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Emmanuel Todd est décidément très actif en ce moment, ses séjours au Japon le rajeunissent, c'est probablement dû à l'âge moyen des Japonais qui fait passer Todd pour un jeune jouvenceau. Il vient de faire une conférence avec Henri Guaino, l'ancien malheureux conseillé de Sarkozy, sur la question de la guerre en Ukraine. Les deux compères, qui se connaissent bien, ont globalement affiché des opinions assez semblables et complémentaires sur le sujet en dehors de quelques points de détail comme le rôle des géostratèges sur les grandes orientations politiques des USA en matière d'affaires extérieures. Je vous invite à regarder la vidéo mise en ligne récemment de cette conférence à cette adresse. Je dois dire que je suis content d'avoir enfin entendu Emmanuel Todd reconnaître le rôle majeur des médias sur certaines questions. Cela a toujours été l'un des points faibles de ses analyses sur les sociétés modernes. Il a admis par exemple que les médias aux USA avaient joué un rôle majeur quant à la poussée de la russophobie de ces vingt dernières années. C'est d'ailleurs la même chose en France, les médias jouent un rôle déterminant.
La récente question du nucléaire qui a longtemps été dénigré dans les médias de masse, surtout depuis l'affaire de la catastrophe de Tchernobyl, a déjà largement démontré la dangerosité des médias. En effet pendant des décennies le nucléaire c'était la catastrophe et l'horreur, le nucléaire une question de confiance à la manière du sketch des inconnus qui avaient pour le coup suivi la mode de la haine du nucléaire. Pour la Russie et Poutine, ce fut la même chose un travail constant de dénigrements, de moqueries et de caricatures. À aucun moment le doute sur la question russe ne fut mis en avant par nos médias. Je dirai qu'en France la russophobie était surtout une poutinophobie, mais elle a été tout autant fabriqué par nos médias que celle des USA. C'est qu'ils aimaient bien la Russie de Elstine, décadente, corrompue et facile à contrôler. Alors que nous aurions dû nous réjouir que la Russie ne coule pas et se redresse, nous évitant au passage une catastrophe avec les armes nucléaires qu'elle possède. Je vous laisse imaginer ce qu'une guerre de Yougoslavie à l'échelle russe aurait pu être comme catastrophe pour l'Europe et pour le monde. Les USA et leurs satellites européens n'ont guère apprécié, semble-t-il, le redressement du pays des tsars.
Mais si l'hostilité des Américains qui dominent totalement le continent depuis la fin de la guerre froide est compréhensible, je ne reviendrais pas sur l'importance pour les USA qu'il n'y ait aucune puissance capable de menacer le rôle du dollar dans les échanges internationaux, la position des européens est beaucoup plus étrange. Comme le souligne Todd, l'alliance entre la Russie et l'Allemagne par exemple coule sous le sens. Les deux pays partagent en fait des intérêts communs sur le plan économique et l'Allemagne n'a rien à gagner à perdre les ressources de la Russie. Quant à la Russie, elle n'a aucune envie d'être trop dépendante de son très gros voisin chinois sur le plan technique et industriel. Dès lors la russophobie allemande, du moins de certains Allemands, à l'image d'Annalena Baerbock, ministre en charge des affaires extérieures actuel et qui est pour le moins belliciste avec la Russie. Étonnement c'est une écologiste, on retrouve d'ailleurs en France comme en Allemagne bon nombre d'écologistes chez les haineux de la Russie et les gens qui poussent au conflit. C'est très paradoxal de voir des gens originaires de partis politiques qui avaient souvent des fonds de commerce pacifistes appeler aujourd'hui à la guerre contre la Russie. L'on voit bien ici que les partis politiques et les idéologies affichées ne sont bien souvent que des moyens pour des arrivistes d'atteindre le pouvoir. Les idées, les partis, la nation tout ceci n'a guère d'importance pour quelqu'un qui roule surtout pour sa pomme. Elle crie probablement avec les loups non par conviction, mais parce que c'est vendeur.
Pour ce qui est de la Pologne et des autres pays de l'Est, la haine de la Russie peut encore à peu près se comprendre. Il y a des contentieux historiques et des fantasmes. Rappelons qu'il fut un temps où la Pologne était au cœur d'un vaste ensemble appelé la République des deux nations qui possédait une bonne partie de l'Ukraine actuelle et de la Biélorussie en plus des territoires polonais et baltes. On pourrait y voir une espèce de compétition entre la Russie et la Pologne pour savoir quel slave devrait être le chef des Slaves en quelque sorte. Je caricature un peu, mais il y a de ça sans parler du différentiel religieux entre catholique et orthodoxe. Mais cette affaire entre Slaves ne devrait en aucun cas nous regarder, que ce soit l'Allemagne ou encore plus pour la France qui n'a rien à faire dans cette histoire. Malheureusement, notre appartenance à l'OTAN sur cette affaire est hautement dangereuse et risque de nous entraîner dans un phénomène similaire à la Première Guerre mondiale comme l'a souligné très justement Henri Guaino dans la conférence. Par un mélange de haine irrationnelle, de logique d'alliance et de communication absurde, on risque effectivement une guerre qui pourrait être une autoannihilation de l'occident, mais aussi de l'humanité dans son ensemble si par malheur l'arme nucléaire était employée.
