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Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.

La gauche contre la nation

 

Je ne vais pas commenter longtemps les résultats électoraux, nous le ferons plutôt lorsque le second tour sera passé. Il est probable que le RN soit gagnante, mais sans majorité absolue. Ce qui est stupéfiant par contre c'est le retour de l'alliance gauche-centre pour faire barrage au grand méchant fascisme. Le grand cirque recommence avec d'un côté la gauche qui appelle de nouveau à voter pour les macronistes qu'ils ont pourtant passé leur temps à traiter de tous les noms d'oiseau. Et inversement les macronistes appellent à voter à gauche pour aussi faire barrage alors qu'ils les traitaient d'antisémites dangereux hier encore. Je crois qu'on a ici la plus belle preuve possible du caractère totalement théâtral de notre système politique. L'important en réalité est d'empêcher toute forme de changement de fond, même très minime. Loin d'être un front républicain, il s'agit ici d'un front bourgeois, la lutte entre ceux qui gagnent dans le globalisme et ceux qui en souffrent. Les seconds étant malheureusement très manipulés par les médias de masse.

 

Ce qui devrait crever les yeux de tout le monde avec ces réactions au premier tour, c'est effectivement tout le caractère faussaire des positions politiques. Et c'est particulièrement vrai dans le soi-disant Front de Gauche. Jean-Luc Mélenchon qui se présente régulièrement comme un homme très à gauche défendant les opprimés a tenu des propos que Margaret Thatcher aurait adoubé, littéralement. Je cite : « Être Français, ce n'est ni une religion, ni une langue, ni une couleur de peau. C'est un contrat politique inviolable. Il fait de nous un peuple inachevé dont la ligne d'horizon reculera sans cesse. » . On retrouve ici un peu la posture macroniste disant que la culture française n'existe pas. Il s'agit tout simplement d'une vision néolibérale de la société, celle-ci étant réduite à un aggloméra d'individualités liées uniquement par le marché et les contrats. À cela est adjoint ce propos délirant « un peuple inachevé dont la ligne d'horizon reculera sans cesse. », on découvre Melenchon quasiment impérialiste avec sa propre version de la destinée manifeste américaine. On est ici dans un problème de limite et de sens des réalités. Avec ces propos on peut véritablement dire que Mélenchon est un type dangereux, enfin s'il croit dans ce qu'il dit ce qui n'est pas certain.

 

LFI a mangé le Front de Gauche

 

Nous touchons donc ici au sujet que nous allons aborder rapidement celui du rapport entre la gauche et la nation. Parce qu'il m’apparaît important après cet étrange premier tour c'est bien qu'il semble que la rupture entre la gauche et la France soit désormais totale. Les quelques figures qui pouvaient encore se prétendre de gauche et avoir des discours raisonnables sur la question nationale semblent malheureusement être condamnées par ces élections. C'est le cas par exemple de François Ruffin qui est en ballottage défavorable alors qu'il est de loin à mes yeux le seul personnage susceptible de rabibocher un peu les couches populaires avec la gauche en ayant un discours moins anti-français et plus social que sociétal. Il a d'ailleurs très bien compris que Mélenchon était plus une nuisance à gauche qu'autre chose. On a appris également l'élimination du leader du PCF, montrant ainsi que la ligne probablement trop centre gauche, que ce parti pratique depuis des années n'a fait que l'affaiblir au point de pratiquement disparaître de l'échiquier politique.

 

