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9 septembre 2024 1 09 /09 /septembre /2024 15:16

 

Le chancelier allemand semble sortir d'un seul coup d'un long sommeil qu'il avait entamé depuis la destruction du pipeline Nord Stream 2. Il a en effet pris une orientation clairement plus pacifique lors de sa dernière intervention soulignant le besoin d'arriver rapidement à un traité de paix entre la Russie et l'Ukraine. Peut-être les derniers résultats électoraux dont nous avons parlé récemment l'ont-ils un peu poussé à changer son fusil d'épaule. Ou alors peut-être est-ce les derniers chiffres catastrophiques de l'industrie allemande ? On apprend d'ailleurs que Volkswagen prépare des délocalisations massives hors de l'Allemagne. L'irresponsabilité de l'UE qui impose la voiture électrique alors que les producteurs européens ne sont pas près, couplés à la folie des sanctions contre la Russie et l'explosion de Nord Stream 2 a été cette fois fatale à l'industrie allemande. Tant que les idioties européennes ne touchaient que les pays secondaires comme la France, l'Italie ou l'Espagne le système pouvait semblant de continuer à fonctionner, mais la destruction du cœur industriel de l'UE sera mortelle.

 

C'est d'autant plus vrai que comme nous l'avions expliqué l'Allemagne est désormais en proie à une concurrence asiatique et particulièrement chinoise de plus en plus féroce. Même sur ses métiers les plus avancés comme les machines-outils, la Chine grimpe très vite. Il ne reste probablement que les robots industriels comme secteur dans lequel les anciennes puissances technologiques comme l'Allemagne et le Japon dominent encore. Et cela ne durera probablement pas très longtemps. La montée en gamme chinoise va mettre fin à l'existence de tous les autres gros exportateurs mercantilistes de par son énormité. L'idée que la spécialisation de plus petits pays dans des secteurs très spécifiques a un avenir est pour le moins discutable. Jusqu'à présent, l'Allemagne comme d'autres pays plus petits comme la Suisse ou la Suède ont fait ce pari en pensant que la Chine ne finirait pas par produire des produits de pointe, ces pays se sont trompés. La Chine dominera la quantité et la qualité, elle a les hommes et le niveau de formation pour le faire. Mais nous n'allons pas reparler de ça dans ce texte, car nous l'avons fait dans d'autres.

 

Le rapport à la question énergétique est en fait assez simple. Pendant longtemps, les pays occidentaux n'avaient pas besoin d'importer de l'énergie. Durant le premier âge industriel, c'était même l'Europe et les USA qui exportaient du charbon. La Grande-Bretagne a décollé en premier en partie parce qu'elle pouvait extraire de son sol du charbon en quantité. Avec l'arrivée du pétrole puis du gaz, le vieux continent est petit à petit devenu dépendant de l'extérieur pour son approvisionnement énergétique. Mais ce n'était pas un problème parce que l'Europe pouvait encore équilibrer ses importations par l'exportation de ses biens de production. Mais voilà la globalisation imposée par Washington à partir des années 70 et les vagues de délocalisations ont petit à petit affaibli les capacités de production de nos pays, USA en tête d'ailleurs. Et le reste du monde s'est développé en particulier l'extrême orient. Si les USA ou l'Europe pouvaient encaisser la concurrence japonaise puis coréenne, ces pays restant à une échelle assez restreinte, la Chine c'est autre chose. Et si aujourd'hui nous avons toujours besoin du reste du monde pour faire tourner nos économies, le reste du monde a de moins en moins besoin de nos productions puisque la Chine pourvoit à tous leurs besoins. Et la crise terminale que connaît l'industrie allemande n'est finalement que l'aboutissement d'une vision à court terme qui a fait croire aux Européens et plus généralement aux Occidentaux qu'ils seraient toujours en avance sur le reste du monde en particulier sur la Chine.

 

Même sur les machines industrielles la Chine passe devant
C'est mal barré pour la Start-up nation

 

C'est ce mécanisme fondamental qui aujourd’hui explique le changement de centre de l'économie mondiale qui est passé de l'Atlantique au pacifique en attendant de passer à l'océan indien peut-être un jour. Alors cette évolution était probablement inéluctable à long terme, en effet la démographie étant ce qu'elle est l'Asie serait de toute manière devenue le centre du monde un jour ou l'autre. Mais sans la globalisation l'Europe et les USA ne se seraient probablement pas autant vidés de leur capacité de production et nous aurions encore des moyens pour vendre aux pays producteurs d'énergie. Là la globalisation nous met dans une double dépendance énergétique, mais aussi manufacturière. Et la dégringolade allemande ne va faire que précipiter cette réalité.

