Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
S'il est une idée tenace et complètement fausse, c'est bien celle de l'Europe puissance. Depuis l'annonce des politiques de Trump ou le conflit avec la Russie, on voit bien les élites européennes et particulièrement françaises multiplier les discours pro-européens qui deviennent de plus en plus fédéralistes. On voit même quelques idiots pour dire que sans l'UE et l'euro la France serait aujourd'hui dans une grave situation avec la politique de Trump. Alors qu'en réalité la situation serait beaucoup moins problématique et il est d'ailleurs probable que sans l'euro jamais l'Allemagne n'aurait accumulé autant d'excédents commerciaux contre les USA. Il n'y aurait peut-être même pas eu de Trump du coup. En tout cas ses politiques n'auraient clairement pas visé la France ou l'Europe.
Sur la question du conflit avec la Russie, même chose, l'UE n'a pas renforcé la France, ni même l'Europe. On constate en pratique que le continent est devenu le jouet des puissances qui lui sont extérieures en réalité. Pour plusieurs raisons, la première est l'affaiblissement continu du continent depuis 50 ans qu'on peut attribuer à diverses raisons économiques, démographiques et géopolitiques. Le fait est que la construction européenne n'a pas enrayé ce déclin bien au contraire d'ailleurs puisque plus d'Europe s'est traduit en pratique par l'Europe pèse moins. Comme je suis rationaliste et que je ne crois guère aux coïncidences, il y a donc très logiquement un lien entre le déclin franco-européen et la construction européenne elle-même. La seconde est liée à la nature même de la construction européenne qui paralyse de facto toute politique collective. C'est une structure qui n'a pas de sens, car elle n'a pas d'intérêt collectif qui lui soit propre. On ne le répétera jamais assez, l'UE n'est pas une nation. Il n'y a pas de peuple européen et il n'y a pas de culture européenne. Il y a des peuples européens avec des cultures européennes.
En imbriquant les peuples européens dans ce qu'il faut bien appelé un empire artificiel et bureaucratique, on a en réalité retrouvé les mêmes problèmes que ceux des grands Empires du 19e siècle. Une paralysie structurelle et une incapacité à s'adapter à un monde changeant à cause des contradictions internes. Comme je l'ai déjà expliqué, ce n'est pas un hasard si les immenses empires qui constituaient la majeure partie des puissances du monde autrefois se sont effondrés. La structure nationale est infiniment plus efficace et adaptative en réalité, quelle que soit sa taille. La construction européenne se retrouve exactement dans la même situation que le vieil empire austro-hongrois ou l'Empire ottoman. Il y a des peuples aux intérêts divergents qu'une politique unique ne peut que pousser aux confrontations internes. Soit la superstructure impériale ne fait rien pour éviter les conflits internes et elles déclinent de plus en plus vite ne pouvant s'adapter à un monde et à des rapports de force qui changent. Soit elle agit dans un sens, généralement dans celui du peuple dominant de l'empire, les Autrichiens dans le cas austro-hongrois ou Turcs dans celui de l'Empire ottoman et tout le reste des peuples dominés souffrent.
Depuis la mise en place de l'euro, on voit bien que la construction européenne est devenue une excroissance des intérêts allemands. Elle agit ainsi systématiquement pour les intérêts germaniques, multipliant les humiliations et le déclin des autres membres en particulier de la France. Ce phénomène ne peut que produire des dissensions croissantes au sein de la construction européenne et à des conflits. Et s'il n'y a pas de conflit faute d'élites françaises prêtes à défendre les intérêts de leur pays comme cela semble être le cas, le pays victime pourrait simplement s'effondrer. L'effondrement de la France en tant que nation pourrait avoir des répercussions en réalité bien plus graves pour l'Allemagne qu'une simple rupture économique ou politique. Il n'est jamais bon d'avoir un état failli et instable à ses portes que ce soit pour des questions purement économiques ou pour des questions de sécurité.
