Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Depuis une vingtaine d'années, l'économie française s'est transformée sous l'effet coagulé de la libre circulation des capitaux, des marchandises et de l'euro. La transformation s'est faite assez rapidement en réalité en particulier de 2000 à 2008. Nous sommes passés d'une économie qui équilibrait à peu près ses comptes extérieurs en jouant sur le chômage et la limitation de la demande interne durant la période 1983-2000, à une économie qui ne s'implique plus dans l'équilibre de la balance des paiements. Et ce passage s'est fait naturellement sous l'effet de l'euro. La transformation a commencé en réalité dès la mise en place de l'euro où l'on voit rapidement une dégradation de la balance commerciale . Si l'euro a détruit l'industrie française et donc la demande qui était produite par les salaires versés par cette industrie, il a en même temps permis une baisse énorme des taux d'intérêt. Cette baisse a permis aux Français d'acheter massivement en particulier dans le domaine immobilier. Il y a un lien mécanique entre la dégradation de la balance commerciale et la bulle immobilière. Cette dernière a permis une « croissance » par une activité qui a fini par devenir parasitaire et excessive, exactement comme aux USA avec les subprimes. La différence c'est que le marché en France n'a pas été corrigé durant la période de la crevaison entre 2008 et 2010 contrairement aux USA.
Évidemment, cette croissance avait comme effet secondaire un accroissement progressif du déficit commercial. Comme je l'ai dit, la France s'est adaptée à la globalisation par le chômage de masse et la précarisation de l'emploi. Pour maintenir les grands équilibres, nos élites qui ont ouvert totalement l'économie française à partir des années 70 ont cassé la demande intérieure. Comme je l'ai brièvement expliqué dans mon texte précédent, le chômage était devenu la variable structurelle qui permettait d'équilibrer la balance des paiements. On maintenait ainsi les salaires en dessous de la hausse de la productivité. La globalisation a été faite pour ça d'ailleurs. Les capitalistes ont eu une peur bleue lors de la forte inflation des années 70 produite par la crise pétrolière et surtout par la fin du système du dollar or sous Richard Nixon. Pour calmer les ardeurs des salariés à faire augmenter leurs salaires, la globalisation fut une réponse pratique. En mettant les salariés français en concurrence avec le reste de la planète, vous cassiez mécaniquement les salaires et vous faisiez exploser les taux de profit. Ce qui se passa d'ailleurs très exactement à cette époque charnière. Mitterrand, qui fit un peu semble de rompre avec le système, rentrera vite dans le rang avec comme outil de défense idéologique, la construction européenne.
À partir de là, la croissance devint insuffisante pour absorber la croissance de la population active, ce qui donna l'économie des années 80-90. Une croissance molle qui permettait quand même un enrichissement, global, mais qui s'accompagnait d'une hausse progressive du chômage et de la précarité. On ne le dira jamais assez, le chômage est un drame non seulement humain, mais c'est un gaspillage de la force de travail d'une nation . En préférant importer moins cher les produits qu'elle consomme, notre pays a choisi sciemment de s'appauvrir pour le bénéfice d'une toute petite partie de sa population. La France perdit ainsi une partie de son industrie durant cette période, mais elle maintenait tout de même quelques fleurons comme l'industrie aéronautique et automobile. À partir de 1986 et de l'acte unique européen, le marché immobilier qui était régulé jusque là sera à son tour dérégulé, comme les dogmes de la construction européenne le réclamaient. On connaîtra dès la fin des années 80 une bulle immobilière comme à chaque fois qu'un marché est laissé à lui-même. On parle souvent de Maastricht à cause de l'euro qui a fait d'énormes dégâts, mais les effets néfastes de l'UE sur notre économie avaient commencé bien avant. Bref juste avant l'euro, la France souffrait, mais arrivait encore à fonctionner.