 

La souveraineté énergétique ou la mort

 

La question de la souveraineté énergétique se pose donc encore plus aujourd'hui qu'elle ne pouvait le faire au lendemain du premier choc pétrolier. Car face à la montée en puissance de la Chine, puis du reste de l'Asie, n'oublions pas que des pays comme l'Inde, le Vietnam, ou l'Indonésie, arrivent, et ce sont de très gros pays qui vont vouloir leur part de gaz et de pétrole, nous n'avons pas beaucoup de solutions. La première solution, la plus improbable, c'est de continuer comme cela et d'investir massivement dans la recherche et l'industrie de pointe pour éviter d'être largué par la Chine et les autres. C'est le fameux fantasme de la société de la connaissance vendu par les vendeurs de nuages du globalisme dans les années 2000. Les mêmes qui vendaient les entreprises sans usines à la Serge Tchuruk. La dernière mouture de ce fantasme étant la star-tup nation de Macron qui finit en faillite. Je vous le dis tout de suite, c'est impossible. Ce fut la voie de l'Allemagne et d'autres pays qui l'ont beaucoup mieux pratiqué que la France, mais on voit qu'aujourd'hui ça fonctionne de moins en moins bien. Les USA qui font également ce pari ne semblent pas comprendre que les innovations techniques que leurs labos mettent au point finissent en réalité par participer à leur déficit commercial. Plus les USA « innovent » par l'entremise de leurs laborantins, essentiellement asiatiques d'ailleurs, plus leurs déficits sur les biens avancés augmentent.

 

En effet, quand Apple, Nvidia ou Intel mettent de nouveaux produits sur le marché, ces derniers ne sont pas produits aux USA, mais en Asie, creusant ainsi les déficits du pays. Et ne parlons pas du fait que même les emplois de points dans la recherche sont maintenant délocalisés. Cette stratégie est donc une impasse en réalité. Il en va de même en France et en Europe. Du reste, nos pays vieillissent et auront de plus en plus de mal à produire les chercheurs et les ingénieurs pour concurrencer les nouveaux venus. Pire, je pense qu'à terme, l'essentielle de la recherche mondiale se fera en Asie, c'est d'ailleurs déjà le cas en réalité. Non seulement nous devrons importer notre énergie, mais également les denrées et les sciences du nouveau centre du monde. Il faut bien avoir ça en tête avant d'avancer des solutions à nos problèmes de dépendance. L'Asie représente déjà la majeure partie des dépôts de brevet par exemple. La seule Corée du Sud dépose plus de brevets que l'ensemble de l'UE...

 

La seconde voie est celle du déclin inéluctable. Face au déclin de nos capacités de production, il ne restera plus qu'à jouer sur les salaires et le pouvoir d'achat. En réalité, c'est la voie la plus probable, car c'est celle qui résultera du laissez-faire actuel sur le plan commercial et économique. Pour vendre à l'étranger pour pouvoir encore importer l'énergie, il nous faudra baisser les salaires et faire en sorte que produire chez nous soit avantageux. Évidemment cela détruira une grande quantité d'emploi et entraînera la fin de la société de service dans laquelle nous vivons. Les chocs économiques que les élites européennes préparent notamment en France tournent très certainement autour de ce genre de stratégie. En gros, l'UE et les USA connaîtront le même sort que l'Europe de l'Est après l'effondrement de l'URSS, une forte baisse du niveau de vie, et très probablement une forte hausse de la mortalité générale. L'immigration de masse bassement qualifiée fait peut-être partie de cette stratégie de tiers-mondisation. La nouvelle main-d’œuvre abondante remplaçant les autochtones servant à terme à produire dans les futures usines chinoises délocalisant chez nous parce que les salaires y seront alors très faibles. Est-ce vraiment ça que l'on veut pour l'avenir de la France et de l'Europe ?

 

La dernière voie est peu probable également même si c'est la préférable, c'est celle de la réaction politique forte à visée souverainiste et protectionniste. Il s'agit de rendre nos économies beaucoup moins dépendantes des importations et de parier surtout sur le marché intérieur en arrêtant les lubies globalistes. Mais cette voie nécessite aussi une véritable stratégie énergétique d'autonomie. À l'image de ce que la génération de Pierre Messmer a fait avec le parc nucléaire français, nous devons à tout prix mettre fin à nos dépendances extérieures en matière énergétique, mais aussi technologique. Une telle stratégie ne sera bien évidemment pas viable avec l'UE actuelle qui est une machine à produire de la dérégulation économique ouverte aux quatre vents, encore moins avec l'euro. Mais cela ne veut pas dire qu'elle ne peut pas être pratiquée par une coopération entre pays non plus. Après tout la première Europe, celle de la CEE a assez bien fonctionné tant qu'elle visait à favoriser le développement du marché intérieur avec le protectionnisme sous la forme du tarif extérieur commun.

 

Sur la question énergétique, nous devons déployer toutes les possibilités que nous donnent nos territoires. On pense évidemment au nucléaire de quatrième génération, qui permettrait l'utilisation de tout l'uranium disponible et pas seulement de l'uranium 235 qui ne représente que 1% des réserves, mais aussi du thorium. Il faut donner un grand coup d'accélérateur à la recherche de ressource comme l'hydrogène blanc qui semble assez prometteur et en plus renouvelable si l'on en croit les travaux Philippe de Donato, le chercheur du CNRS à qui nous devons la découverte récente du plus grand gisement d'hydrogène naturel de la planète actuellement connu. Nous devons également relancer la question des barrages hydraulique puisque EDF affirme qu'on pourrait nettement augmenter notre production hydroélectrique avec les STEP en stockant de l'énergie. Ce genre de stockage pourrait rendre utiles les énergies intermittentes en stockant l'énergie sous forme hydraulique par pompage. La gravité restituant ensuite l'énergie pour les besoins plus importants à certaines périodes. Cela réduirait l'énorme inconvénient intermittent actuel des panneaux solaires et de l'éolien.

