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Alors que la France se prépare à des manifestations demain. Manifestations de masse comme on en a peut-être plus vu depuis les grèves de 1995. L'on voit poindre à nouveau la grande fracture qui parcourt le pays depuis longtemps déjà et que la crise des gilets jaunes avait eu la qualité de faire ressurgir avec une grande acuité. D'un seul coup, toute la violence sous-jacente à société néolibérale qui exclut une part de plus en plus grande de la population de la vie économique du pays s'est fait jour. Le moment des gilets jaunes fut une prise de conscience du fait que le camp d'en haut de plus en plus riche, mais aussi de moins en moins nombreux et le reste de la population n'avaient plus grand-chose en commun. Parler de nation, de solidarité alors que les populations ne vivent plus ensemble ne partage même plus les mêmes lieux, les mêmes écoles et de moins en moins la même culture devient de plus en plus problématique. Le seul lien qui reste entre la caste d'en haut et le reste de la population est celui de la domination, mais une domination qui sera de moins en moins acceptée au fur et à mesure que les dégâts des idéologies européistes et néolibérales accroîtront les problèmes. Seul reste donc la violence pour contrôler la population. Il y a fort à parier que la phase des gilets jaunes ne fut qu'une première jacquerie moderne. La question de la réforme des retraites qui s'accumule à la longue série des décisions politiques et économiques absurdes prises par le gouvernement Macron ces trois dernières années pourrait être le déclencheur d'un conflit plus grave.
Ils finiront par tuer pour maintenir la « Démocratie »
Alors faut-il vraiment souhaiter comme un Frédéric Lordon « de tout niquer » comme il l'a affirmé récemment (on l'a trouvé plus inspiré et plus profond) ? Si je partage pleinement la colère de la population en général vis-à-vis de cette réforme des retraites, je constate tout de même une incapacité globale des Français à agir de manière rationnelle et politique. Nous avons eu une élection présidentielle il y a seulement quelques mois et pourtant les Français ont remis le même dingo au pouvoir. Je sais, le terme dingo est clairement péjoratif, mais avec la collection de bêtises macroéconomique que son gouvernement a produite, c'est un euphémisme. Alors certes les Français ont ensuite essayé de bloquer Macron en évitant qu'il ait une majorité absolue, mais ce réveil fut un peu tardif. Aucun sujet important n'est jamais abordé. La plupart des Français continuent à ne pas vouloir remettre en cause l'UE et l'euro qui sont pourtant directement responsables des casses des services publics et de cette réforme des retraites. Pourtant les mouvements qui prônent la sortie de l'UE ou de l'euro ne pèsent rien politiquement . Tout se passe comme si les Français s'avéraient incapables de comprendre et de faire les liens entre leurs maux et leurs causes. En cela la gauche française participe ardemment à la massive ignorance de nos concitoyens. Combien de syndicats ou de partis de gauche demain scanderont-ils leur volonté de sortir de l'UE et de l'euro ? Je peux déjà vous le dire, AUCUN.
Comme la gauche ne remet jamais en question la libre circulation des capitaux et préfère parler des méchants paradis fiscaux, elle ne parlera pas ici du lien entre la réforme des retraites et l'UE. Notamment le lien évident avec le plan de relance ridicule lancé par Macron pendant la crise COVID, et qui a emprunté 80 milliards d'euros pour d'en recevoir que 40. Un emprunt dont l'une des clauses était justement la réforme des retraites. Non, les syndicats ne parleront pas de ça, ni les partis de gauche et encore moins le RN qui se fait bien discret dès qu'il y a des manifs. L'on pourrait également ajouter que bien peu de gens soulignent les énormes contradictions du discours politique macronien. Nos gouvernants soudains se lancent dans des réformes pour sauver la France d'une catastrophe macroéconomique liée au vieillissement de la population. Mais si le gouvernement s'inquiétait tant des comptes publics pourquoi avoir augmenté d'un tiers la dette du pays en seulement six ans ? Et cela en produisant une croissance anémique avec un chômage qui ne recule que grâce à la création d'emplois médiocres et surtout à la radiation massive de nombre de chômeurs des listes . D'où a-t-on déjà vu un bon gestionnaire s'affoler pour une dépense théorique qui aura lieu dans des décennies quand son compte est déjà largement dans le rouge ? Faut-il également rappeler l'effondrement de notre commerce extérieur qui voit la France accumuler des déficits jamais vus depuis la guerre ?
