Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Gabriel Attal vient de faire un discours voulant en apparence s'attaquer à la violence qui grossit dans notre pays et fait de plus en plus la une des journaux. Un discours nous disant en gros que cette fois c'est fini, il n'y aura plus de culture de l'excuse, et que l'on remettrait l'autorité nécessaire au bon fonctionnement de la société en particulier dans les établissements scolaires. Bien évidemment, personne ne croit une seule seconde à la possibilité pour l'état d'agir efficacement en la matière, même si les journalistes et le petit milieu parisien soutiennent en apparence le pouvoir en place. La population n'attend en réalité plus grand-chose de l'état dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres. Mais cette situation de dégradation permanente n'est pas le fruit du hasard ou simplement le produit du nihilisme toddien dont on a parlé fréquemment. Cette impuissance est le produit du néolibéralisme lui-même qui a institué une forme d'impuissance collective totale avec ses principes de laissez-faire en tout domaine et de survalorisation de la valeur marchande. Nous y reviendrons par la suite.
Concernant la question éducative dont a parlé Attal, le problème est multifactoriel. Accuser simplement l'idéologie de l'excuse est un peu court, pour ne pas dire ridicule. Une bonne part de cette culture de l'excuse s'explique en effet par les restrictions budgétaires. Comment mettre les gens en prison si l'on a ni le personnel pour les juger, ni le personnel pour les garder en prison , ni d'ailleurs les places de prison? La question des moyens est intimement liée à la question de la mise en pratique de la loi. Et l'on sait depuis longtemps qu'en France on fait des lois qu'on ne se donne pas les moyens d'appliquer. C'est vrai pour la petite délinquance comme pour la grosse d'ailleurs. On pourrait continuer en parlant des réformes scolaires qui ne sont jamais faites pour des questions d'efficacité éducative en réalité, mais simplement pour des questions budgétaires. Il en est ainsi pour presque toutes les questions régaliennes concernant l'état. La logique purement comptable a remplacé toute autre forme de priorité, mais nous allons y revenir. Pour cette question purement éducative, que fait-on de la question migratoire t? Une question qui est pour ainsi dire totalement ignorée des pouvoirs publics ? L'affaire montpelliéraine au collège Arthur-Rimbaud qui s'est déroulée récemment fut pourtant clairement le produit de la non-intégration des populations musulmanes de plus en plus revendicatives.
Je connais bien ce coin, et les quartiers de la Paillade et du Petit-Bard très proches fournissant l'essentiel de la population de ce collège. Ce sont des territoires que l'on peut qualifier d’étrangers, n'ayons pas peur des mots. La France dit être laïque, mais dans ces quartiers l'islam est omniprésent y compris dans les écoles. Et je n'en veux pas aux profs, ils sont comme des colons en terre étrangère, impossible d'y pratiquer les « valeurs » de la république quand il n'y a aucun français réel dans vos classes. Mais il est vrai que sur le papier ils sont français. On n’entend pourtant toujours pas le gouvernement vouloir réellement mettre une limite à l'immigration. Je rappelle qu'en France l'immigration n'est pas une immigration de travail contrairement au discours officiel, c'est essentiellement une immigration de regroupement familial qui coûte très cher au contribuable français quoi qu'on en pense. Cependant, il y a toujours cette idéologie qui gouverne notre pays et nos élites avec l'idée que toutes les populations sont interchangeables et que les trous dans la pyramide des âges peuvent être comblés en permanence par l'importation de populations bigarrées sans aucun problème. Si l'immigrationnisme est très fort à gauche, il ne faut pas oublier que la suppression des frontières est surtout un des dogmes libéraux, y compris sur les questions des mouvements des populations.
