La débandade de la gauche à l'élection municipale vient donc de produire sa première conséquence à travers le changement gouvernemental. Et comme à chaque cycle électoral le pouvoir en place fait croire à un changement en replaçant les hommes avec en arrière cours une stratégie purement électoraliste en ligne de mire. On change les hommes pour ne pas changer de politique, voire au contraire pour affirmer encore plus la direction prise. Il ne fait guère de doute que l'arrivée de Valls, le carriériste girouette, au pouvoir ne risque pas d'améliorer la situation du pays. L'homme a plus d'amour pour sa propre personne que pour son pays c'est un Sarkozy socialiste pour le dire crument. Il parle souvent le langage de la république tout en violant régulièrement les principes mêmes de celle-ci. Mais peu importe de toute manière que Valls ou un autre clown du PS ou de l'UMP soit au pouvoir, la grande décadence libérale ne peut plus être stoppée produisant des esprits grégaires et incapables de diriger le pays autrement qu'en répétant inlassablement les mêmes erreurs. Il y a la crise parce qu'il n'y a pas assez de libéralisme, ou d'Europe. Peu importe les faits contraires, l'effondrement des pays dans lesquels ont été appliquées avec rigueur les solutions néolibérales. Il faut toujours plus de baisses des salaires, des taxes de l'état, etc. On connaît la chanson. C’est la même ritournelle depuis quarante ans et oui déjà, mais qui s'en soucie ? Pas le parti socialiste en tout cas.
Un communicant vociférant ne changera rien au destin du pays. D'ailleurs, l'on s’aperçoit à l'occasion ou l'on fait mine de s'apercevoir que l'électorat du PS ce sont surtout les bourgeois aujourd'hui. Ce qui explique la bonne tenue de celle-ci dans de grandes villes comme Paris. Les pauvres et les ouvriers votent désormais clairement pour le FN même si cela ne réjouit pas certains alternatifs comme mon collègue Laurent Pinsolle qui n'en finit plus dans l'art de l'euphémisme pour minimiser les scores du FN. Rappelons tout de même que le FN n'a jamais vraiment été un parti implanté et que le changement de direction du parti de Marine Le Pen porte des fruits extrêmement rapidement. Mais comme nous le verrons, le changement de direction pour transformer le FN en parti de gouvernement ne sera pas sans causer de friction interne.
L'UMP et le PS bourgeois contre le FN prolétaire.
Dis-moi qui vote pour toi et je te dirais qui tu es. Si l'on peut convenir que le FN fut à la base un parti raciste. On ne peut pas affirmer comme beaucoup le font que la montée du FN représente un risque pour la démocratie. En réalité ceux qui commettent ce genre de raisonnement n'ont guère compris le sens même du mot démocratie. Ce n'est pas aux hommes politiques d'imposer les débats ou ce qui est autorisé dans l'expression publique. Il est d'ailleurs étrange que dans un pays si soucieux de démocratie comme la France on ait autant recours à la censure. Même Tweeter s'est étonné que la France soit le pays où il y a le plus de demandes de censure. La liberté d'opinion et d'expression n'est-elle pas la base d'un débat rationnel et démocratique?Car c'est très exactement ce type de comportement qui est l'un des fondements du fascisme tant décrié par ailleurs. Sinon le fascisme en France est essentiellement imaginaire pour la bonne et simple raison que la nature même des comportements individualistes français interdit ce type de mouvement. La censure permanente voulue par le pouvoir politique a même tendance à fortement agacer la population. On ne crée pas un parti fortement autoritaire avec un peuple d'anarchistes latent. Mais comme l'a noté le blogueur Descartes sur son blog en citant un poème de Constantin Cavafy, c'est bien pratique d'avoir des fascistes ou des barbares imaginaires à nos portes cela permet petit à petit d'imposer des politiques en manipulant des fantasmes. Surtout que lorsque l'on ne peut pas vraiment censurer on dénigre, on calomnie, on amalgame. Quoi ? Vous être contre l'immigration de masse, vous êtes un raciste. Vous être contre l'UE vous êtes un facho. Vous êtes contre le libre-échange, vous êtes un communiste (remarque généralement faite par des gens qui ne connaissent rien au communisme vraisemblablement). Sauf que comme pour tout mensonge il ne doit pas trop être employé sous peine de perdre de son efficacité. Nos Goebbles de l'antifascisme systématique ont scié la branche sur laquelle leur démarche de rhétorique était assise. Peu de Français marchent encore dans la combine hors des lieux bien pensants de la bourgeoisie ou des milieux étudiants bon teint.