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Et si notre gouvernement s’inquiète tant de nos futurs retraites, pourquoi ne fait-il rien pour casser la baisse dramatique des naissances en France ? Les dernières nouvelles en la matière sont toujours aussi dramatiques. En effet, quel meilleur remède au vieillissement que celui de refaire des enfants à nombre suffisant ? On pourrait revenir sur la casse qu'a effectuée François Hollande en 2014 quand il a mis les politiques familiales sous condition de ressource par exemple. Cependant, force est de constater que la question de la démographie n'intéresse guère nos dirigeants sauf pour nous dire qu'il faut plus d'immigrés même s'ils ne s'intègrent pas ou qu'il faut encore réformer le système des retraites. Le problème de fond on s'en fout, et comme d'habitude ça ne rentre pas dans le cadre de leur réélection. Mais le gouvernement a-t-il seulement comme but de sauver le système par répartition ? On le voit déjà chez nombre de commentateurs, ils vendent stupidement la retraite par capitalisation, oubliant au passage la grande complexité qu'il y aurait à passer d'un système à l'autre. Mais aussi le fait que ces systèmes existent ailleurs et n'ont rien d'une panacée. Car ce sont toujours les actifs qui paient in fine pour les inactifs. Et une société qui connaît une baisse permanente de la population connaîtra irrémédiablement une croissance économique très faible et même probablement une décroissance. Dans ces conditions, il n'y a aucune raison pour que les capitaux croissent, bien au contraire, connaissant les mécanismes d'anticipation des marchés, on aura des risques de décroissance violente des valeurs actionnariales.
Donc au final le système par capitalisation équivaudra à terme à plus de retraite du tout très vraisemblablement. C'est une fausse solution même si certains espèrent bien évidemment utiliser les capitaux à l'étranger pour faire payer comme les USA leurs retraites par le dynamisme de pays plus jeunes. Je vous arrête tout de suite, il y a peu de chance pour que le monde de demain fonctionne encore avec des capitaux pouvant s'investir partout. Non, les Indiens ou les Vietnamiens ne paieront pas nos retraites. Et puis ces pays finiront aussi par vieillir, c'est une question de dynamique démographique liée à la baisse de la natalité qui est maintenant partout dans le monde. À part faire des enfants en nombre suffisant, il n'y a pas de porte de sortie pour la gestion des vieux. Et après tout, c'est assez logique, non ?
Pour en revenir à nos manifestations, je crains vraisemblablement la réaction de nos dirigeants, ils ont largement anticipé la colère populaire. Ce n'est pas pour rien que le gouvernement a commandé massivement du matériel pour la gendarmerie. Et les discours de plus en plus violents sautent aux yeux. Au moment de la crise des gilets jaunes, on avait eu déjà des commentateurs qui appelaient à tirer à balle réelle sur les manifestants, que diront-ils cette fois ? Les grands bourgeois commencent à en avoir marre du fonctionnement démocratique, et cela se sent. Cela se sentait déjà en 2005, mais maintenant on sent que les tabous hérités de la démocratie d'après-guerre s'étiolent. La génération post-démocratique de Chirac ou Hollande avait encore quelques restes de la retenue du passé, la génération Macron ou Aurore Bergé ne l'a plus du tout. Au nom de ce qu'ils appellent la démocratie c'est-à-dire la cooptation du pouvoir par une toute petite partie de la population vivant quasiment en vase clos, ils seraient bien capables de tirer à vue sur la population. Peut-être même que Macron et son gouvernement ne cherchent que ça pour supprimer littéralement les élections ? Au nom de la démocratie supprimons les élections, les syndicats, les manifestations, etc. Dans un monde où les mots n'ont plus de sens, où les dirigeants n'ont plus ni patriotisme ni sens moral minimal, il est très dangereux de se comporter comme dans l'ancien. Comme je l'ai dit dans un texte précédent, nous ne sommes plus en 1789. Les moyens de violence de l’état sont aujourd'hui très élevés et l'état a tout fait pour transformer la police en garde prétorienne nouvelle version.
Nous ne devons plus considérer les dirigeants français comme des êtres raisonnables et rationnels. Ils peuvent employer le verbiage de la raison, mais en même temps pratiquer une violence sans retenue. Nous sommes devenus une société barbare. Pas seulement à cause de l'ensauvagement des banlieues et d'une partie de la population d'origine immigrés. La barbarie se cache dans nos ministères, à l’Élisée, dans les hauts rangs des grandes entreprises et des banques. La violence néolibérale qui s'est déchaînée sous des apparences de liberté dans les années 80-90 a produit des générations de personnels dirigeants sans empathie et sans considération pour ceux du bas.