Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
27 mars 2023 1 27 /03 /mars /2023 17:15

 

 

Nous en avons parlé à plusieurs reprises, mais il est à mon sens important d'en parler. La reconstruction nationale, si un jour elle doit avoir lieu, ne prendra pas seulement la voie protectionniste sur le plan commercial. Elle devra aussi s'atteler à reconstruire un système bancaire et financier national. La crise financière actuelle nous rappelle à quel point le laissez-faire en la matière est extrêmement dommageable pour nos économies. Depuis les années 70, la mode a été la grande dérégulation, adieu les enseignements de la crise de 1929, retournons aux pires idioties du libéralisme triomphant d'avant guerre. Le premier acte fut l'obligation faite aux états d'emprunter sur les marchés financiers . En France c'est Raymond Barre et Giscard qui vont imposer ce choix qui sera ensuite coulé dans le bronze dans le futur traité de Maastricht. L'objectif était de lutter contre l'inflation produite selon les thèses erronées libérales par l'irresponsabilité des états qui dépensaient trop et donc émettaient trop de monnaie.

 

Mais leur diagnostic était complètement faux . L'inflation des années 70 a eu plusieurs sources qui n'avaient pas de rapport direct avec l'émission monétaire. Et surtout aucun rapport avec les politiques sociales et la régulation économique en tout cas en Europe et en France. Le premier facteur fut la guerre du Vietnam. Facteur fondamental qui a obligé les USA à détricoter les accords de Bretton-Woods en cessant d'adosser le dollar à la valeur de l'or. C'est ce point crucial qui a été la véritable source de l'inflation. Comme le rôle de la demande américaine était central du point de vue japonais et européen, la dévaluation du dollar produit par l'émission monétaire a obligé en quelque sorte les autres pays à suivre. Les USA ont donc en partie exporté leur inflation . Ils ont en quelque sorte fait payer la guerre du Vietnam au reste du monde grâce à leur rôle monétaire.

 

C'est pendant cette période qu'il a eu la première crise pétrolière sur laquelle on a mis toute l'origine de l'inflation des années 70. Mais c'était en réalité beaucoup plus compliqué que ça. D'une part, les coûts d'extraction du pétrole augmentant avec l'épuisement des ressources les plus accessibles, les multinationales du pétrole avaient besoin d'une hausse des prix pour financer la recherche de nouveaux gisements. D'autre part comme on l'a vu, il y a eu simultanément une dérégulation financière, une exportation de l'inflation des guerres américaines et enfin c'est aussi à cette époque que les états occidentaux ont obligé leurs états à emprunter sur les marchés financiers. Rajoutons à cela un ralentissement des gains de productivité du travail. Et c'est d'ailleurs un facteur qui est rarement abordé. On croit souvent que la technologie a accéléré par rapport aux années 50-60, c'est peut-être vrai pour certaines applications. Et encore comme on l'a vu récemment, la science semble en réalité de moins en moins créative, il y a de moins en moins de ruptures fondamentales sur les sciences en général. Et si l'on se concentre sur la question économique, la productivité du travail dans les pays développés a largement ralenti depuis les années 60. C'est d'ailleurs probablement l'une des causes de la volonté d'ouvrir les frontières commerciales. La baisse tendancielle de la croissance de la productivité entraînant un problème pour le capital qui ne pouvait plus croître au même rythme.

 

 

Cette accumulation de problèmes n'a malheureusement pas conduit les pays occidentaux à réviser leur jugement sur l'organisation capitalistique de leurs économies. Ils ont au contraire trouvé une solution dans la fuite en avant. En dérégulant la finance, ils ont démultiplié l'émission monétaire sous forme privée. En dérégulant le commerce mondial, ils ont pu continuer à faire croître le capital grâce à la main-d’œuvre bon marché de la Chine et en cassant les revenus salariés en occident. Le seul problème était la stagnation, même la baisse de la demande suite à la hausse du chômage chez nous. Pour compenser, l'occident avec les USA en tête s'est lancé dans l'accumulation de bulles spéculatives et de dette sous toutes leurs formes. Pour les USA c'était assez simple à court terme grâce au rôle du dollar. En Europe ce fut plus difficile . La France en particulier a fait énormément souffrir sa population même si elle a compensé pendant longtemps avec les aides sociales multiples. Cependant au cours de ces quarante dernières années on a vu se multiplier les crises financières, ce fut le prix à payer pour le nouvel ordre néolibéral. Et ces vingt dernières années, on court de crise en crise.

 

Aujourd'hui, nous arrivons un peu en bout de course, enfin peut-être, les capitalistes ayant toujours une grande inventivité pour éviter l'effondrement final. Le capital occidental a utilisé un peu tous les recours pour continuer à croître au détriment des sociétés qui lui avaient donné naissance. Tel un parasite trop gourmand, il a peut-être tué la bête qui le faisait vivre. Surendettés, les états d'occident auront bien du mal cette fois à sauver le système bancaire. Il semble que l'effondrement du crédit suisse ne soit que le coup de semonce avant une grande catastrophe. Depuis la semaine dernière, c'est la Deutsche Bank qui pique du nez. Évidemment les premières victimes sont les salariés, 18000 employés avaient déjà perdu leurs postes en 2019. Deutsche Bank c'est l'une des plus grandes banques du monde. Cela fait longtemps que cette banque inquiète c'était déjà le cas en 2019 comme le montre cet article. Mais l'accumulation de crise au niveau mondial a probablement encore fragilisé sa situation. En termes d'actifs financiers elle détiendrait 1789 milliards d'euros rien que ça, mais le pire c'est qu'elle est très exposée aux risques sur les CDS (Credit Default Swaps ). Et là cela se chiffrerait largement au-dessus de la totalité de ses actifs. Autant dire que l'état allemand n'aurait absolument pas les moyens de sauver la banque.

