Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Il semble que l'histoire s'accélère depuis le début de cette guerre en Ukraine. Le comportement des pays arabes producteurs de pétrole semble annoncer la fin de la prééminence du dollar dans le rôle de monnaie internationale. L'Arabie Saoudite notamment qui est un allié historique des USA vient de suivre la Russie dans une politique de réduction de la production pétrolière. L'objectif étant de faire monter bien évidemment les cours du pétrole ce qui ne va guère arranger la situation économique déjà très difficile en Europe et aux USA. Cela montre ici la perte d'influence de l'Empire américain sur des nations qui pourtant doivent en partie leur existence à l'Oncle Sam. Si ces pays larguent Washington, c'est bien qu'ils sentent la fin proche pour les Américains et leurs vassaux européens. Il y a tout de même une autre raison de fond à ce soutien pour une hausse du pétrole. Le pic pétrolier qui a été annoncé il y a longtemps est aujourd'hui plus ou moins atteint.
Or pour continuer à exploiter de nouveaux gisements, les compagnies pétrolières et les nations productrices vont devoir encore accroître leurs investissements. La fin de l'ère du pétrole ne signifiera pas la fin du pétrole en tant que tel, mais un coût tellement élevé que cette matière première ne pourra plus être employée comme carburant, car non rentable. On le voit s'il y a une raison géopolitique au comportement des pays producteurs de pétrole, il y a aussi une raison simplement technique. Nous allons vers un monde de pétrole cher, quelle que soit la situation géopolitique à venir comme rappel cet article de L'Echo.
Pour en revenir à notre sujet, nous voyons bien que les BRICS tendent à remplacer petit à petit l'ordre international mis en place par les USA au lendemain de la Seconde Guerre mondiale à l'époque de leur apogée. Mais tout comme l'ascension des USA était inscrite dès le 19e siècle celle des BRICS et de la Chine l'est tout autant. Car ce sont des variables de fonds qui inscrivent les longs processus historiques. Même Napoléon Bonaparte avait vu le danger à long terme que représentaient les USA et même la future montée de la Chine. Napoléon III a même fait sa tristement célèbre campagne du Mexique pour essayer de créer artificiellement un concurrent aux USA . Mais la grande force des USA de l'époque était inattaquable. Il avait un niveau d'instruction très élevé, un état qui devint protectionniste et donc qui put s'industrialiser rapidement, et enfin et surtout une dynamique démographique spectaculaire. L'Amérique de 1800 c'est sept enfants par femme quand la France de l'époque était déjà à moins de trois et que la plupart des pays européens étaient à peine au-dessus de trois. Contrairement aux idées reçues si l'immigration a joué un rôle important dans la dynamique démographique des USA c'est surtout la forte natalité locale qui a permis l’expansion rapide de ce pays.
Et c'est d'ailleurs pour la même raison qu'ils commencent à décliner . Car la natalité aux USA n'est plus maintenant que de 1,6 enfant par femme. Elle est passée en dessous de 2 depuis longtemps chez les WASP, dans les années 70. C'est essentiellement l'immigration sud-américaine qui a camouflé la réalité du pays depuis les années 80. Un peu comme l'immigration slave a empêché l'Allemagne de montrer son déclin démographique avancé. Alors vous me direz l'immigration permet de réduire le problème. C'est en partie vrai même si l'immigration massive telle qu'on la pratique aujourd'hui pose de nombreux problèmes. On le sait d'expérience en France. En plus à terme si vous faites une immigration de comblement en permanence, les autochtones finiront effectivement par être minoritaires sur leurs terres n'en déplaise aux immigrationnistes. En plus, l'immigration n'engendre pas une dynamique véritable. On le sait, les immigrés finissent par s'aligner sur les taux de fécondité locaux au bout d'une génération. Donc à moins de créer une chaîne de Ponzi démographique vous ne résoudrez jamais le problème par l'immigration. Enfin l'immigration comble les trous globalement, elle n’entraîne pas de croissance réelle de la population, à moins de vraiment en faire venir à un niveau dangereux pour la stabilité du pays. Les pays qui se sont amusés à faire ça récemment ont globalement mis un coup de frein à l'image de la Suède et du Danemark. On verra si le Canada va continuer longtemps sa folle politique migratoire actuelle.
