Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Nous avons souvent abordé le sujet, en particulier dans ce texte, qui était consacré à la réalité de l'économie américaine qui est largement surestimée par le PIB exprimé en dollar. Nous allons ici accumuler quelques données sur notre réalité comparative par rapport aux nouveaux pays industrialisés comme la Chine et quelques autres. Le poids de l'occident est en réalité très inférieur à la perception qu'il en a. Il suffit souvent d'observer la réalité des pays comme la Russie, la Chine ou le Vietnam pour voir que nous avons vraiment un problème de perception en occident, particulièrement en Europe. En effet, l'actuel protectionnisme américain même s'il est loin de vraiment redresser l'industrie américaine montre que les Américains ont déjà compris leur situation de déclin. Il faut dire que les USA pratiquent la globalisation depuis plus longtemps que nous en réalité. En effet, il faut rappeler que ce pays était fortement protectionniste jusqu'en 1945. Il vivait littéralement en autarcie d'un point de vue commercial, même s'il était ouvert sur les idées et les populations étrangères.
Après la Seconde Guerre mondiale, ils vont abandonner leur politique économique et ouvrir leurs frontières. C'était une nécessité à l'époque, car les USA avaient de trop gros excédents commerciaux. Mais les effets vont vite se faire sentir les USA délocalisant dans les pays sous leur domination, en particulier l'Allemagne et le Japon. On l'a un peu oublié, mais bien avant l'arrivée de Taïwan de la Corée du Sud et de la Chine, c'est l'Europe et le Japon qui ont été les premiers lieux de délocalisation de l'industrie américaine et de la globalisation. Une main-d’œuvre qui était alors nettement moins chère que celle des USA, abondante et avec un haut niveau d'instruction. Cette première phase de la globalisation a déjà eu de graves conséquences sur la société américaine. Donc on peut dire en quelque sorte que les USA sont les premiers a avoir pris les effets du libre-échange dans la figure. Ils ont vu les Européens et les Japonais les rattraper au point de concurrencer même leurs industries de pointe. Il est donc en ce sens tout à fait normal qu'ils soient les premiers à sentir le danger de la Chine et des nouveaux pays développés. Ils ont déjà vécu ça par le passé.
Les Européens par contre semblent vivre dans un monde parallèle coincé dans une vision du monde des années 70. Je ne sais pas si c'est lié à leur statut de vassaux ou au vieillissement massif de la population, mais ils voient encore le monde avec un retard assez invraisemblable. Pour les Européens les USA sont toujours en haut et l'occident le centre de l'innovation mondiale. Or ce n'est plus du tout le cas comme nous allons le voir rapidement. Le drame avec les sanctions contre la Russie a montré que c'était bien la vision de nos « élites » puisqu'ils ont réellement pensé que la Russie avait le poids économique de l'Espagne et que le pays coulerait avec quelques sanctions. Mais cette pensée occidentalocentriste des Européens qui pouvait avoir du sens encore en 1950 commence à vraiment avoir des effets préoccupants sur l'avenir. En effet l'Europe n'étant plus qu'un petit appendice de l'Eurasie sur le plan économique, il lui faudrait faire un peu preuve de modestie pour trouver sa place dans ce Nouveau Monde multipolaire. Or c'est très difficile à faire quand vous croyez encore être le nombril du monde porteur de valeurs supérieures à toutes les autres même à ceux qui pèsent désormais bien plus que vous.
Cela donne d'ailleurs de situation cocasse. J'espère que mes lecteurs se rappellent de l'affaire des bébés congelés, dite "affaire Véronique Courjault", une femme qui avait camouflé à son mari le fait qu'elle était enceinte et qui avait congelé les bébés dans son frigo. Une affaire atroce et qui s'était passée en Corée du Sud. À l'époque j'avais été particulièrement choqué par la réaction de la justice française qui avait réclamé des analyses génétiques faites en France alors que la justice coréenne avait déjà fait le nécessaire sur la question. Comme si les études coréennes n'avaient pas de valeur scientifique. Il y avait là un paternalisme typique de la part des Français qui pensaient encore que leur « science » était supérieure à celle des Coréens. On parle ici d'une affaire qui date du début des années 2000. La Corée était déjà un pays développé avec un très haut niveau scientifique. Quand on sait que ce pays de seulement 55 millions d'habitants dépose plus de brevets chaque année que l'ensemble de l'UE, cela laisse songeur. Mais c'est une marque du racisme ontologique qui anime encore une grande partie de nos élites dominantes, même si elles se targuent d'ouverture au monde et d'amour des autres. Le même phénomène s'est répété pendant la crise du COVID où les études provenant de pays non occidentaux n'étaient pas prises au sérieux par nos élites.