La gauche française est donc aujourd'hui pratiquement un clone de la gauche américaine. Loin d'être des révolutionnaires sur le plan économique, on a plutôt un mouvement d'américanisation totale du discours qui singe complètement les idées grotesques importées de l'autre côté de l'Atlantique. François Ruffin ou Fabien Roussel apparaissant pour l'instant comme des résidus du passé, de vieux franchouillards de gauche perdus au milieu de crétins américanisés. La gauche Mélenchon à mes yeux c'est surtout ça des Democrates américains à passeport français. Même la lubie propalestinienne totalement délirante dans le cadre d'une élection nationale a montré cette triste réalité. Comprenez bien, même si je suis de droite à titre personnel, m'attachant plus à la défense de la France que de la république, même si je suis par ailleurs keynésien sur le plan économique, la disparition d'un patriotisme minimal à gauche est très inquiétant. Cette ligne a un peu perduré même sous la domination de la gauche libérale que ce soit avec Chevènement, avec la ligne Kuzmanovich pendant un moment à LFI ou avec le PCF qui a pendant longtemps défendu un certain patriotisme. Là on a l'impression que c'est la fin définitive de la gauche avec un cerveau si je puis me permettre. C'est-à-dire avec un certain sens des réalités, et ne passant pas son temps à inventer des inepties idéologiques dont le seul but est de faire jouir de petits idéologues bourgeois qui tourneront vite libéral une fois aux affaires. La victoire du gauchisme contre la gauche est l'une des très inquiétantes leçons de ce premier tour des élections législatives.

 

Pas de solidarité sans patriotisme

 

Mais au fond le problème vient d'assez loin. En tant que lecteurs assidus d'Emmanuel Todd, nous savons bien que la France a un problème qui est lié à ses structures familiales, surtout les familles nucléaires égalitaires. Ces dernières ont tendance à nier les différences, à avoir une faible appétence pour les structures hiérarchiques et à être plus individualistes. Le français de famille nucléaire égalitaire va être attaché à l'idée d'égalité et pourra paisiblement imaginer que le monde est peuplé d'individus identiques et que la nation n'est qu'un contrat comme le dit Mélenchon. Les élites françaises à cause de ce substrat anthropologique peuvent tout à fait imaginer que leur nation n'existe pas où qu'il faille la dissoudre dans un autre ensemble plus grand. Vous pourriez me faire remarquer ici que le RN a justement sa majorité grâce en grande partie au vote des régions de famille nucléaire égalitaire et c'est vrai. Ce qui suppose que l'adhésion au RN tient plus à l'attachement à la volonté d'assimilation qu'à un racisme contrairement au discours que tient la gauche à propos de ce vote. Si le racisme était le vrai motif du vote RN il serait plus fort dans les régions de famille souche. Ce que je dis n'a rien de nouveau, c'est aussi l'hypothèse d'Emmanuel Todd depuis longtemps.

 

Après l'immigration n'est pas le seul facteur de vote loin de là, je pense. Comme je l'ai déjà dit, on a affaire à un ras-le-bol général du système politique économique français qui coule le pays depuis les années 70-80. Le vote RN n'est probablement pas un vote si stable que ça et une véritable alternative proposant une rupture avec le système néolibéral pourrait très vite le remplacer, je pense. Le problème c'est qu'à droite le RN a écrasé tout le monde et à gauche il y a un rejet total de la nation qui condamne toute solution pratique aux problèmes français. En effet, la gauche actuelle s'est enfermée dans des postures infantiles comme je l'ai dit très inspiré de la gauche américaine. Le côté infantile ne concerne pas seulement les questions économiques qui sont absurdes dans le cadre de l'euro et de la construction européenne. Il concerne aussi le fond, en effet la gauche parle sans arrêt de solidarité, mais à aucun instant elle n'exprime le cadre qui permet à cette solidarité de s'exprimer. C'est là à mon avis le fond du problème et c'est assez bien résumé par l'excellent Jean Michel Salmon sur son blog. Sans affirmation du cadre national et de la solidarité nationale, le discours de solidarité de gauche n'a aucune substance.

 

Proclamer la solidarité sans un cadre national revient à faire du don sans réciprocité potentielle. La notion de solidarité implique en effet les fameuses contraintes de Marcel Mauss : le donner, recevoir, rendre. En dehors de ce cadre, la solidarité n'existe pas. Or qu'est-ce qui garantit que votre don n'est pas une simple exploitation de votre personne ? C'est justement le cadre national. Vous payez des impôts parce que vous pensez que cela sert l'investissement national et les services publics. Vous acceptez la solidarité parce que ceux qui en bénéficient vont pouvoir faire aussi prospérer le pays, et non vous faire la guerre à vous et à votre culture. Il s'agit là en réalité de la seule raison pour laquelle il est justifié de parler de solidarité, celle de la nation avec toutes les contraintes que cela suppose. La gauche actuelle, aussi surprenant que cela puisse paraître, ressemble de plus en plus à une caricature du christianisme. Nous devons donner sans jamais rien attendre en retour, faisant de la France et de son économie une espèce de mère Thérésa planétaire ouvrant sa porte à tous les damnés de la terre. Hélas la population française en général n'a pas cette vertu, à mon sens suicidaire, du don sans espoir de retour. Rappelons que même le bon Jean-Jacques Rousseau pensait qu'un peuple appliquant réellement le christianisme à la lettre ne pourrait survivre et se serait fait dévorer par les autres un peu moins vertueux. C'est exactement ce qui se passe avec ce gauchisme antipatriotique.

