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25 mars 2014 2 25 /03 /mars /2014 16:16

Les-arguments-pour-une-Ecosse-independante_article_main.jpgUne information étonnante vient de passer sur le blog d'Olivier Berruyer. On apprend ainsi que 89 % des habitants de Venise seraient pour l'indépendance de leur ville et le retour à l'ancien temps de la grande république de Venise. Il s'agit d'une information qui serait passée comme secondaire et amusante dans une période normale, mais qui prend une tout autre dimension dans la situation dans laquelle se trouve le continent à l'heure actuelle. C'est comme si le destin s'acharnait à rappeler aux Européens qui pensaient être dans l'ère post-historique à quel point ils se sont trompés et à quel point l'hédonisme consumériste et libéral dans lequel nos peuples se sont enfermés les condamne à un retour brutal dans le monde réel. L'histoire se rappelle à nous. Nous qui voulions l'oublier et ne plus être des peuples pour nous affairer uniquement à nos amusantes vies individualistes sans esprit collectif. Las, il est fini le temps de la jouissance sans entraves et de la pensée facile et moralisatrice. Des nations et des peuples qui ont trop longtemps négligé l'essentiel se mettent souvent à dépérir. Ils meurent sans souvent comprendre d'où vient leur propre déclin.

 

Alors que l'Ukraine perd la Crimée avec un référendum. Résultat de la contre-réaction russe à l'ingérence infantile de l'occident. Voilà pour des raisons somme toute identiques que le risque s'étend à travers toute la vieille Europe de voir naître de nouvelles nations dans le découpage des anciennes. Et là encore, c'est bien souvent l'ingérence irresponsable de l'UE qui en est la cause. L'UE promouvant le plus souvent les régions pour mieux affaiblir les états nation. Croyant ainsi asseoir son pouvoir sur des pays désarticulés et désarmés entre le pouvoir économique octroyé à la commission européenne et le pouvoir régional légitimé par cette même commission. C'est qu'ils se croient malins les hauts fonctionnaires de l'UE en tout cas plus que la moyenne. En réalité, ils sont juste orgueilleux et ils manient des forces qui pourraient probablement se retourner contre eux exactement comme l'affaire ukrainienne s'est retournée contre ses investigateurs. Quel est donc l'intérêt d'être libre contre les vieilles nations, si c'est pour se retrouver enfermé dans le goulag géant de la construction européenne ? Si les indépendantistes locaux montent pour des raisons de souveraineté et de démocratie il y a fort à parier que sous la pression populaire ils se mettent également à rejeter les docteurs Folamour de l'UE qui les auront favorisés.

 

Peuple en recherche de la souveraineté perdue

 

Les cas se multiplient en Europe. De grandes régions historiques pourraient potentiellement devenir de nouvelles nations. Mon collègue Joe Liqueur s'inquiétait ainsi dans un texte récent de l’indépendantisme breton. Faisant des indépendantistes Bretons les jouets du néolibéralisme et des européistes voulant affaiblir la France jacobine. Bien que ne partageant pas l'amour du jacobinisme centralisateur je ne peux nier une certaine vérité à ces propos. Oui l'UE utilise les régions pour affaiblir les nations, mais n'y a-t-il pas derrière ces mouvements autre chose qu'une manipulation ? La question sera d'ailleurs bientôt renouvelée avec le référendum sur l'indépendance de l'Écosse en septembre prochain et nul doute que la question se posera également un jour en France. Voir resurgir des identités perdues au milieu de la construction européenne empreinte de gigantisme et d'une Europe rongée par son hubris pourrait à première vue paraître anachronique.

 

Alors même que l'on se pose la question de la fin des nations européennes devenues des succursales de l'empire américain. Alors qu'elles ne sont plus que des protectorats au mieux. Voilà que les irrédentismes régionaux nous explosent à la figure. Comment ne pas associé naturellement ce phénomène à la stratégie de division et de domination de l'empire américain et de ses sbires européistes ? Sauf que c'est leur donner en fait plus de poids qu'ils n'en ont et surestimer également leur intérêt dans la compréhension du monde tel qu'il va. Il ne faut jamais oublier que la décadence occidentale est le fruit de l'esprit libéral. Soit l'incapacité des individus à s'extraire justement de leur condition d'individu. Leur incapacité à voir au-delà de leur propre intérêt à court terme. Il n'y a nulle stratégie en Europe ou aux USA, qui soit autre chose que le flottement sur les eaux glacées de l'intérêt individuel à courte vue. La résurgence du régionalisme est peut-être simplement la résurgence du nationalisme tout court, mais qui s'exprime dans les conditions modernes.