 

La production de gaz et le pétrole de schiste commencent déjà piquer du nez aux USA

 

On oubliera par contre l'hypothèse de l'utilisation du gaz et du pétrole de schiste. Il y en a en France et probablement beaucoup, mais les puits s'épuisent très vite. Les USA qui ont beaucoup employé ces sources d'énergie montrent déjà des signes de faiblesses. Si les USA ont réussi à redevenir indépendants sur le plan énergétique, qui n'a pas permis d'équilibrer leurs comptes extérieurs au passage, ils semblent avoir atteint un plafond qui commence à décliner. Comme nous l'apprend ce très bon texte de l'ENS de Lyon sur les hydrocarbures de schiste, on épuise très vite les puits. Leur durée de vie est d'à peine 6 ans. Est-ce que cela vaut le coup de ruiner nos sous-sols pour une ressource énergétique qui nous alimenterait peut-être pour seulement une génération dans le meilleur des cas? Quoiqu'il en soit plus que jamais, la question de la souveraineté énergétique se pose. Si l'Allemagne espère sans doute se rabibocher avec la Russie, je ne suis pas certain qu'elle y parvienne contrairement aux prédictions de Todd. Car si l'Allemagne a besoin de Moscou, l'inverse n'est plus vrai. Et l'Asie s'avère être probablement un bien meilleur client avec un plus grand avenir. Bref, soit l'Europe et la France redeviennent autonomes sur le plan énergétique et industriel, soit elles vont devenir vraiment très pauvre à terme.

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28 août 2023 1 28 /08 /août /2023 16:40
Quand de Gaulle rencontrait le directeur du CNRS (Pierre Jacquinot) pour une véritable politique scientifique.

 

Si j'ai souvent montré sur ce blog le caractère extrêmement nuisible de la construction européenne sur notre situation économique et celle du continent, sans parler de son influence néfaste sur la géopolitique continentale. Ce n'est malheureusement pas uniquement sur ces seuls plans que la construction européenne agit. En effet en concentrant de plus en plus le pouvoir sur la Commission européenne et les structures bureaucratiques de Bruxelles l'UE a petit à petit étouffé toute forme d'autonomie sur tout un tas de sujets . Étrangement si pendant des années les hommes politiques français se sont acharnés à pointer du doigt le centralisme français excessif et le jacobinisme latent de nos institutions. Ils ne sont par contre jamais inquiétés du super-jacobinisme qui était pourtant en train de se produire à l'échelle du continent avec l'UE. Non seulement l'UE nous a volé notre indépendance politique et économique, mais elle a aussi tout simplement démoli toute possibilité d'autonomie sur tous les sujets essentiels de la politique publique. Et alors que le toutes les grandes puissances du monde s’attellent à retourner dans l'espace, et à avoir des ambitions scientifiques et techniques importantes, comment ne pas voir ce qui crève pourtant les yeux, la quasi-disparition de l’Europe sur le plan scientifique.

 

Cette disparition s'est faite de manière progressive tout comme l'augmentation du poids de l'UE sur les politiques publiques et dans le domaine géopolitique. C'est pour cela en grande partie que les principaux acteurs ne s'en sont pas rendu compte jusqu'à l'arrivée actuelle. On pourrait même dire qu'il y a chez nos élites une grave erreur d'analyse sur l'origine de ce déclin. En effet, le déclin scientifique européen est souvent mis sur le dos de la division du continent et de son absence de coopération. En créant une synergie à l'échelle du continent, nous compenserions notre relative petitesse à l'échelle globale et donc nous retrouverions notre place sur la plan scientifique. Sauf que cette analyse ne tient pas cinq minutes à l'observation des faits. L'Europe divisée de 1960 était très dynamique sur le plan scientifique et en cours de rattrapage sur les USA. Du reste l'absence de superstructure à l'échelle européenne n'a pas empêché de grandes collaborations techniques et scientifiques dans tout un tas de domaines à commencer par l'aéronautique ou l'espace . Ariane espace n'a pas été le produit de l'UE, c'est une structure complètement indépendante de la construction européenne. Quant à la taille, si un gros pays peu bien évidement compter sur un plus gros budget et sur une plus grande quantité de personnel de qualité il ne faut pas oublier que de petits pays sont à l'heure actuel leader dans nombre de domaines scientifiques. La Corée du Sud à elle seule dépose plus de brevets chaque année que l'ensemble de l'Union européenne pourtant bien plus peuplée. On pourrait parler d’Israël qui est un tout petit pays de 6 millions d'habitants, mais qui grâce à ses investissements de recherche arrive à se placer bien mieux que la France en termes d'innovations scientifiques et techniques. Bref, la taille est loin d'être si importante.

