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Les premières mesures de Trump viennent donc de tomber. On voit bien qu'il y a dans la stratégie de Trump un véritable plan de communication visant à rassurer ses électeurs sur son respect du programme qu'il a proposé. Je ne parlerai pas vraiment des mesures sur l'immigration ou sur les transgenres, sauf pour souligner que sur l'immigration, on a déjà quelques dissensions qui apparaissent avec le big business que représente Elon Musk. Pour se faire élire, Trump a ratissé large et le soutien du libertarien milliardaire pourrait à l'avenir lui poser quelques problèmes. Les libertariens sont normalement contre le protectionnisme commercial et pour la libre circulation des capitaux et des personnes. Musk voit l'arrêt de l'immigration comme un problème surtout qu'il a probablement conscience de l'état de la formation scientifique et technique aux USA. Ces derniers souffrent en effet de 50 ans de financiarisation progressive. Les jeunes ne s'orientent plus vers les sciences et il est devenu bien difficile de trouver de la main d'ouvriers qualifiés dans les secteurs industriels et techniques. L'exemple de TSMC qui n'arrivait pas à ouvrir son usine malgré l'arrosage financier de l'état américain par manque de main-d’œuvre est représentatif de l'état réel des USA sur ce plan.
La politique migratoire de Trump risque donc d'entrer en contradiction avec sa volonté de redresser l'industrie du pays et la balance commerciale qui bat des records dans le négatif. Ce problème de formation va d'ailleurs se poser aussi en France, du moins si un jour nous décidions enfin de réellement réindustrialiser. Nous ne sommes pas encore au même stade que les USA, mais le manque de formation scientifique et technique est déjà criant. On pourrait même être obligés d'envoyer des jeunes se former à l'étranger étant donné la perte de savoir-faire dans ces domaines. Comme je le dis régulièrement, détruire un système industriel c'est facile, le rebâtir beaucoup moins. Il est plus simple pour un ingénieur de devenir banquier que l'inverse. 50 ans de désindustrialisation ont durablement marqué notre pays de la même manière que les USA. L'autre annonce de Trump c'est sa volonté de rompre avec l'idéologie écologiste actuelle. Je serais ici nettement plus mitigé. Que l'écologie soit utilisée par des escrocs et des menteurs c'est une certitude, et le réchauffement climatique est loin d'être l'urgence que certains déclament. On pourrait même parler du rôle du CO2 très exagéré, mais passons.
Cependant, il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Il y a bien des problèmes écologiques et le discours sur le pétrole qu'il a tenu a quelque chose d'assez surréaliste. Car s'il est vrai par exemple que le pétrole et le gaz de schiste ont permis aux USA de redevenir producteur et même exportateurs de matières premières énergétiques, cela ne veut pas dire pour autant que la problématique de l'épuisement soit derrière nous bien au contraire. Ces puits s'épuisent bien plus vite que les pétroles conventionnels et coûtent nettement plus cher à extraire. Plus grave, Trump semble ne pas avoir comme but de s'en passer. Voulant creuser toujours plus le territoire américain. Rappelons que ces forages sont eux-mêmes assez critiqués aux USA pour leurs effets environnementaux causés par la fracturation hydraulique. La politique de Trump ressemble quand même un peu à du « après moi le déluge ». Et la question de l'épuisement des ressources ne concerne pas que le pétrole. Des tensions importantes apparaissent sur le cuivre par exemple, la production ne tenant pas la distance avec la demande mondiale. Si des techniques ont permis d'exploiter plus facilement le cuivre, la question de l'augmentation des coûts d'extraction se pose et se posera de plus en plus. Or sans cuivre notre civilisation ne survivrait pas plus que sans hydrocarbure. Il est dommage que les questions écologiques aient été prises en otage par des idéologues et des intérêts privés, mais il ne faut pas pour autant ignorer totalement les réalités scientifiquement avérées dans ce domaine.
Ce passage d'un extrême à l'autre est probablement la question politique la plus dommageable de notre temps. L'épuisement des ressources naturelles sera l'un des deux grands problèmes des décennies à venir. C'est d'autant plus vrai que les deux géants de la planète l'Inde et la Chine deviennent des nations développées. L'autre étant paradoxalement celui du vieillissement et de l'effondrement démographique mondial. Cela pourrait paraître paradoxal dans le sens où cet effondrement devrait en théorie résoudre le premier problème. Sauf qu'en réalité le problème de l'épuisement des ressources n'est pas le fruit essentiel de la démographie, mais des modes de vie. Quelques millions d'Américains avec le niveau de vie d'un Bill Gates ou d'un Musk suffiraient à épuiser toutes les ressources de la planète en assez peu de temps. Si le Trumpisme a le mérite de remettre en cause l'hystérie sur le réchauffement climatique. Il a aussi comme effet de renforcer l'illusion de la croissance infinie de la consommation dans le cadre actuel. L'écologie soulève de vrais problèmes qu'on ne devrait vraiment pas négliger pour notre avenir à tous.
Trump c'est un nouveau Roosevelt ou un nouveau Reagan ?