Pour terminer avec ce préambule sur la délinquance en France et dans le milieu scolaire je rappellerai ce chiffre qui montre qu'on a un grave problème dans l'éducation des garçons. Un problème qui est carrément gargantuesque avec les jeunes garçons d'origine maghrébine . Les chiffres suivants viennent de monsieur Jean-Louis Auduc qu'on ne peut pas vraiment qualifier d'extrême droite puisque ces chiffres viennent du site plutôt de gauche Café Pédagogique. Ainsi seulement 43% des garçons d'origine maghrébine arrivent à avoir le BAC contre 47% des filles de même origine. Chez les Français « de souche », on obtient respectivement 64% pour les garçons et 74% pour les filles. Si ces chiffres n'expliquent pas directement la violence des jeunes garçons d'origine maghrébine, ils l'expliquent en partie. L'échec scolaire aggrave mécaniquement les difficultés d'insertion. Nous en avions parlé dans un texte suite aux dramatiques émeutes de l'été dernier que les médias ont fait beaucoup d'efforts pour oublier. Or cette question est trop rarement abordée. Il ne s'agit pas d'un problème de nature des populations maghrébines, le Maroc élève très bien ses enfants qui ont d'ailleurs sûrement un bien meilleur niveau que les élèves français aujourd'hui par exemple. Il s'agit d'un problème d'immigration de population aux structures anthropologiques et à la culture diamétralement opposée aux nôtres. Tant que nous ignorerons cette question pour faire de faux diagnostics nous ne nous en sortirons pas. Mais revenons sur les questions économiques et sur l'impuissance de l'état, car la question des moyens est aussi au cœur du sujet.
Le modèle néolibéral sape structurellement les capacités de l'état
Dans les solutions régulièrement claironnées aux problèmes de société dont nous sommes victimes revient toujours la question des moyens. Et pour cause, l'action de l'état et des collectivités locales est toujours liée à cette question. Comme je l'ai dit, il est bien difficile de mettre les gens en prison si vous n'avez pas de place pour les mettre. Il est aussi difficile de remédier aux enfants turbulents s'il n'y a pas de classes et de professeurs spécialisées pour les remettre dans le droit chemin. Le laxisme judiciaire s'il a une composante idéologique a aussi une forte composante pratique. Les juges connaissent l'état des prisons en France, tout comme ils connaissent le manque de moyen pour faire simplement les jugements. Bref, dans une grande partie des problèmes de la France revient systématiquement la question des moyens, qu'ils soient financiers ou humains. Et cette réalité n'est pas le produit du hasard, mais celui de notre modèle économique mis en place pendant les années Giscard, et qui n'a fait que s'approfondir depuis.
Certains font la distinction entre le néolibéralisme et le libéralisme. Je pense que la distinction est surfaite. Je pense qu'il vaut mieux distinguer le libéralisme politique du libéralisme économique, deux pensées qui sont même souvent antagonistes. En effet, le libéralisme politique pense qu'un homme égale une voix quand le libéralisme économique pense qu'un euro égale une voix. On voit tout de suite avec cette représentation l'opposition qu'il peut advenir entre les deux pensées du libéralisme. Et si je critique fortement le libéralisme économique, je reste personnellement très attaché aux principes du libéralisme politique même s'il a lui aussi ses limites. La distinction entre le néolibéralisme et le libéralisme est beaucoup plus ténue. Je dirai que le fond est le même en réalité. Il s'agit fondamentalement de l'idée que l'action individuelle ne doit pas être entravée et que l'intérêt général découle naturellement des actions économiques égoïstes de chacun. C'est le fameux principe que la fable des abeilles de Mandeville qui est complètement fausse quand on connaît réellement le fonctionnement des insectes collectifs qui n'ont pas de libre arbitre.
La différence entre le libéralisme et le néolibéralisme est avant tout le cadre religieux et moral. Si Adam Smith a inventé cette idéologie, il ne faut pas oublier que ce libéralisme était pensé dans le cadre d'une logique morale chrétienne. Il y avait des choses que l'on ne faisait pas, et l'on était attaché à son pays, en l’occurrence à la Grande-Bretagne concernant Smith. Ce libéralisme était donc implicitement un libéralisme modéré par des principes moraux, religieux et patriotiques. Le néolibéralisme c'est en gros la même chose, mais sans ce cadre. D'où les dérives qu'il produit puisqu’effectivement il ne prend plus en compte ni la morale, ni la décence sociale, ni l'intérêt national. Le néolibéralisme était en fait en gestation dans le libéralisme économique depuis le début . Tant que les digues des tabous collectifs étaient là, cela pouvait fonctionner, mais sans ça c'est la catastrophe. C'est ce que nous vivons depuis 50 ans maintenant puisque le tournant néolibéral en France date de 1974 environ.