 

Du reste, n'oublions pas que la collaboration internationale entraîne des lourdeurs à cause de la bureaucratie et des problèmes de langue. Le déclin relatif actuel d'Ariane tient aussi à ces lourdeurs et au fait que les différents membres qui autrefois travaillaient ensemble se font aujourd’hui concurrence. En particulier l'Allemagne qui s'est servi des collaborations européennes pour en quelque sorte voler une partie des savoir-faire français et faire son programme spatial dans son coin. À mon sens, les collaborations internationales doivent être limitées dans le temps et avoir un objectif clair ou cela se transforme littéralement en gabegie comme le pauvre projet Iter qui va probablement devenir obsolète avant même d'entrer en activité. L'UE sur cette question est donc par nature fortement nuisible parce que favorisant la complexité organisationnelle du fait de sa nature transnationale. À cela s'ajoutent les effets économiques de l'UE et de l'euro. En faisant décliner économiquement le continent, il est bien évident que les dépenses allouées à la recherche n'ont plus guère augmenté. Elles ont même diminué en part de la valeur ajoutée sur les vingt dernières années. Pour remplir les cahiers des charges néolibéraux de l'UE, les dépenses de recherche comme celle de l'éducation ont souvent été réduites.

Mais ne dédouanons pas non plus la responsabilité des dirigeants français en matière de politique scientifique. Le général de Gaulle fut en fait le seul dirigeant d'après guerre à vraiment prendre conscience de l'importance d'avoir un secteur scientifique et technique fort. Mais il avait aussi compris qu'il y avait une articulation d’importance entre l'industrie et la science. Croire qu'on peut maintenir un secteur scientifique de premier plan sans avoir d'industrie est tout simplement ridicule. La recherche scientifique et technique nécessite un biotope et le maintien d'un vivier de populations aux caractéristiques de formations scientifiques et techniques variées. L'illusion de la fin des années 90 qui a consisté à croire que l'on pouvait maintenir un niveau de recherche scientifique et technique important tout en délocalisant l'industrie a vécu. Ajoutons à cela un déclin des dépenses en R&D depuis plusieurs décennies. Sous de Gaulle la recherche avait bénéficié d'une vraie dynamique et avait atteint près de 6% du PIB. Aujourd’hui, la France est à moins de 2% de dépense dans la recherche. Et nos voisins ne font pas beaucoup mieux à quelques exceptions près.

 

Les effets de ces baisses budgétaires ont mis du temps à se faire sentir. La France des années 80 était encore très innovante même si l'état avait déjà abdiqué pour se jeter à corps perdu dans le bain glacé du laissez-faire libéral. C'est ainsi qu'alors que nous avions tous les savoir-faire pour avoir notre propre industrie du microprocesseur et de l'informatique nous préférâmes liquider nos entreprises du secteur pour nous jeter sur les produits américains. Giscard eut là encore un rôle très néfaste sur le développement des semi-conducteurs en France. Mitterrand ne fit guère mieux d'ailleurs. Durant la période 74-90, la France gâcha énormément les talents nombreux des scientifiques et inférieurs Français de l'époque. C'est toujours un peu le cas, mais la France entre temps a cassé sa capacité à produire de l'innovation par ses restrictions budgétaires et l'effondrement du niveau d'instruction. Le fait que l'éducation nationale n'arrive même plus à former assez d'enseignants et à les attirer semble être le dernier acte d'un sabordage continu de la puissance scientifique française de la part de ses « élites ».

 

La notion de souveraineté scientifique européenne est stupide

 

Je profite de ce sujet pour également aborder une notion que je trouve largement stupide. C'est celle de la souveraineté scientifique et technique européenne. Tout d'abord, rappelons que la souveraineté n'a de sens que si elle s'accroche à la notion de peuple et de nation. Seul un peuple peut être souverain et cette souveraineté prend la forme de la souveraineté nationale. Par définition, une structure supranationale comme l'Union européenne ne peut donc pas être souveraine puisqu'il n'y a pas de peuple européen et donc encore moins de nations européennes. Cela est vrai pour toutes les formes de souveraineté. Mais dans le cas scientifique, c'est encore plus voyant. Les diverses structures des projets scientifiques européens, que ce soit dans le domaine civil ou pire dans le domaine militaire, se transforment très souvent en foire d’empoigne pour savoir qui tirera le plus du partenariat, avec les Français qui sont généralement ceux qui acceptent les plus gros perdants. La compétition entre les nations européennes promues par la construction européenne et sa concurrence non faussée favorisant de facto la non-coopération des membres.

 

 

En effet si en théorie la construction européenne vous parle de coopération, en pratique elle a mis tous les peuples du continent dans un marché hautement concurrentiel et en plus non-protégé des puissances externes. Non seulement cette structure ne favorise absolument pas la coopération, mais elle favorise bien au contraire l'égoïsme de chaque membre de la structure. Loin d'avoir fait de l'unité une force, elle l'a transformé en grande faiblesse collective. Et dans la science cela prend la forme de coup bas et d'action égoïste comme celle de l'Allemagne dès qu'il s'agit de partenariat scientifique et technique. À l'heure actuelle je suis persuadé que les pays européens ont certainement de meilleures relations scientifiques et techniques avec les pays qui ne sont simplement pas membre de la construction européenne qu'entre eux. Il est donc à mon sens parfaitement risible de parler de souveraineté scientifique européenne quand on voit ça. Et le déclin du continent par rapport au reste de la planète semble largement donner raison à mon analyse. La seule chose que semble savoir faire la construction européenne est de légiférer sur les entreprises et les activités scientifiques et techniques provenant de l’extérieure au lieu de développer ses propres solutions techniques. Il s'agit là d'un indice clair du déclin d'un continent qui a renoncé au progrès, au savoir, et à l'indépendance. Dans le secteur scientifique comme dans le reste des activités, l'UE est une énorme machine à paralyser le continent.

