Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Et voilà, ils palabrent les néolibéraux espagnols. Ils viennent de sauver leur pays grâce à la "rigueur" et à l'amélioration de la "compétitivité". Certes, on augmente les impôts, et on fait baisser le niveau de vie local, mais c'est pour le bien du peuple, pour améliorer ses performances à l'exportation et pour retrouver la croissance à long terme. On connaît le discours en France et plus généralement en occident, on justifie toujours les sacrifices du présent pour soi-disant sauver l'avenir, les petits enfants ou les ours polaires du 29e siècle. Le fait est que l'on pourrait copier/coller les discours des mêmes politiques en France aux USA ou en GB dans les années 70-80 et trouver exactement les mêmes justifications néolibérales. En France déjà le rouleau compresseur médiatique prépare la population à une énième politique d'austérité pour sauver la croissance. Et déjà l'on salue le "courage" des élites espagnoles comme on donnait en exemple hier le courage des élites britanniques puis le courage des élites grecques. Et cela sans que jamais l'on ne regarde les résultats désastreux de ces entreprises d'autoflagellation massives et autodestructrices. Le bilan est pourtant calamiteux y compris d'ailleurs sur le plan de la fameuse compétitivité.
Les libéraux ne comprennent rien au fonctionnement de l'économie réelle!
Ils ignorent parfaitement les interactions et raisonnent en cryptocartésien, segmentant chaque secteur de la société et de la vie économique en autant de petites robinsonnades sans voir la structure générale d'ensemble. Comme je l'avais dit dans un de mes premiers textes sur ce blog, le libéralisme est un enfant bâtard du cartésianisme le plus simpliste. Il a une pensée segmentée, fragmentée, incapable de voir les interactions énormes entre les différents compartiments de la société. Le libéral peut à la fois prôner l'austérité partout sur terre et penser que la croissance continuera grâce aux exportations. Il ne semble pas se poser la question de savoir où seront exportés les surplus si tout le monde contracte sa demande. Nous vivons pourtant dans un monde économique en contraction et pas seulement en Europe. Même les pays asiatiques flanchent, et pour cause leur croissance provient des exportations vers l'occident ou le Japon, qui sont aujourd'hui sinistrés. Dès lors, faire croire à ces pauvres pays en perdition d'Europe qu'ils s'en sortiront grâce à l'amélioration de leur « compétitivité » c'est-à-dire grâce à l'amélioration des exportations est une escroquerie. D'une part parce que même en supprimant les charges, l'état et les méchants fonctionnaires, les pays d’Europe resteraient infiniment plus coûteux que ceux d'Asie ou d'ailleurs. Mais même une forte baisse des salaires n'y parviendrait pas. On est dans des rapports de 1 à 20 ou 30.
Le rééquilibrage des balances commerciales ne se fera pas alors par l'amélioration des exportations, mais bien par l'effondrement de la demande intérieure et par l'explosion du chômage comme aux USA ou en GB. Ensuite même si les pays européens devenaient compétitifs face aux Asiatiques d'où viendrait donc la demande puisque ces mêmes pays asiatiques comptent eux aussi sur leurs exportations vers l'occident pour boucler leurs fins de mois ? C'est le cercle d'Ouroboros littéralement. Et cela nos petits économistes libéraux ne peuvent le voir. Puisqu'il faudrait pour cela qu'ils laissent tomber leurs pseudo-modèle microéconomiques farfelus pour s'intéresser à la globalité des choses et des interactions internationales. En suivant leurs raisonnements de toute façon, on se demande comment l'Europe ou les USA ont pu se développer sans marché extérieur au 19e siècle. C'est au-delà de la compréhension libérale qui croit que le commerce international est le moteur des économies nationales alors qu'il est en fait une conséquence du développement des états nations. La politique du gouvernement espagnole va donc se terminer exactement la même manière que la politique grecque, portugaise, italienne ou britannique par une accélération de la crise. Et cela alors que le taux de chômage en Espagne est déjà très élevé. La France doit s'attendre à une explosion de réfugiés espagnols pour les deux ou trois ans qui viennent. Le temps que les mêmes politiques poussent les Français à quitter eux aussi leur propre pays pour des contrées moins folles. ( S'il en existe, elles ne sont pas situées en Europe de l'Ouest) .
On n’améliore pas la productivité en réduisant les débouchés !