Avec l'euro l'industrie française va totalement rendre l'âme, c'est l'industrie automobile qui va faire l'effondrement le plus impressionnant. D'un excédent commercial à la fin des années 90, la France va passer rapidement à des déficits qui ne se combleront plus. Ne pouvant plus dévaluer, et les Français pouvant emprunter à faible taux grâce à la monnaie unique, notre pays va se lancer dans l'économie délirante de la bulle immobilière et des services. En un sens, l'euro a constitué, comme le dit très bien Emmanuel Todd, une rupture dans le sens des responsabilités. Loin d'avoir contraint les élites françaises à plus de rigueur comme le supposaient les créateurs de la monnaie unique et du traité de Maastricht. Il a bien au contraire permis à nos dirigeants toutes les folies. Il n'y avait plus à se soucier de la balance commerciale puisque l'euro nous « protège ». C'est tout le sens du « quoi qu'il en coûte » macronien en quelque sorte. On ne fait plus de choix en fonction des contraintes réelles. Les élites françaises pouvaient à la fois vivre leur délire de libre-échange et d'euro tout en arrosant la plèbe de dépenses publiques et de prêts immobiliers irresponsables. Évidemment il ne leur est pas venu à l'esprit que cela n'aurait qu'un temps. À ce petit jeu la France n'a pas été la seule à jouer. Les Espagnoles ou les Grecques ont fait de même. La réalité les a juste rattrapés plus vite que nous.
L'écologisme est une aubaine pour le marché immobilier
Nous arrivons à la fin de cette absurdité. Le retour de l'inflation et la crise de l'industrie en Allemagne en particulier font remonter les taux d'intérêt. La France totalement désindustrialisée se retrouve comme la Grèce dans la période 2008-2010 et elle s’apprête à faire les mêmes erreurs malheureusement comme nous en avons parlé il y a peu de temps. Cependant, la crevaison de la bulle immobilière en soi n'est pas un problème bien au contraire. La courbe de Friggit qui rapporte le prix de l'immobilier aux revenus disponibles montre mieux qu'un long discours l'énormité de la bulle. Sa correction est donc tout à fait normale même si beaucoup de gens vont y perdre. Il faut bien se dire que si la France avait gardé sa monnaie et fait du protectionnisme il est pratiquement certain que cette immense quantité d'épargne investie excessivement dans l'immobilier l'aurait plutôt été dans l'industrie et dans le développement réel du pays. La bulle n'a pas été seulement un drame pour tous les gens qui n'arrivent plus à se loger même en travaillant durement, ce fut aussi un énorme gaspillage de ressources. On a créé trop d'emplois dans les services et dans l'immobilier que ce soit dans la construction, dans la gestion ou comme promoteur immobilier, et pas suffisamment dans la production et l'industrie.
Cependant comme ce gaspillage fait vivre beaucoup de monde il est évident que les politiciens peu enclins à défendre l'intérêt général vont tout faire pour sauver la bulle. C'est plutôt dans ce sens qu'il faut comprendre l'empressement du gouvernement à exclure 2 millions de logements de la vente et de la location pour des raisons officiellement écologiques. Mais la vérité c'est que l'isolation ne sert pas à grand-chose d'un point de vue énergétique. Une étude récente en Allemagne le confirme d'ailleurs, ça n'a pas du tout réduit la consommation énergétique du pays. Par contre, il est certain que cela a nourri une ribambelle de parasites économiques. Elle a investi près de 340 milliards d'euros depuis 2010 et cela n'a eu aucun effet sur sa consommation. Avec une telle somme, elle aurait pu se doter d'un gros parc nucléaire lui fournissant une énergie stable et beaucoup moins chère que l'éolien, le solaire et le gaz. Alors, pourquoi promouvoir l'isolation alors qu'on a un échec allemand sous les yeux ? Simplement parce que cela peut permettre d'éviter l'effondrement des prix de l'immobilier. Les politiciens vont tout faire pour défendre la bulle, car elle est un peu le dernier pilier des apparences. Sans elle la France se retrouvera plus pauvre qu'elle n’apparaît. Et les apparences c'est très important pour un homme politique. Sans cette bulle il faudrait que les politiciens français admettent leurs erreurs économiques de ces 40 dernières années et qu'ils laissent tomber l'euro et la construction européenne pour redresser le pays. C'est absolument impensable pour eux. On devrait donc voir se multiplier les initiatives pour empêcher l'effondrement de la bulle même si cela veut dire avoir des millions de gens incapables de se loger correctement dans le pays. On peut déjà prévoir le retour des bidonvilles massifs et des nuées de tentes à l'entrée des villes française pour les prochaines années.