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27 juillet 2023 4 27 /07 /juillet /2023 15:43

 

David Vincent les avait vus, l'agent du FBI Fox Mulder les voyait à chaque coin de rue, et ils avaient déjà envahi nos petits écrans dans les années 80 dans une resucée assez réussies de la seconde guerre mondiale avec des extraterrestres comme protagonistes dans « V les visiteurs ». Mais cette fois ça y est, ils sont là, ils arrivent, c'est du moins ce qu'a prétendu un ex-agent des services de renseignements américains. C'est l'été, alors il me semblait opportun de parler d'un sujet plus léger, même si certains prennent ce genre d'affaires au sérieux. J'y vois personnellement beaucoup plus un moyen d'occuper momentanément les débats pour faire diversion comme d'habitude. Alors j'ai une formation scientifique et cela laisse des traces, le scepticisme m'habite littéralement, et comme Saint Thomas j'ai tendance à ne croire que ce que je peux voir ou tout du moins mesurer, quantifier et observer. En matière d'extraterrestre étant un enfant des années 80, ce fut longtemps mon rêve. Comme beaucoup, l'orientation scientifique était souvent nourrie par la science-fiction et c'est normal. Un vrai scientifique est quelque part un rêveur même s'il est bien obligé de faire avec les réalités de ce monde et les lois de la physique.

 

Alors on peut bien évidemment croire et même penser sérieusement qu'il existe de la vie et même de la vie intelligente ailleurs que sur terre. C'est d'autant plus acceptable que les progrès en astronomie et en astrophysique de ces vingt dernières années nous ont fait découvrir moult exoplanètes situées dans d'autres systèmes solaires. Les planètes semblent extrêmement abondantes dans l'univers, et pire que ça les planètes en zone d'habitabilité, c'est-à-dire à une distance de leur étoile qui permet l'eau à l'état liquide semble très fréquentes. On pense même que la possibilité d'avoir des planètes habitables autour de naines rouges est réelle, or ce sont les étoiles les plus nombreuses de l'univers. Qui plus est, ces étoiles vivent largement plus longtemps que les naines jaunes comme notre soleil. Il est donc tout à fait raisonnable de penser que la vie, y compris la vie intelligente, existe ailleurs dans l'univers. Il y a 300 à 400 milliards d'étoiles rien que dans notre galaxie et il y aurait dans l'univers observable 10^12 galaxies... Donc en réalité, c'est penser qu'il n'y aurait qu'une seule planète avec une vie et une vie intelligente dans l'univers qui paraît invraisemblable dans ces conditions.

 

Cependant, il y a quand même une grande différence entre le fait d'admettre que la vie est probablement courante, la vie intelligente extraterrestre très probable, et penser que les petits hommes verts vont nous rendre visite. Car voyager dans l'espace n'est pas une sinécure, loin de là. C'est dangereux et les distances à parcourir entre les systèmes solaires et pire entre les galaxies sont tout simplement invraisemblables pour le sens commun. Et cela produira d'ailleurs la grande frustration que nous connaîtrons probablement dans les prochaines décennies, celle de découvrir d'autres mondes potentiellement habitables et habités que nous ne pourrons jamais explorer. Voyager 2 qui a été lancé en 1977 vient à peine d'atteindre les limites du système solaire, il passera non loin de l'étoile de Ross 248 dans seulement 40000 ans... Mais cela ne refroidit pas l'engouement des scientifiques puisqu’on peut même dire que la recherche d'exoplanète, longtemps considérée comme ridicule, est maintenant au cœur de l'effort scientifique. Le satellite TESS qui a été lancé en 2018 et qui multiplie les découvertes a été en grande partie lancé pour faire de la recherche d'exoplanètes. Chercher de loin des planètes habitables et des signes de vie va probablement représenter une grande part des efforts pour les prochaines décennies. Mais il faut bien comprendre les distances qui nous séparent des autres systèmes solaires. Alpha du Centaure, le système à trois étoiles qui est le système solaire le plus proche de nous se situe à 4,3 années-lumière. Sachant que la vitesse de la lumière est d'environ 300000 km/s et qu'une année-lumière c'est la distance que parcourt la lumière en une année on comprend de suite le problème. La lune est à une seconde lumière, le soleil est à 8mn 20s de la terre, Mars est à 12min lumière, Jupiter à 43 min lumière, Alpha du Centaure c'est 4,3 ans.

