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3 février 2023 5 03 /02 /février /2023 12:53

 

S'il est un sujet qui revient assez régulièrement dans la bouche des analystes concernant les crises à répétition que connaît la France, c'est bien celui de l'incompétence des élites ou de leur trahison . C'est d'ailleurs l'une des critiques de Todd à l'encontre de notre système scolaire actuel qui tend à ne plus du tout être méritocratique, mais une machine à reproduction sociale. Par des cheminements différents, la France a suivi à peu près le même chemin que les USA, mais de façon beaucoup moins assumée, les français étant encore attaché au principe d'égalité. Cependant, force est de constater que l'instruction publique française fonctionne aujourd'hui de façon très différente si vous venez d'une famille aisée parisienne ou d'un milieu modeste d'une petite ville de province. La disparition des classes ouvrières dans les grandes écoles alors qu'elles y étaient présentes autrefois démontre en pratique l'inégalité scolaire fondamentale que produit aujourd'hui notre éducation nationale. Comme il n'a plus pour vocation de réellement donner une culture solide aux élèves, le système tend mécaniquement à favoriser les élèves provenant de milieux déjà éduqués. Tout ceci a déjà été longuement analysé par des enseignements ou des sociologues, je ne vous apprendrai donc rien en la matière.

 

Mais Todd concluait de cette question que mécaniquement la disparition de la méritocratie en France favorisait la concentration des imbéciles bien nés en haut de l'état et des gens de qualité chez les classes populaires. Un phénomène que Todd avait cru déceler dans le conflit avec les gilets jaunes . Les classes dominantes produisant essentiellement des gens dont la seule capacité est surtout de répéter inlassablement ses cours appris par cœur sans vraiment n'avoir jamais réfléchi à leur contenu. Une sorte de premier de la classe un peu bas du front alors qu'on pouvait voir chez les gilets jaunes des gens sans doute moins instruits, mais capables de comprendre rapidement les problèmes tout en s'adaptant . L'on pourrait pour soutenir la thèse de Todd souligner l'incroyable bêtise des politiques macro-économiques macroniennes qui sont une aggravation des décisions économiques irrationnelles prises avec une extrême régularité depuis 40 ans. La classe dirigeante française a bien appris le néolibéralisme, mais elle est bien incapable d'en sortir, car elle est en partie dépourvue des capacités à s'extraire de ses propres idées reçues. L'erreur est humaine, mais un homme ou une femme qui refait inlassablement les mêmes choix en pensant que cela conduirait à une autre conséquence sans jamais remettre son action en question est un imbécile ou un fou. Et ce comportement de fou ou d'imbécile on le voit partout en économie bien sûr avec la continuation de l'euro, de l'UE, du libre-échange malgré l'accélération du déclin auquel cela conduit notre pays. Mais on le voit aujourd'hui aussi en géopolitique avec la crise ukrainienne. Alors que les sanctions contre la Russie sont un échec invraisemblable, tout ce que trouve l'UE et la France à faire c'est de continuer inlassablement dans cette voie sans issue. On voit donc que la thèse de Todd a un certain crédit en ce sens .

 

Todd n'est cependant pas le premier à parler de ce problème de la bêtise des élites . On retrouve aussi cela chez l'économiste Jacques Généreux, qui a d'ailleurs fait un interview intéressant récemment sur la question chez Olivier Berruyer. C'est d'ailleurs le sujet de son dernier livre « Quand la connerie économique prend le pouvoir ». On pourrait rapprocher le propos du livre plus ancien, mais très intéressant aussi de l'économiste australien Steve Keen « l'imposture économique » qui s'attardait sur les nombreuses incohérences des théories économiques et surtout sur leurs inaptitudes à décrire ce qui se passe dans le monde réel. Dans les deux cas, il y a une dénonciation d'application de théories qui n'ont en fait aucune validité scientifique, c'est-à-dire soumise à l'observation factuelle. On le voit avec l'application régulière de politiques inspirées par la courbe de Phillips, une courbe purement théorique qui n'est jamais observée dans le monde réel. Elle prétend ainsi que l'inflation et le chômage sont inversement liés à savoir que la baisse du chômage produirait une hausse de l'inflation et inversement. Or cette affirmation qui provient d'un raisonnement purement théorique n'est jamais observée dans le monde réel. Et bien malgré ça, toutes les politiques économiques publiques se fondent sur ce raisonnement.