Il y a même fort à parier que maintenant ce discours arriverait même à rendre sympathique de vrais racistes aux yeux du grand public. C'est un effet contre réaction, quarante ans de propagande finissant par se retourner contre leurs auteurs, les rendant non crédibles même lorsqu'ils ont raison, rarement toute fois. L'affaire Dieudonné fut d'ailleurs assez symptomatique de la chose. L'humoriste médiocre s'est ainsi transformé en dissident politique grâce à l’extraordinaire absurdité des actions et des discours de Valls et son appel à l'antiracisme. Valls a en effet transformé Dieudonné en héros de la liberté d'expression alors qu'il est juste con et paranoïaque. Miracle des temps modernes de la communication et de l'obsession médiatique de nos dirigeants. C'est la même chose avec le FN. « Conspué pendant tant d'années, il ne doit pas être aussi mauvais », se dit le français de base devant l'invraisemblable nullité des dirigeants français. Si le FN a eu comme utilité au départ de dénigrer un patriotisme qui gênait à la fois la gauche pour des raisons idéologiques et la droite patronale pour des raisons bassement financières, l'animal semble aujourd'hui échapper à ses maîtres. Et il serait à mon sens dommageable de ne pas voir la mutation qui s'opère maintenant et qui est aujourd'hui malheureusement l'une des dernières possibilités pour le peuple de France de se sortir du piège dans lequel les eurolibéraux l'ont mis. C'est que peut-être les Français ne tiennent finalement pas tant que ça à disparaître.
La mutation possible du FN
Il faut bien comprendre que les partis politiques ont des dynamiques propres liées essentiellement à leurs composantes électorales. Si la gauche française est devenue une droite qui ne s'assume pas, ce n'est pas uniquement pour des raisons idéologiques. Il y a bien évidemment quelque chose de pourri dans l'esprit de gauche que je résumerai à la contradiction fondamentale entre leur esprit de liberté et leur envie de solidarité. Une contradiction évidente puisque l'égalité et la solidarité ne peuvent exister que contre la liberté des plus riches et des plus puissants. La solidarité, la communauté d'esprit, d'intérêt général, ne peuvent pas apparaître spontanément dans l'auto-organisation des individus. C'est l'une des grandes contradictions de la pensée de gauche que de croire que par l'opération du Saint-Esprit les gens puissent converger vers un mieux-être général uniquement par le fruit du bon sens. Les bons sentiments sont à la gauche libérale, ce que le marché autorégulé est la droite libérale, un fantasme qui n'existe pas, mais qui rassure quant à la validité du modèle politique et économique. De fait, la haine que porte la gauche à l'autorité la conduit irrémédiablement au blocage dès qu'il faut mettre en pratique les grandes idées solidaires. Comment réduire les inégalités sans contraindre la liberté des plus riches par des frontières commerciales et le contrôle des capitaux ? Mystère, c'est la quadrature du cercle. L'incarnation de la solidarité et de l'égalité était la nation française par excellence, elle fut pourtant conspuée par la gauche au nom d'une solidarité internationale au format bien évasif. La lubie de gauche a montré sa complète inanité dans le projet européiste.
Bien peu de gens aujourd'hui s'accordent encore à donner du crédit à l'énième chant entonné sur l'Europe sociale. S'il existe encore de vrais gens de gauche dans ce pays, s'il en a existé un jour, qu'ils sachent qu'il leur faudra un jour trancher d'avec leur penchant libertaire et anti-autoritaire s'ils veulent ne serait-ce qu'un peu du retour à l'égalité et à la solidarité dans ce pays. Car la liberté qu'ils défendent ardemment pour tous permet surtout la très grande liberté pour les très riches et l'agonie économique pour le reste de la population. Si la gauche continue à favoriser les libertés individuelles contre l'intérêt général, qu'elle ne s'étonne pas de son agonie électorale, car d'autres ont compris que la liberté n'est qu'une idée sympathique qui accouche de la chienlit générale et de l'explosion des inégalités économiques et sociales. Lorsqu’elle défend la « liberté », la classe politique française défend essentiellement la liberté des plus riches, rien d'autre.