 

Nationalisation bancaire et restructuration

 

Nous revoilà donc dans une nouvelle crise financière . Et cela alors que nous ne nous sommes jamais remis de la précédente en 2008-2010. Nous traînons encore l'énorme boulet de la dette publique qui flamba à cette époque. La question du financement de l'économie est fondamentale si l'on veut un jour sortir du piège néolibéral. Si l'état peut à nouveau emprunter auprès de la banque centrale pour mettre fin à la domination des marchés financiers sur nos économies. Il nous faut tout de même penser à mettre en place un système fonctionnel pour financer l'activité privée. On va être clair, les grandes banques françaises actuelles couleront très probablement avec le système financier mondial et surtout américain. On ne peut rien faire pour elles . Et de toute façon, nous n'avons aucun intérêt à les sauver tel qu'elles sont. Il faudrait plutôt réfléchir à un système financier alternatif qui permettrait la continuité du fonctionnement économique lorsque la grande purge financière aura lieu.

 

Car au fond la seule chose qu'il nous faille sauver c'est la circulation monétaire à l'intérieur de notre pays. Car c'est bien là qu'est le grand danger une coupure brutale du système de paiement qui interdise aux gens de continuer à consommer. C'est d'ailleurs pour cette raison que les états ont si peur du bank run. C'est une grande catastrophe pour les pays qui en sont touchés . Et c'est bien ce que nous risquons si à terme nous ne faisons rien pour nous préparer à l'inéluctable. Il faudrait aussi nous poser la question de savoir si la France ne doit pas se passer du système Swift qui est l'un des mécanismes qui permettent le contrôle de la circulation des capitaux par les USA. On l'a vu récemment avec la guerre en Ukraine, c'est en partie parce que les Russes ont un système alternatif au système Swift qu'ils ont pu échapper aux sanctions occidentales. D'ailleurs, le système Swift est né en même temps que la globalisation en 1973. Si nous recréons un système financier national, nous n'aurons de toute façon plus besoin d'un système de paiement interbancaire transnational.

 

En premier lieu, nous devrions nous appuyer sur le système bancaire public comme la Banque postale. Les banques privées conduites à la faillite pourraient être nationalisées momentanément du moins leurs actifs physiques. L'important étant de conserver les réseaux physiques des banques pour permettre de garder les liens entre les clients et le système bancaire. La restructuration visera à assainir le fonctionnement de la finance en mettant à nouveau des barrières entre les différents métiers bancaires. En premier lieu, il faudrait un retour à la séparation entre les banques d'affaires et les banques de dépôt. Il n'y a pas lieu d'interdire la prise de risque, mais seuls ceux qui investissent en toute connaissance doivent en payer le prix. Il n'y a pas de raison pour que les gains soient privatisés pour les investisseurs qui prennent des risques, mais que les conséquences des échecs soient payées par tout le monde y compris par le contribuable.

 

Cependant, il faudra à mon sens aller beaucoup plus loin que le bon vieux Glass Steagall Act de Roosvelt et séparer les activités bancaires par secteur. Moins le système financier est interconnecté et interdépendant et moins il fera courir de risque à l'ensemble de la société. Comme le disait Frédérique Lordon, la banque doit redevenir un métier chiant. Et il doit être national . C'est un point de souveraineté crucial, le système financier doit être purement national. D'une part parce que cela permet un véritable contrôle de la circulation des capitaux . La France a beaucoup perdu dans la globalisation en particulier parce que les capitaux sortants ont été largement supérieurs aux investissements étrangers dépendants les années 80-2000. Et même si aujourd'hui il semble que la situation se soit inversée, ces investissements créent peu d'emploi et les étrangers tirent toujours un plus grand bénéfice de leurs investissements chez nous que ceux que les Français en tirent avec leurs investissements externes.

 

Et comme je l'ai déjà dit l'argent se fabrique et les Français épargnent de façon importante. Nous n'avons pas besoin d'investissement étranger . D'autant qu'ils engendrent parfois de gros problèmes, notamment lorsqu'ils nourrissent la bulle spéculative immobilière. La maîtrise du financement par des taux favorables par exemple aux investissements industriels et agricoles et défavorables aux services pourrait aussi nous permettre d'orienter l'économie vers une évolution plus intéressante pour le pays. La dérégulation financière c'était aussi l'impossibilité d'orienter l'économie vers un développement dans le sens de l'intérêt national. Il faut arrêter de croire que la somme des intérêts individuels va dans l'intérêt collectif, il n'y a aucune raison pour que ce soit le cas, ni en économie ni ailleurs. Et puis la France mérite mieux que de devenir un hôtel ou un vaste parc d'attractions pour les grandes puissances étrangères. Car c'est très exactement la pente dangereuse que nous avons prise ces dernières décennies. Pour sauver le pays, nous devons mettre le maximum dans la production nationale. Et le contrôle de la finance est un point essentiel pour y parvenir en plus d'une politique de planification industrielle et de protectionnisme.

Partager cet article
Repost0

commentaires