Trump est un populiste, c'est pratiquement un truisme de le dire et ce n'est pas une mauvaise chose en soi. Rappelons que les plus grands noms de l'histoire furent souvent des populistes surtout dans les régimes démocratiques. Après tout pour se faire élire, il faut plaire aux masses par définition. Le populisme n'est pas le gros mot que certains dépeignent à longueur de journée, c'est au contraire une nécessité démocratique. On peut tout à fait dire que Roosevelt était un populiste, tout comme de Gaule ou Churchill. Le populiste n'a pas forcément raison, car le peuple peut se tromper, mais c'est en réalité le cas de tout le monde même des élites les mieux formées. La grande différence c'est que lorsque le peuple se trompe c'est lui qui en subit les conséquences. En ce sens, le populisme est responsabilisant puisque le peuple qui met au pouvoir son dirigeant subira les éventuels effets indésirables. À l'inverse le gouvernement oligarchique de quelques élites est passablement mauvais puisque ce sont rarement ces élites qui subissent les conséquences des décisions prises. On le voit donc ici, le populisme démocratique s'il est loin d'avoir toujours raison a au moins la qualité de lier responsabilité et pouvoir. C'est une qualité qui aujourd'hui fait cruellement défaut en Europe et qui explique très certainement l'acharnement dans l'erreur des dirigeants européens. Après toute l'UE c'est justement la scission complète entre ceux qui dirigent et ceux qui subissent les effets des politiques publiques.
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Mais si Trump est un populiste est-il un nouveau Roosevelt ? La question se pose parce que la crise de 1929 a eu un effet absolument dévastateur sur les USA. Comme le dit régulièrement Philippe Grasset sur son site, les USA ont cru mourir avec cette crise. Et si pour nous les deux guerres mondiales furent les deux axes majeurs de l'histoire du 20e siècle pour les USA ce fut surtout la crise de 29. Dans ce contexte la figure de Roosevelt est devenue iconique, il a sauvé les USA grâce à son New Deal. Qu'en réalité ce soit surtout les dépenses de la Seconde Guerre mondiale qui mit fin à la crise, c'est un autre débat. La réalité pour les Américains c'est que Roosevelt avec sa politique volontariste a sauvé les USA de l'effondrement. Depuis, on peut penser que les présidents américains qui ont un peu d'ambition, et c'est certainement le cas de Trump, cherchent tous à imiter en quelque sorte le grand ancêtre. Ce fut le cas dans un sens de Kennedy avec son programme Apollo. Mais ce fut aussi le cas de Ronald Reagan avec son programme de guerre des étoiles aujourd'hui assez oublié.
Et en ce sens, Trump est en réalité plus proche d'un Reagan que d'un Roosevelt. Le slogan america first vient d'ailleurs de l'époque Reagan. Trump a d'ailleurs avec Reagan la même approche économique qui consiste à baisser les impôts, là où Roosevelt a au contraire fortement taxé les plus riches. Rappelons que sous Roosevelt, la dernière tranche d'impôt aux USA était passée à 94%. C'est en partie çà qui a sauvé les USA et leur capitalisme en réduisant les inégalités absurdes qui s'étaient développées alors. Ce type de politique ne risque pas vraiment d'arriver sous Trump. L'autre point commun par contre est l'annonce de grand plan d'investissement. Trump vient en effet de déclarer un grand plan de 500Md$ pour l'IA. Là on s'approche un peu des politiques interventionnistes d'un Roosevelt sauf que ce dernier voulait avant tout réduire la pauvreté dans le pays quand Trump s'adresse d'abord au big business. Il s'agit également de répondre à la Chine qui est vue de plus en plus comme une menace à l'hégémonie américaine.
On rapprochera donc ici plutôt la politique de Trump de celle de Reagan et de sa guerre des étoiles. Là aussi il y avait des investissements publics massifs, à l'époque il s'agissait d'affronter l'URSS, aujourd’hui c'est la Chine. Hier c'était le complexe militaro-industriel qui bénéficiait de ces prébendes, aujourd’hui c'est Musk et les entreprises de la silicone valley. Le problème c'est que le rapport de force n'est pas le même. L'URSS était une nation en retard et en déclin, la Chine est en pleine ascension et croule sous les avantages comparatifs. Le plan de Trump s'inscrit en plus dans une situation économique difficile avec des USA qui croulent sous les déficits commerciaux et l'endettement public. On pourrait se demander d'ailleurs si ce n'est pas la Chine qui en fait tend en réalité un piège aux USA avec une espèce de guerre des étoiles inversée. La Chine développant des IA très concurrentielles et moins chères que les homologues USA, et les USA engloutissant des ressources qu'il aurait été bien plus important d'utiliser dans des domaines cruciaux. Car la population américaine va mal que ce soit en termes de natalité, de mortalité infantile, d'inégalité d'accès au logement, etc.. On vient même d'apprendre que le nombre de SDF a augmenté de 18% en une seule année.
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Dans ces conditions, ce n'est pas d'un nouveau programme Apollo dont les USA auraient eu besoin, ou un programme de guerre des étoiles, mais plutôt d'un New Deal. Aller sur Mars n'intéressera probablement pas la jeunesse qui vit chez ses parents jusqu'à 40 ans faute de revenu fixe à la hauteur des loyers. Si le protectionnisme de Trump peut faire circuler plus la monnaie au sein de l'économie américaine, il est à craindre que ce plan d'investissement massif n'ait surtout un effet sur les importations et ne creuse à nouveau la dette extérieure et les déficits, sans pour autant réellement relancer la croissance. Les derniers plans de relance sous Obama ou Biden ont surtout profité aux plus riches, il n'y a pas de changement fondamental qui puisse faire penser que cette fois tous les Américains en profiteront. L'inflation pourrait aussi redémarrer plus fortement sans que les problèmes de base de la population soient vraiment résolus. Pire, un éventuel échec, et une déception vis-à-vis des retombées économiques des IA, qui à mon humble avis sont très largement surestimés, pourraient provoquer une grave crise qui dans les conditions actuelles pourrait cette fois être fatale au rôle du dollar avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir pour l'économie US. Il est donc à craindre que Trump ne soit pas un nouveau Roosevelt, mais le Gorbatchev des USA coulant le pays qu'il essayait de sauver.