Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
«Il n'y a pas de culture française. Il y a une culture en France. Elle est diverse».
Je tenais à mettre en parallèle ces propos tenus par le même individu à quelques années près pour montrer tout le côté faussaire et incohérents du macronisme. C'est qu'Emmanuel Macron est avant tout un communicant. Il ne s'intéresse pas réellement aux sujets qu'ils traitent, mais à ce que ces derniers peuvent lui apporter en termes de communication et d'intérêt personnel. Si vous n'admettez pas cela, vous ne pouvez pas comprendre l'incroyable accumulation d'incohérences et de politiques contradictoires tout le long de sa trop longue carrière à la tête de notre pauvre nation. Emmanuel, qui tient tant à faire oublier sa pathétique réforme des retraites incluse dans le plan de relance européen dont la France a été le dindon, cherche donc des événements médiatiques pour détourner l'opinion. Soyons clairs, il n'est pas le premier à faire ça, c'est même une tradition depuis que nos dirigeants ont décidé par eux même qu'ils ne décideraient plus de rien à partir des années 70. La lente construction européenne n'ayant été qu'un lent abandon de leur fonction de direction qui sera ensuite donné à un aréopage de fonctionnaires pour la plupart étrangers, et n'ayant guère à cœur la défense des intérêts français. Vous le voyez donc, Macro n'est que la dernière phase d'un numéro de cachottier qui dure depuis deux générations tout de même.
Il a essayé de relancer sa dynamique en parlant de réindustrialisation, malheureusement la ficelle est un peu grosse. Et même le perroquet journaliste le plus dépourvu d'amour propre et de sens professionnel peut bien voir qu'il y a une contradiction avec les chiffres officiels des faillites d'entreprises, de ceux du commerce extérieur et la prétendue réindustrialisation. Heureusement pour Macron, le grand déglinguement socio-économique du pays fournit régulièrement des faits divers, plus ou moins atroces, permettant d'alimenter la machine médiatique, suivant la mécanique dont je vous ai déjà parlé, celle du mimétisme et de l'information omnibus. Ces moments de grande tristesse souvent simulée chez les dominants forment le dernier moment de communion civile dans une société qui peine à donner du lien collectif. Dans ces moments-là, tout le monde est d'accord, c'est atroce, horrible, monstrueux, etc. Malheureusement dès les solutions avancées pour faire semblant de résoudre le problème à l'origine de l'atrocité, les dissensions commencent à réapparaître. C'est donc à l'occasion de meurtres absurdes, ceux de trois policiers en exercice dans un accident de la route , et d'une infirmière tuée, elle par un déséquilibré que Macron a senti l'humeur collective à point pour débiter sa phrase sur la décivilisation qui menacerait la France.
Et pour une fois, effectivement, le terme est bien trouvé, car il y a bien une décivilisation, non de la France elle-même, mais bien de tout l'occident. Cependant le sens que donne Macron à ce terme n'est pas celui auquel je pense, car s'il y a bien un agent de la décivilisation en occident qui ronge nos sociétés de l'intérieur ce n'est pas la barbarie. La barbarie n'est que la résultante en réalité d'un mal plus profond qui avait déjà été analysé par d'autres que celle de l'anomie. L'économiste Jacques Généreux dans son livre éponyme de 2006 parlait de la dissociée, plus ancien, Pierre Thuillier dans son livre "la Grande implosion" prophétisait la mort d'un occident aveuglé sur sa propre réalité. Les réflexions de Thuillier prennent un sens particulièrement aigu aujourd'hui quand on voit l'aveuglement dont nos élites ont été capables avec la Russie ou la Chine. Tout se passe comme si l'occident, qui, depuis la révolution industrielle, donne le la à l'humanité, n'arrivait plus à relativiser son propre poids malgré les évolutions flagrantes du monde. D'autres auteurs ont évidemment parlé de notre déclin ou de l'effondrement de l'occident à commencer par Spengler.
Du libéralisme à la grande dislocation
Le propos de notre président cependant concernait spécifiquement des actes odieux liés à des interdits sociétaux. Mais il faut cependant rappeler ici que les statistiques infirment globalement les allégations sur le fait que notre société aurait de plus en plus de meurtres. Les médias déforment énormément la réalité du pays que ce soit en économie ou dans les affaires sociales. Par contre aux USA c'est une réalité malheureusement, mais en France cette affirmation est beaucoup plus discutable. Monsieur Macron utilise donc des faits divers certes malheureux, mais circonstanciels, pour en tirer un raisonnement général sur la société comme n'importe quel chroniqueur médiocre dont pullule le PAF télévisuel ou journalistique français. Donc si j'accepte l'idée d'une décivilisation de la France et de l'occident en général ce n'est certainement pas de la même décivilisation que celle de monsieur Macron. Ma vision personnelle est en fait beaucoup plus proche de celle de Jacques Généreux à savoir que nous vivons dans une structure qui est de moins en moins structurée du point de vue collectif. L'intérêt individuel ayant remplacé complètement l'aspect collectif. Si la décivilisation doit avoir un sens, c'est bien celui-ci.