 

Sans cette composante patriotique, il n'y a donc aucune chance pour que la gauche monte à nouveau au pouvoir, car les couches populaires du pays ne sont pas totalement suicidaires. Même si cette dernière compte sur la montée démographique des gens d'origine immigrée, il n'est pas certain que cette stratégie soit réellement payante à la fin. Ne risque-t-elle pas après tout d'être dévorée à terme par des mouvements islamistes par exemple ? L'histoire montre qu'en général c'est eux qui finissent par manger le gauchisme. Et même si elle parvenait au pouvoir, les contradictions économiques seraient telles qu'elle serait immédiatement poussée à abandonner ses intentions. Se transformant en réalité en simple machine à faire progresser le néolibéralisme qui partage avec elle la détestation des nations et l'hyper individualisme , mais sans le volé sur la solidarité internationale. On en revient ici à ce que disait Jean-Claude Michéa sur l'impossibilité de dépasser le capitalisme libéral par la gauche. Nous ne pouvons qu'espérer un sursaut pour que de nouveaux groupes de gauche patriotique réapparaissent après les élections. On pourrait compter sur ça si le RN est complètement décrédibilisée, alors peut-être y aurait-il une carte à jouer pour ceux qui veulent de la solidarité, mais non un suicide national collectif.

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L
Mon communiste préféré au nom illustre, Maître Régis de Castelnau, a déniché ce texte remarquable, modèle rigoureux d'analyse marxiste, mais dont je ne partage pas non plus toutes les conclusions à ce titre :<br /> <br /> https://www.vududroit.com/2024/07/une-fois-les-illusions-balayees-il-y-aura-du-temps-pour-la-clarte/<br /> <br /> D'abord parce que le fait hautement historique (surtout pour la gauche) du patriotisme, sujet qui nous préoccupe en premier lieu, y est à peine effleuré sans doute au titre de vile superstructure, on n'est pas marxiste pour rien.<br /> <br /> Aussi parce que la renaissance de "la gauche" semble actée pour les auteurs, tel le retour obligé du Phoenix (rien que le titre de l'article a des accents mystiques typiques du "croyant" de gauche) alors que j'ai tenté d'expliquer pourquoi son universalisme quasi métaphysique la condamnait justement sans appel et sans espoir de retour.<br /> <br /> Leur analyse pointue de la sociologie du vote laquelle prend acte de la fuite accomplie de l'électorat ouvrier vers le RN ne prête pourtant pas le flanc à un tel espoir. Espèrent-ils que cet électorat revienne un jour à La Gauche par on ne sait quel miracle dialectique ?<br /> <br /> Ils semblent aussi mettre leur espoir dans une nouvelle génération de très jeunes gens votant encore à gauche, mais cet électorat composé majoritairement des progénitures des petites classes moyennes urbaines votant LFI est sans doute le dernier à être encore protégé du mur de la réalité par l'environnement familial et scolaire. Le déluge financier emportera ceux qui suivront vers d'autres rivages.<br /> <br /> Les auteurs ont tout de même l'honnêteté d'annoncer que rien n'est écrit concernant l'évolution du RN, puisque l'écrasante majorité populaire de son électorat le condamne à se démarquer d'une évolution à la Geogia Méloni dont le parti reste authentiquement bourgeois dans sa sociologie (une sorte de Reconquête qui aurait réussi).<br /> <br /> Si le RN échoue (?) il ira rejoindre La Gauche (et la gauche) dans les poubelles de l'histoire et une page blanche politique restera à écrire, pour le meilleur et pour le pire.<br /> <br /> Enfin si leur interprétation du fascisme est judicieuse, laquelle pose des formes arrièrées du fascisme (celles de l'entre-deux guerres) comme fondement des formes financières modernes masquées derrière un visage libéral-libertaire (une analyse qu'avait faite aussi Pasolini), elle me laisse dubitatif sur le plan de la tactique politique qui peut en découler, sachant qu'il ne sert plus à grand chose de se balancer à la figure l'anathème tant galvaudé de "fasciste".<br /> <br /> Mieux vaut à mon humble avis vomir le néo-libéralisme pour ce qu'il est et sous son appellation officielle, produit issu des entrailles de la Bête ou pas.