Le désastre de la stratégie mercantiliste allemande
Si l'on se place du simple point de vue de la croissance économique l'euro et l'UE sont des échecs patents qu'il est bien difficile de défendre même avec la pire mauvaise foi possible. Un coup d'œil au simple taux de croissance économique le montre. Alors que les USA et les pays européens évoluaient globalement de la même manière avec même un avantage pour les Européens qui avaient des économies qui connaissaient moins de krachs économiques que les USA. Depuis l'euro, quand les européens connaissent une crise, elle est désormais plus forte qu'aux USA et la reprise beaucoup plus lente voir inexistante même. Il s'agit là d'une rupture totale avec les séquences économiques qui précédèrent la création de la monnaie unique. Et à part l'euro on ne voit pas très bien ce qui pourrait expliquer cette évolution. Autre évolution notable, depuis l'euro, le continent a synchronisé son économie sur celle des USA.
En effet, autrefois, si les crises US traversaient bien l'Atlantique, cela se faisait de manière différée et atténuée. Mais depuis l'euro les crises US s'exportent instantanément vers l'UE où elles se traduisent comme je l'ai dit par de plus fortes perturbations qu'aux USA ce qui n'était pas le cas avant. On peut donc clairement présenter l'euro comme une machine à soumettre les Européens aux intérêts américains. Loin d'avoir participé à une plus grande indépendance du continent, celui-ci se retrouve soumis aux USA comme jamais il ne l'avait été depuis la guerre de 39-45. Ce simple graphique tord le cou à l'idée d'une construction européenne qui rendrait le continent plus fort, c'est juste l'inverse qui s'est produit. Alors, comment expliquer cette situation ? C'est assez simple en fait. C'est le résultat de la stratégie allemande dont on a souvent parlé sur ce blog et qui consistait à faire du mercantilisme et à attendre de l'extérieur une relance économique.
Avec l'euro l'Allemagne a pris mécaniquement le contrôle du continent et a de fait imposé sa stratégie aux autres nations. Précisons tout de même que le mercantilisme était déjà très présent avant l'euro. Depuis la fin des années 70 et le renoncement aux politiques de régulation économiques, le continent tout entier s'est livré à la course aux exportations comme seul moyen de maintenir la croissance. Mais les politiques monétaristes dont le franc fort en France puis l'euro vont faire passer cette évolution à un autre niveau de nuisance. De fait, ces politiques par nature vous soumettent à l'évolution du marché économique vers lequel vous exportez. Les USA nous dominent par la consommation, mais cette domination c'est nos élites elles-mêmes qui l'ont voulu. Vous comprenez dès lors pourquoi il est absolument risible de présenter la construction européenne comme un moyen d'être indépendant ou souverain. Et Trump le sait très bien. D'ailleurs, la première réaction des élites européennes au protectionnisme US fut de taxer des importations insignifiantes alors qu'une véritable réponse aurait été une relance de la demande intérieure et le remplacement des GAFAM US par des équivalents européens. Là cela ferait mal à la domination US. Mais nos élites ne le veulent pas, toutes soumises qu'elles sont aux intérêts américains.
La souveraineté ne peut être obtenue que par une plus grande autonomie non seulement sur la production, mais aussi sur la consommation. Un pays qui est dépend d'un autre pour ses exportations n'est pas plus autonome, qu'un pays qui dépend d'un autre pour sa consommation. À aucun moment la construction européenne n'a visé l'autonomie des pays européens bien au contraire elle a été la porte d'entrée du néolibéralisme et de la globalisation sur le continent. Sur sa fin l'UE est même devenue le seul bouclier du commerce extérieur allemand et rien d'autre. À dire vrai les discours européistes aujourd'hui sont tellement déconnectés des faits que c'en est surprenant. Entendre des discours sur l'UE protège la France alors que la moitié de notre déficit commercial se fait avec l'UE et en particulier avec l'Allemagne me laisse dubitatif. Et cette déconnexion des élites s'aggrave puisqu'on voit même poindre des discours prochinois en réponse au protectionnisme américain alors même que la Chine démolit l'industrie européenne et croule sous les excédents commerciaux. L'idéologie a vraiment pris le pas sur la raison.