du réchauffement anthropocentrique aujourd'hui largement critiqué dans la communauté scientifique reste la préférée essentiellement parce qu'elle va dans le sens du masochisme anti-scientifique qui frappe notre civilisation. Nous sommes passés d'un excès de scientisme au 19e siècle à son inverse en l'espace de quelques générations, un excès qui pourtant n'a pas lieu d'être l'humanité n'étant pas nécessairement condamné par son progrès technique. Si nous ne devons pas devenir esclaves de la technique, nous ne devons pas non plus oublier que la plupart d'entre nous n'existeraient pas si nous étions restés des chasseurs-cueilleurs. D'ailleurs en se plaçant au niveau des arguments des décroissantistes, combien de planètes nous aurait-il fallu pour avoir 7 milliards d'humains chasseurs-cueilleurs ? On imagine l'écologiste du néolithique se posant cette question cruciale « Mon dieu! Nous arrivons à la saturation de notre environnement. Si nous continuons à nous multiplier bientôt il n'y aura plus assez de nourriture et la terre sera ravagée ! » En supposant que notre intellectuel du néolithique ait eu des connaissances en algèbre et un système de numération décimale, il aurait pu calculer qu'en partant du principe que la terre ne peut accueillir que 30 millions de chasseurs cueilleurs. Il faudrait au bas mot 233 planètes pour subvenir aux besoins de 7milliards d'humains avec les techniques et les façons de vivre du néolithique. Notre écologiste de l'an -15000 serait donc certainement surpris d'apprendre que 7 milliards de ses lointains descendants vivent aujourd'hui sur terre, il faut dire que ces derniers ont cessé de jouer les chasseurs-cueilleurs et que c'est la maitrise de leur environnement qui a permis une telle explosion démographique.
Est-il si inimaginable que notre façon de faire actuelle soit rapidement supplantée par de nouvelles façons de faire qui feront passer nos actuelles inquiétudes pour des stupidités d'hommes primitifs ? Les écologistes ont ceci de commun avec les libéraux qu'ils pensent toujours le monde de demain avec les mêmes contraintes que celles d'hier. Point de rupture dans leur raisonnement. Tout se résume à des équations linéaires. Pourtant la singularité, le chaos et les non-linéarités dominent dans les phénomènes naturels. Il n'y a pas de raison qu'il en aille différemment de l'évolution de l'espèce humaine. Les techniques et les révolutions scientifiques sont elles-mêmes des phénomènes difficilement prévisibles à long terme. Alors, penser que le monde de demain fera encore de l'agriculture, version ancienne ou actuelle, voilà qui est bien prétentieux. C'est pourtant sur ce genre de raisonnement que toutes les prévisions alarmistes des écologistes sont basées.
Le fait est que l'humain s'est toujours battu contre la rareté. Il a même construit des codes moraux des lois et tout un tas de mécanismes sociaux pour permettre autant que possible de faire correspondre les capacités de productions aux besoins vitaux de la population. Cependant l'amélioration technique et une meilleure connaissance de la nature nous ont permis de faire des bonds spectaculaires ces derniers siècles. En quoi donc ce qui nous permet de repousser cette rareté serait-il abominable ? Qu'il y est encore des limites à nos capacités certainement, mais croire que nous avons atteint à la fin de ce dont nous sommes collectivement capables je crois qu'il y a là un pessimisme qui n'a pas lieu d'être. Dans un de mes premiers textes sur ce blog j'avais qualifié les écolos de technopessimistes, je persiste à penser que nous ne sommes qu'au balbutiement de l'ère scientifique de l'humanité. Je ne suis bien évidemment pas stupide au point de penser que cela nous ouvrira automatiquement un Nouveau Monde paradisiaque, tout dépendra de la manière dont nous saurons utiliser cette puissance. Cependant si ce chemin technique et scientifique est semé d'embuches, le retour en arrière est par contre lui le cimetière certain pour l'espèce humaine. Ne serait-ce que parce que notre propre berceau, la terre, est de toute façon condamné à plus ou moins longue échéance. De plus ce retour en arrière signifierait un véritable génocide puisque les techniques anciennes ne sauraient nourrir l'humanité actuelle, quels que soient les efforts individuels que nos concitoyens pourraient fournir.
Une affirmation logiquement vraie, mais qui ne correspond pas à la réalité
Pour en revenir à l'expression du titre, je vais commencer en surprenant mes interlocuteurs écologistes, il est parfaitement vrai d'un point de vue logique qu'une croissance infinie dans un monde fini est impossible. Il s'agit d'un simple calcul mathématique de limite. Il est fréquent que certains donnent l'exemple de la multiplication des bactéries dans un environnement limité pour montrer les limites de la croissance et l'accélération exponentielle des besoins. Nous pourrions bien évidemment dire que les humains ne sont pas des bactéries, mais il est certain que cet argument sera jugé comme non recevable par les écologistes. Écologistes qui en leur for intérieur sont persuadés que l'homme est en fait une erreur sur terre (eux exclus probablement). Et surtout l'abominable homme occidental père de toutes les horreurs technologiques. Cependant en quoi cette affirmation de monde finie est-elle vraie ? La terre est un monde physique fini certes. Mais l'univers qui nous entoure ? Notre seul système solaire est déjà passablement grand à l'échelle de nos ridicules besoins. Des astronomes avaient calculé que le seul astéroïde 16 Psyché pourrait subvenir aux besoins de toute l'humanité en fer en Nickel et dans d'autres matériaux pendant plusieurs millions d'années ! La deuxième partie de ce sophisme est donc fausse, nous ne vivons pas dans un monde fini. Ce n'est un monde fini que dans le sens ou nous ne savons pas encore accéder à son immensité. Une immensité qui va dans tous les sens d'ailleurs puisque les recherches sur l'infiniment petit (le très limité donc) nous ouvrent des champs infinis et inimaginables de possibilités.