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Y
« Aussi parce que la renaissance de "la gauche" semble actée pour les auteurs, tel le retour obligé du Phoenix (rien que le titre de l'article a des accents mystiques typiques du "croyant" de gauche) alors que j'ai tenté d'expliquer pourquoi son universalisme quasi métaphysique la condamnait justement sans appel et sans espoir de retour. »<br /> <br /> Il ne faut pas oublier que finalement tout ceci n'est qu'une dénomination arbitraire. Droite ou gauche, on sait très bien que ces termes définissaient des choses complètement différentes suivant les époques. En ce sens la gauche peut renaître, mais certainement pas sur les cendres du machin postnationales qu'elle est devenue. S'il y a un jour un retour d'une gauche, elle sera forcément attachée à la solidarité nationale, mais dès lors elle ne sera pas de gauche selon les critères des idéologues d'aujourd'hui. <br /> <br /> « Le déluge financier emportera ceux qui suivront vers d'autres rivages. » <br /> <br /> À dire vrai ce sont là les limites de l'analyse rationnelle. Il y a un facteur fortement chaotique et totalement non linéaire dans les événements historiques de ce type. Prévoir ce qui se passera lorsque l'occident et la France seront rattrapés par leur réalité économique camouflée derrière des montagnes de dette et de surélévation monétaire revient à essayer de prédire l'apparition des prochaines espèces animales. Autant dire que c'est impossible malheureusement. Ce qui est certain c'est que les Français ne pourront plus longtemps ignorer les questions de production et d'économie réelle comme ils le font depuis Giscard. <br /> <br /> « Si le RN échoue (?) il ira rejoindre La Gauche (et la gauche) dans les poubelles de l'histoire et une page blanche politique restera à écrire, pour le meilleur et pour le pire. »<br /> <br /> Soyons honnête je ne suis pas devin, mais étant donné les orientations prises par ce parti depuis quelques années déjà la probabilité d'échec doit être proche des 99% . Comme je le dis, c'est une nécessité pour mettre les Français le nez dans leur contradiction. On ne peut pas vouloir l'UE et l'euro et en même temps ne pas vouloir d'une politique néolibérale avec toutes ses conséquences. Il faut grandir à un moment donné et faire des choix clairs. <br /> <br /> « Mieux vaut à mon humble avis vomir le néo-libéralisme pour ce qu'il est et sous son appellation officielle, produit issu des entrailles de la Bête ou pas. »<br /> <br /> Tout à fait. Cette idéologie est suffisamment exécrable en elle-même pour ne pas avoir à la collé à d'autres croquemitaines historiques. Sans parler de ses nombreuses incohérences logiques et son absence totale d'attachement aux faits et à l'observation.
N
J'ai aussi beaucoup apprécié ce texte mis en lumière par Régis de Castelnau.<br /> Il ne me semble pas que les auteurs s'attendent à une renaissance de "la gauche". Ils ne sont ni optimistes ni pessimistes. Ils s'attendent juste à une "clarification" dont les contours restent flous à cette heure. Plus marxistes qu'anthropologues, ils négligent surtout les deux facteurs identifiés et mis en avant par Todd : la stratification éducative (qui a conduit à ~ 30 % de diplômés du supérieur dans la population) et le vieillissement de la société (âge médian des électeurs qui ne cesse d'augmenter). Beaucoup de blocages proviennent de ces deux éléments majeurs.
D
