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28 avril 2014 1 28 /04 /avril /2014 22:39

Pour bien penser, il est nécessaire d'avoir les réalités en tête, car seule la réalité compte. Les affirmations ou les raisonnements ne s'appuient pas sur des faits et des mesures concrètes devenant vite des sophismes idéologiques. Les mesures à employer pour sortir notre pays de ses contraintes actuelles doivent bien prendre en compte la réalité du pays pour avoir une quelconque chance de fonctionner. Et si nous désirons sortir la France de l'euro et de l'UE, il est impératif de bien connaître les réalités du pays. En cela un petit résumé est nécessaire en s'appuyant sur les données de l'INSEE et de la banque de France.

 

Je rappellerai ici cependant quelques principes généraux qui sont pour moi essentiels. S'il faut sortir de l'euro pour sauver l'économie française, il ne faut pas oublier cependant que ce n'est qu'un moyen pour nous permettre de sortir plus généralement des politiques libérales. J'entends par politique libérale des portiques qui considèrent l'état comme un mauvais investisseur et l'intervention publique sous toutes ses formes commune gabegie. Le libéralisme à exclure est autant celui des défenseurs de l'école de Chicago et d'Adam Smith que celui des démagogues défenseurs de l'école autrichienne de Hayek et compagnie. Leur influence intellectuelle a complètement assombri la compréhension macroéconomique pourtant nécessaire à une bonne politique économique. Mais qu'est-ce qu’une bonne politique économique ?

 

-Une bonne économie est une économie qui utilise pleinement ses capacités humaines. Le chômage est un coût pour la société qui l'accepte. Vivre avec du chômage c'est vivre en dessous du niveau de vie que l'on pourrait avoir si toutes les forces de la nation étaient employées

 

-Une bonne économie est une économie qui n'expose pas ses comptes extérieurs à des déséquilibres dangereux. Le déficit tout comme l'excédent étant néfastes pour de multiples raisons, dont la dépendance externe à un financement étranger. L'excédent n'est pas meilleur puisqu'il met votre nation à la merci des politiques macroéconomiques d'une puissance étrangère. Une bonne économie doit réduire au maximum la dépendance vis-à-vis de l'étranger, et non l’accroître. Ainsi l'on peut considérer le taux d'ouverture actuelle comme totalement irresponsable enlevant au peuple toute possibilité de choisir son destin propre.


taux-ouverture.jpg

-Plus généralement une bonne économie nationale est une économie qui garantit le plein exercice du pouvoir démocratique et donc la souveraineté de la population française.

 

-Le plein emploi dans le cadre de l'équilibre des échanges extérieur nécessite l'usage de toutes les politiques possibles à commencer par l'usage de l'arme monétaire. Usage aujourd'hui impossible à cause de l'irresponsabilité des hommes politiques français ayant dépossédé l'état français de ce droit régalien. Ces politiques incluent aussi les quotas et les droits de douane progressivement abandonnés depuis les années 70.

 

-Une bonne politique économique nécessite aussi une lutte acharnée contre les inégalités excessives qui conduisent elles aussi à remettre en cause la démocratie. Car nul ne saurait ignorer qu'une inégalité qui voit quelques individus disposer des moyens de paiement équivalent à des milliers, voir à des millions d'autres, produit inévitablement de la corruption et la perte de la démocratie.

 

-Une bonne économie ne cherche en aucun cas à nuire à l'initiative privée. Elle se doit même de l'encourager, par des politiques publics d'investissement. L'opposition artificielle que certains créent entre la logique entrepreneuriale et la logique étatique est d'ailleurs totalement invraisemblable puisqu'il ne saurait y avoir de développement d'entreprises sans la stabilité et la confiance que créé un état moderne. Nos amis russes en savent quelque chose puisque la dynamique entrepreneuriale n'a pu reprendre que depuis que l'état assure à nouveau ses fonctions régaliennes. L'état est également là pour garantir l'intérêt général et la bonne marche économique qui ne peut s'obtenir par la simple force des marchés. L'autorégulation n'étant qu'une fable irréaliste.

 

La situation commerciale française

 

Les chiffres de l'Insee ont forcément du retard sur la réalité du pays. Nous avons accès aux données de la moyenne de 2012 comme dernier marqueur précis. Mais les données sur le long terme ne changent pas rapidement d'autant qu'il n'y a malheureusement eu aucun changement de direction récent que ce soit sur le taux de change ou sur la politique macro-économique du pays. La rigueur succède à la rigueur. Ce que l'on constate sur ce premier graphique très important c'est que la dégradation générale de la balance commerciale est synchrone avec le passage du dollar à un niveau inférieur à 1,1 dollar pour un euro. Depuis 2003 la balance commerciale française est en déficit. L'évidence de l'influence du taux de change est immédiate. Cependant, il faut bien voir que plusieurs raisons causent cette dégradation. La première qui revient d'ailleurs souvent dans les commentaires est sur l'énergie. Et effectivement l'énergie représente une part très importante de la dégradation de notre balance commerciale. Les opposants de la sortie de la monnaie unique auront donc beau jeu ici de déclarer que la sortie de l'euro et la dévaluation amplifieront notre déficit commercial en augmentant le coût de l'énergie importée. Si le raisonnement est en partie exact, il oublie cependant de signaler qu'une bonne part du coût du pétrole est lié aux taxes en France. La TICEP e2013, elle s'élève à 0,428 4 € pour un litre de gazole et 0,606 9 € pour un litre d'essence sans plomb 95 et 98.(source Wikipedia)


balance comm

 

EuroDollarECB.png

Evolution du taux de change entre l'euro et le dollar.