Ce néolibéralisme a fait sauter toutes les frontières en particulier économiques permettant aux plus riches d'échapper à la solidarité nationale par l’impôt et aux entreprises de maximiser leurs profits en délocalisant. Mais pour l'affaire qui nous concerne, c'est-à-dire l'impuissance publique, c'est la fin du circuit d'échange macroéconomique qui fut la vraie catastrophe. En effet en ouvrant les échanges extérieurs vous cassez le lien entre la consommation et la production. Vous créez des fuites dans le circuit économique. Autrefois quand l'état dépensait de l'argent, il émettait de la monnaie qui circulait dans le circuit économique. La question des dépenses comme si l'était un foyer n'avait pas de sens, car les dépenses étaient récupérées par la dynamique économique produite par la dépense étatique. L'état récupérait par les impôts ce qu'il dépensait dans la société, et si ce n'était pas par l'impôt c'était aussi par l'inflation. Rappelons au passage que l'inflation pendant les trente glorieuses était située entre 4 et 5 % par an plus que l'épisode d'inflation que nous venons de connaître. Mais grâce au circuit économique relativement fermé, les salaires suivaient l'inflation quand ils ne la dépassaient pas régulièrement. En fait, il est assez facile de montrer le fonctionnement du multiplicateur keynésien de cette manière comme je l'ai souvent fait, vous pouvez revoir ça dans ce texte par exemple.
De fait dans un contexte de chômage de masse l'augmentation de la masse monétaire n'est absolument pas un problème bien au contraire. Mais cela suppose que l'économie forme un circuit assez fermé et que vous produisiez ce que vous consommez. L'état pouvait donc payer des services même plus cher tant que cela restait dans le circuit économique national. L'argent revenait mécaniquement par l’impôt et l’augmentation du PIB produit par le multiplicateur keynésien . C'est ce système qui a produit la croissance après guerre en France et en occident. Bien sûr si vous augmentez la masse monétaire de façon excessive par rapport à la masse salariale et aux besoins, vous pouvez produire aussi une inflation excessive. Mais bien équilibré, ce système fonctionne et fonctionne encore très bien aujourd'hui. La Russie qui a une économie qui a été fermée de l'extérieur connaît maintenant une dynamique économique très forte grâce à ce mécanisme. Les dépenses militaires nourrissant la croissance économique nationale. Le protectionnisme a obligé les entreprises à faire des gains de productivité aussi à cause du manque de main-d’œuvre. L'économie monétaire de production de type keynésienne fonctionne toujours très bien contraire au système libéral.
Mais depuis les années 70, l'idéologie néolibérale a pris le dessus et nous avons cassé ce lien faisant de l'état un acteur économique comme un autre qui doit équilibrer ses comptes même si le pays s'effondre. L'impuissance publique actuelle est en grande partie le fruit pourri de cette idéologie de petit comptable. Une idéologie que les USA ne pratiquent pas d'ailleurs ce qui explique que ce pays globalement sort des crises beaucoup plus rapidement que l'UE et la zone euro. On voit même l'état chercher même pour les commandes publiques les acteurs les moins chers possibles, souvent étrangers, comme s'il était un consommateur lambda cherchant le prix le plus bas au supermarché du coin. Oubliant que moins l'argent circule dans le pays, plus le pays va mal, et plus les rentrées fiscales sont faibles. Cette logique de petits comptables que Keynes critiquait déjà pendant l'entre-deux-guerres est en grande partie responsable de notre impuissance. Que ce soit en matière de sécurité ou d'éducation. Or vous n'entendrez jamais Gabriel Attal ou nos énarques souligner cette question cruciale faisant semblant de résoudre les problèmes par la parole puisque les actes sont impossibles dans le petit monde étriqué du néolibéralisme. Mais ce n'est pas si grave pour eux, puisque les couches aisées peuvent échapper à ces problèmes grâce à leur argent, enfin pour l'instant.