 

C'est que les peuples d'Europe commencent à fatiguer de ne plus être des peuples justement. De ne plus avoir le droit de décider de leur avenir. Ce désir du retour dans l'histoire se traduit sous différente forme suivant les traditions locales. Comme le disait d'ailleurs à juste titre Emmanuel Todd qui faisait référence aux Japonais, face à la mondialisation les peuples font appel à leur histoire, à leur tradition. Ils font un retour en arrière pour souffler et contrecarrer en partie l'entreprise de démolition issue de l'impérialisme anglo-saxon d'essence néolibérale. Il y a probablement une part d'affect régressif dans l'amour abusif du terroir et du passé. Mais il y a aussi une recherche d'une réaffirmation de l'action collective. Une volonté de voir à nouveau le citoyen avoir du poids sur la destinée collective. Cette volonté de contrecarrer la dépolitisation voulue par les intérêts de la rente,des multinationales, et nourris par la culture libérale prend aussi la forme du régionalisme qui peut s'affirmer comme un nationalisme local. L'on voit d'ailleurs poindre ce type d'évolution au sein même du territoire impérial américain où la contestation du pouvoir économique de la haute finance et de sa mainmise sur l'état fédéral se voit opposer un indépendantisme chez certains états US.

 

On l'oublie souvent, mais la démocratisation de l'Europe qui a accompagné l'avènement des nations d'Europe moderne s'est faite en remodelant les frontières. Les vieux empires trop hétérogènes et incapables de défendre des intérêts divergents sur leur territoire se sont fragmentés alors qu'ils avaient vécu parfois pendant des siècles et apparaissaient comme immortels. Nous sommes peut-être dans les prémisses d'une nouvelle fragmentation du continent européen en de plus petites structures plus proche de la population. La construction européenne entrainant avec elle les nations historiques qui l'avait construite. L'idée que la taille est la seule chose qui compte est d'ailleurs battue en brèche par les faits puisque l'UE a accouché d'une impuissance collective sans équivalent dans l'histoire européenne. Et puis il n'est pas certain que la France ou l'Italie soit plus optimale que l'UE au final. En effet, ces États-nations ont eux-mêmes démoli certaines de leurs régions au nom d'un centralisme et d'une unification venté aussi à leur création comme une nécessité inéluctable. Que de régions dépeuplées et déclinantes dans la France moderne. La Creuse ou la Lozère sont elles heureuses de leur sort dans la domination française qui les a transformés en territoire vide? Au final l'on peut trouver autant de disparité en France qu'il y en a dans l'UE. Seules l'absence de conscience locale et l'acceptation de de la domination poussent ces régions et départements déclinants à accepter leurs sorts sans broncher. Rien ne dit que l'avenir n'appartiendra pas à un monde peuplé de petits états de la taille de la Suisse ou plus petite. L'histoire peut être surprenante. Cette dernière ne nous donne-t-elle pas d'ailleurs des leçons démocratiques à intervalle régulier dont les grandes nations feraient bien de s'inspirer?

 

 

Unité monétaire, unité nationale.

