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23 janvier 2023 1 23 /01 /janvier /2023 20:49

 

Alors que la grande inquiétude depuis les années 60 a été la surpopulation planétaire, un phénomène qui avait même en son temps inspiré de grands films comme Soleil vert, il semble bien que le grand défi pour l'humanité dans le siècle qui vient soit en fait la dépopulation. Nous avons parlé récemment de la démographie française et les dernières nouvelles en la matière ne sont guère réjouissantes. En effet, le déclin de la natalité dans notre pays semble continuer, la France rejoignant ainsi le reste de l'Europe dans un suicide démographique irrémédiable. En pleine actualité sur les retraites, cette nouvelle devrait pourtant être beaucoup plus mise en avant. Car ce sont bien les naissances qui conditionnent à la fois la survie d'un peuple, mais aussi plus pragmatiquement celle de son système de retraite, quelle que soit sa forme. Mais si beaucoup de gens notamment à l'extrême droite semblent stressés par le déclin démographique des « blancs », on oublie généralement que la transition démographique n'est pas un processus propre à nos régions. Ce phénomène est parti de l'Europe de l'Ouest, de la France en particulier qui fut le premier pays à tomber en panne démographique avant même la Révolution française, mais il semble petit à petit s'étendre à l'ensemble de la planète, quel que soit le régime politique, la culture ou la religion des pays concernés.

 

Cela évacue du même coup les traditionnels arguments réactionnaires que l'ont entend si souvent en la matière. C'est la faute à l'avortement, à l'homosexualité, à la déchristianisation, etc. Vous connaissez la chanson. Non et il va falloir l'accepter, la démographie est indépendante de tous ces facteurs sinon il n'y aurait pas une évolution si semblable dans des pays si disparates. Prenez par exemple l'Iran, un pays qui fait la une de l'actualité avec ses révoltes de femmes ne voulant plus de l'autorité religieuse excessive. Et bien dans l'Iran des mollahs la natalité est à la l'européenne avec 1,7 enfant par femme. Étonnant, non ? Comme ça aurait pu dire notre regretté Pierre Desproges. Voici l'Iran réactionnaire qui est un état islamiste farouche, antiavortement, anti-pilule et anti-contraceptif, et bien sûr anti-relations sexuelles hors mariage, qui a pourtant une natalité identique à celle d'un pays comme la Suède qui est l'exact contraire en matière de mœurs. En termes de démonstration difficile de faire mieux. La vérité est ailleurs, la culture, la religion ont, semble-t-il, peu d'effet sur la natalité contrairement à ce que l'on pourrait croire instinctivement. En tout cas si ces facteurs ont pu jouer dans le passé il ne semble plus avoir la moindre incidence sur les peuples qui ont passé un certain stade éducatif et démographique.

 

Pour les démographes généralement c'est l'instruction des femmes qui jouent sur la baisse de la natalité. Plus l'instruction est avancée chez les femmes et mieux elles maîtrisent leur fécondité. La hausse du niveau d'instruction des femmes serait donc la cause principale de la baisse de la natalité. N'oblitérons pas non plus le fait que pendant un temps la baisse de la natalité qui a accompagné la forte baisse de la mortalité infantile fut une bonne chose. En Europe, nous avons eu la chance d'avoir une évolution de la natalité parallèle à la baisse de la mortalité infantile. De sorte que s'il y a bien une transition démographique et une expansion rapide au 19e et 20e siècle, elle n'a jamais atteint des proportions dangereuses pour la stabilité des nations. En Afrique, en revanche, le ciseau démographique a été particulièrement brutal. Une baisse extrêmement forte de la mortalité infantile accompagnée d'une baisse plus lente de la natalité y a entraîné la plus forte croissance démographique jamais vue dans l'histoire. Rendez-vous compte, en 1900 il y avait 80 millions d'Africains, en 2050 ils seront 2 milliards. Comme je l'avais écrit il y a quelques années, aucune nation ou organisation humaine n'aurait pu survivre et se développer dans de telles conditions. Même avec la meilleure politique du monde, il serait difficile de sortir un pays de la misère avec une croissance démographique naturelle de 3 ou 4% par an. Cela devrait disculper les coupables habituels de la misère africaine. Non les occidentaux ne sont pas vraiment coupables de la misère en Afrique, en dehors du fait qu'ils ont créé des états africains souvent artificiels. Mais les Africains non plus ne sont pas coupables de leur misère. C'est avant tout la transition démographique trop brutale qui a déstabilisé durablement le continent.

 

Un déclin démographique planétaire.

 

Mais en dehors du continent africain qui a toujours une natalité trop forte pour sa mortalité infantile, le reste de l'humanité semble rentrer dans un désert d'enfant assez avancé. Et d'abord chez les deux géants de la planète, les choses changent. L'Inde est désormais le pays le plus peuplé de la planète devant la Chine et les choses vont aller en accélérant. C'est probablement ce qui faisait dire à Emmanuel Todd que l'Inde serait la grande puissance du 21e siècle. Si je pense que ce pays finira effectivement par dépasser la Chine, il reste tout de même de grand défi économique dans ce pays qui reste globalement extrêmement pauvre. D'autre part, l'Inde comme la Chine connaît une natalité déclinante. Elle est à l'heure actuelle au taux idéal de stabilité soit 2,05 enfants par femme, mais on sait d'expérience que cela risque de vite tomber en dessous du seuil. D'autant qu'en Inde comme en Chine il y a eu le phénomène dramatique de féminicide infantile. En gros, les familles préférant avoir un garçon, elles avortaient lorsqu'elles savaient que l'enfant serait une fille. Un drame qui conduit à un déséquilibre du rapport numérique entre les hommes et les femmes qui rend nécessaire une plus grande fécondité par femme pour maintenir le niveau de la population.