Ca va être douloureux pour moi de voter RN. Vais je preferer un tas de beaufs haineux qui pretendent preserver mon pays, ou des gens bien intentionnés qui veulent le demanteler ?<br /> <br /> Les idées de LFI sont certes terribles pour la preservation de la France. Pourtant parmi tous les partis en lice dans les élections c'est ceux qui m'inspirent le plus de respect. <br /> En plus la calomnie immonde dont ils font l'objet force ma sympathie.<br /> Je pense qu'ils sont sincères dans leur humanisme et ils n'ont pas (encore) l'historique de trahison qu'a le PS.<br /> D'ailleurs ca me fait sourire que ces derniers, comme le PCF, ont moins de succès aux elections que LFI alors qu'on qualifiait ces derniers de boulet du NFP, et cette gauche "convenable" ne defendaient LFI que très mollement quand la calomnie grossiere se dechainait.<br /> Le RN c'est le contraire, leur actions partent d'un reflexe de survie national disons. Mais ils me sont très antipathiques ! <br /> Le probleme c'est qu'ils ne sont pas assez intellectuels, moins solides que les LFI sur ce plan. Leurs discours sont trop haineux, trop dirigés par l'emotion en general. Alors qu'il y'a des argument rationnels pour defendre la nation en general, c'est souvent chez des auteurs de gauche q'on entrouve d'ailleurs. Et oui la gauche utilise plus son cerveau au lieu de mobiliser de l'irrationnel comme de de la haine, ou même de la mystique, genre la France a un destin manifeste ou autre annerie.<br /> Le RN se rabaisse aussi à la calomnie sur leurs adversaires et ca j'ai du mal à l'accepter.<br /> Et puis à propos de calomnie, qu'est ce que ca veut dire, pour un parti pretendument nationaliste, d'avoir autant de mepris envers la lutte nationale palestinienne ?<br /> Est ce que pour le RN les nations ce n'est legitime que pour les blancs chretiens ?<br /> Le RN ne serait il pas plutôt imperialiste et colonialiste ? D'ou leur complaisance avec l'UE, l'empire des européens ?
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L
Pour rester dans Michéa (l'excellent et dernier intellectuel français historique avec Todd lequel pourtant le déteste, trouvant "petit-bourgeois" son concept de Common Decency emprunté à Orwell) nous assistons bien à la fin de "La gauche" française telle que l'avait justement identifiée Michea, c'est-à-dire L'OPA de la bourgeoisie intellectuelle sur les couches populaires qui s'était produite au moment de l'affaire Dreyfus.<br /> <br /> Avant "l'Affaire" en effet cette symbiose n'allait pas de soi et la "gauche" orléaniste puis républicaine (en passant par l'empire), mais toujours bourgeoise et libérale, née de l'opposition de principe au veto royal au début de la révolution française, avait au contraire très bien su poser des barrières étanches avec le peuple populacier, ne serait-ce que par la défense obstinée du suffrage censitaire, cela sans parler de son zèle à le faire exterminer par ses militaires (1831,32,34,39,48,51,71 pour les années les plus noires).<br /> <br /> L'élargissement de cette "gauche" originelle aux nouvelles classes moyennes, celles nées du puissant mouvement de modernisation de la France qui débuta sous la monarchie de juillet pour se poursuivre sous le second empire puis la troisième république, ne fit guère plus au bout du compte que repousser ces barrières sociales.<br /> Il suffit pour s'en convaincre de rappeler comment quasiment tous les écrivains français, majoritairement issus de ces mêmes classes, ont massacré de leur plume les communards de 1871, pour faire pendant au massacre réel commis par les versaillais.<br /> <br /> https://www.marianne.net/agora/entretiens-et-debats/flaubert-zola-sand-quand-les-ecrivains-firent-bloc-contre-la-commune-de-paris<br /> <br /> (je considère d'ailleurs que l'attitude typiquement versaillaise de "nos" intellectuels face aux gilets jaunes était un autre signe majeur qu'une page historique se tournait). <br /> <br /> Ce fut en fait l'un de ces grands écrivains bourgeois, Émile Zola, qui scella symboliquement au moment de l'affaire Dreyfus (et en tirant un voile pudique sur les conflits passés) ces nouvelles noces entre le peuple et la classe moyenne intellectuelle, mariage que l'on allait appeler désormais La Gauche. <br /> <br /> Pour prolonger la métaphore nuptiale, le voyage de noces se fit ensuite en croisière sur un fleuve de sang puisque cette alliance d'amour ne joua pas un moindre