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Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.

Néolibéralisme et impuissance publique

 

Gabriel Attal vient de faire un discours voulant en apparence s'attaquer à la violence qui grossit dans notre pays et fait de plus en plus la une des journaux. Un discours nous disant en gros que cette fois c'est fini, il n'y aura plus de culture de l'excuse, et que l'on remettrait l'autorité nécessaire au bon fonctionnement de la société en particulier dans les établissements scolaires. Bien évidemment, personne ne croit une seule seconde à la possibilité pour l'état d'agir efficacement en la matière, même si les journalistes et le petit milieu parisien soutiennent en apparence le pouvoir en place. La population n'attend en réalité plus grand-chose de l'état dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres. Mais cette situation de dégradation permanente n'est pas le fruit du hasard ou simplement le produit du nihilisme toddien dont on a parlé fréquemment. Cette impuissance est le produit du néolibéralisme lui-même qui a institué une forme d'impuissance collective totale avec ses principes de laissez-faire en tout domaine et de survalorisation de la valeur marchande. Nous y reviendrons par la suite.

 

Concernant la question éducative dont a parlé Attal, le problème est multifactoriel. Accuser simplement l'idéologie de l'excuse est un peu court, pour ne pas dire ridicule. Une bonne part de cette culture de l'excuse s'explique en effet par les restrictions budgétaires. Comment mettre les gens en prison si l'on a ni le personnel pour les juger, ni le personnel pour les garder en prison , ni d'ailleurs les places de prison? La question des moyens est intimement liée à la question de la mise en pratique de la loi. Et l'on sait depuis longtemps qu'en France on fait des lois qu'on ne se donne pas les moyens d'appliquer. C'est vrai pour la petite délinquance comme pour la grosse d'ailleurs. On pourrait continuer en parlant des réformes scolaires qui ne sont jamais faites pour des questions d'efficacité éducative en réalité, mais simplement pour des questions budgétaires. Il en est ainsi pour presque toutes les questions régaliennes concernant l'état. La logique purement comptable a remplacé toute autre forme de priorité, mais nous allons y revenir. Pour cette question purement éducative, que fait-on de la question migratoire t? Une question qui est pour ainsi dire totalement ignorée des pouvoirs publics ? L'affaire montpelliéraine au collège Arthur-Rimbaud qui s'est déroulée récemment fut pourtant clairement le produit de la non-intégration des populations musulmanes de plus en plus revendicatives.

 

Je connais bien ce coin, et les quartiers de la Paillade et du Petit-Bard très proches fournissant l'essentiel de la population de ce collège. Ce sont des territoires que l'on peut qualifier d’étrangers, n'ayons pas peur des mots. La France dit être laïque, mais dans ces quartiers l'islam est omniprésent y compris dans les écoles. Et je n'en veux pas aux profs, ils sont comme des colons en terre étrangère, impossible d'y pratiquer les « valeurs » de la république quand il n'y a aucun français réel dans vos classes. Mais il est vrai que sur le papier ils sont français. On n’entend pourtant toujours pas le gouvernement vouloir réellement mettre une limite à l'immigration. Je rappelle qu'en France l'immigration n'est pas une immigration de travail contrairement au discours officiel, c'est essentiellement une immigration de regroupement familial qui coûte très cher au contribuable français quoi qu'on en pense. Cependant, il y a toujours cette idéologie qui gouverne notre pays et nos élites avec l'idée que toutes les populations sont interchangeables et que les trous dans la pyramide des âges peuvent être comblés en permanence par l'importation de populations bigarrées sans aucun problème. Si l'immigrationnisme est très fort à gauche, il ne faut pas oublier que la suppression des frontières est surtout un des dogmes libéraux, y compris sur les questions des mouvements des populations.