Le déclin démographie et l'hubris
Donc nous le voyons à moins d'imaginer un retour à une natalité forte, le déclin démographique des USA et de l'Europe est inéluctable. Alors que l'Europe de l'Ouest représentait 20% de la population mondiale en 1900, elle n'en représentera plus que 5% en 2100. S'ajoute à cela la perte du grand avantage qu'avait l'occident sur le reste du monde ces cent cinquante dernières années, celle de la science et de la technique moderne. L'occident a partagé son savoir. Il a formé et éduqué les autres peuples du monde qui se sont approprié à leur tour les méthodes scientifiques. Cela a commencé par le Japon de l'ère meiji qui a superbement acquis les savoir de l'occident avec ses étudiants expatriés un peu partout en Europe et aux USA. Puis ce fut le tour du reste de l'Asie et de la Chine. Maintenant l'Inde et le reste du monde entre aussi dans la danse. La montée du niveau scolaire mondial a été spectaculaire, l'Europe et les Usa ne sont même plus en tête en matière de niveau scolaire. La plupart des pays qui ont les meilleurs niveaux sont désormais en Asie, le Japon, la Corée ou Singapour trustant le haut du panier.
On le voit, il n'y a plus de fondement véritable à la domination de l'occident, juste un résidu d'un passé très déséquilibré qui est aujourd'hui bien lointain. Dans ces conditions, il est absolument absurde de vouloir continuer à faire semblant d'être encore ce que l'on est plus. Les Français en particulier devraient arriver à comprendre cela. La France fut un géant pendant des siècles . À cause de sa démographie, la France n'avait pour ainsi dire aucun adversaire à sa taille en Europe jusqu'au 19e. Elle se battit toujours contre des coalitions, car les autres pays n'avaient pas du tout son niveau de population. Au moment de la révolution, il y avait plus de français que d'Italiens, d'Espagnoles et d'anglais réunis. Puis vint au 17e siècle le malthusianisme pratique des familles françaises. La natalité baissa dans le pays alors qu'elle se maintenait ailleurs en Europe . Rapidement les autres pays d'Europe rattrapèrent notre densité de population et même la dépassèrent. Et en 1870 la Prusse toute seule mis à terre la France, jadis puissance indomptable d'Europe . En 1914 la France ne comptait que 40 millions d'habitants pratiquement autant qu'en 1800 alors que l'Allemagne avait maintenant 70 millions d'habitants. Il n'y a pas à chercher plus loin l'évolution du rapport de force historique entre ces deux nations. En tant que français nous devrions donc savoir ce que c'est que d'accepter un déclin, nous déclinons relativement au reste du monde depuis deux cents ans.
Cependant, la France n'a pas accepté son déclin. Elle a au contraire cherché à le compenser en se lançant dans des politiques contre-productives. Le Second Empire colonial français en fut le plus brillant exemple. Puisque la France n'a plus de dynamique démographique, créons un empire multiethnique fait de peuples moins avancés que nous transformerons en français. Ce délire du 19e siècle avait en partie comme motivation ce lent déclin de la puissance française couplée à une élite incapable de faire avec. Et nous l'avons payé très cher. Comme l'a montré l'économiste suisse Paul Bairoch l'impérialisme français s'il a été nuisible aux colonies en créant des nations artificielles et en soumettant des peuples qui n'avaient rien demandé aux desiderata des élites françaises. Cet impérialisme a aussi été très coûteux pour la France. C'est que l'argent investi dans les colonies ne l'était pas sur le territoire national et à une période où le développement technique et éducatif commençait à prendre le pas sur le contrôle des ressources, ce fut très dommageable à l'économie française. On le voit donc, à trop vouloir lutter contre l'inéluctable au lieu de s'y adapter, nous avons accéléré notre déclin et provoqué notre chute. Il en va de même aujourd'hui pour l'ensemble de ce que l'on nomme l'occident c'est-à-dire pour l'essentiel les USA et leurs satellites européens.
Si l'on y réfléchit bien c'est pour compenser le déclin démographique relatif que l'UE a été créée. Les élites françaises ont voulu faire une grande France sauf qu'ils ont malheureusement créé une grande Allemagne. Là encore au lieu d'accepter un déclin relatif en devenant un petit pays qui s'occupe seulement de ses affaires à l'image de la Suisse ou de l'Islande, nous avons créé une impasse pour continuer à faire semblant d'être encore grands. Et on le voit, L'UE loin d'avoir permis à l'Europe et à la France de garder une place géopolitique importante a au contraire accéléré notre déclassement à une vitesse folle. En cette année 2023 l'Europe de l'Ouest ne pèse plus rien politiquement parlant, car totalement désindustrialisée et dépendante de l'extérieur pour tout. Pour renforcer le continent, il a eu mieux valu faire des efforts pour rééquilibrer nos démographies et pour maintenir un minimum d'industries locales au lieu des grands délires sur la globalisation et le libéralisme décomplexé consubstantiels à la construction européenne.