Comme je l'ai expliqué dans mon texte sur l'opposition entre l'intérêt individuel et l'intérêt collectif, l'occident à la suite de l'effondrement du communisme est tombé dans la caricature. La disparition du modèle communiste a agi comme un détonateur libérant les forces dévastatrices de l'individualisme le plus délirant. S'il y a bien une décivilisation, c'est ce libéralisme économique délirant, qu'on l'appelle néolibéralisme ou autre chose, qui en est responsable avant tout. Une société n'est pas un amoncellement de choix individuels agglomérés, une telle structure n'a aucune chance de fonctionner. On ne voit pas par quel miracle magique la somme des intérêts individuels pourrait aller vers l'intérêt collectif. L'anomie qui est la résultante du libéralisme économique conduit la société vers nulle part, au mieux vers la stagnation au pire vers l'effondrement. Et la médiocrité actuelle de la direction de nos sociétés tient aussi de cette évolution culturelle. Car les individus au pouvoir se conduisent bien comme l'homo œconomicus des économistes libéraux. Ils optimisent leurs actions dans leur intérêt individuel n'ayant guère de pensée pour les conséquences collectives. Ils ne pensent pas l'intérêt national, mais bien à leur personne quand ils agissent au plus haut niveau de l'état et monsieur Macron est un parfait représentant de ce type de comportement. Et tous les anciens citoyens font de même, de sorte que l'altruisme, le sens du devoir, l'honnêteté, l'empathie, toutes ces vertus qui faisaient en réalité fonctionner les rapports humains s'estompent au point d'en devenir presque des entraves pour ceux qui les pratiquent encore. Elle est là la décivilisation, c'est la mort du citoyen remplacé par l'homo œconomicus, et le consommateur.
Le libéralisme est parti du principe que les individus se comportaient comme ils se comportaient de façon naturelle quel que soit la société dans laquelle ils vivaient. Dès le départ même ils jugeaient la société comme seulement une entrave à l'individu ne comprenant pas l'interaction très importante entre le comportement individuel et les règles et traditions de la société dans laquelle ils avaient grandi. On est face à une erreur anthropologique majeure qui a été de penser l'individu comme complètement indépendant de la société et de la culture dans laquelle il a été élevé. La réalité comme l'ont montré les anthropologues et Emmanuel Todd dans ses œuvres est que l'individu est le produit de sa culture familiale et de la société dans laquelle il baigne. Organiser toute la structure de la société en se basant sur l'idée que laisser les individus suivre toutes leurs lubies conduirait automatiquement au mieux-être social était forcément une impasse. Mais il a fallu du temps encore une fois entre l'application théorique du libéralisme et ses conséquences. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'homme occidental est enfin débarrassé de tous ses liens religieux politiques et même familiaux. Comme le disait le personnage de fiction Aragorn dans le Seigneur des Anneaux adapté par Peter Jackson, c'est donc l'heure des loups et des boucliers fracassés en occident.
Ainsi la décivilisation dont parle Macron n'est pas la bonne. Il nous parle d’agressions stupides et violentes de quelques individus. Mais la décivilisation c'est d'abord dans le comportement des dominants, et de ceux qui ont le pouvoir qu'on la voit. La décivilisation c'est par exemple d'imaginer déporter des SDF de la capitale pour que le gratin mondial puisse festoyer en toute quiétude dans la capitale française, appelée jadis ville lumière. La décivilisation c'est quand la police nationale est utilisée de façon violente volontairement contre les citoyens mécontents des politiques menées. La décivilisation c'est quand un individu se croyant tout puissant n'écoute personne et impose son point de vue par la force en détournant le sens des institutions. La décivilisation c'est faire passer des intérêts privés avant l'intérêt général. Faire passer des réformes pour engraisser les copains ou soi-même. La décivilisation c'est passer dans PIF gadget en étant président de la République et accepter la désacralisation de toutes les fonctions de la représentation publique et leur abaissement. La décivilisation c'est abandonner l'instruction des jeunes aux fantasmes de quelques idéologues et ne plus assurer la transmission des savoirs les plus basiques. La décivilisation c'est mentir effrontément en permanence, ne croire en rien et être capable du pire pour faire valoir sa petite personne. La décivilisation c'est faire passer ses intérêts avant tout le reste et dire qu'il s'agit là de la forme suprême de la rationalité économique et politique. La décivilisation c'est vendre son pays à la découpe, pour diverses raisons personnelles et prétendre défendre ses intérêts. Faire preuve de décivilisation c'est se comporter en libéral en fait.