 

Pour terminer avec ce préambule sur la délinquance en France et dans le milieu scolaire je rappellerai ce chiffre qui montre qu'on a un grave problème dans l'éducation des garçons. Un problème qui est carrément gargantuesque avec les jeunes garçons d'origine maghrébine . Les chiffres suivants viennent de monsieur Jean-Louis Auduc qu'on ne peut pas vraiment qualifier d'extrême droite puisque ces chiffres viennent du site plutôt de gauche Café Pédagogique. Ainsi seulement 43% des garçons d'origine maghrébine arrivent à avoir le BAC contre 47% des filles de même origine. Chez les Français « de souche », on obtient respectivement 64% pour les garçons et 74% pour les filles. Si ces chiffres n'expliquent pas directement la violence des jeunes garçons d'origine maghrébine, ils l'expliquent en partie. L'échec scolaire aggrave mécaniquement les difficultés d'insertion. Nous en avions parlé dans un texte suite aux dramatiques émeutes de l'été dernier que les médias ont fait beaucoup d'efforts pour oublier. Or cette question est trop rarement abordée. Il ne s'agit pas d'un problème de nature des populations maghrébines, le Maroc élève très bien ses enfants qui ont d'ailleurs sûrement un bien meilleur niveau que les élèves français aujourd'hui par exemple. Il s'agit d'un problème d'immigration de population aux structures anthropologiques et à la culture diamétralement opposée aux nôtres. Tant que nous ignorerons cette question pour faire de faux diagnostics nous ne nous en sortirons pas. Mais revenons sur les questions économiques et sur l'impuissance de l'état, car la question des moyens est aussi au cœur du sujet.

 

Le modèle néolibéral sape structurellement les capacités de l'état

 

Dans les solutions régulièrement claironnées aux problèmes de société dont nous sommes victimes revient toujours la question des moyens. Et pour cause, l'action de l'état et des collectivités locales est toujours liée à cette question. Comme je l'ai dit, il est bien difficile de mettre les gens en prison si vous n'avez pas de place pour les mettre. Il est aussi difficile de remédier aux enfants turbulents s'il n'y a pas de classes et de professeurs spécialisées pour les remettre dans le droit chemin. Le laxisme judiciaire s'il a une composante idéologique a aussi une forte composante pratique. Les juges connaissent l'état des prisons en France, tout comme ils connaissent le manque de moyen pour faire simplement les jugements. Bref, dans une grande partie des problèmes de la France revient systématiquement la question des moyens, qu'ils soient financiers ou humains. Et cette réalité n'est pas le produit du hasard, mais celui de notre modèle économique mis en place pendant les années Giscard, et qui n'a fait que s'approfondir depuis.

 

Certains font la distinction entre le néolibéralisme et le libéralisme. Je pense que la distinction est surfaite. Je pense qu'il vaut mieux distinguer le libéralisme politique du libéralisme économique, deux pensées qui sont même souvent antagonistes. En effet, le libéralisme politique pense qu'un homme égale une voix quand le libéralisme économique pense qu'un euro égale une voix. On voit tout de suite avec cette représentation l'opposition qu'il peut advenir entre les deux pensées du libéralisme. Et si je critique fortement le libéralisme économique, je reste personnellement très attaché aux principes du libéralisme politique même s'il a lui aussi ses limites. La distinction entre le néolibéralisme et le libéralisme est beaucoup plus ténue. Je dirai que le fond est le même en réalité. Il s'agit fondamentalement de l'idée que l'action individuelle ne doit pas être entravée et que l'intérêt général découle naturellement des actions économiques égoïstes de chacun. C'est le fameux principe que la fable des abeilles de Mandeville qui est complètement fausse quand on connaît réellement le fonctionnement des insectes collectifs qui n'ont pas de libre arbitre.

 

La différence entre le libéralisme et le néolibéralisme est avant tout le cadre religieux et moral. Si Adam Smith a inventé cette idéologie, il ne faut pas oublier que ce libéralisme était pensé dans le cadre d'une logique morale chrétienne. Il y avait des choses que l'on ne faisait pas, et l'on était attaché à son pays, en l’occurrence à la Grande-Bretagne concernant Smith. Ce libéralisme était donc implicitement un libéralisme modéré par des principes moraux, religieux et patriotiques. Le néolibéralisme c'est en gros la même chose, mais sans ce cadre. D'où les dérives qu'il produit puisqu’effectivement il ne prend plus en compte ni la morale, ni la décence sociale, ni l'intérêt national. Le néolibéralisme était en fait en gestation dans le libéralisme économique depuis le début . Tant que les digues des tabous collectifs étaient là, cela pouvait fonctionner, mais sans ça c'est la catastrophe. C'est ce que nous vivons depuis 50 ans maintenant puisque le tournant néolibéral en France date de 1974 environ.

