Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
L'histoire semble encore une fois s'accélérer. Après la guerre en Ukraine et l'ignoble attaque du Hamas contre Israël qui a ensuite conduit à une attaque très meurtrière contre les populations palestiniennes, voici que le conflit s'étend maintenant à l'Iran, sans oublier le pauvre Liban qui n'avait vraiment pas besoin de ça. Nous avons l'impression d'un embrasement général un peu partout où des tensions anciennes existaient. Car ne nous y trompons pas, si ces conflits n'ont aucun lien direct, surtout le conflit ukrainien et le conflit au Moyen-Orient, ils ont tout de même un lien indirect, la structure impériale américaine. Nous y reviendrons par la suite. Il y a également un lien sur la situation interne des deux principaux protagonistes de ces conflits en l’occurrence l'Ukraine et Israël. Emmanuel Todd a très bien décrit l'Ukraine comme un état faillit, en voie de dislocation, mais qui a retrouvé une certaine unité grâce au conflit avec la Russie. La bonne vieille méthode du conflit pour créer un mouvement fédérateur est ancienne comme la civilisation, si je puis dire. Et l'on pourrait penser qu'en fait la guerre contre la Russie n'avait pas tant pour but de repousser les Russes, que de recréer un lien dans la population ukrainienne.
Si l'on part du principe que l'état ukrainien était très fragile, et que l'unité n'était qu'une façade, cette guerre prend un autre sens qu'une simple question de territoire. Ce pays a été largement manipulé depuis vingt ans par des puissances étrangères à commencer par les USA, mais aussi leurs satellites européens. L'on pourrait même dire que quelque part l'Ukraine est dès le départ une création assez artificielle collant des populations dans un ensemble qui n'avait pas vraiment de substance historique. Ce n'est pas une critique, juste un constat. Cette région d'Europe a malheureusement longtemps été le champ de bataille de nombreuses autres puissances. On ne va pas faire l'historique depuis la création de la Rus' de Kiev au 9e siècle, mais c'est un territoire qui n'a pas réussi à créer une entité politique forte et autonome suffisamment longtemps pour créer véritablement une nation solide. Elle avait aussi subi les violentes invasions des hordes, les Mongoles ayant particulièrement ravagé ces territoires lors des invasions au 13e siècle. Après cette période le territoire ukrainien passera tour à tour sous domination polonaise, autrichienne, ottomane et russe. Tout ceci laisse des marques et fragmente les identités territoriales. L'Ukraine actuelle fut donc surtout une construction arbitraire de l'état soviétique qui donnera des terres russophones à l'actuelle Ukraine (Crimée, Donbass).
C'est probablement cette fragilité qui a poussé en partie les élites d'Ukraine à construire un conflit avec Moscou. Ils espéraient ainsi unifier le pays à travers un processus d'externalisation de la violence. Et cela a fonctionné pour l'ouest du pays. Tout ceci a produit un désastre humain, mais on peut dire que l'identité ukrainienne en est ressortie renforcée du moins à l'ouest du pays. On pourrait penser d'ailleurs que les eurocrates à la Macron souhaitent faire la même chose à l'échelle de l'UE avec un conflit contre la Russie, mais c'est une autre histoire. Reste que si le conflit entre la Russie et l'Ukraine s'explique en partie par des traquenards anglo-saxons, des couardises européennes, il y avait quand même un intérêt local puissant. S'il n'avait pas existé, les puissances externes n'auraient pas pu atteindre leur objectif de conflit ukrainien avec la Russie. Par contre, ils n'avaient probablement pas prévu la tournure des événements comme c'est souvent le cas en la matière.
Au risque de me retrouver comme un paria, c'est un peu la même histoire avec Israël toute proportion gardée. Après tout, c'est quoi Israël ? Un état colonial artificiel quoiqu'on en dise. On pourrait même dire que c'est un état beaucoup plus artificiel que l'Ukraine dans bien des aspects. Après tout, la population d'Ukraine n'est pas le résultat d'une colonisation récente, ce sont les populations qui peuplent ces terres depuis des générations, elles n'ont juste pas eu la possibilité de créer un état stable sur une longue durée. Israël c'est non seulement un état récent, mais avec une population qui est en grande partie le produit d'une immigration extrêmement récente aussi. Les véritables habitants du coin, on a tendance à l'oublier, étant les Palestiniens qui sont très vraisemblablement les vrais descendants du fameux état israélien de l'antiquité. Il est toujours difficile de parler d'Israël sans être taxé d'extrémiste ou d'antisémite à tout bout de champ. Les colonialistes israéliens ayant quand même beaucoup de défenseurs sous nos latitudes. Une façon probable de se donner bonne conscience à peu de frais en jouant les défenseurs des « juifs » contre les méchants antisémites. Mais cette méthode éculée commence quand même à s'user à force de défendre l'indéfendable.
D'une part, Israël n'est pas les « juifs , il faut le rappeler. C'est un pays avec des frontières et une histoire qui lui est propre, il doit être jugé comme tel. Et l'on ne peut pas à la fois condamner les musulmans extrémistes qui attaquent en France tous les juifs, sous le prétexte de défendre les Palestiniens, tout en disant que la critique d'Israël est antisémite par nature. L'amalgame doit être rejeté à la fois des deux côtés, sinon on tombe dans l’arbitraire et la dichotomie logique. Il est certain que nombre de critiques d’Israël sont antisémites, nul doute sur la question, mais tous ne le sont pas. Il y a bien matière à critiquer ce pays en particulier dans ses actions récentes, et ce de façon tout à fait rationnelle y compris pour sa propre survie à long terme. Et c'est là que je fais le lien avec l'Ukraine. En effet, Israël étant un pays assez artificiel peuplé de population venant des quatre coins de l'Europe, les fragmentations internes sont nombreuses. La plus forte ,et qui se faisait fortement sentir avant l'attentat du Hamas, étant celle qui concerne les laïcs et les orthodoxes.