 

Les extraterrestres, les USA et la propagande

 

C'est en prenant en compte cette réalité de la distance qu'on peut douter fortement d'une exploration extraterrestre sur notre planète. Je sais bien qu'on nous ressort sans arrêt l'argument du progrès technique, mais la physique a des lois, et elles sont universelles dans l'univers, que l'on vienne de la terre ou de Proxima du Centaure. Dans le meilleur des cas, nous pourrions imaginer des vaisseaux capables d'atteindre 10 ou 20% de la vitesse de la lumière, mais même avec ça les voyages seraient extrêmement longs. Du reste si des extraterrestres arrivaient sur notre planète pourquoi se feraient-ils si discrets que seule la direction des USA serait au courant ? Le fait d'ailleurs que ce soit systématiquement dans ce pays que ce genre d'affaires fasse du bruit est en soi assez suspect . En un sens, les extraterrestres aux USA ont un peu remplacé les récits merveilleux des temps anciens. Dans une société qui ne croit plus en rien, ils donnent l'impression d'avoir comblé un vide chez certains Américains. Les extraterrestres aux USA c'est un peu le père Noël pour les adultes, ou les miracles de l'Église catholique.

 

Alors je n'ai rien contre les rêves et les fantasmes. Cela ne fait de mal à personne tant que l'on garde les pieds sur terre. Cela peut même motiver les plus jeunes à faire des sciences et ce n'est pas plus mal. Mais il faut quand même avoir conscience que ce genre de croyance peut facilement être utilisé à des fins de propagande ou de manipulation de la population. Il est de notoriété publique que les invasions extraterrestres dans les films américains des années 50 étaient surtout un moyen de nourrir la peur du Soviétique. Créer un ennemi qui prend l'apparence de monsieur tout le monde pour manipuler la nation américaine c'était à peine discret comme propagande. Hollywood et l'armée américaine se sont toujours très bien entendus sur le sujet. Et l'utilisation de la SF en guise de propagande était là dès le début en réalité. L'inverse est d'ailleurs tout aussi vrai. La célèbre série Startrek a promu assez largement une certaine forme de progressisme parfois très subversif pour l'époque. C'est dans la série de 1969 que le premier baiser entre une femme noire et un homme blanc a eu lieu dans les médias américains. Ce qui a d'ailleurs choqué à l'époque. Gene Roddenberry, l'auteur de cette série a souvent fait montre d'un certain progressisme. Sa série et ses suites condamnant par exemple souvent les inégalités et même le capitalisme. Dans la chronologie de Startrek, le capitalisme et l'obsession de l'accumulation finissent par produire une troisième guerre mondiale entre les USA et la Chine conduisant à un âge sombre qui sera suivi d'une renaissance pendant laquelle le voyage plus rapide que la lumière (la distorsion) sera découvert. On espère qu'ils se sont trompés.

 

La SF a donc toujours servi plus ou moins à Hollywood à faire de la propagande même si cette dernière n'allait pas toujours dans le sens de l'idéologie dominante. Plus récemment, même si la série date de 2005, le reboot de Battlestar Galactica avait même fait du créationnisme dans ses dernières saisons. Quand on sait que la série a été créée par un mormon, on comprend mieux pourquoi. Voir donc les dirigeants américains commencer à parler d'extraterrestre au moment où les USA s'enfoncent dans les crises, que l'Empire décline, que la guerre en Ukraine se passe très mal, me rend donc extrêmement sceptique sur la question. N'est-ce pas encore une fois un moyen de détourner l'attention de la population sur d'autres questions que celles qui comptent réellement ? Dans une société fortement dépolitisée où des sujets qui devraient être anodins font la une des journaux pendant que les choses essentielles sont ignorées, ce n'est pas vraiment une surprise.

 

Honnêtement, la meilleure chance que nous ayons pour apercevoir une vie extraterrestre sera probablement sur les petites lunes glacées de Saturne et Jupiter (Encelade et Europe). En effet, il est maintenant pratiquement certain que ces lunes ont des océans sous leurs épaisses couches de glace. On a régulièrement observé des geysers sortant de la glace montrant l'activité et la chaleur qui existe dessous. Or comme nous le savons d'expérience sur terre l'eau plus la chaleur augmentent très fortement la possibilité d'avoir une vie. Si vous voulez voir des extraterrestres mobilisez-vous plutôt pour que les états financent une expédition robotisée sur l'une de ces lunes avec pour but d'y découvrir des traces de vie. Attendre qu'ils rendent visite à l'Oncle Sam risque de faire beaucoup de déçus.

 

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4 mai 2023 4 04 /05 /mai /2023 16:34

 

On parle fréquemment sur ce blog des questions des ressources naturelles. C'est que la question va devenir de plus en plus cruciale dans les décennies qui viennent. Et nous sommes malheureusement pris entre deux mouvements idéologiques sur ces sujets qui rendent les discussions sérieuses particulièrement difficiles. D'un côté une grande partie des écologistes que l'on pourrait décrire comme réactionnaire et qui ne donnent comme seule solution que l’amoindrissement du niveau de consommation pur et une baisse du niveau de vie. Ils ne le disent pas ainsi, mais c'est bien ce vers quoi conduit la décroissance par définition. De l'autre des idéologues souvent libéraux qui nient l'épuisement des ressources et pensent que le marché, la globalisation et l'innovation résoudront toutes seuls le problème. Il n'y a rien à faire par la grâce de la loi de l'offre et de la demande, le Saint-Père du libéralisme trouvera réponse à tous vos soucis. Évidemment comme à chaque fois les extrêmes font fausse route. Le chemin est complexe pour trouver des solutions et en aucun cas des idéologies plaquées artificiellement sur un problème ne sauraient le résoudre. Il serait temps que les Français et leurs élites arrêtent de penser « printemps » et commencent à réfléchir plus sérieusement en se basant sur des observations.