 

 

De cette courbe est née le NAIRU, en français le taux de chômage nécessaire pour ne pas dépasser le taux d'inflation désirée. Quand les politiciens vous parlent de plein emploi à l'image de Macron, c'est du plein emploi au sens du NAIRU, c'est à dire avec un chômage suffisamment important pour que les salaires n'augmentent pas et donc ne nourrissent pas l'inflation. Donc Macron redéfinit le plein emploi en radiant des gens et ne faisant rentrer dans les statistiques qu'une poignée des chômeurs réels. On peut ainsi afficher officiellement un taux de chômage bas tout en ayant en réalité 20% de chômeurs. Pour eux c'est le plein emploi, mais c'est au sens du NAIRU. Toute leur politique de l'emploi est basée sur cette idiotie qu'ils ne remettront jamais en cause. Cette histoire démontre le caractère en réalité très peu scientifique du comportement de nos élites. Elles appliquent en réalité des théories qu'elles ont apprises à l'école ou ailleurs sans jamais vraiment se questionner sur leur validité. L'inflation en Europe et en France aujourd'hui n'est pas le produit de la hausse des salaires, mais la conséquence de notre trop grande dépendance vis-à-vis de l'étranger . La crise du COVID ayant désorganisé le commerce mondial. C'est en gros une inflation importée. À cela s'ajoute évidemment le désastreux marché de l'énergie. Un marché de l'énergie qui découle lui aussi de théories fumeuses sur la nécessaire importance de la concurrence. La France produisait pourtant depuis des décennies une énergie pas chère et efficace avec une entreprise 100% publique.

 

 

La crise de la sélection et l'influence des médias

 

Pour en revenir au centre du sujet, Jacques Généreux nous dit que la bêtise des élites tient lieu en grande partie d'une part de la compétition. La compétition rendrait bête et méchant en plus. D'autre part du fait que le cerveau humain n'est en réalité pas fait pour penser. Ou plus exactement pas fait pour penser tout le temps. Et il est vrai que nous passons une grande partie de note de temps à agir par réflexe et par habitude. L'essentiel de nos actes n’est pas réfléchi. Je rajouterai à cela que la nature nous a programmé pour minimiser la consommation d'énergie. Si la paresse et le moindre effort sont considérés comme des péchés par le christianisme, et nombre d'autres traditions culturelles, c'est parce que c'est une tendance naturelle de l'être humain et des animaux en général. Pour obtenir quelque chose, nous allons avoir tendance à choisir toujours la voie de la facilité plutôt que celle de l'exigence et de l'effort. Un peu comme pour l'électricité qui passe par le conducteur qui a la moindre résistivité électrique. C'est pourquoi probablement la culture traditionnelle a tant fait pour valoriser l'effort et le sens du travail, il ne s'agit pas de quelque chose de naturel. Et c'est la même chose pour l'effort intellectuel. Sans une culture de l'exigence et du travail, nul doute que le laisser-aller l'emporte y compris chez les mieux instruit. On aurait donc dans nos sociétés gavées de richesses et de moins en moins contraintes par les cultures traditionnelles une tendance lourde à la fainéantise. Celle que dénoncent nos dirigeants est bien évidemment celle des jeunes et des affreux chômeurs. Mais Généreux lui pense plutôt à celle des dirigeants et des gens d'en haut qui ne lisent plus et ne font plus l'effort de penser. De fait alors que les classes sociales les plus avantagées sont celles qui devraient avoir le temps et les moyens pour penser la société et la stratégie nationale, elles s'y emploient en fait de moins en moins.

 

C'est une théorie intéressante, et il y a probablement du vrai dans cela. Mais il faudrait y rajouter d'autres possibilités . D'abord, la France a comme caractéristique d'avoir une haute fonction publique très fermée sur elle-même. On va ici faire appel à monsieur Paul-Antoine Martin qui vient de sortir un livre « Le clan des seigneurs » où il décrit la haute fonction publique française comme une caste totalement fermée qui vit en vase clos. Il a fait un interview intéressant, là encore chez Berruyer. Il décrit un système entre la mafia et les castes indiennes, fait de privilèges et de renvois d’ascenseurs. Un système qui rend inopérant, non seulement l'état, qui n'agit plus dans l'intérêt de la nation, mais uniquement des membres qui le compose. Un phénomène qui arrive lorsque les républiques s'effondrent comme le disait si bien Montesquieu, l'intérêt public devient l'affaire de quelques particuliers. Mais la disparition du sens de l'état chez ces « élites » provient pour monsieur Martin essentiellement de leur sélection. Ce n'est pas que la France n'est plus pourvue en hommes ou femmes de qualité, mais parce que notre système de sélection est biaisé et favorise l'entrisme et le copinage. Il faut se rappeler que ce n'est pas un hasard si Napoléon a introduit les concours pour accéder à la fonction publique, c'était justement pour éviter cette tendance française à la stratification sociale. Cependant, nos illustres ancêtres n'avaient peut-être pas prévu que même les concours pouvaient ne pas forcément être bien méritocratiques suivant leurs conditions d'application. En l’occurrence, on ne peut plus dire qu'il y a une méritocratie dans la haute fonction publique française aujourd'hui.

