Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
L'actualité est décidément très riche en rebondissements, il devient même difficile de la suivre, tant elle part dans toutes les directions. Les fins d'empire sonnent toujours l’accumulation d’événements parfois contradictoire, mais avec la communication moderne il devient parfois difficile de hiérarchiser correctement l'empilement des informations. De sorte que loin de mettre en avant les faits et les informations les plus importantes, nous avons tendance à pratiquer la bonne vieille méthode numérique informatique du FIFO (First In, First Out). Classant ainsi les informations par ordre d'arrivée pour éviter de perdre le fil de l'info face à l'accumulation. Quoiqu'il en soit depuis l'arrivée de Trump et de sa tentative de rupture avec la direction impérialiste et suicidaire des USA, nous ne pouvons que constater une accélération de l'histoire. Les satellites européens dirigés par un personnel politique médiocre qui a été surtout sélectionné pour sa complaisance à l'égard des USA semblent aujourd’hui complètement perdus avec le changement de direction à Washington.
Il est assez drôle de voir les bons petits télégraphistes des USA devenir d'un seul coup souverainiste européen parce que leur patron a fortement changé de direction. À l'image d'un Raphaël Glucksmann ou d'un Nicolas Tenzer multipliant les interventions russophobes et maintenant pratiquement antiaméricaines. Et ne parlons même pas de notre ministre des affaires étrangères qui doit également méditer sur ses amitiés syriennes maintenant avec les nombreux massacres récents que touche ce pauvre pays. Et ce serait effectivement très drôle si ce n'était pas aussi tragique pour notre nation. Ces canards sans têtes tombent donc de plus en plus dans des réactions plus ou moins irrationnelles et plus ou moins dangereuses. Mais la plus forte et la plus déterminante de ces réactions, est probablement celle de l'Allemagne, qui est après tout le véritable pouvoir sur le continent. Les élites françaises étant soumises tout autant aux intérêts allemands qu'à ceux des USA. La seule chose qui semble intéresser nos élites étant de ne jamais agir dans les intérêts de la France.
En effet, nous avions récemment parlé des élections en Allemagne. Le nouveau chancelier allemand semble plus va-t’en guerre que son prédécesseur, ce qui n'est pas vraiment une bonne nouvelle, même si certaines infos semblaient contredire cette vision. Mais il a annoncé une véritable rupture avec le consensus qui arbitrait jusque là les politiques économiques de ce pays. En effet, il a annoncé une véritable politique de dépense militaire de grande envergure pour faire face à la « menace » russe. C'est à mon avis la véritable grosse information de ces derniers mois en Europe, car il s'agit là d'une très forte rupture avec les politiques menées depuis 30 ans en Allemagne. En particulier depuis la mise en place de l'euro. Rappelons que la stratégie allemande depuis la mise en place de l'euro fut avant tout des politiques mercantilistes qui visaient à tirer la croissance par l'excédent commercial. À partir de 2003-2005 le gouvernement de Schröder se lancera même dans une politique de casse salariale pour améliorer la compétitivité allemande face à la France et à l'Italie qui ne pouvait plus dévaluer. Cette politique fut couronnée de succès avec d'immenses excédents commerciaux au prix d'une paupérisation massive de la population et de l'effondrement industriel français et italien.
Après la crise des subprimes en 2008, l'Allemagne refusa complètement les plans de relance économique que les différents pays européens lui proposaient. L'UE étant une structure hiérarchique avec l'Allemagne tout en haut, le continent s'enterra dans une reprise molle et des dépressions. Le cas le plus emblématique fut celui de la Grèce, mais le reste du continent fut touché aussi. Le Portugal et l'Espagne s'enfermèrent également dans des politiques d'austérité comme l'Allemagne sans parler de l'Italie dont le niveau de vie pour la première fois depuis des décennies décrocha de celui de la France. La France fut en fait le seul pays de l'UE à ne pas pratiquer totalement les cures d'austérité et c'est probablement cela en partie qui empêcha le continent d'entrée en dépression continue depuis 2010. Que tous les démagos de la politique de l'offre comprennent bien que c'est la gabegie française qui a sauvé jusqu'à présent la croissance du continent et particulièrement celle de l'Allemagne. En toute logique c'est elle qui aurait dû maintenir la demande étant donné son poids et ses excédents commerciaux, mais elles s'y étaient complètement refusées jusqu'à présent. C'est d'ailleurs ce que l'économiste grec Yanis Varoufakis fait remarquer régulièrement avec amertume lui qui a vu son pays se faire détruire pour les dogmes économiques germaniques faisandés.