rôle dans le fait que la population française s'en alla la fleur au fusil vers l'holocauste de la première guerre mondiale. <br /> Par delà les barrières de classe, c'est bien le patriotisme sous couvert de la république qui souda tout le monde et permit de resserrer les rangs - on ne peut l'éluder et le bon Jaurès pourtant grand patriote en fit en premier les frais. <br /> <br /> https://m.youtube.com/watch?v=oOaV69tVaTY&pp=ygUMamF1csOocyBicmVs<br /> <br /> On peut donc bien tourner l'histoire dans tous les sens pour en chasser l'intrus mais le constat reste en l'état comme l'éléphant au milieu de la pièce. La Gauche, cette gauche là, ne pouvait exister que par le patriotisme républicain pour gommer un temps les évidentes divergences d'intérêt de classe de ses composantes. <br /> <br /> À plus long terme, La Gauche pouvait-elle ainsi survivre à la première guerre mondiale de par le rejet viscéral que ses horreurs suscitèrent autant dans ses propres rangs que dans la société française toute entière ? <br /> La réalité de La Gauche de l'entre-deux guerre est que le patriotisme n'y survécut réellement qu'à travers des questions économiques communes à toute l'Europe de l'après crise de 1929, notamment celle de la préférence à l'embauche (dont vous avez parlé récemment).<br /> <br /> Mais le véritable ciment idéologique de La Gauche durant cette période, comme de l'ensemble de la société française vieillissante, fut au contraire une sorte d'anti-patriotisme qu'était le pacifisme, symbolisé par le slogan fameux "guerre à la guerre, plutôt Hitler que la guerre", porté par à peu les mêmes milieux qui célèbrent l'immigrationnisme et l'européisme aujourd'hui, avec en tête les personnels de l'instruction publique et le tout puissant Syndicat National des Instituteurs d'alors.<br /> <br /> Il s'agit d'un fait gênant sur lequel certains historiens (de gauche, ce n'est pas un hasard) comme Annie Lacroix-Riz refusent absolument de se pencher mais il y eut une véritable collaboration de classe à ce niveau notamment sur la question du réarmement face à l'Allemagne nazie, quand cela ne concernait pas des actes de sabotage commis par des syndicalistes dans les usines concernées au vu et au su d'un patronat souvent lui-même acquis au pacifisme.<br /> <br /> C'est l'historien israélien Simon Epstein qui a le mieux levé ce lièvre dans un ouvrage fameux, "Un paradoxe français... " dont nous avions nous-mêmes parlé ici jadis, soulignant qu'au moment des accords (honteux) de Munich c'est bien le pacifisme qui fut le véritable marqueur du futur clivage français entre résistants et "collabos". <br /> Cela explique autant le fait qu'une grande partie de la gauche a collaboré (le pacifisme débouchant sur l'adhésion quasi mystique à la "nouvelle Europe" un virus mortel qui ne l'a plus quitté depuis) alors que d'autres se sont retrouvés derrière De Gaulle à Londres en compagnie d'éléments de l'extrême droite cagoularde. <br /> <br /> Le cas des communistes est particulier car si même il est prouvé que dès les lendemains de la débâcle des communistes ont commencé une résistance active face à l'occupant, leur patriotisme ne s'est réellement affirmé qu'à partir de l'invasion de l'URSS par Hitler, par adhésion martiale à une sorte de patriotisme exotique russe venu de la patrie du socialisme lorsque Staline décida de jouer cette carte pour galvaniser ses troupes. <br /> <br /> La phase de décolonisation qui a suivi avec notamment les guerres d'Indochine et d'Algérie allait d'ailleurs leur permettre de célébrer toujours ce patriotisme prolétarien venu du froid tout en prenant leur distance avec leur propre patriotisme national, lequel ne perdurera plus que dans le champ économique jusqu'à son chant du cygne entonné par son dernier tribun Georges Marchais. <br /> <br /> Simultanément, c'est toute La Gauche qui allait abandonner commodément le thème patriotique (les socialistes l'avait tactiquement réendossé au début de la guerre d'Algérie) par rejet revanchard de l'expérience gaulliste, ce qui allait leur permettre aussi de réécrire l'histoire récente tout en se rangeant ouvertement sous la bannière de l'atlantisme.