 

Pour finir cette question de la bêtise actuelle de nos dirigeants, l'on pourrait parler de l'effet médiatique qui s'ajoute aux hypothèses déjà énoncées, sans s'y opposer nullement. Comme nous l'avions vue il y a peu, les médias ont un rôle majeur à mon avis dans la déliquescence progressive du débat public. L'effet mimétique qui concourt au fonctionnement des foules s'est étendu par l'action des médias de masse moderne au comportement courant des hommes politiques. Comme disait Keynes, mieux vont avoir tort avec la foule que raison contre elle, sinon elle vous écrase. Il parlait à l'époque des marchés financiers qui loin d'être rationnel sont en fait d'énormes machines à produire des bulles et des effets de mode, bien loin de la gestion en bon père de famille. Dans le cas des hommes politiques, s'opposer aux croyances de leur milieu social fortement représenté par les médias est extrêmement difficile. D'un point de vue psychologique, l'opposition à une croyance d'un milieu social dont vous dépendez totalement, non seulement d'un point de vue social, et, mais aussi d'un point de vue économique, peut vous coûter très cher. Dès lors, le choix le plus rationnel s'avère être celui de la couardise, on suit le troupeau même si cela conduit à un précipice.

 

L'on ne peut à mon sens détacher la question du déclin des élites de celui du fonctionnement des médias. Les médias imposent, par effet de bulle, les débats du moment, et les prétendues solutions des problèmes mis en avant par ces mêmes débats. Mais ils font et défont aussi les hommes politiques. Quel homme politique français, bien placé dans l'échelle du pouvoir, pourrait aujourd'hui s'opposer au rouleau compresseur médiatique grotesquement russophobe et colporteur de guerres avec la Russie ? On voit ce qui arrive à ce pauvre Arno Klarsfeld jadis chouchou des médias et aujourd'hui pestiféré parce qu'il cherche à éviter une guerre suicidaire pour l'Europe. Il faut en convenir, une grande partie du problème de la politique en France est le fruit pourri des mécanismes médiatiques. Les médias favorisent les démagogues à l'image de notre président actuel et de ses principaux opposants. Ils nuisent aux débats publics, non seulement en déséquilibrant les débats, favorisant tel ou tel intérêt en fonction de leurs croyances internes. Mais ils déforment aussi la réalité en mettant des sujets extrêmement secondaires au premier plan tout en ignorant parfois totalement des sujets essentiels. Il a fallu qu'un risque de panne électrique général arrive en France pour que l'on se soucie à nouveau du nucléaire. Faudra-t-il attendre une bombe russe sur notre tête pour que nous réalisions, avec nos médias grotesques, tout le danger qu'il y a à faire une guerre qui n'est pas la nôtre, contre un pays qui ne nous a jamais rien fait, et qui fut longtemps un grand allié de la France ?

 

Si la question de la nullité des élites s'explique en partie par certains comportements sociaux inhérents et par les modes de sélection. Il me semble quand même que la question médiatique y pourvoit pour une part encore plus importante. La course à l'audience et l'effet foule expliquent en grande partie la médiocrité de nos élites . Car le problème n'est pas que français. Les USA qui furent la nation démocratique par excellence collectionnent les imbécillités macro-économiques et politiques depuis les années 60 au moins. L'Allemagne, notre encombrant voisin, collectionne aussi les politiques stupides, on l'a souvent vu. En matière de géopolitique elle est encore plus navrante que la France. Mais ces pays n'ont pas notre haute fonction publique ni même notre système éducatif. Par contre, ils partagent avec nous les médias de masse et l'information déformée en fonction des modes du moment.

 

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commentaires

P
SVP corrigez les fautes d'orthographe ; " la paraisse", non: la paresse.<br /> PS: ce commentaire n'est pas destiné à être publié.
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Y
Merci c'est corrigé.