 

D'autre part si l'on étudie l'évolution de la balance commerciale de l'énergie en France l'on se rend compte rapidement que la surévaluation de l'euro ne nous a pas protégés de la dégradation. Plus étrange encore il semble qu'il y est une non-corrélation entre l'évolution du prix du pétrole et celui de sa consommation en France. Ainsi la chute du prix du baril en 2008, prix que le baril n'a pas encore retrouvé, n'a pas entrainé une baisse de notre déficit. C'est d'autant plus remarquable qu'en plus l'euro est toujours à un niveau très élevé 1,38 dollar pour un euro à l'heure actuelle. L'on peut faire la même remarque avec l'évolution du prix du gaz. Cette remarque est contre-intuitive et contredit les raisonnements simplistes de cause à effet qui sont souvent utilisés en la matière, mais les faits sont là. Malgré la baisse du prix dubaril et la surévaluation monétaire, la balance commerciale énergétique française a continué à se dégrader. La sortie de l'euro aurait-elle alors les effets escomptés par les partisans de l'euro ? C'est difficile de le dire, mais l'on peut cependant ici objecter que de toute manière il faut arrêter de consommer du pétrole. Et qu'une politique énergétique efficace nécessite l'usage maximum de tous les leviers du pouvoir étatique. Investissement dans les énergies alternatives (thorium, renouvelable ou autre) ainsi que dans la réduction de la consommation nationale par l'amélioration de l'efficacité énergétique et le changement des comportements de consommation.


Baril-petrole-dollar.png

Evolution du prix du baril de pétrole depuis 2003


graphique-gaz-naturel.jpg

Evolution du prix du gaz.


L'autre curiosité concernant cette explosion de consommation énergétique non couverte par notre production nationale c'est qu'elle s’accomplit à un moment où le parc automobile français baisse. Si le fait que l'industrie automobilefrançaise est en voie de désintégration à cause de l'euro et du libre-échange est bien connu, le fait que les ventes de voiture en générale baissent l'est moins. En réalité en nombre de véhicules neufs le marché français actuel pèse autant qu'en 1986 ! Les voitures d'occasion, elles, ont à peine augmenté depuis 86, passants d'environ 4 millions de véhicules immatriculés par an à 5,2 millions. Je rappelle tout de même que la population française dans le même temps est passée de 56 millions à 65 millions d'habitants. On ne saurait mieux décrire ici le déclin de l'économie physique réel en dehors des illusions comptables. C'est une évolution d'ailleurs moins terrible que celle des USA où c'est l'hécatombe.



autoInsee.jpg

Evolution du nombre d'immatriculations de véhicule en France (Insee)


ventes-auto-usa-1930.jpg

La France n'est pas la seule a couler. 

 

Nous voilà donc devant un mystère. Les Français ont moins de voitures par tête et en volume. Le chômage augmente, la consommation stagne, mais la balance énergétique se dégrade alors même que l'euro est à un niveau élevé. Se pourrait-il donc que la mondialisation et la désindustrialisation soient responsablede cette hausse de la consommation énergétique en période de disette ? C'est qu'il en faut de l'énergie pour importer et faire rouler tous ces camions. L'UE à défaut d'avoir multiplié la croissance a multiplié les échanges. C'est là qu'on voit bien que ce n'est pas le commerce qui est à l'origine de l'enrichissement de nos pays puisque malgré une explosion des échanges en Europe la croissance décroit et l'inefficacité énergétique s'installe par le simple fait que l'on éloigne de plus en plus le producteur du consommateur. Nous sommes véritablement dans la société du gaspillage pure puisque nous consommons de plus en plus d'énergie pour avoir moins qu'hier. Évidemment cela cache un partage inéquitable de la richesse. Faire bouger les marchandises permettant surtout de faire bouger le partage de la richesse en faveur du capital. L'on pourrait donc affirmer ici qu'il est probable que la dévaluation et la mise en place de barrières protectionnistes auraient surtout comme effet d'améliorer l'usage de l'énergie. Et pourquoi pas de faire baisser notre facture tout en améliorant les conditions de vie ? Bougeons moins, mais bougeons mieux. En plus d'être socialement meilleurs, le protectionnisme et la régulation commerciale permettraient aussi de moins gaspiller l'énergie.


industrimanu.jpg

 

 

La désindustrialisation française (Insee)

 

201405_production_automobile_europe.png

 