<br /> <br /> Le dernier acte qui allait vider La Gauche républicaine de sa substance patriotique fut la guéguerre idéologique que se livrèrent à la fin des années soixante-dix les nostalgiques de la première Gauche dreyfusarde, encore imprégnée de socialisme originel, et ceux qui se réclamaient eux-mêmes de la "deuxième gauche", mondialiste, atlantiste (et donc europeïste) , consumériste, managériale et sociétale, dont le chantre le plus en vue malgré son jargon abscons était Michel Rocard. <br /> <br /> https://www.herodote.net/La_guerre_des_deux_gauches_-synthese-2131.php<br /> <br /> C'est bien ce dernier courant qui a fini par s'imposer sur toute la ligne durant les décennies qui suivirent, réalisant la prophétie de Jean Pierre Chevènement (il aurait dû aussi l'appliquer à lui-même) lorsqu'il déclarait que le destin de la deuxième gauche était de rejoindre la première droite, elle-même convertie définitivement à l'orléanisme libéral et cosmopolite. <br /> <br /> Acte ultime dont les élections en cours depuis dimanche dernier ne sont que l'épilogue. "La Gauche" est bel et bien morte et c'est son universalisme obsessionnel (dont vous rappelez avec Todd la genèse anthropologique) qui l'a tuée en la conduisant à vouloir importer le monde entier dans ses frontières faute d'avoir pu s'exporter elle-même et s'imposer au monde entier. <br /> <br /> La dillution de la nation dans le "projet" européïste porté par Macron  - qui a repris notre universalisme pour mieux nous détruire - n'est plus alors que la conséquence logique autant qu'implacable d'un long processus qui s'est déroulé sur presque un siècle et demi et dont je ne vois pas comment il pourrait revenir en arrière de par son impasse idéologique qui l'a conduit à renier les propres intérêts économiques du pays, eux-mêmes garants de la paix sociale et civile. <br /> <br /> La Gauche n'est plus que le réceptacle de catégories sociales parasitaires (dont ses artistes ratés et ses faux intellectuels népotistes ne sont pas les moindres caricatures) en regard de la division internationale du travail et plus jamais elle ne pourra être porteuse d'une nouvelle espérance populaire laquelle ne peut manifestement renaître qu'en échappant à ses griffes rabotées.<br /> <br /> Le piège de Macron, qui a conduit le champion de La Gauche Mélenchon à quémander l'adoubement du chef de l'état dès les premières minutes qui ont suivi les résultats de l'élection, apparaît tout simplement et symboliquement pour ce qu'il est ; le baiser de la mort. <br /> <br /> Les tentatives récentes de certains nouveaux leaders de la droite souverainiste (et qui refusent de s'assumer comme tels) de rechercher au moins la bienveillance de cette gauche là n'en apparaissent d'autant mieux pour ce qu'elles sont ; intrinsèquement absurdes et stériles. <br /> <br /> Il faudra bien que l'espérance nationale tourne définitivement la page de La Gauche et je sais combien cette conclusion ne peut porter à l'optimisme.
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L
Bonjour. <br /> La situation est en train de se clarifier. Les 3 voies du XXe Siècle, symbolisées par le débat Bardella, Bompard, Attal, sont des variantes de béquilles à un système capitaliste pourrissant. Le besoin d’une 4ème Voie, et la demande qui en résultera, ne fera qu’augmenter (Cf. Chronique des Barbaries du 28 juin 2024 : Dominer le chaos par le chaos. https://1p6r.org/1p6r/la-barbarie-qui-vient/chronique-des-barbaries-20240628/). <br /> Cordialement.<br /> Luc Laforets
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N
Ce "sursaut" que vous appelez de vos vœux est également formulé à la fin de ce papier impeccable à six mains dans le dernier numéro du Diplo.<br /> <br /> https://www.monde-diplomatique.fr/2024/07/BREVILLE/67142
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Y
Merci pour le lien.