Des physiciens anglais ont par exemple réussi à imiter le phénomène de photosynthèse artificiellement avec des boites quantiques. Imaginez que l'on puisse faire artificiellement à grande échelle ce que font les plantes depuis des millions d'années. Voilà qui ouvre de grandes possibilités non. En pourtant cette ouverture de possibilité se fait toujours sur notre terre si exiguë. La première limite n'est pas physique, elle est organisationnelle, culturelle et intellectuelle. C'est parce que nous passons notre temps à limiter notre génie collectif par des politiques stupides et des gaspillages que nous restons avec des technologies dépassées. Ce n'est pas d'un grand bond en arrière que nous avons besoin, mais d'un grand bond en avant. Non seulement nos dirigeants n'investissent plus assez dans la recherche. Mais en plus la recherche dans nos pays est devenue le seul jouer des multinationales qui orientent celle-ci vers des directions purement utilitaristes à court terme. Il ne faut pas compter sur le secteur privé pour faire de la recherche fondamentale dont les résultats ne sont pas directement utiles pour améliorer les performances financières. Non seulement l'occident investi de moins en moins dans la recherche (cela fait longtemps que l'on dépense plus en publicité qu'en recherche), mais en plus la qualité de ces investissements ne cesse de chuter. Heureusement qu'il existe d'autres espaces géopolitiques plus ambitieux sur le plan scientifique, en commençant par la Chine.
L'autre objection que l'on pourrait faire à cette expression « croissance infinie dans un monde fini » est celle du terme croissance. Que mettons-nous derrière ce terme ? Construire une centrale à pétrole c'est faire de la croissance économique au même titre que faire une centrale solaire. On voit bien pourtant que la nature de cette croissance change suivant l'usage des techniques. La première est basée sur une ressource rare qui s'épuise, alors que l'autre non. Dans les deux cas, nous alimentons la croissance économique pourtant. Il existe d'ores et déjà de nombreuses façons de faire de l'énergie autrement qu'avec du pétrole de l'uranium ou des éoliennes. Les lecteurs de ce blog pourront voir quelques exemples dans le dernier numéro hors série de la Revue la Recherche consacré à l'énergie. On y parle notamment des biocarburants de seconde génération, ou encore le numéro de Science et Vie de novembre dernier dont a parlé mon collègue blogueur JoeLiqueur. Un numéro qui parlait de l'utilisation du Thorium en lieu et place de l'uranium pour faire un nucléaire bien plus sûr et plus propre. Mais il est vrai que la domination morale implacable des écologistes dans les médias rend impossible un débat sérieux sur ces questions. Ils sont tellement persuadés que Nucléaire = danger que le terme est presque devenu une insulte plus grande encore qu'OGM. Pourtant des réactions nucléaires il s'en produit tout le temps. Notre soleil n'est qu'une énorme centrale à fusion nucléaire, et sans les forces nucléaires faibles et fortes nos atomes n'existeraient pas. Je pourrais parler aussi des hydrates de méthanes qui représentent entre 2 à 10 fois les réserves de gaz traditionnel, mais je vais me faire taper dessus par les éventuels écologistes qui passeraient sur ce blog.
Il peut y avoir des ruptures qui changent totalement la donne et renversent les prévisions toujours apocalyptiques des écologistes. Autre exemple. Il se développe à l'heure actuelle une nouvelle méthodologie de production d'aliment dont le but est de remplacer la production de nourriture traditionnelle par l'élevage cellulaire. On ne nourrirait plus des bêtes pour les manger plus tard, mais on cultiverait des cellules musculaires dans des bocaux. Oui vous avez bien lu. Et cette recherche est déjà très avancée, cet article en parle. Les gains sur le plan collectif seraient gargantuesques, les scientifiques ont calculé qu'en remplaçant la viande classique par ces cultures on aurait
* les besoins en énergie en baisse de 45 % ;
* les émissions de gaz à effet de serre en baisse de 96 % ; (pour ceux qui croient aux thèses réchauffistes)
* les superficies nécessaires en baisse de 99 % ;
* la consommation d'eau en baisse de 96 %.
On le voit dans cet exemple, une rupture technologique est peut-être en passe de mettre à la poubelle l'agriculture traditionnelle qui ne survivrait que comme folklore local et pour les gastronomes. Ce nouveau type d'agriculture nous faciliterait d'ailleurs la conquête spatiale en limitant les quantités de vivre à prendre pour de futurs voyages ou pour l'installation de bases à l'extérieur de la terre. Plus besoin de terre cultivable pour se nourrir. Ce ne sont que quelques exemples de rupture en préparation dans les laboratoires de recherche. Je persiste donc à penser que l'idée générale d'un mur au-delà duquel l'humanité ne pourra survivre est erronée. Ce technopessimisme n'est que le fruit d'une époque et d'une civilisation malthusienne et malade de ses propres politiques. Il n'y a rien d'inéluctable à notre destin et nos descendants ne vivront pas dans des cavernes. Ceux qui ont encore gardé la tête dans les étoiles ne cessent d'ailleurs de trouver de nouveaux mondes. On en est à 762 exoplanètes découvertes et plus de 101 systèmes solaires. Mais c'est vrai, nous vivons dans un monde fini. Quoique les astrophysiciens se posent encore la question.
Comparaison des exoplanètes découvertes récemment par le satellite Kepler avec la terre et vénus.