 

Nous parlerons donc une fois n'est pas coutume du cuivre en lieu et place des hydrocarbures. Car si la question de l'épuisement des énergies fossiles est essentielle, il ne faut pas non plus oublier que notre civilisation industrielle de consommation de masse est dépendante d'une pléthore de matériaux pour fonctionner. Rien que l’ordinateur ou le smartphone que vous utilisez pour lire de temps en temps ce modeste blog a consommé une grande quantité de matériaux, cuivre, or, silicium, fer, etc. Pour le silicium de vos processeurs et autres mémoires, on utilise des techniques pour créer les transistors qu'on appelle le dopage. Et ce dopage qui permet de créer l'effet transistor utilise aussi d'autres matériaux comme le phosphore , l'arsenic et l'antimoine. On ne parlera pas non plus des machines nécessaires à la fabrication des semi-conducteurs. Machines qui utilisent aussi beaucoup de matières premières et d'énergie . C'est extrêmement complexe et d'ailleurs aucun producteur ne maîtrise vraiment toute la chaîne de production.

 

On le voit donc même si nous résolvons la question de l'épuisement des hydrocarbures, la chaîne industrielle se brisera quand même si certains matériaux clefs s'épuisent par ailleurs. Et s'il y a bien un matériau clef dans l'industrie et la technologie moderne, c'est bien le cuivre. L'on pourrait d'écrire d'ailleurs notre civilisation comme étant bien plus celle du cuivre, que celle du pétrole. Entrant à peu près dans tous les appareils technologiques fonctionnant à l'électricité, le cuivre est un ami qui accompagne l'humanité depuis des milliers d'années. Et cet accompagnement n'a jamais été aussi vrai que de nos jours. D'après les connaissances historiques que nous avons aujourd'hui, le cuivre a été le premier métal à être utilisé par l'homme. On a retrouvé des bijoux en cuivre datant de plus de 8000 ans. Sa température de fusion est de 1 085 °C, mais il reste relativement malléable à température ambiante ce qui a facilité son travail. Vous connaissez tous ses fabuleuses qualités techniques, en particulier le fait que c'est une excellent conducteur électrique et thermique. Et c'est à ce titre qu'il est si indispensable, car l'or qui est un métal avec des propriétés supérieures sur ce plan n'est malheureusement pas aussi abondant et donc beaucoup plus cher .

 

Pour le cuivre les énergies « renouvelables » sont une impasse

 

Grâce à ses propriétés physiques, le cuivre est fondamental pour notre civilisation technicienne où l'électricité est omniprésente. Malheureusement pour nous il semble bien que nous allons petit à petit en manquer . Le cuivre est recyclable à l'infini, mais la consommation augmente beaucoup plus vite que la production et il n'est pas certain que nous ayons à l'avenir suffisamment de cuivre pour répondre aux besoins croissants de la planète. Mais l'épuisement du cuivre n'est pas le problème en lui-même. Comme dans le cas des hydrocarbures, on assiste à une augmentation progressive du coût d'extraction parce que les filons sont de moins en moins riches. Or cette augmentation du coût d'extraction entraîne mécaniquement une hausse du coût du matériau à plus ou moins brève échéance . Comme dans le cas du pétrole, nous ne pourrons plus nous payer du cuivre bien avant d'en manquer totalement.

 

Concentration du minerais de cuivre dans plusieurs pays

 

Alors vous me direz que l'on pourrait remplacer le cuivre par l'aluminium. Et il est vrai que c'est aussi un bon conducteur et il est d'ores et déjà moins cher que le cuivre. Pourtant, ce dernier n'est toujours pas remplacé dans les applications courantes comme les câbles conducteurs électriques. Le fait est que si l'aluminium est aussi un bon conducteur électrique et thermique et qu'il est en plus plus léger que le cuivre, il n'est malheureusement pas aussi résistant mécaniquement. En particulier pour ce qui est de la traction mécanique qui peut se révéler essentielle pour produire des fils électriques utilisés un peu partout. On ne peut donc pas substituer la consommation de cuivre par de l'aluminium dans les applications les plus gourmandes en métaux comme le BTP. On peut également préciser qu'un moteur électrique utilise aussi énormément de cuivre dans ses bobines. L'explosion des ventes de voitures électriques va donc forcément peser sur la consommation de cuivre à l'échelle mondiale dans les années qui viennent. Et sachez aussi que les alternateurs qui fonctionnent sur le même principe que les moteurs électriques utilisent de la même manière beaucoup de cuivre. Ce qui veut dire par conséquent que les éoliennes consomment beaucoup de cuivre dans leur fabrication et leur entretien.

