Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Nos agriculteurs manifestent aujourd'hui leur opposition à l'interdiction des Néonicotinoïdes pour la production de betteraves. Rappelons que les betteraves sont essentielles dans la production du sucre blanc que nous consommons en majorité. Il s'agit d'un héritage de la période napoléonienne, car à l'époque le blocus maritime britannique nous a empêchés d'avoir accès au sucre de canne classique qui était produit dans les colonies d'Amérique. À cause de cela Napoléon poussa les producteurs à créer une alternative, ce fut le sucre blanc, issu de la betterave. Une révolution qui fit baisser le prix du sucre et permit une certaine démocratisation de son utilisation . Ce fut en revanche un coup dur pour les producteurs d'Amérique, un peu à l'image de ce que fut plus tard pour le Brésil l'invention du caoutchouc synthétique et l'exportation de l’hévéa dans les pays d'Asie du Sud-est. C'est aussi une leçon de l'histoire sur l'inefficacité des mesures économiques comme arme de guerre à long terme.
Les Néonicotinoïdes seraient ainsi mauvais pour les insectes, en particulier les abeilles et les insectes pollinisateurs. Par définition, il s'agit de pesticide donc évidemment qu'ils sont dangereux pour ces espèces. Ces pesticides étant à large spectre, ils peuvent tout à fait nuire à des espèces essentielles au fonctionnement de notre écosystème. Le problème est qu'ils ne se dégradent pas dans la nature, restent donc longtemps sur le sol, les plantes et peuvent ainsi se répandre chez d'autres espèces ailleurs que dans l'environnement traité. La récente peur de la disparition des abeilles n'est pas sans lien avec la décision de limiter puis interdire l'utilisation des néonicotinoïdes. Si les études ne montrent pas de risque pour l'homme dans une utilisation raisonnable, le doute semble persister pour les insectes pollinisateurs. Connaissant leur immense importance pour la nature, mais également pour notre agriculture, les scientifiques ont fait des listes de conseils pour utiliser intelligemment ces pesticides, et pour trouver des alternatives. On le voit rapidement l'interdiction et la limitation de l'usage de ces produits n'est pas sans fondement scientifique . Plus généralement, cela pose la question de la trop grande dépendance de notre agriculture vis-à-vis de l'industrie pétrochimique. Et cette question est d'autant plus d'actualité que nous importons également des engrais en grande quantité pour produire notre nourriture . Or comme vous le savez sans doute la Russie, tout comme l'Ukraine sont de gros producteurs d'engrais. Notre dépendance à ces substances importées provenant de pays en guerre met toute notre filière agricole en très grand danger pour les années qui viennent. L'on pourrait ici poser la question essentielle. Pourquoi un pays comme la France est-il dépendant à ce point des engrais importés ?
Et si la question semble ne pas avoir de rapport avec la crise des néonicotinoïdes pour les betteraves, le lien est pourtant réel. Car dans les deux cas, le problème n'est pas la réglementation qui peut se justifier, mais le fait que notre pays a laissé son agriculture mourir progressivement en la mettant en concurrence avec la planète entière. Et l'on peut considérer pour les agriculteurs français, que la question des néonicotinoïdes est un peu la goûte d'eau qui a fait déborder le vase. La question de fond qui devrait être posée n'est pas de savoir si ces pesticides sont si dangereux que ça pour l'environnement, et donc s'il faut réellement les interdire, mais plutôt de savoir si nous allons continuer à faire du libre-échange agricole avec d'autres pays qui ne mettent aucune contrainte environnementale à leurs producteurs.
Agriculture, écologie et protectionnisme
Car la question est là et pas ailleurs. Les agriculteurs, j'en suis persuadé, ne tiennent pas plus que les autres français à participer à la destruction de notre environnement. Ils ne tiennent pas non plus à s'empoisonner eux-mêmes. Mais il faut bien comprendre que ce sont les contraintes économiques liées au libre-échange et à la dérégulation macroéconomique qui les poussent à ce genre de pratique. On ne peut pas inlassablement les mettre sous des contraintes économiques de plus en plus violentes et en même temps espérer qu'ils soient de fabuleux écologistes respectueux de l'environnement. C'est d'autant plus vrai qu'avec la crise et l'inflation les gens se détournent maintenant de la filière bio qui paraissait pour certains agriculteurs être une porte de sortie honorable. D'ailleurs au sujet du libre-échange,l'UE a encore signé un nouveau traité de libre-échange, cette fois avec la Nouvelle-Zélande, pays très avantagé pour l'agriculture et qui a des pratiques peu écologiques. Ils continuent par exemple à faire de l'abus d'antibiotiques pour les bovins et les ovidés. De fait, mettre des contraintes de plus en plus violentes d'un point de vue économique en oubliant simplement l'intérêt de nos propres agriculteurs revient simplement à les tuer. Une politique rationnelle en la matière serait d'accompagner ces contraintes de mesure protectionniste comme des droits de douane et des quotas pour permettre à nos filières de survivre même avec ces nouvelles réglementations. Or il n'y a absolument rien de prévu à cet effet, et il n'y a pas grand-chose à attendre des idéologues de Bruxelles sur cette question.