Un keynésianisme militaire très discutable
On le voit donc, ce plan de relance de 500 milliards d'euros semble très important pour l'Allemagne. C'est une rupture avec ses dogmes d'équilibres économiques faits sur le dos des voisins qui jusqu'à présent leur a servi d'orientation macroéconomique. En tant que keynésien, je devrais donc me réjouir de cette rupture. Mais vous vous en doutez, ce n'est pas entièrement le cas. Tout d'abord si 500 milliards semblent très importants, il faut quand même prendre conscience que cela ne représente que 3% du PIB de l'UE. Il semble que ce plan soit globalement assez sous-dimensionné pour véritablement relancer la machine économique européenne. Rappelons que l'Allemagne est en récession pour la seconde année consécutive. D'autre part, ce n'est pas en tant que tel un plan de relance, tout du moins il n'est pas présenté ainsi. En effet officiellement il s'agit de reconstruire une industrie militaire en Europe pour contrer la menace russe, c'est en tout cas comme cela que les élites allemandes présentent la chose. En France il est certain que Macron est convaincu de la « menace » russe et que ce plan est un plan pour réellement relancer l'industrie militaire du continent.
On pourrait cependant commencer à douter de cette affirmation pour deux raisons. Tout d'abord comme je l'ai déjà dit, la menace russe est un fantasme. Que les médias y croient ou essaient de faire croire à cela est une chose, que des dirigeants y croient réellement en est une autre. Quand on voit que le patronat allemand commence déjà à préparer le retour du gaz russe, on peut douter qu'ils croient réellement à un conflit avec la Russie. L'autre doute que l'on peut avoir vient du « Nein » que les autorités allemandes ont fait à la France pour acheter du matériel militaire français et européen. Cela peut soulever deux hypothèses. Soit les Allemands ne veulent pas rompre avec les USA même sous Trump et il se peut qu'ils envisagent même d'acheter du matériel militaire américain pour réduire le protectionnisme de ces derniers. Ou alors l'Allemagne ne croit pas du tout à un conflit militaire en Europe de grande envergure et utilise simplement le prétexte de la guerre pour relancer son économie. Dans les deux cas, l'investissement ne concernera que très partiellement l'industrie militaire européenne et la France se retrouvera comme le dindon de la farce, mais nous y sommes habitués avec nos « élites ».
À mon humble avis la bonne hypothèse est celle d'une relance déguisée en dépenses militaires exceptionnelles. La mentalité allemande interdisant des interventions économiques en temps normal même pour sauver l'économie, les élites allemandes n'ont plus que le prétexte d'un conflit militaire pour faire avancer leur agenda. Nous devrions donc voir petit à petit ce fameux plan de relance se transformer en plan d'investissement dans tout un tas de choses sauf l'armement réel. Le fait que l'Allemagne ne veuille pas vraiment développer une production militaire indépendante montre tout le paradoxe de ces propositions. Dans ce cadre, et étant donné la situation macroéconomique française, en particulier notre déficit commercial, il est urgent que la France ne fasse strictement rien, et surtout pas accompagner l'Allemagne dans son plan de relance. Bêtes comme elles le sont, nos élites seraient capables de véritablement augmenter les dépenses militaires totalement inutiles, alors que le pays a besoin surtout d'investissements productifs. En ne faisant rien, il se pourrait que la France bénéficie d'une plus forte croissance chez ses voisins tout en réduisant légèrement nos déficits commerciaux.