 

Ce néolibéralisme a fait sauter toutes les frontières en particulier économiques permettant aux plus riches d'échapper à la solidarité nationale par l’impôt et aux entreprises de maximiser leurs profits en délocalisant. Mais pour l'affaire qui nous concerne, c'est-à-dire l'impuissance publique, c'est la fin du circuit d'échange macroéconomique qui fut la vraie catastrophe. En effet en ouvrant les échanges extérieurs vous cassez le lien entre la consommation et la production. Vous créez des fuites dans le circuit économique. Autrefois quand l'état dépensait de l'argent, il émettait de la monnaie qui circulait dans le circuit économique. La question des dépenses comme si l'était un foyer n'avait pas de sens, car les dépenses étaient récupérées par la dynamique économique produite par la dépense étatique. L'état récupérait par les impôts ce qu'il dépensait dans la société, et si ce n'était pas par l'impôt c'était aussi par l'inflation. Rappelons au passage que l'inflation pendant les trente glorieuses était située entre 4 et 5 % par an plus que l'épisode d'inflation que nous venons de connaître. Mais grâce au circuit économique relativement fermé, les salaires suivaient l'inflation quand ils ne la dépassaient pas régulièrement. En fait, il est assez facile de montrer le fonctionnement du multiplicateur keynésien de cette manière comme je l'ai souvent fait, vous pouvez revoir ça dans ce texte par exemple.

 

De fait dans un contexte de chômage de masse l'augmentation de la masse monétaire n'est absolument pas un problème bien au contraire. Mais cela suppose que l'économie forme un circuit assez fermé et que vous produisiez ce que vous consommez. L'état pouvait donc payer des services même plus cher tant que cela restait dans le circuit économique national. L'argent revenait mécaniquement par l’impôt et l’augmentation du PIB produit par le multiplicateur keynésien . C'est ce système qui a produit la croissance après guerre en France et en occident. Bien sûr si vous augmentez la masse monétaire de façon excessive par rapport à la masse salariale et aux besoins, vous pouvez produire aussi une inflation excessive. Mais bien équilibré, ce système fonctionne et fonctionne encore très bien aujourd'hui. La Russie qui a une économie qui a été fermée de l'extérieur connaît maintenant une dynamique économique très forte grâce à ce mécanisme. Les dépenses militaires nourrissant la croissance économique nationale. Le protectionnisme a obligé les entreprises à faire des gains de productivité aussi à cause du manque de main-d’œuvre. L'économie monétaire de production de type keynésienne fonctionne toujours très bien contraire au système libéral.

 

Mais depuis les années 70, l'idéologie néolibérale a pris le dessus et nous avons cassé ce lien faisant de l'état un acteur économique comme un autre qui doit équilibrer ses comptes même si le pays s'effondre. L'impuissance publique actuelle est en grande partie le fruit pourri de cette idéologie de petit comptable. Une idéologie que les USA ne pratiquent pas d'ailleurs ce qui explique que ce pays globalement sort des crises beaucoup plus rapidement que l'UE et la zone euro. On voit même l'état chercher même pour les commandes publiques les acteurs les moins chers possibles, souvent étrangers, comme s'il était un consommateur lambda cherchant le prix le plus bas au supermarché du coin. Oubliant que moins l'argent circule dans le pays, plus le pays va mal, et plus les rentrées fiscales sont faibles. Cette logique de petits comptables que Keynes critiquait déjà pendant l'entre-deux-guerres est en grande partie responsable de notre impuissance. Que ce soit en matière de sécurité ou d'éducation. Or vous n'entendrez jamais Gabriel Attal ou nos énarques souligner cette question cruciale faisant semblant de résoudre les problèmes par la parole puisque les actes sont impossibles dans le petit monde étriqué du néolibéralisme. Mais ce n'est pas si grave pour eux, puisque les couches aisées peuvent échapper à ces problèmes grâce à leur argent, enfin pour l'instant.

