Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Trump vient donc de lancer la bombe atomique commerciale du retour du protectionnisme douanier. Les médias s'échauffent et une bonne partie de la planète globaliste s'offusque et s'agace annonçant les pluies de crapauds et des mers de feu qui vont engloutir les USA. De l'autre côté, on entend des discours dithyrambiques avec un Trump qui va rendre sa grandeur à l'Amérique et réindustrialiser le pays en deux coups de cuillères à pot. La réalité sera bien évidemment beaucoup plus subtile que cela, et beaucoup plus grise si je puis dire. Ce qui surprend avant tout c'est la vitesse à laquelle agit Trump. Si la vitesse est parfois nécessaire dans des négociations ou dans des conflits militaires et politiques, en économie, cela peut se révéler absolument désastreux. Non que le but fixé ne soit pas juste. Vouloir réindustrialiser les USA et rééquilibrer le commerce est tout à fait logique et compréhensible, et nul ne peut critiquer Trump sur cette question.
Le protectionnisme, qui est beaucoup plus discuté par les médias et les économistes, est lui aussi tout à fait acceptable même s'il n'avait plus bonne presse depuis les années 70. Le protectionnisme a en réalité toujours fait partie des politiques des états et aucun pays industriel actuel ne s'est développé sans protectionnisme sous une forme ou sous une autre, parce que le protectionnisme ne s'arrête pas , loin de là, aux seules barrières douanières. Le problème est d'ailleurs que le protectionnisme, dans l’imaginaire populaire, mais aussi, et c'est plus grave, chez nos élites, se réduit aujourd'hui à la seule question des droits de douane. C'est également le cas pour Trump d'ailleurs visiblement. Pourtant, on peut imaginer plein d'autres façons d'agir. La dévaluation est par exemple le seul protectionnisme encore un peu accepté même si les médias hurlent à la catastrophe en France lorsqu'ils entendent ce terme. Rappelons simplement que de Gaule fit deux dévaluations en 1958, une première de 20% puis une seconde quelques mois plus tard de 17,5%. Ce ne fut pas la fin de la France, mais au contraire un retour à une forte croissance même si cela a nécessairement nourri un peu l'inflation.
Les pays asiatiques pratiquent eux-mêmes très souvent la dévaluation à l'image du Japon dont la monnaie s'est dévaluée très régulièrement ces dernières années. Rendant d'ailleurs le Japon très intéressant pour les touristes. Cela a permis au Japon de résister à la concurrence chinoise et de maintenir son commerce extérieur. En 2023, malgré son effondrement démographique, le Japon perd près de 800 000 habitants chaque année maintenant, ce pays a quand même réussi à avoir 1,7% de croissance en 2023, bien plus que la France et son euro. De fait les variations monétaires sont en quelque sorte le protectionnisme autorisé. Alors vous allez me dire pourquoi Trump ne dévalue pas tout simplement ? Et bien c'est qu'un peu comme pour la France, mais pour d'autres raisons, les USA ne maîtrisent pas leur monnaie. Cela peut sembler paradoxal puisque l'on dit toujours que les USA bénéficient du dollar. Mais la réalité c'est qu'à cause de ce statut monétaire de réserve international l'essentiel des dollars qui circulent dans le monde le fait en dehors des USA. Donc les Américains ne contrôlent pas de fait la valeur de leur monnaie. C'est ce qui a permis aux USA leur grande gabegie de ces dernières décennies et l'accumulation de monstrueux déficits commerciaux.
Ne pouvant réellement dévaluer la monnaie, il ne restait plus que le protectionnisme plus affiché. Obama puis Biden ont fait un protectionnisme coûteux à travers des subventions plus ou moins directes sans que nos médias ne s'en offusquent alors probablement parce que ces deniers étaient démocrates. Mais c'était finalement la même chose que les droits de douane de Trump. D'ailleurs aux USA les commandes publiques et les dépenses militaires massives ont aussi longtemps servi à des subventions déguisées au système industriel et technologique des USA. Un type comme Musk n'aurait jamais existé d'ailleurs sans ces subventions et cet interventionnisme. L'UE et nos élites qui passent leurs temps à critiquer l'intervention étatique feraient bien mieux d'y songer. Rappelons au passage que la Chine par exemple malgré ses énormes excédents commerciaux a continué à dévaluer sa monnaie ces dernières années face au dollar, mais nous y reviendrons par la suite.
En regardant la balance commerciale des USA, on comprend immédiatement que les USA ont un énorme problème, mais qui ne date pas d’hier. En réalité, les difficultés des USA commencent dans les années 60. Et leur statut monétaire a probablement été à l'origine de cette problématique. De Gaulle avait d'ailleurs prévenu dans sa conférence de 1965 que le statut du dollar produirait de graves crises si l'on ne changeait pas de système monétaire international. Malheureusement, de Gaulle ne fut pas vraiment écouté. Les USA trop fortement désindustrialisés vont chercher par tous les moyens à redresser leur situation commerciale, mais comme l'a dit récemment Emmanuel Todd le seul protectionnisme ne peut pas tout résoudre. En particulier, les immenses inégalités nuisent gravement à la formation et au changement de paradigme économique. Pour réindustrialiser, il faut favoriser la production locale, mais rendre aussi celle-ci possible grâce à la formation de la main-d’œuvre.