Pour en revenir à la question de l'évolution des partis politiques si les idées ont de l'importance, il faut bien admettre que ces idées ne sont acceptées que si elles correspondent à l'intérêt de la population qui les écoute. Ou du moins à l'idée que ces groupes sociaux se font de leur intérêt. Ainsi le communisme a peu de chance de plaire aux plus riches pour des raisons évidentes. De la même manière, il est évident lorsque l'on connaît le côté bourgeois de l'électorat écologiste que ces derniers porteront peu d'intérêt aux questions de l'égalité sociale. D'ailleurs, on parle peu d'emploi chez eux. Ce n'est pas un hasard si le premier parti écologiste de France est aussi un parti européiste et libéral. Ce qui entre parenthèses est une aberration intellectuelle. Même si individuellement certaines personnes peuvent sortir de leur condition sociale parce qu'ils sont des individus d'exception, la règle veut que les idées soient essentiellement concomitantes aux intérêts des groupes sociaux qui les défendent. Il peut arriver cependant que certaines idées puissent avoir des effets contraires aux intérêts des classes sociales qu'elle prétend défendre. C'est en quelque sorte les effets indésirés. Ainsi si l'euro est ainsi encore défendu par les cadres et les groupes sociaux momentanément avantagés par la mondialisation. Il ne fait aucun doute que ces classes moyennes aisées finiront par payer lourdement la facture. Les emplois qualifiés commençant à délocaliser fortement comme naguère ceux des ouvriers.
Il peut également y avoir des idées qui sont juste des phénomènes révélant la croyance de chaque groupe social. Ainsi les idées n'ont pas directement d'effet sur les partis politiques, mais les changements sociaux au sein des partis politiques peuvent faire changer les idées dominantes dans ces partis. C'est parce que le parti socialiste et les partis de gauche en générale ont changé de structure électorale et sociale que les idées de ces partis ont fini par changer. Le PS a désormais un électorat immigré et bourgeois, ses préoccupations vont donc vers les idées compatibles avec ces électorats. Du moins vers les préoccupations que le pouvoir politique pense être celui de cet électorat. Il est d'ailleurs possible qu'il y ait une contradiction entre les préoccupations sociétales de la gauche bourgeoise et le conservatisme religieux d'une grande partie de l'électorat immigré.
Quoi qu'il en soit ce qui est vrai pour le PS, l'UMP ou le parti communiste l'est aussi pour le FN. Marine Le Pen ne fuit pas le pouvoir comme le faisait son père, elle le cherche au contraire et ne veut plus que son parti serve uniquement de vote de blocage pour la droite. L'instrumentalisation de Mitterrand avec le FN a fini par se retourner contre ses créateurs. Le FN devenant de plus en plus le parti de la contestation et de l'anti-euro-libéralisme. Ce qui est passablement drôle lorsque l'on connaît le reaganisme qui alimentait encore le FN il y a quelques années. Mais si cette contestation était jusqu'à présent stérile et bien pratique pour le pouvoir en place en permettant de diaboliser les idées alternatives comme le protectionnisme, la sortie de l'UE ou le patriotisme. Il semble qu'au contraire le FN réintroduit petit à petit ces idées dans le débat public. En essayant de peser plus dans les élections pour atteindre le pouvoir Marine Le Pen sans trop s’en rendre compte transforme la démographie de son parti politique. Une transformation qui va nécessairement faire muter la sociologie et donc les idées à l'intérieur du Front National. C'est ainsi qu'une rupture se produira entre la composante de plus en plus minoritaire de la France racialiste anti-étatiste, et celle croissante qui veut surtout une France indépendante, prospère et plus égalitaire. Ce second électorat qui n'a plus de représentant depuis que la droite n'est plus gaulliste et que le communisme est mort peut se réincarner à l'intérieur du FN. Ce parti pourrait ainsi réussir sans le vouloir à faire ce que ni Seguin, ni Chevènement, ni le pauvre Dupont Aignan n'ont réussi à faire jusqu'à présent. Unifier les patriotes pour renverser la domination libérale. C'est évidemment un raisonnement un peu optimiste que je tiens ici. Mais il me semble plus crédible que le décollage de DLR, la mutation patriotique et eurosceptique de Mélenchon, ou la résurrection politique de Chevènement.