Le deuxième facteur de dégradation de la balance commerciale française est évidemment l'industrie. Une dégradation, qui, il faut bien le dire, avait commencé avant l'euro et sa surévaluation, mais ce dernier a considérablement accéléré les choses. C'est que la dévaluation n'est pas une arme très efficace contre des pays à très bas revenu comme la Chine. La dévaluation n'a d'effet que contre des pays au niveau de vie à peu près comparable. Contre la Chine il faut des quotas et des droits de douane. L'abandon d'Alstom n'est que l'interminable continuation de la destruction systématique de notre tissu industriel. Je salue d'ailleurs au passage le texte récent de Bernard Conte qui décrit extrêmement bien l'impasse dans laquelle nous sommes et les solutions potentielles pour sortir de ce drame. Comme il le dit lui même en parlant de la filière boit la France à une économie qui ressemble de plus en plus à celui d'un pays du tiers monde. Elle exporte de matières premières et importe des produits finis. Je corrigerai cependant en disant qu'il s'agit là d'une réalité touchant à des degrés divers la totalité des pays anciennement industrialisés. L'illusion monétaire et la finance jouant comme un écran de fumé empêchant les acteurs de réaliser ce qui se passe réellement. 

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commentaires

J
Salut,<br /> Ces informations sont vraiment très détaillées et instructives. Merci pour ce partage.<br /> À bientôt
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A
<br /> merci bien pour cet article <br />
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R
Merci pour l'article
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L
<br /> Pour compléter les données manquantes entre 2008 et 2012 sur l'automobile française, il y a les données là : http://www.ccfa.fr/Le-marche-de-l-automobile.<br /> <br /> <br /> On constate un retour au nombre d'immatriculation des années 80, sans que cela n'induise une baisse du parc automobile français d'après wikipédia.<br /> <br /> <br /> Peut on parler de baisse de la richesse des français dans ce cas? Une voiture vieille fournie le même service qu'une neuve. La fiabilité automobile s'est beaucoup améliorée dans les années<br /> 90.<br /> Cela peut aussi expliquer en partie que la facture énergétique ne baisse pas, même si votre analyse me paraît toujours la plus pertinente.<br />
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R
<br /> Bravo pour ce texte je ne peux être plus d’accord.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Y compris sur votre vision du protectionnisme et de l’équilibre des balances commerciales malheureusement trop peu répandue chez les souverainistes et autres alternatifs. En effet, le<br /> protectionnisme et le contrôle du libre échange ne doivent pas simplement servir à défendre notre industrie, ils doivent être la base de la reconstruction du système! Pourquoi alors parler de<br /> « juste échange » et autres balivernes si le but n’est pas de continuer à augmenter les échanges même dans de bonnes conditions mais de réduire ces échanges à l’utile et le<br /> nécessaire pour lutter contre la crise énergétique comme vous le décrivez si bien et pour retrouver notre indépendance nationale ? Combien de pièces étrangère sur un MiG ou un Soukhoï<br /> combien sur un Rafale ou un Airbus? C’est cela aussi l’indépendance et ce qui fait la puissance géopolitique Russe que voudrait tant détruire les US.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Ce qui reste toujours étrange à mes yeux c’est que ce bon sens semble à des kilomètres du débat actuel et de ce que nos compatriotes comprennent de la crise actuelle.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Et pourtant c’est logique et très simple comme raisonnement, une analyse élémentaire des dégâts du libre échangisme forcené de notre temps et de l’Etat lamentable de notre pays suffit à<br /> rapidement le dérouler et le mettre en place…<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Apres, j’en reviens toujours à la même question, à qui profite le crime, pourquoi ne réagissons nous pas et ne changeons nous pas de politique ? Je ne peux croire que l’ensemble de notre classe<br /> dirigeante soient incapable de faire un bilan même succin du libre échange et des 30 dernières années de politique économique néolibérale. Ils ont tous fait des études plus ou moins brillantes et<br /> comme on a déjà dis le raisonnement est tellement simple que c’est franchement incroyable qu’il ne soit pas plus répandu...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Alors ces gens là comprendraient et voudraient eux aussi la peau de notre pays, la peau de ceux qui on été capable de faire 1789, 1830, 1848, 1871, 1936… et qui se sont battu et parfois<br /> victorieusement pour cela ?<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Surtout que l’heure commence à être grave pour nous la France et les français nous perdons chaque jour un peu plus de nos industries de pointe et de nos savoir-faire cela ne se reconstruit pas de<br /> manière si aisé. Comme l’ont montré les misères du chantier de l’EPR ou du Charles de gaule, quand l’expérience des hommes a disparu, il est extrêmement difficile de conserver une technologie!<br /> Une fois que Alsthom sera vendu et que les Usine fermeront, nous auront encore pour une ou deux dizaines d’années des ingénieurs et techniciens formées sur ces sujets et ayant réellement<br /> construit les turbines et autres moteurs éclectiques ce qui permettra éventuellement de reconstruire une industrie dans ce secteur, quand ces gens là seront mort ou à la retraite ce sera beaucoup<br /> plus difficile… Bref, entre ça, la géopolitique atlantiste folle de nos dirigeants et leur incompréhension totale des enjeux écologiques et énergétique, la situation m’inquiète de plus en plus.<br /> <br /> <br />  <br />
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