 

Autre problème pour l'Inde, la natalité sur le territoire est très mal répartie . Signe d'un manque certain d'homogénéité des comportements et des cultures, ce qui n'est guère surprenant pour un pays qui est en fait composé d'une myriade de peuples, de langues et de cultures. Il y a quelque chose comme 230 langues en Inde, rien que ça. Quoiqu'il en soit dans certaines régions, la natalité est déjà très inférieure au seuil de reproduction avec 1,6 enfant par femme. Ce qui signifie que probablement le pays risque de tomber à terme dans les mêmes travers que ses voisins orientaux . Pour la Chine par contre c'est une certitude, le pays va perdre rapidement des habitants . Selon les estimations les plus pessimistes, la Chine pourrait ne plus compter que 600 millions d'habitants en 2100. Et cela pourrait être bien pire si elle suivait son voisin coréen qui connaît probablement la natalité la plus faible du monde avec seulement 0,8 enfant par femme. Ils sont carrément tombés en dessous d’un. Cela pose d'ailleurs question sur nos modèles de société. En effet, le voisin nord-coréen qui partage la même culture que le sud, mais pas du tout le même modèle économique connaît une natalité à 1,8 enfant par femme. À ce rythme la Corée du Nord va gagner son conflit avec le sud par simple abandon existentiel de la société capitaliste. Et que dire du Japon avec ses 1.34 enfant par femme, moi qui suis un grand adepte de l'animation japonaise depuis au moins trente ans, me voilà bien obligé de dire que le Japon va très mal en la matière. D'ailleurs au rythme où la natalité mondiale décroît, je pense qu'il va bientôt falloir troquer l'expression pyramide des âges par l'entonnoir des âges.

 

 

En Europe, vous connaissez la situation. Et pour dire que cela va mal, la France, malgré l'effondrement de sa natalité depuis les réformes des politiques familiales par Hollande en 2014, reste quand même le pays le plus fécond d'Europe avec 1.83 enfant par femme. L'Espagne est à 1,19 enfant par femme, l'Italie 1,24 et l'Allemagne à 1,53. Le désastre est tel pour l'Allemagne que ce pays fonce dans l'impasse migratoire. Il s'agit d'une impasse pour plusieurs raisons. D'abord l'immigration pose des problèmes d'intégration que l'on commence quand même à bien comprendre, même si beaucoup de gens continuent à nier les évidences. Ensuite, les immigrés ne collent pas forcément aux besoins de l'économie allemande sans parler du problème linguistique. Et enfin si l'immigration pouvait paraître rationnelle dans la France de 1875 alors qu'elle était le seul pays d'Europe à avoir ce problème, ce n'est pas la même chose quand tout le monde se met à manquer de main-d’œuvre. Imaginez si la seule Chine se met à faire de l'immigration de masse, elle pomperait à elle seule la totalité de l'immigration potentielle de la planète. La stratégie migratoire est donc un non-sens à long terme. Cela ne résout absolument pas le problème de fond tout en produisant au passage de nouveaux problèmes.

 

Passons rapidement à l'Amérique. Les USA qui ont longtemps fait semblant de maintenir leur niveau de natalité par le biais migratoire n'arrivent plus à faire illusion. En effet pendant longtemps les USA ont affiché une natalité à 2 enfants par femme contrairement à l'Europe des années 80 jusqu'aux années 2008-2009 . Malheureusement, la natalité a rapidement baissé depuis la crise des subprimes. Et il y a une raison simple, pendant toute la période 1980-2008, les USA ont vu leur déclin démographique compensé par l'immigration sud-américaine, particulièrement mexicaine. Or depuis la natalité des latinos a commencé à s'aligner sur la moyenne nationale faisant mécaniquement baisser la natalité US. Les WASPS qui sont à 1,6 enfant par femme depuis les années 80 sont maintenant rattrapés, si je puis dire, par les latinos. Du coup, la natalité moyenne aux USA n'est plus que de 1,6 enfant par femme. Alors on pourrait se dire quand même qu'il s'agit d'une bonne chose puisque cela pourrait signifier une intégration des latinos dans la société américaine. Mais il ne faut pas oublier que le Mexique voisin est aussi tombé à 1,9 enfant par femme. Il est donc bien dur de conclure qu'il s'agit là d'un signe d'assimilation. Les populations latinos ont peut-être simplement suivi l'évolution de leur pays d'origine. D'ailleurs, on constate que les asiatiques sont à 1,3 enfant par femme eux, autre signe de distinction ethnodémographique au pays des communautés fermées.

 

 

Finissons maintenant avec le sud de l'Amérique, là aussi la transition s'est faite. Le pays le plus peuplé du continent, le Brésil est tombé à 1,65 enfant par femme. Ce n'est pas si étonnant si l'on regarde la mère patrie qui a fondé ce pays, le Portugal qui est lui à 1,4 enfant par femme. Les autres pays d'Amérique du Sud semblent quand même plus résistants que les pays d'Europe du Sud dont ils sont proches culturellement . L'Argentine, pays qui connaît pourtant des crises économiques régulières et qui a comme population fondatrice en dehors des Espagnoles nombre d'Italiens, d'Allemands, et même de français, affiche un taux respectable de 2,25 enfants par femme. En fait en dehors du Chili et du Brésil, le continent sud-américain semble être la seule région du monde à avoir une démographie raisonnable. Ni trop forte, ni trop faible. Elle ne leur permettra pas cependant de compenser le déclin de leur voisin du nord ou d'autres régions du monde.

Fécondité en amérique du sud

 

Je vais arrêter ici cet inventaire démographique. Nous parlerons des conséquences macroéconomiques potentielles du déclin démographique planétaire dans la seconde partie.

 

 

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