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L
La question de savoir ce qu'il y a à conserver du libéralisme m'a conduit personnellement à m'intéresser à Barbara Stiegler (la fille de son père, très connotée à gauche, ce qui n'est pas mon cas) parce que je crois que c'est elle qui a établi la typologie la plus claire du phénomène en distinguant trois grands courants dans le libéralisme, et surtout que l'on ne saurait confondre sous peine de se tromper de cible. J'ai donc repris cette classification pour dresser le tableau qui suit. <br /> <br /> 1)<br /> D'abord le libéralisme politique basée sur la séparation des trois pouvoirs fondamentaux (exécutif, législatif, judiciaire) qui est donc avant tout une doctrine juridique avec Locke et Montesquieu comme principaux représentants historiques, le libéralisme anglais ayant inspiré son homologue français en moins d'un siècle. <br /> <br /> Le libéralisme juridique a accouché d'une sous-branche (terme à connotation péjorative pour citer Michéa ou Bernard Marris qui voyaient dans cette toute jeune discipline un terrain de repli pour philosophes ou astronomes ratés) réputée "d'économie humaine", basée sur la doctrine du "laisser faire laisser aller" et guidée par une "main invisible" qui avait tous les traits de la providence divine. <br /> En France on peut citer Jean-Baptiste Say (tête de file de ceux qui s'appelaient eux-mêmes les "physiocrates") et Turgot (ministre controversé de Louis XVI) comme représentants typiques de ce courant. <br /> <br /> Cette parenté religieuse explique d'ailleurs pourquoi ce libéralisme économique pouvait être tempéré comme vous le dites par des considérations religieuses mais pas seulement. Adam Smith par exemple - le père fondateur du courant - admettait  qu'en cas de guerre l'état pouvait orienter l'économie afin de la mener sous les meilleurs auspices, une recette qu'appliquera activement Lazare Carnot ministre de la guerre pendant la révolution française et ses démélées avec le reste de l'Europe. <br /> .<br /> Le libéralisme économique, que l'on a tendance à identifier au libre-échange, a justement sécrété une seconde branche avec l'économiste allemand Friedrich List qui préconisait explicitement l'intervention de l'état protectionniste en matière d'économie. <br /> List a eu une grande influence tant dans la sphère germanique et la construction du "capitalisme rhénan" (ordo-libéral c'est-à-dire libéral sous contrôle de l'état) qu'aux États-Unis où il a inspiré dans la première moitié du dix-neuvième siècle l'action des jacksoniens (dont Trump semble être le dernier héritier).<br /> <br /> Toujours est-il que ce libéralisme originel est porteur d'une vision apaisée de l'histoire et de l'équilibre des sociétés, son projet étant sensé fournir une solution à la lutte des classes (concept que Marx a d'ailleurs repris à François Guizot, historien libéral et ministre de Louis-Philippe sous la restauration) et il a trouvé son meilleur représentant français en Tocqueville, dont une foule de gens se réclament encore aujourd'hui pas toujours à bon escient. <br /> <br /> 2)<br /> L'ultra-libéralisme est sorti du précédent en mettant l'accent primordial sur son aspect économique au détriment de son volant politique. Son thème central est que l'état doit se mêler le moins possible de la chose économique afin que le fonctionnement du marché, lequel doit avoir réponse à tout, soit le plus efficient possible dans ses facteurs de productions, le marché "pur et parfait" étant le graal à atteindre.<br /> <br /> Cette seconde version du libéralisme procède non plus d'une vision historique mais anthropologique des sociétés, dont l'acte fondateur est la fameuse "fable des abeilles" de Mandeville. L''idée que les activités erratiques individuelles finissent par former un tout harmonieux, voire même que la vertu publique peut résulter de la somme des vices privés.