En effet, les tensions se multiplient entre eux depuis longtemps. On voyait même avant le conflit des rabbins insultants littéralement les laïcs du pays. Cette fragmentation est aussi inscrite dans la légalité, les ultra-orthodoxes sont par exemple exemptés de service militaire, alors que ce dernier est long et difficile en Israël pour des raisons évidentes. D'ailleurs, le conflit actuel semble augmenter les tensions sur cette question avec des laïcs qui critiquent de plus en plus ces exemptions. Ajoutons à cela la fragmentation démographique du pays. Israël est un des rares pays développés à avoir un fort taux de natalité avec 2,9 enfants par femme (chiffres de 2022) . Le conflit avec le monde musulman conduit ce pays à une natalité de guerre si je puis dire qui rend probablement anormale son évolution démographique. Mais il y a une forte différence interne entre les laïques et les orthodoxes. En 2008 la natalité chez les laïcs était de 2,7 enfants par femme alors qu'elle a culminé entre 7 et 8 chez les orthodoxes. Une telle disparité a forcément des effets politiques importants à long terme, augmentant mécaniquement le poids démographique et donc politique des plus extrémistes. Il s'agit là peut-être d'une explication du passage d'un Israël relativement raisonnable sous Yitzhak Rabin à la situation actuelle où les extrémistes semblent sans entraves politiques. Mais à cette question démographique croissante, du poids des extrémistes s'ajoute aussi le besoin d'ennemies pour Israël. Comme dans le cas de l'Ukraine, le caractère artificiel de l'état, fruit d'un fantasme millénariste, et de la Seconde Guerre mondiale, l'ennemie commune est un moyen de rassembler des populations fortement disparates. On peut se poser la question de savoir si la plus grande peur d'Israël n'est finalement pas la paix avec ses voisins .
Le déclin impérial américain
Nous avons donc vu que les conflits actuels ont pour acteur des pays qui sont en fait relativement instables sur le plan intérieur et dont les conflits sont une forme de sauvegarde contre la décomposition interne. Mais il y a bien évidemment un autre facteur à tout ceci, c'est la situation impériale américaine. Il n'a échappé à personne que les USA ne sont guère enthousiastes pour ces conflits. L'Ukraine est de plus en plus vue comme un boulet coûteux, d'autant que le principal objectif américain a été atteint, celui de la coupure économique entre l'Allemagne et la Russie. Je reste persuadé que la destruction de la Russie ou son affaiblissement n'était qu'un objectif assez secondaire. C'était plus un fantasme qu'autre chose. Mais le conflit au Moyen-Orient n'arrange pas non plus Washington. Les tensions sur le système militaro-industriel américain sont de plus en plus grandes et ce pays n'arrive pas à suivre la cadence des conflits produits par ses subalternes. D'autant que les USA n'ont au fond qu'un seul adversaire qui lui n'est dans aucun conflit, la Chine.
Au contraire des USA, la Chine n'arrête pas de gagner en poids sans rien faire, par le simple jeu de son poids économique et de son image de pays raisonnable dans un monde qui paraît de plus en plus diriger par une bande de cinglés d'occident. L'affaire n'est pas nouvelle en réalité. Lorsque les puissances dominantes s'affaiblissent, les adversaires en profitent toujours et c'est assez naturel en fait. Ce que vient de faire l'Iran en répliquant à l'attaque à Israël sur son consulat est une première. Mais c'est une première qui a été rendue possible par le déclin accéléré de la puissance américaine. Un déclin qui n'est plus une vue de l'esprit, mais qui s'observe partout sauf dans les données économiques « officielles » de l'Oncle Sam. On peut d'ailleurs se demander si quelque part l'action d'Israël n'est pas aussi le résultat d'une espèce de prise de conscience de l'affaiblissement rapide de leur allié historique. Certes, l'armée israélienne est forte, et ce pays a l'arme nucléaire. Mais quel avenir peut-il avoir pour Israël si les USA ne les soutiennent plus alors qu'ils n'auront pas réussi à avoir des relations raisonnables avec leurs principaux voisins ? On peut voir aussi l'action d'Israël comme celui d'un désespérer de sa situation géopolitique. Une action qui malheureusement ne risque pas d'améliorer leur situation sur ce plan dans les décennies qui viennent.
En Europe, la situation est aussi liée au déclin américain. Leurs satellites européens sont en roue libre, et plus guerriers que leur suzerain, alors qu'ils n'en ont absolument pas les moyens. En un sens, c'est tout le problème d'avoir des vassaux et non des alliés. Les vassaux ont des dirigeants infantiles par nature, car ils n'ont pas vraiment de prise sur la réalité, ils font semblant, et attendent des récompenses de leur maître. On pense ici aux discours ridicules de notre pauvre président jouant des mécaniques avec la Russie alors que l'armée française est plus un échantillon d'armée moderne qu'autre chose. Il a cru se faire aimer des Américains alors qu'en réalité il commence à agacer à Washington. Mais là encore, cette incapacité des USA à tenir ses vassaux est encore une preuve du déclin de l'empire américain qui n'arrive même plus à tenir les lieutenants qui a lui même fabriquée. Un peu comme l'Empire romain qui n'arrivait plus à tenir ses fédérés, Rome tomba sous les coups d'Odoacre qui avait pourtant été formé par Rome, il était général de l'armée romaine. Les fins d'Empire sont toujours traversées de renversement d'alliance et de conflits violents. Il y avait peu de chance pour que celle de l'Empire américain se passe tranquillement.