 

Il y a cependant quelque chose de surprenant dans ces mouvements indépendantistes locaux. C’est qu'ils sont souvent le fait de régions relativement prospère. L'on peut y voir ici à la manière d'Olivier Berruyer l'un des effets de l'individualisme et de la non-solidarité avec les régions pauvres. Il faut alors bien affirmer que ces régions indépendantistes comme bien souvent ont une image d'elles-mêmes et de leur prospérité complètement biaisée. En effet, comment ne pas remarquer que si elles sont riches en tout cas plus riches que leurs voisines à l'image de la Lombardie en Italie c'est que peut-être quelque part le système national les a favorisés. À l'inverse, les régions les plus pauvres des nations européennes font peu montre de velléité d'indépendance, persuadées probablement que la solidarité nationale est la seule chose qui les maintient encore en dehors du tiers-monde. C'est exactement comme à l'échelle de l'UE où l'on voit l'Espagne ou la Grèce continuer contre vents et marées à rester dans l'UE parce qu'elles sont persuadées que ce serait pire sans elle. Alors que dans le même temps la richissime Allemagne, qui bénéficie totalement de l'euro qui lui permet de piller ses voisins sans risque de représailles monétaire, s'est autopersuadée qu'elle ne doit sa prospérité qu'à son talent naturel. Et peut-être même aux gènes supérieurs de sa population qui sait ? Et l'Allemagne sera pourtant probablement la nation qui mettra fin à la fête alors même qu'elle en est la principale bénéficiaire de l'euro.

 

On ne saurait mieux ici décrire le phénomène bien connu qui veut que les hommes écrivent l'histoire sans bien comprendre quelle histoire ils écrivent. Ce que nous connaissons aujourd'hui en Europe, cette fragmentation liée à une monnaie unique sur un territoire fortement hétérogène c'est une histoire qui s'est déjà produite au sein même des états nations. Comme ne pas voir par exemple que l'unification monétaire italienne a détruit le sud de ce pays jadis prospère ? Comment ne pas voir qu'au final un pays comme la France a concentré toutes les richesses dans quelques villes et dans le bassin parisien ? Est-il normal que tout un tas de régions en France ne vive que des transferts de l'état comme des colonies dépendantes de la métropole ? La question de la fin de l'UE doit également être, une occasion de poser des questions plus profondes sur ce qu'est la démocratie ou encore comment doit fonctionner, une nation. L'UE n'est en fait quelque part qu'un Jacobinisme des temps modernes. À la différence près qu'à l'époque de la Révolution française il n'y avait ni internet ni les connaissances économiques et politiques actuelles. La critique de l'UE ne doit donc pas nous faire oublier les grossières erreurs qui ont tapissé la construction de nos propres nations et au contraire nous faire voir des solutions iconoclastes aux problèmes des inégalités territoriales. Inégalités qui si elles enflent trop finissent par mettre en danger la fameuse unité nationale tout comme l'explosion des inégalités met en cause l'avenir de la construction européenne.

 

 

Les mouvements indépendantistes qui apparaissent aujourd'hui en Europe ne sont en fait à mon sens qu'un appel à un retour à la vraie politique et à l'implication des citoyens dans le choix de leur destin collectif. Il vaut mieux vivre dans un petit pays où les citoyens ont le choix que dans un grand sans liberté politique. Tel semble être le mouvement de l'histoire. Et si la France demain est confrontée à sa propre dislocation, elle ne le devra qu'à un état qui n'agit plus dans l'intérêt de ses propres citoyens. Les mouvements locaux comme le vote FN expriment une volonté simple de démocratie face à un état de plus en plus ouvertement gouverné par les puissances d'argent.  