L'autre billevesée de ces raisonnements crétins de contrition généralisée c'est l'idée que ces contractions amélioreraient la productivité . Quelle ânerie ! Où a-t-on vu qu'une baisse de la consommation et donc des investissements des entreprises améliorerait la productivité du travail ? Car, ne nous y trompons pas, on n’a jamais vu une entreprise augmenter ses investissements avec une baisse de ses commandes. À moins qu'elle ne soit gérée par un farfelu. Au contraire, la baisse de la demande accélérera les délocalisations en convainquant les derniers industriels produisant en Europe que le continent est condamné et que l'avenir est ailleurs. Loin d’accroître les investissements et l'amélioration de la productivité, ces politiques d'austérité dégradent encore plus la situation de l'investissement et réduisent encore les gains de productivité. Car il est irrationnel pour un acteur d’accroître ses investissements dans un marché qui lui semble en déclin. Les politiques déflationnistes conduisent en réalité toujours vers les situations qu'elles prétendent combattre. Elles accroissent les déficits, démolissent les investissements et réduisent le niveau de vie des populations en produisant un cercle infernal de dépression qui s'aggrave indéfiniment.
Comme le disait Keynes la seule chose qui empêche ces politiques de mener à des taux de chômage de 100% ce sont les diverses « rigidités » que nos dirigeants libéraux s'empressent par tous les moyens de supprimer. Ce sont ces rigidités qui maintiennent encore un semblant de vie économique. On imagine déjà la tête du marché automobile le jour où l'on supprimera le SMIC et le statut du fonctionnaire en France. Le parc automobile vieillissant va encore vieillir, car le niveau de vie déclinant des Français et des Européens ne leur permet plus d'acheter des voitures neuves. Ainsi en 1990 les voitures en France avaient en moyenne 6 ans d'âge, elles ont aujourd'hui en moyenne 8 ans. Plus intéressant serait de voir l'âge moyen des acheteurs, car nous savons que la crise a surtout concentré ses effets sur les nouvelles générations. Même si les écologistes souhaiteraient que ce fussent pour sauver la planète que les jeunes cessent d'user de l'automobile, les raisons en sont plus bassement matérialistes. Ils n'ont pas les revenus suffisant pour se loger ou pour acheter des véhicules. Et l'instabilité de l'emploi résultant des politiques néolibérales aggrave encore les choses en rendant impossibles les emprunts de consommation à moyen terme. On peut parier que sans les derniers stabilisateurs keynésiens de l'économie française on assisterait à un effondrement bien plus spectaculaire. Quoi qu'il en soit la situation espagnole ne risque pas de s'améliorer avec les dernières politiques menées. Le gouvernement espagnol pense-t-il vraiment sauver son pays en condamnant ainsi sa jeunesse ? J'attends avec impatience dans un an un discours du même acabit que celui du premier ministre portugais qui n'a d'autre conseil à donner à sa jeunesse que de quitter le pays. Et ces gens se disent responsables et sérieux ?
Imaginez le taux de chômage lorsque la rigueur aura été instaurée en Espagne !
Comment les Espagnols pourraient-ils se sauver? Et nous avec ?
En premier lieu plutôt que de quitter leur pays pour rejoindre des nations qui font exactement les mêmes politiques stupides je pense que les Espagnols devraient plutôt conseiller à leurs élites et aux euro-libéraux de quitter le pays ou de les pendre directement. Oui, il faut cesser l'euphémisme face à la violence délirante des oligarques, ils ne comprennent que la force. Si les peuples n'agissent pas, les européistes libéraux iront jusqu'au génocide par chômage et misère interposé. Ils l'ont déjà fait en Amérique du sud et en Russie. Une fois des gens plus sérieux au pouvoir que pourrait-on faire ? La voie pour l’Espagne est étroite, mais pas impraticable. Et pour peu que les nouvelles élites éventuellement bien intentionnées veuillent agir correctement les solutions sont en fait très simples, même si la guérison des effets du néolibéralisme sera longue. En premier lieu, il faut sortir de l'euro pour rendre au pays sa capacité en matière de politique monétaire et d'investissement.
Mais la sortie de l'euro n'est qu'une condition pour pratiquer des politiques de réindustrialisation et de relocalisation seule à même de permettre de nouvelles politiques de hausse de la demande intérieure et de plein emploi. Car le plein emploi n'est pas du tout une utopie ou un fantasme qui nous serait inaccessible à l'âge de la robotique. Il y a beaucoup de fantasmes d'ailleurs sur ces questions. Le but des relocalisations et de la réindustrialisation n'est pas, et n'a jamais été de réemployer tout le monde dans l'industrie. Le niveau de productivité ne le permettant pas où alors il faudrait augmenter la consommation dans des proportions délirantes. Le but est de permettre une politique de plein emploi y compris grâce au service. Comment ? Pour faire une politique de plein emploi, il faut d'abord jeter à la poubelle l'idée d'autorégulation des marchés qui est totalement fausse. En vérité il n'y a aucune raison pour que l'offre et la demande s'ajuste naturellement, par les forces du Saint-Esprit de sorte que tous les salariés soient employés. Le marché est la résultante de multiples décisions indépendantes et donc potentiellement contradictoires sans aucune sorte de correction collective puisque sans mécanisme coïncidant naturellement avec l'intérêt général.