<br /> <br /> Cette vision anthropologique a d'ailleurs fini par contaminer l' ensemble de l'opinion libérale, très reconnaissable dans la fameuse référence à "la nature humaine" lorsque votre interlocuteur libéral est à court d'argument pour vous expliquer la fatalité de l'emprise libérale sur l'économie des sociétés. <br /> <br /> (Je me souviens avoir dit un jour à un copain universitaire tendance très libérale  -j'ai de vilaines fréquentations-  que si tous nos actes résultaient encore de "la nature", nous ne serions pas à débattre du libre-échange assis sur une chaise mais sous la table du bistrot à nous flairer les fesses). <br /> <br /> Vous la retrouvez ainsi à un degré divers en France chez nombre d'analystes libéraux pourtant en rupture de banc avec la doxa majoritaire, depuis Bruno Bertez (discrètement, lui procède plutôt à des analyses typiquement marxistes !?) jusqu'à Eric Verhaeghe (un connard mais dont j'apprécie le travail d'information et nombre de positions sur le macronisme) en passant par Philippe Bechade, Olivier Delamarche, Philippe Herlin, Charles Gave et d'autres. <br /> <br /> Tous des gens, finalement, dont le bon sens pragmatique a été un garde-fou efficace contre l'idéologie extrême, ce qui est un bon point pour eux. (j'ai laissé de côté certains personnages publics ridicules, pourfendeurs de l'état quoique tous issus de la fonction publique, comme Alain Madelin). <br /> Tous aussi se réfèrent au libertarisme américain (dont Ron Paul est actuellement le héraut politique), qui est ce que l'ultra-libéralisme a donné jusqu'à présent de plus pur, probablement parce que cette utopie anglo-saxonne faisant table rase de l'état reste intellectuellement concevable dans un vaste pays encore neuf dans son histoire.<br /> <br /> Mais la grande référence politique de ce courant reste Margaret Thatcher, la seule dirigeante d'un état occidental à avoir effectivement mis en œuvre un programme de désengagement mesurable de l'état et de restrictions des dépenses publiques sans que l'opération tourne au désastre général patent, comme cela avait été le cas avec les Chicago boys au Chili à la même époque. <br /> (Noter qu'elle l'a fait en concentrant l'état et non pas en le décentralisant sur le modèle girondin des socialistes français derrière Mitterrand au même moment).<br /> <br /> On peut bien sûr argumenter sur le bilan social souvent sombre qu'a entraîné l'expérience de la dame de fer (et aussi les opportunités qu'elle a eues notamment en matière énergétique avec le gaz de la mer du nord) mais je crois pouvoir identifier Margaret Thatcher clairement comme une ultra-libérale et non pas une néo-libérale, cela pour les raisons données plus loin et parce que son fameux credo "la société n'existe pas il n'y a que des individus qui comptent" ne cadre pas avec le néo-libéralisme dans sa dérive actuelle, laquelle nie autant la société (seule la bonne société l'intéresse) que les individus (sauf ceux qui ne sont pas rien). <br /> <br /> 3)<br /> Le néo-libéralisme est né justement du constat assumé que l'idée d'un marché pur, parfait et libéré de toute tutelle de l'état comme moteur optimum et exclusif d'une société humaine, se révèlait être une chimère pour les oligarchies, celles amenées au pouvoir de fait par la financiarisation de l'économie et sa tendance à la globalisation. <br /> <br /> Sorti pour son aspect théorique moins du libéralisme politique originel que de l'ordo-libéralisme, pour lequel le rôle de l'état devait se cantonner à assurer le bon ordre social nécessaire au bon fonctionnement du marché, ce courant portait en plus en son sein déjà l'idée que le libéralisme politique pouvait se démarquer de la démocratie. <br /> C'est bien Hayek qui disait : "Je préfère un libéralisme sans démocratie à une démocratie sans libéralisme". <br /> <br /> Son "projet" (référence aux beuglements hystériques de l'un de ses apôtres politiques bien connu) est clairement devenu la volonté de soumettre tous les rouages de l'état et de la société aux exigences du marché financiarisé global, cela afin de maintenir les profits et le pouvoir de la caste trans-nationale née de la mondialisation. <br /> Il n'est alors plus question vraiment d'efficience des marchés mais simplement d'instaurer un mode de gouvernance autoritaire au bénéfice d'une minorité. <br /> <br /> Corrolaire, si ce projet implique la disparation des nations en tant qu'obstacle à l' hégémonie de cette caste, alors l'état n'est plus un problème si ses serviteurs attitrés se mettent à son service, si son armée devient garde prétorienne, si sa police devient milice et ses juges se changent en grands inquisiteurs, voire si une majorité de citoyens se transforment en grands surveillants contrôleurs du saint projet.