Ce libre-échange agricole n'est pas bon pour notre économie et notre indépendance nationale. Mais en plus c'est très mauvais pour l'environnement puisque nous importons de plus en plus de nourriture de pays aux mauvaises pratiques agricoles, tout en y ajoutant le transport, qui lui aussi n'est pas très écologique. De fait, le débat sur les néonicotinoïdes et leur interdiction est très mal conduit. Et c'est probablement parce que cela se heurte à la question de la globalisation et de l'UE qui restent des tabous inviolables dans les grands médias. Que les néonicotinoïdes soient interdits ou non de toute manière les principes mêmes du libre-échange conduisent notre agriculture à la mort en dehors de quelques activités d'exportation. Et l'on ne verra guère la FNSEA défendre la sortie de l'euro, de l'UE et du libre-échange, car comme ses cousins de la GCT et autre CFDT aucun syndicat officiel ne défend ce qui devrait pourtant paraître évident aux yeux de tous, la nécessité de rompre avec le libéralisme de ces 40 dernières années. Ils sont très fort pour condamner les conséquences de ces choix, sans jamais s'attaquer à leurs causes.
Cependant si par hasard un gouvernement plus patriote arrive un jour au pouvoir, il faudra de toute manière repenser totalement notre agriculture. Est-ce que l’agriculture doit être un moyen de faire de l'argent, d'avoir des excédents commerciaux en nous spécialisant dans certains domaines et en favorisant la monoculture ? Nous mettant ainsi à la merci d'une mauvaise fluctuation du commerce mondial ? On le voit sur les médicaments, l'extrême dépendance aux importations est extrêmement dangereuse, et sur la nourriture cela pourrait être fatal. Ou est-ce qu'elle a surtout pour but de pourvoir aux besoins essentiels de notre population ? La question va se faire de plus en plus pressante. En effet, les besoins mondiaux en la matière sont énormes, croissants et certains pays comme la Chine exercent déjà des pressions à la hausse sur les prix de tout un tas de produit. Comme je l'avais déjà écrit dans un précédent texte, allons-nous laisser notre population en état de malnutrition pour suivre les prix mondiaux sur certaines denrées ? Les Français devront-ils cesser de manger du pain parce que les Chinois ou d'autres importeront massivement du blé qu'ils pourront se payer, car ce sont les nouvelles puissances industrielles alors que nous devenons petit à petit un pays du tiers monde ?
Comme on l'a vu avec la crise du COVID qui a déséquilibré l'économie mondiale et produit en partie la vague d'inflation, la globalisation va devenir de plus en plus problématique pour nous. Et il est bien dommage que la question de notre souveraineté alimentaire ne soit pas abordée à l'occasion de ces manifestations agricoles. La spécialisation à l'échelle planétaire est une idiotie économique ne créant en fait du revenu que pour les intermédiaires, les producteurs et les consommateurs n'y gagnant guère, quand ils n'y perdent pas. Mais c'est aussi une aberration écologique massive. Il est plus que temps de mettre les politiques et les écologistes mainstream devant leurs contradictions. Discourir longtemps sur la sauvegarde de la planète tout en mettant des règles de plus en plus contraignantes pour nos producteurs, et cela en les mettant en situation de concurrence complètement faussée, n'a rien d'écolo, ni de rationnel. On nage en pleine démagogie pseudoscientifique et de péroraison moraliste. L’agriculture qui fut l'activité qui créa la civilisation mérite mieux qu'une collection de poncifs irrationnels. Il faut prendre enfin le sujet avec sérieux même si cela veut dire rompre avec l'UE pour ça. Il en va de la sécurité alimentaire de nos concitoyens.