Le marché n'est pas un système autorégulé. Plus exactement le véritable régulateur a toujours été extérieur au marché, c'est l'état, la loi, les mœurs, la culture, les croyances et tout ce qui fait le cadre au-dessus de la pure logique économique. Il ne faut pas oublier non plus que le moteur même de l'économie le désir, l'inventivité, la passion sont autant de choses qui échappent à la question économique et qui forment pourtant un substrat sur lequel s’appuie sans le savoir le marché pour fonctionner. Si la logique libérale de l'intérêt individuel était le seul mécanisme, on voit mal pourquoi les gens respecteraient les lois ou la propriété individuelle. En effet si rien ne vous en empêche, l’inhibition et la morale notamment, il est plus simple de voler que de travailler durement. Il est plus simple de copier que d'inventer, plus facile d'écraser son concurrent en le tuant, ou en le corrompant, que de le battre à la loyale en usant de l'inventivité et de la créativité. Le marché n'est donc rien sans un bon substrat culturel, sans état et plus généralement sans un cadre de régulation.
La régulation est donc une nécessité ontologique au marché et à son fonctionnement. La régulation n'est pas son opposé, mais son complément nécessaire comme les lois, le droit, l'instruction, etc.. Pour obtenir le plein emploi, il faut faire en sorte de favoriser la hausse des salaires, la stabilité de l'emploi au contraire des politiques dites de flexibilité. Il faut un salaire minimum. Il faut augmenter la demande nationale jusqu'à obtenir un taux de chômage très faible et de courte durée. Ces politiques n'augmenteraient aucunement la dette publique puisque ce qui serait investi dans l'économie serait de toute manière récupéré par l'impôt. L’économie fonctionnant de nouveau en circuit fermé et non en circuit ouvert comme à l'heure actuelle. Dans le cas de l'Espagne, un fort investissement dans la recherche scientifique ne serait pas non plus un luxe. Mais au préalable de ces politiques de dépense, il faudra bien évidemment mettre en place des politiques protectionnistes visant à favoriser l'investissement local au détriment des importations. Sans parler de la nécessité de fermer ou de réguler très étroitement l'entrée et la sortie des capitaux comme dans la plupart des pays asiatiques. Et cela de façon à garder un équilibre de la balance des paiements malgré l'inflation. On peut remarquer d'ailleurs que le fait d'user d'une monnaie européenne a perverti les élites en les déresponsabilisant. Pourquoi se soucier de ses équilibres extérieurs si on est dans l'euro et que la monnaie ne risque pas de s'effondrer ?
Cette politique sera douloureuse pour une partie des Espagnols, car elle entraînera inéluctablement une hausse des prix. Cependant, l’expérience montre que les gains de productivité s'accélèrent très rapidement lorsqu'il y a protectionnisme et une forte dévaluation. La hausse des prix ne sera que momentanée le temps de la réindustrialisation qui sera plus rapide qu'on ne le croit. De plus à mon sens le chômage de masse est socialement et économiquement bien plus dangereux que l'inflation. Même si elle atteint 10% . Il faut bien comprendre que les politiques protectionnistes, et les politiques de dévaluation n'ont que pour but de rendre possible des politiques de relance intérieure. Il faut cesser d'avoir des ambitions mondiales, et faire en sorte que le tissu économique fasse ce pour quoi il existe, c'est-à-dire répondre aux besoins locaux de la population. On se contrefiche de savoir que Renault vend des voitures au Brésil qui sont fabriquées au Maroc. Les écologistes disent qu'il faut « penser global et agir local ». Je crois qu'en matière de politique économique il faut « penser local et agir local aussi ». En réduisant l'interdépendance des peuples, nous résoudrons naturellement les problèmes de l'humanité que ce soit sur le plan du chômage ou sur le plan du développement économique. L'Espagne a en plus un formidable atout à jouer dans les énergies nouvelles grâce à son ensoleillement. Elle pourrait devenir un poumon énergétique pour l'Europe grâce à l'évolution rapide de la production d'énergie solaire. Encore faut-il que son état cesse de se torturer et son peuple avec.