<br /> <br /> Il est en effet frappant de constater l'aptitude du néo-libéralisme, au moins à égalité avec l'ancien bolchevisme, à sécréter une bureaucratie proliférante (le cas des hôpitaux est bien connu où il y a désormais autant d'administratifs que de soignants)  souvent d'ailleurs non pas pour pallier aux désastres économiques et sociaux qu'il produit mais pour faire semblant d'y remédier en pratiquant volontiers le clientélisme.<br /> <br /> Survient alors l'autre arme à la fois de destruction massive des anciennes nations et de soumission des peuples à son projet qu'est la dette financiarisée, le fameux "quoi-qu'il-en-coûte-mais-qu'il-faudra-bien-rembourser-un-jour-prochain" <br /> dans lequel un Macron est devenu expert pour soumettre la France aux exigences politiques des grands fonds d'investissement américains.<br /> La dette est aussi le totem, le leurre sacré idéal pour masquer l'appauvrissement général du pays derrière l'écran de fumée du PIB (on sait bien aujourd'hui qu'il faut plusieurs points de dette pour rajouter un point de PIB dans un contexte de libre-échange mondialisé). <br /> <br /> C'est à la faveur de la grande crise financière de 2008 que le projet néo-libéral planétaire s'est autant précisé qu'accéléré, lorsque la plupart des états ont sciemment écarté les intérêts à long terme des peuples pour sauver "quoiqu'il en coûte" les marchés financiers dans l'urgence. <br /> La crise sanitaire a ensuite été une sorte de "coming out" de l'oligarchie, mais néanmoins masqué au yeux de la majorité des populations par la magie et la puissance du pouvoir médiatique totalement corrompu. <br /> <br /> Ces évènements ont eu au moins le mérite de desciller les yeux de nombre de libéraux historiques dont j'ai parlé plus haut sur le néo-libéralisme, certains n'hésitant pas à le nommer pour ce qu'il est, la forme la plus récente et la plus sophistiquée du fascisme (exemple récent ci-après par Bruno Bertez). <br /> <br /> https://brunobertez.com/2024/04/19/pour-reflechir-le-week-end-approche-lirrationalisme-lideologie-du-progres-le-chemin-du-fascisme/<br /> <br /> Maintenant, à la question de savoir s'il y a une fatalité du libéralisme, menant obligatoirement de ses origines à la forme complètement dévoyée actuelle et revenant à poser le problème du bébé à jeter avec l'eau du bain, je dirai que la question est aussi vaine qu'aburde puisque le libéralisme fait partie intégrante de notre culture et de notre histoire pour des raisons anthropologique (cf. Todd). <br /> Pour faire un parallèle avec le marxisme, il fut un temps où la mode chez certains intellectuels était de se demander si vendre l'huma-dimanche sur les marchés ne menait pas inexorablement au goulag. Je crois qu'il convient de se passer de ce genre d'étape. <br /> <br /> Cela d'autant plus que l'heure de gloire du libéralisme est derrière nous, car il fait rêver de moins en moins de monde sur la planète hors de son berceau historique et il est en train de devenir tout simplement NOTRE problème. Presque une forme d'exotisme pour ceux qui le regarderont de l'extérieur avec des yeux tout ronds. <br /> Nous n'aurons donc pas d'autre choix que de le rendre raisonnable aux yeux des touristes venant de l'autre monde, celui de la tradition et de l'autorité. <br /> <br /> Le néo-libéralisme correspond à une phase de notre histoire où nos sociétés sont devenues trop complexes pour ne pas s'effondrer sous leurs contradictions. Il faudra donc nécessairement revenir à une forme d'organisation plus simple pour revenir à des ambitions plus saines. <br /> <br /> Par exemple Idriss Aberkane (lumineux quand il ne raconte pas de connerie) a très bien vu ce qui a amené le dévoiement du libéralisme originel basé sur la séparation de trois pouvoirs fondamentaux, exécutif, législatif et judiciaire.<br /> Cette fameuse séparation ne peut plus exister puisque ces trois pouvoirs ont été infiltrés, court-circuités et mis sous tutelle par deux autres pouvoirs qui n'en font eux-mêmes plus qu'un, le pouvoir financier et son auxiliaire servile le pouvoir médiatique (ce dernier en fait son maillon faible qu'il conviendrait de mater en priorité en dégageant complètement l'état de son emprise).<br /> <br /> Mais, honnêtement et en regard du contexte actuel, réfléchir au simple rétablissement de ce qui a pu sembler aimable dans le libéralisme donne déjà le vertige et la vraie question à poser devient alors celle-ci :<br /> Peut-il y avoir une solution "libérale" (dans la concertation, le débat, la paix, l'amour etc.) au problème que pose le néo-libéralisme au point où il est arrivé ? <br /> <br /> Désolé, mais je ne le pense pas.