Et pour les USA c'est exactement la même chose. L'empire américain sait bien qu'il a des faiblesses que le cœur de sa faiblesse est démographique en plus d'être éducatif. La seule Russie pourtant deux fois moins peuplée produit plus d'ingénieurs chaque année que les USA. Les centres de recherche américains fonctionnent maintenant essentiellement grâce à des étrangers, car les jeunes Américains déjà trop peu nombreux se détournent des sciences. Mais au lieu de contrer cette réalité en revoyant les politiques familiales par exemple ou en restructurant leur système éducatif très inégalitaire et beaucoup trop coûteux pour la majorité de la population, les USA se lancent dans des politiques de coercition contre l'industrie technologique chinoise. Une politique qui va bien au contraire accélérer leur déclin en poussant les Chinois à accroître leurs efforts de recherche et d'autonomie en matière technologique et industrielle. De simples barrières douanières pour favoriser les implantations d'entreprises étrangères sur leur sol auraient été suffisantes et non agressives. Là au contraire en imposant à d'autres nations de mettre des mesures contre les producteurs chinois de semi-conducteurs en particulier les USA vont se mettre à dos tout le monde. Étant donné les rapports de force démographique, la Chine produit plus de doctorant et d'ingénieurs que l'UE et les USA réunis, on connaît déjà le vainqueur. Loin de ralentir leur déclin, les USA vont l'accélérer. Et alors qu'ils auraient pu rester une puissance d’importance en acceptant de devenir la seconde puis la troisième économie du monde derrière la Chine à court terme puis l'Inde à long terme ils risquent maintenant un déclassement définitif. Car ils ne pourront pas bénéficier des innovations chinoises qui vont se multiplier dans les décennies qui viennent pour cause d'agressivité trop grande.
Le monde de demain
La seule voie raisonnable pour nos nations en déclin est donc celle de l'acceptation et de la résignation. À partir du moment où l'on accepte cela, on peut s'adapter intelligemment au monde qui vient et qui sera centré sur la Chine et l'Inde, puis peut-être l'Afrique. Accepter sa faiblesse c'est aussi admettre le besoin de protection. En 1945 quand l'Europe a été ruinée elle fit alors du protectionnisme. Elle a reconstruit son industrie à l’abri de protections douanières, sinon nous serions devenus totalement dépendants de l'industrie américaine. Car l'industrie américaine était non seulement en avance, mais aussi intacte après guerre. Heureusement que nos grands-parents n'ont alors pas fait ce choix. Il en va de même aujourd'hui. Il n'y a rien de déshonorant à être petit. Certes, nous avons un grand passé, mais c'est le cas de plein de peuples aujourd'hui. Que dire de la pauvre Grèce qui illumina l'humanité pendant des siècles? Des Mongoles qui mirent à terre la moitié de l'humanité d'alors, ou des Turcs héritiers du gigantesque Empire ottoman? Ces pays sont toujours là et ils font avec leur passé. Nous devons faire de même. Pendant longtemps les puissances d'Europe ne pesaient pas grand-chose à l'échelle du monde. L'empire carolingien qui pesait tant en Europe en l'an 800 n'était qu'un gnome attardé comparé à la Chine des Tang ou au califat Abbasid de la même époque. Est-ce que cela gênait Charlemagne ? Pas vraiment.
Nous devrons nous adapter aux évolutions en apprenant à nos jeunes les langues des puissances montantes à commencer par le mandarin . Il nous faudra copier les innovations chinoises, vietnamiennes, brésiliennes, indonésiennes ou indiennes qui viendront bouleverser régulièrement les marchés. Il nous faudra être à l’affût de ce qui viendra d'ailleurs comme nos ancêtres le firent d'ailleurs quand l'Europe n'était qu'une région de seconde zone. Quand on est petit, il faut être malin et pragmatique. On ne pourra plus jouer les gros bras imbéciles en pensant que tout se passera bien. J'ose espérer que la crise ukrainienne actuelle nous fera comprendre cette nécessité en tout cas en Europe, je suis moins optimiste pour les USA dont le logiciel mental est mal préparé à jouer les seconds rôles. Être petit ne signifie pas ne pas pouvoir rester soi-même, c'est une affaire de volonté. Nous devons accepter notre nouvelle place tout en défendant notre indépendance et notre autonomie. Mais cette question ne dépend en aucune manière de notre taille, seulement de notre volonté nationale de continuer à être français, quels que soient les changements du monde.