Il nous faut prôner la sortie de l'OTAN
Je l'ai déjà probablement dit dans un de mes textes, mais l'OTAN pour moi est une organisation totalement anachronique. Produis de la volonté des USA de contrer l'URSS et de la peur de certains états européens, cette alliance qui était à mon sens déjà discutable pendant la guerre froide, a carrément passé le cap de l'inutilité avec la fin de l'URSS. Une alliance faite de pays aussi disparates et sans cohésion aucune, pensez donc au fait que les Grecques et les Turcs en sont membres tout deux, elle n'a depuis longtemps comme seul but que la continuation d'elle-même. Comme beaucoup de structure bureaucratique supranationale à l'image de l'UE, sa fonction d'origine a cessé depuis longtemps d'être la motivation principale de ses salariés pour n'être plus qu'un moyen de subsistance grassement payé pour tout un aréopage de bureaucrates et de généraux. L'OTAN est devenue en quelque sorte la caricature de ce que craignait jadis l'ancien président américain Eisenhower lorsqu'il parlait de sa crainte de voir le complexe militaro-industriel prendre le contrôle de son pays. Et bien avec l'OTAN on est largement dans ce cas.
Car l'OTAN est associée qu'on le veuille ou non, aux industriels de l'armement particulièrement américains . Industriels qui ont clairement intérêt à nourrir les tensions et les projections catastrophiques pour nourrir leur commerce. À ce stade on pourrait même se demander si la raison pratique du soutien indéfectible des USA pour le suicide ukrainien n'est pas bassement matérielle. Vendre un maximum de machine de guerre pour l'industrie US. Du reste, les échecs répétés de l'industrie de l'armement française au sein de l'OTAN montrent qui est le patron et pour qui roule le commerce des armes dans l'alliance. S'il y a un complexe militaro-industriel français, il n'est clairement pas dominant dans l'OTAN .
Pour en revenir à la question du conflit, il est évident que les Ukrainiens aujourd'hui essaient d’entraîner l'OTAN dans la guerre. À cela s'ajoute le bellicisme délirant d'une grande part des dirigeants européens Macron en tête. Il vient encore d'annoncer au sujet du soutien à l'Ukraine « par principe, rien n'est interdit », il s'exprimait ainsi au sujet d'une possible livraison d'avion de chasse. Dans son cas précis au-delà de la question de la russophobie, j'ai l'impression que l'on a une fuite en avant classique d'une direction politique qui veut enterrer ses problèmes et les conséquences de ses idioties politiques et économiques sous une tonne de morts par la guerre. Cela n'est pas nouveau, la recherche d'un exutoire à la violence interne par la guerre externe. Les Romains et les Grecques de l'antiquité pratiquaient déjà ça. Dans le cadre de cette mentalité qui a déjà conduit à de nombreuses catastrophes sur notre vieux continent, les citoyens doivent impérativement se demander si la sortie de l'OTAN dans les plus brefs délais n'est pas à considérer comme prioritaire. Je sais que les questions économiques sont essentielles pour beaucoup de gens, en particularité la destruction progressive du système des retraites par le pouvoir néolibéral. Mais la guerre serait pour nous la pire des choses, elle leur permettrait d'ailleurs d'arriver à leur fin en justifiant tous les sacrifices au nom de leur guerre sans queue ni tête. Ne tombons pas dans le même piège que nos malheureux ancêtres.
Le conflit en Ukraine ne regarde absolument pas la France et les Français. Nous n’avons rien à gagner à faire une guerre pour l'Empire américain, pour les délires de quelques Polonais nostalgiques d'une époque perdue ou pour des Ukrainiens perdant la raison. Plus généralement, nous devrions mettre fin à ces tendances de la part de nos dominants de chercher dans la guerre la résolution des problèmes qu'ils causent pendant les temps de paix. Je me demande même si en plus de la sortie de l'OTAN nous ne devrions pas penser à faire de la France un état neutre à l'image de la Suisse. Cela pousserait peut-être nos dirigeants à être moins enclin aux délires militaristes et interventionnistes pour un pays qui a déjà beaucoup pris de coups dans son histoire. Et qui sait peut-être l'impossibilité de s’exhiber dans des conflits extérieurs les rendrait moins sourds aux vrais problèmes de notre nation.