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Y
« Le libéralisme économique, que l'on a tendance à identifier au libre-échange, a justement sécrété une seconde branche avec l'économiste allemand Friedrich List qui préconisait explicitement l'intervention de l'état protectionniste en matière d'économie. »<br /> <br /> Le côté libéral de List est quand même assez discutable. Il parle des libéraux comme de l'Ecole et il est extrêmement sceptique sur le laissez-faire. C'est comme décrire Keynes comme un libéral sous prétexte qu'il l'était au départ. Leurs réflexions les ont fait petit à petit rejeter le consensus idéologique de leur époque. List se base avant tout sur une étude historique et non sur des théories non fondées sur l'observation comme l'ont fait les libéraux. C'est parce que ce cheminement qu'il en conclut la nécessite du protectionnisme dans l'enfance comme il le disait lui-même. Il n'avait sans doute pas imaginé qu'une nation pleinement industrialisée puisse volontairement détruire sa propre industrie par le libre-échange. Il faut dire qu'à son époque il n'y avait que l'exemple britannique et américain d'industrialisation, il n'y avait pas d'anciennes puissances industrielles. Donc je pense qu'il est difficile de le classer comme libéral, c'est un économiste hétérodoxe à l'image d'un Silvio Gesell un peu en dehors des cadres. De vrais chercheurs visant à comprendre l'évolution des sociétés par l'observation en quelque sorte. Alors que les libéraux sont plutôt des moralistes à mes yeux n'ayant cure du fondement scientifique de leurs thèses. <br /> <br /> « Le néo-libéralisme correspond à une phase de notre histoire où nos sociétés sont devenues trop complexes pour ne pas s'effondrer sous leurs contradictions. »<br /> <br /> Ce n'est pas tant une question de complexité que d'un modèle qui ne tient pas la route depuis le début. Le globalisme n'a jamais fonctionné. C'est le dollar et les dettes publiques et privées qui ont permis au système de tenir depuis les années 70. Ce n'est pas un hasard si les dettes explosent au moment où l'on prétend commencer à les combattre avec les cures d'austérité néolibérales. Et effectivement, tout ceci n'était qu'un savant traquenard pour asseoir le pouvoir d'une petite partie de la population et mettre fin à la démocratie en occident. Peu importe qui est élu tant que les marchés décident des politiques qui sont « raisonnables ». Il faut articuler la lutte contre la construction européenne dans ce cadre de lutte contre la tyrannie des marchés qui va avec et qui découle de la dérégulation financière. Le retour à la vraie démocratie nécessitera un retour à la monnaie nationale, mais aussi au rôle de la banque de France en tant que seul détenteur des titres de dette publique. Disons-le que nous n'avons pas besoin des marchés financiers pour financer l'économie réelle, ce sont juste des parasites inutiles au fond à qui les néolibéraux ont donné le pouvoir avec leur idéologie dans les années Giscard-Barre. <br /> <br /> « Peut-il y avoir une solution "libérale" (dans la concertation, le débat, la paix, l'amour etc.) au problème que pose le néo-libéralisme au point où il est arrivé ? <br /> <br /> Désolé, mais je ne le pense pas. »<br /> <br /> Je ne le crois pas non plus. Je pense que nous allons vers un effondrement général de nos économies à la suite de l'effondrement du dollar, puis de l'euro par effet d’entraînement. L'occident va subir l'équivalent de la crise de l'URSS dans les années 90. Elle sera peut-être même pire puisque nous n'avons plus la chance d'avoir une société relativement homogène et bien éduquée. Sans parler du manque de ressources naturelles pour compenser l'effondrement de tout le reste. Que peut-il se produire chez nous politiquement dans une telle situation, bien malin celui qui arrivera à le prédire.