/image%2F1492474%2F20230315%2Fob_8e36d8_mikado-1013877-1920-1024x1024.jpg)
Une nouvelle panique semble toucher le système bancaire occidental, avec la faillite de la Silicon Valley Bank cette fois. Et immédiatement, on repense à la faillite de Leman Brothers sauf que cette dernière était une banque nettement plus importante à l'époque. Mais le fond du problème qui était l'insolvabilité du système bancaire américain et occidental en général est toujours là même si les acteurs et les sources de problèmes potentiels ont changé. À l'époque ce sont les subprimes qui ont causé les faillites en cascade, la baisse des prix de l'immobilier entraînant la fin de l'enrichissement fictif d'une bonne partie des Américains qui achetaient des biens immobiliers à crédit en espérant des reventes rapides à des prix intéressant en surfant sur la bulle immobilière. Malheureusement, la baisse des prix et la remontée des taux seront fatales à ce système et entraîneront la crise que l'on connaît de 2008-2010 . L’interconnexion délirante entre les différents pays du monde exportant la crise américaine à l'ensemble de la planète. L'effondrement de la demande intérieure américaine qui vit une baisse de moitié de son déficit commercial extérieur plongera les gros exportateurs comme l'Allemagne et la Chine dans une crise.
À l'époque pour sauver le système, la plupart des dirigeants occidentaux ont fait des injections massives de liquidité. Il ne s'agit pas ici de critiquer cette action, il fallait sauver les banques, car en cas contraire nous nous serions retrouvés dans un mécanisme massif de bank run. Les gens n'ayant plus confiance dans leur banque retirent leurs avoirs; or comme les banques prêtent toujours beaucoup plus que ce qu'elles n'ont en réserve, elles n'auraient tout simplement pas pu répondre à la demande des clients. Accélérant ainsi le processus de fuite en dehors du système bancaire. Les entreprises et les particuliers se seraient rapidement retrouvés sans moyen de paiement sous aucune forme. Autant vous dire qu'à moins d'avoir un sac d'or enterré sous votre jardin, et encore faut-il pouvoir changer l'or en monnaie, on se serait très vite tous retrouvé sans moyen pour manger, ou payer nos loyers et nos diverses obligations. Les crises de bank run sont extrêmement dangereuses pour une société. On l'a malheureusement vu récemment en Argentine ou chez ces pauvres libanais. Il est donc tout à fait normal que les états interviennent rapidement dans ces situations. La crise de 1929 aura au moins servi à ça comme leçon.
Cependant si l'on se souvient bien de la dernière fois, les dettes des banques ont tout simplement été transférées dans le domaine public par la dette. Pour la France de Nicolas Sarkozy, cette sauvegarde des banques s'est traduite par un doublement de la dette publique. L'on vous ressort régulièrement l'argument de la dette insoutenable pour justifier les « réformes » néolibérales qui consistent généralement à démolir les services publics. Sauf que les politiques oublient généralement de dire d'où vient cette fameuse dette. Et là c'est quelque chose qui pourrait pourtant largement justifier une colère noire de la population, si celle-ci avait réellement conscience de l'arnaque géante dans laquelle elle est enfermée depuis des décennies. Car s'il fallait bien sauver les banques, celles-ci auraient au moins dû être nationalisées et restructurées. Certains pays comme l'Islande durement touchés par la crise de 2008 ont laissé couler leurs banques irresponsables comme Icesave. On remarquera que c'est après un référendum que l'Islande décidera de ne pas couvrir les pertes de la banque privée, ce qui fait rager l'establishment anglais et néerlandais. Mais sauver cette banque par l'endettement public revenait à faire prendre les responsabilités d'une entité privée à l'ensemble de la population islandaise qui n'y était pour rien dans les imbécillités spéculatives de la banque en question.
Dans le reste de l'Europe et en France en particulier il n'y a eu aucun débat sur la question. Tout s'est passé comme s'il était naturel qu'un système économique qui prétend sans cesse valoriser la responsabilité individuelle pour les salariés et les citoyens puisse se comporter d'une façon quasiment communiste quand il s'agissait de sauver les intérêts des puissances d'argent. Et évidement la cerise sur le gâteau fut qu'il n'y a eu aucune espèce de réforme de sur le fond, ni aucune réaction de grande ampleur . On a demandé au contribuable de payer sans poser de question et sans aucune conséquence pour les principaux responsables économiques de cette situation. Il s'agit là probablement d'un des plus grands scandales de l'histoire économique. Un scandale assez révélateur du système de prédation qu'est l'économie néolibérale. On a eu un bel exemple de privatisation des profits et de socialisation des pertes.