Le déclin factuel de l'occident
Il nous faut donc travailler à faire comprendre à nos « élites » que le monde a changé et qu'il n'est pas très sérieux de continuer à faire comme s'il était le même qu'en 1960. Pour cela il faut sortir du baratin sur les PIB. Je l'ai déjà souvent expliqué, mais le PIB exprimé en dollar n'est absolument pas valable pour comparer des pays entre eux. Sans aller jusqu'à jeter cet indicateur à la poubelle comme le suggérait Emmanuel Todd, il faut expliquer que son usage doit être au mieux limité à des comparaisons nationales dans le temps. Entre les nations il vaut mieux utiliser le PIB exprimé en PPA qui est moins problématique. La parité de pouvoir d'achat prenant en compte le prix des biens et des services dans chaque pays. Cependant même cette méthode a des limites, les consommations divergentes en fonctions des traditions et des contraintes locales. Comme je l'avais dit dans mon texte sur le fait que les USA ne sont plus la première puissance du monde, le mieux est de faire comme à l'époque de Jean Fourastié. On compare les capacités de production réelles ou les statistiques non économiques comme l'éducation, la santé, etc..
Par exemple quelle est la situation sur la production et la consommation d'énergie ? Si les économies modernes progressent en matière d'efficacité énergétique, il y a quand même toujours un lien très fort entre la croissance économique et la croissance de l'énergie. C'est particulièrement vrai pour l'électricité dont la demande devrait fortement croître à l'avenir, surtout si les sociétés modernes se mettent à la voiture électrique. Et bien si l'on regarde la consommation d'énergie primaire on voit qu'il n'y a qu'un seul pays qui croit depuis 20 ans, c'est la Chine. L'UE et les USA font en réalité du surplace. Les économistes mainstream vous diront que c'est formidable parce que cela signifie que nos pays se sont enrichis sans augmenter la consommation d'énergie. Les hétérodoxes sceptiques dans mon genre vous diront plutôt que cela traduit en réalité une stagnation économique et qu'en plus cela camoufle des importations croissantes dans nos pays de plus en plus dépendant de la Chine et d'autres pays en croissance réelle eux. Le second graphique qui montre la production d'électricité est encore plus parlant puisque désormais la Chine produit plus d'électricité que les USA, l'UE et le Japon réuni.
Au passage, on ne voit pas comment l'UE va faire pour rouler entièrement à l'électricité sans une forte augmentation de ses capacités de production. Il faudrait au moins doubler la production d'électricité pour répondre à la demande. Or elle stagne depuis plus de trente ans et les lubies écolos qui ont fait choisir des énergies intermittentes incapables de répondre aux besoins actuels, laisse présager une catastrophe en cas d'électrification absolue du transport. Ajoutons à cela un délire antinucléaire totalement irrationnel de la part d'une grosse partie des pays européens et l'on voit poindre des coupures d'électricité régulières sur le continent pour l'horizon 2030-35. On le voit sur les questions d'énergie, la réalité de la domination occidentale est déjà largement du passé. Si l'on s'intéresse à la consommation par tête, la Chine est déjà au niveau de l'Europe. Et des pays comme la Russie ou l'Iran sont déjà notre niveau. On peut donc parier que le niveau de vie relatif est déjà assez proche du nôtre s'il n'est pas carrément supérieur.
Parlons de voiture maintenant. S'il y a bien un produit représentant le phare du progrès moderne c'est bien la bagnole quoiqu'on en pense. Et bien la Chine en 2022 c'était 27 millions de véhicules vendus, c'est à dire autant que les USA et l'UE ensemble. Comme vous le voyez là encore, la Chine pèse autant que les deux grands de l'occident. Cela colle assez avec le PIB exprimé en PPA la Chine pesant environ deux fois le PIB américain. Il y a ici une cohérence entre le PIB exprimé en PPA et la production énergétique ou encore la consommation de véhicules. Si l'on passe en termes de production, on voit un changement récent, le poids de la Chine explosant avec les véhicules électriques. Bien que second consommateur mondial de véhicules, les USA n'arrivent qu'en second producteur, justes devant le Japon et l'Allemagne pourtant bien plus petits. On remarquera la production indienne en forte augmentation également. Là encore, le poids de l'occident est loin d'être aussi gros que ce que les chiffres des PIB en dollar indiquent. On notera aussi l'incroyable déclin français depuis l'euro qui aujourd'hui arrive loin derrière l'Espagne, le Royaume-Uni et même la Thaïlande...
Je m'arrête ici pour l'instant. Nous reviendrons dans quelque temps sur les chiffres réels de notre déclin, mais il est vraiment important de prendre conscience de nos faiblesses en Europe. Il faut arrêter de croire que nous sommes supérieurs aux autres en particulier aux pays asiatiques qui nous ont largement rattrapés et même dépassés. En 2022 l'Asie a représenté 68% des dépôts de brevet dans le monde, contre seulement 18% pour l'Amérique du Nord, et 10% pour l'Europe. Dans ces conditions il faudrait peut-être un peu revenir sur terre et accepter la réalité du monde actuel. Nous sommes un peu revenus à l'époque d'avant la renaissance avec une Europe assez isolée face à un monde plus peuplé et plus riche qu'elle. Les stratégies de survie dans ces conditions consistent surtout à se protéger et à copier ce qui se fait ailleurs puisque vous n'êtes plus capable de suivre de rythme d'innovation du reste du monde. C'est particulièrement vrai pour nos pays vieillissant au niveau scolaire qui baisse en plus. Et il ne faut surtout pas entrer en querelle avec les nouvelles puissances dominantes sous peine de finir écrasé à long terme. En ce sens, notre suivisme vis-à-vis de l'empire américain en déclin est particulièrement dangereux pour notre avenir.