On peut d'ailleurs se dire que les taxations indifférenciées et généralisées ne sont pas forcément bien intelligentes. En effet pour réindustrialiser, il faut par exemple des machines-outils. Or les USA ne sont pas un gros fabricant de machines-outils. Ils auront besoin des Allemands, des Japonais ou encore des Suisses pour reconstruire leurs usines rapidement. Mais dans les taxes à l'importation, il y a la taxation des machines-outils. C'est la même chose sur la taxation concernant les matières premières non substituables par des productions locales, cela ne fait que renchérir le coût de la réindustrialisation. Comme j'ai coutume à le dire, on peut être stupidement libre-échangiste, et on a eu beaucoup de gens stupides qui ont pratiqué le libre-échange, et son idéologie, mais on ne peut pas être stupidement protectionniste, là on risque de l'inflation importante et même des pénuries. De plus à la place de Trump j'aurais personnellement visé seulement certains secteurs particuliers, même si la taxe générale à 10% était tout à fait acceptable pour renflouer les caisses de l'état tout en favorisant quand même un peu les productions locales. D'ailleurs, des quotas en volume progressifs auraient été aussi bien vus, car ils sont par nature insensibles aux variations des taux de change. Avec des quotas on peut laisser une partie d'importation tout en protégeant les producteurs locaux. Et en plus c'est facile à mettre en place.
Une réaction à la guerre commerciale des pays mercantilistes
Bref, on peut tout à fait être pour le protectionnisme et ne pas être d'accord avec la méthode Trump qui est à la fois trop forte et trop rapide. Pour reconstruire leur industrie, il faudra du temps et de la stratégie collective. Et cela malheureusement le système politique américain ne semble pas être capable de le produire. En fait le gros problème de la stratégie de Trump c'est qu'elle pourrait s'effondrer rapidement avec le retour des démocrates au pouvoir. On a ici un problème de cohésion nationale avec une partie de la population, celle qui a de l'argent, qui n'a aucun intérêt en réalité à une réindustrialisation du pays parce qu'elle devrait réduire son train de vie en réalité au profit de la classe ouvrière de nouveau puissante avec une réindustrialisation. Mais pour terminer ce texte, précisons quand même une réalité macroéconomique. Les USA n'ont pas déclenché une guerre commerciale comme on peut le lire ici ou là dans les médias.
En réalité, les USA sont globalement sur la défensive. Et la guerre commerciale c'est le produit même de la globalisation en réalité. Il est vrai que les USA ont été les promoteurs de la globalisation et donc de la guerre commerciale. Cependant cette guerre ils l'ont perdu dès les années 80 puisqu'à cette époque ils ont été obligés de réagir face aux excédents japonais et allemands par les accords de la Plaza, ils acceptaient en réalité leur déclin industriel, mais ils obligeaient les Allemands et les japonais à investir aux USA et à racheter leurs titres de dette. Cependant si cette stratégie a fonctionné à l'époque la Chine c'est autre chose. Mais il ne faut pas inverser les responsabilités. Ceux qui agressent les autres nations ce sont les pays mercantilistes qui accumulent des excédents commerciaux. Aujourd’hui, ce sont l'UE, avec en son centre l'Allemagne, et la Chine, qui accumulent le plus d'excédents commerciaux sur terre. Les agresseurs ce sont ces régions. Nous pouvons en parler avec nous qui sommes directement victimes de l'agressivité commerciale allemande depuis 25 ans et la mise en place de cette stupide monnaie unique.
En tout cas si l'on peut douter d'une rapide réindustrialisation des USA pour les raisons que j'ai invoquées et pour d'autres, on peut quand même se réjouir du fait que la globalisation soit enfin questionnée. Non, le libre-échange ne produit pas de richesse supplémentaire, ce sont les gains de productivité et le progrès technique qui le font. Le libre-échange change simplement les rapports de force sociaux locaux en favorisant ceux qui peuvent faire du commerce lointain au détriment des producteurs locaux. Il fait des consommateurs des exploiteurs de la main-d'œuvre productive en déformant la valeur marchande en quelque sorte. Le libre-échange ne fait que nourrir du parasitisme financier et économique réduisant le poids de ceux qui produisent la richesse réelle. Le libre-échange a cassé la demande dans nos pays en tirant les salaires toujours vers le bas. Les salaires ne suivent plus les gains de productivité depuis les années 70justement à cause du libre-échange. C'est ce modèle-là que Trump remet ici en cause. Et plutôt que de l'insulter, nous ferions mieux de penser à ce que la sortie de la globalisation pourrait nous apporter même si le changement sera bien évidemment difficile. C'est une immense opportunité, encore faudra-t-il la saisir en sortant de l'UE et de l'euro.