La finance occidentale malade de la dérégulation
Évidemment comme rien de fondamental n'a changé depuis en dehors de l'endettement des états qui atteint maintenant des proportions gargantuesques, il était évident que nous risquions à nouveau de nous retrouver dans ce type de crise. C'est peut-être le cas à l'heure actuelle puisque les valeurs bancaires commencent à chuter, y compris à Paris. L'action de BNPparibas vient d'être gelée après une chute de plus de 8%. Le vénérable Credit Suisse est dans une situation catastrophique tout comme la Société Générale. Alors pour l'instant rien ne dit que nous allons dans la même direction qu'en 2008, mais la situation économique est tellement plus mauvaise qu'à l'époque entre l'inflation, la crise ukrainienne et les conséquences économiques des mesures absurdes contre le COVID, qu'on peut sérieusement être inquiet. Et surtout on se demande comment les états et les banques centrales déjà largement dans le rouge vont pouvoir cette fois sauver des banques dont les avoirs dépassent parfois le PIB de leur propre pays d'origine.
Mais quelle est l'origine de ces crises financières à répétition ? Le premier facteur est la très mauvaise situation des anciens pays industrialisés. On en a parlé régulièrement sur ce blog sans avoir à y revenir. La désindustrialisation a entraîné de grands déséquilibres extérieurs et la croissance n'est plus fabriquée que par des bulles de dette publique et privée qui stimulent la consommation. À l'exception de l'Allemagne et de quelques autres pays qui compensent leurs déficits extérieurs avec les nouveaux pays industrialisés comme la Chine par des excédents avec d'autres anciens pays industrialisés, le reste de l'occident est enfermé dans une spirale de déficits commerciaux. Les USA, la Grande-Bretagne et la France formant le trio de tête des pays surendettés déficients commercialement. Évidemment ce sont ces dettes qui permettent aussi aux nouveaux pays industrialisés de croître dans une espèce de jeu malsain d'interdépendance déséquilibrée entre consommation occidentale et exportations asiatiques. On sent qu'une telle organisation économique ne peut que s'effondrer un jour avec fracas.
Mais si le fond de l'économie est mauvais, l’instabilité financière n'est pas due qu'à ça. Elle est littéralement consubstantielle à la dérégulation que les politiciens occidentaux et particulièrement anglo-saxons ont imposée depuis les années 70. Car les crises ont été nombreuses depuis les années 70 avec des gravités sans cesse croissantes. Le premier facteur est l'apparition de banques universelles qui font tous les métiers . En particulier le mélange de banques commerciales et de banques financières qui avait pourtant été abandonné au lendemain de la crise de 1929. En effet, Roosevelt en 1933 fit signer le célèbre accord du Glass-Steagall Act visant à séparer ces deux activités pour éviter que les errements des banques commerciales ne puissent empoisonner les dépôts des épargnants ne cherchant pas des taux d'intérêt élevés et donc risqués. Malheureusement sous Clinton, il fut abandonné. En Europe dès l'acte unique européen nous vîmes la réapparition de la banque universelle avec tous les risques que cela signifie en cas de crise. Encore une fois, les leçons du passé ont été oubliées.
Mais le facteur supplémentaire par rapport aux crises des années 30 est l'interdépendance absurde qui a été créée par la création de banques universelle et aussi multinationale. Cette fois non seulement on a mélangé tous les métiers de la finance, mais en plus on a dérégulé la circulation des capitaux à travers la planète, créant ipso facto les conditions maximums pour voir l'apparition et l'extension rapide des crises à travers toute la planète. L'explosion d'une petite banque d'affaires dans une région des USA peut ainsi entraîner l'ensemble de la finance mondiale vers l'effondrement par un jeu de domino absurde produit par l'accumulation de dettes et d'avoir planqués un peu partout sur la planète en particulier dans les paradis fiscaux. Comme dans le cas du commerce l'extrême interdépendance produit plus de mal que de bien et fait courir des risques démesurés à l'économie nationale . C'était d'autant plus vrai que la France n'a jamais eu besoin de la finance internationale. Ce fut un choix totalement idéologique fait dans les années 70-80. À une époque où l'épargne du pays était abondante et où nous avions une balance commerciale à l'équilibre.
Alors est-ce que cette crise est la CRISE ? Celle qui produirait l'effondrement des économies occidentales surendetté provoquant soit une hyperinflation, soit un défaut sur les dettes? Phénomène qui aurait comme effet l'effondrement du dollar et de l'euro. C'est difficile à dire, il y a énormément de facteurs et personne en réalité ne contrôle plus rien. Et s'il y a bien une leçon à apprendre de tout ceci, c'est que le premier effet du libéralisme, c'est bien la promotion du chaos et de l'instabilité. En supprimant les frontières dans tous les secteurs, vous favorisez mécaniquement l'ingouvernabilité. C'est un énième exemple de ce dont je parlais dans mon texte “L'économie chaotique et la crise porcine” . Je prenais comme base la science de l'automatique que je connais bien pour expliquer le rôle de l'interdépendance excessive dans la gouvernabilité ou non d'un système. Et le globalisme, loin de produire du contrôle comme le rêvent les hurluberlus du laissez-faire, conduit bien au chaos total. Il va nous falloir maintenant brûler des cierges et voir comment les choses évoluent, cela vaut bien un discours de Bruno Le Maire sur les questions économiques.