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commentaires

Y
<br /> @Jard<br /> <br /> <br /> Je n'ai pas dit qu'il fallait détruire la France, mais qu'il est tout à fait<br /> possible que l'histoire se passe ainsi. Mieux vaut une petite nation qui agit dans l'intérêt de son peuple qu'une grosse qui le laisse mourir à petit feu. L'Islande montre qu'on peut être petits<br /> et opposés au système. La taille n'a rien à voir avec l'impuissance qui nous frappe. <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> @RST<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Un désir démocratique dans le sens où le peuple veut à nouveau agir sur son<br /> destin et qu'il n'accepte pas l'impuissance. Ici le FN n'est qu'un instrument rien d'autre.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> @Lati<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Le problème n'est pas la taille en tant que telle, mais la cohérence des<br /> politiques menées. Il se trouve qu'un état trop hétérogène entraîne des incohérences politiques en pratiquant des politiques uniques justement sur une population aux intérêts fortement<br /> disparates. C'est le vieux problème des empires et l'UE en est un.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> @Pierre Feuille Ciseaux<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Les souverainistes, patriotes et républicains de droite et de gauche sont aussi<br /> responsables de ne pas avoir su créer une alternative crédible. Le FN prend effectivement la place laissée vacante par les gaullistes et la gauche républicaine. <br />
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P
<br /> @RST<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> C'est l'effet pervers de notre démocratie malade cumulée à notre esprit civique, les électeurs FN ne croient plus aux grands partis et veulent le faire savoir éléctoralement dans les urnes, au<br /> lieu de  manifester leur mécontentement dans l'abstention ou la violence...<br /> <br /> <br /> Je sais pas si vous avez vu l'émission de Calvi hier mais on a assisté à une scène cocasse ou un électeur arabe de Villeneuve st George appelait à voter FN par ras le bol...<br /> <br /> <br /> Voilà ou nous en sommes venus !Pour exprimer leur désarroi certains s'immolent ,d'autres utilisent leur carte de vote.<br />
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P
<br /> @Yann ,<br /> <br /> <br /> vous faites un contresens en parlant de jacobinisme européen , c'est même un oxymore sachant que les partisans de l'UE ont tout fait pour chasser les jacobins des instances dirigeantes et ne font<br /> que décentraliser et fléxibiliser le pays depuis 30 ans ,pour le bohneur des régionalistes et des grosses multinationales.<br /> <br /> <br /> La goulotonnerie de la classe dirigeante européenne avec son obsession de l'élargissement et des traités commerciaux signés avec des gouvernements non élus (personne ne parle d'annexion dans ce<br /> cas là)  serait , si on voulait faire un parallèle historique , une réminiscence de la Gironde brissotine qui souhaitait exporter le modèle de la nouvelle République française à ses voisins<br /> par la force des canons , hubris que rejettait la Montagne.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Aussi bien les européistes libéraux qu'anti libéraux d'EELV vouent une haine tenace envers le jacobinisme français ,qui entrave à leurs yeux la construction supranationale de l'UE et la<br /> progression du marché.<br /> <br /> <br /> A la rigueur vous pourriez comparer le dédain des européistes envers les cultures locales ,travers qu'on retrouve (ou retrouvait) chez certains jacobins , mais là encore la question de l'échelle<br /> rend la comparaison inadéquate , quand les seconds rejettent les régionalismes , les premiers les promeuvent pour leur propre interêt...là ou je vous suis entièrement , c'est que les<br /> régionalistes seront vites cocus si le plan des européistes se concrétise jusqu'au bout  (cf la crise Bretonne).<br />
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R
<br /> Texte pertinent comme souvent.<br /> J'ai juste un peu de mal avec la conclusion : le vote FN expression d'un désir de démocratie ???? Faut pas déconner quand même !<br />
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L
<br /> Ce serait plutôt l'accès au marché mondial qui favorise les petits états et freine les grandes unions :<br /> <br /> <br /> la mondialisation tend actuellement à réduire l’intérêt de la grande taille, en permettant aux nations d’avoir accès à un seul marché – le marché mondial. Dans ces conditions, le coût du<br /> séparatisme tend à se réduire : si une région quitte une unité politique, elle ne perd que des avantages réduits, dans la mesure ou elle dispose de la même capacité à commercer avec le reste du<br /> monde. Toutes choses égales par ailleurs, on doit donc s’attendre à ce que l’accroissement de l’intégration économique entre les pays élève les tendances séparatistes à l’intérieur des Etats. Ces<br /> aspects sont abondamment illustrés par Alesina et Spolaore dans leur livre. Il faut donc constater qu’au vu de ces deux livres, la volonté de construire une union "toujours plus étroite" entre<br /> Etats Européens va à l’encontre de tendances lourdes de notre époque, plus favorable aux petites nations, à la fois du fait de la mondialisation (qui réduit le "coût" d’appartenir à un petit<br /> pays) et des technologies qui confèrent une prime aux unités politiques de petite taille.<br /> <br /> <br /> http://econoclaste.org.free.fr/econoclaste/?p=6434<br /> <br /> <br />  <br />
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