 

Exemple de l'usage du cuivre dans les bobines d'un moteur électrique

 

On le voit donc notre transition énergétique telle qu'elle est vendue par les médias et certains groupes écologistes semble finalement troquer l'épuisement des hydrocarbures contre l'épuisement du cuivre. Cette question est rarement abordée alors qu'elle est d'une actualité criante puisque les pays occidentaux, particulièrement en Europe, semblent décidés à abandonner la voiture thermique pour la troquer contre la voiture électrique. Et dans le même temps, ils s'attellent à faire exploser les énergies dites « renouvelables » qui ne le sont pas tant que ça en réalité puisqu'elles utilisent bon nombre de matériaux non renouvelables justement dans leur fabrication. La transition énergétique se passera difficilement des véhicules électriques, même si l'on pourrait parler de la question des transports en commun électrique plutôt que de tout miser sur la continuation d'un mode de transport individualiste tel qu'on le pratique depuis les années 60. On pourrait par contre parler d'un usage moins intensif en termes d'alternateurs. Car comme le montre le graphique suivant les moulins à vent modernes consomment, énormément de cuivre par kilowatt produit. Bien plus qu'une centrale nucléaire par exemple. Je remercie au passage le twitt de documentaire et vérité pour avoir indiqué ce graphique très intéressant sur cette question essentielle. En dehors des panneaux solaires, toutes les sources d’électricité que nous utilisons couramment emploient des alternateurs utilisant beaucoup de cuivre. Il s'agit bien sûr de transformer l'énergie thermique en mouvement mécanique, qui lui-même, par effet d'induction électrique, va produire un courant alternatif dans les fils de cuivre du récepteur, généralement le stator.

 

 

 

Les centrales nucléaires qui font exactement la même chose sauf qu'elles utilisent le combustible nucléaire pour faire chauffer l'eau et la transformer en vapeur pour faire tourner d'énormes génératrices. Et il s'avère qu'en termes de rapport volume par énergie produite, les centrales nucléaires vont consommer beaucoup moins de cuivre que les éoliennes. Car il faut beaucoup plus d'alternateurs et d'éoliennes que d'alternateur pour une centrale nucléaire pour produire la même quantité d'énergie. Et cela s'ajoute au problème de l'intermittence des éoliennes passablement problématique puisque nous ne savons pas stocker directement l'électricité en grande quantité pour l'instant. La grande densité énergétique que produit le nucléaire rend donc cette énergie encore plus importante pour l'avenir que ce que l'on aurait pu imaginer si l'on ne parlait qu'en termes de problématique sur l'énergie. Non seulement elle est un substitut rationnel au manque de pétrole, mais en plus elle permet de réduire la pression sur la consommation de cuivre. Il est donc aujourd'hui encore plus clair que cette énergie est la seule apte à répondre en partie aux problèmes des épuisements des ressources à l'échelle mondiale. Même si cette question ne se résoudra probablement pas seulement avec des moyens techniques.

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6 avril 2023 4 06 /04 /avril /2023 14:18

 

Nous avions déjà parlé de cette question, mais elle ressurgit dans l'actualité . En effet, comme vous le savez l'un des problèmes majeurs auquel est confronté l'humanité, c'est l'épuisement des ressources naturelles nécessaires au fonctionnement des nos économies modernes. La question est d'autant plus fondamentale que la Chine s'est approprié la majeure partie des ressources mondiales en terres rares. Cependant, ces terres rares ne sont pas si rares que cela. C'est surtout que l'occident, engoncé dans ses certitudes néolibérales, a laissé faire le marché. Mais comme la Chine n'est pas une société libérale, son état a largement travaillé à lui fabriquer des monopoles dans tout un tas de domaines dans une optique qui n'était pas purement commerciale, mais surtout géopolitique. On redécouvre avec la Chine que l'économie est avant tout imbriquée dans une politique nationale étatique exactement comme à l'époque de Colbert. Et que les nations qui ont ingurgité stupidement les dogmatismes libéraux se retrouvent maintenant bien dépourvues face à un concurrent qui a des monopoles sur une partie croissante des technologies essentielles ainsi que sur la production de bon nombre de matières premières.

 

Ainsi l'on vient d'apprendre que la Chine qui détient un véritable monopole sur les aimants à néodyme va limiter les transferts de technologie dans ce domaine en dehors de son territoire. Maintenant qu'elle commence à avoir une avance technologique et scientifique dans beaucoup de secteurs, elle se ferme et elle compte utiliser ces avantages pour lui permettre de maintenir indéfiniment ses monopoles. Et qui connaît un peu l'histoire du monde et de la Chine en particulier ne sera guère surpris. La Chine fit longtemps fortune grâce aux routes de la soie. Or s'il y avait des routes de la soie, c'est parce que la soie n'était produite qu'en Chine. Évidemment cet avantage n'était pas le produit d'une géographie, les vers à soie peuvent vivre à peu près partout dans le monde. C'est simplement parce que la Chine avait imposé des lois interdisant la sortie des vers à soie de son territoire. C'était même puni d'une peine de mort, car l'état chinois savait très bien quel lucratif commerce il tirait de son avantage commercial.

 

 

La Chine nous refait donc le coup, mais avec les technologies avancées maintenant. En particulier sur les aimants à néodyme. Ces aimants ont la particularité d'être très puissants, ils sont utilisés dans de nombreuses applications techniques en particularité pour les moteurs électriques. Donc sans aimants à néodyme il n'y a pas de voitures électriques, et bien la Chine c'est entre 90 et 95% de la production mondiale d'aimant à néodyme. Vous comprenez le problème ? L'occident qui a eu une vision totalement libérale sans stratégie politique pendant 50 ans se retrouve maintenant piégé par sa propre bêtise. Il a littéralement réalisé la prédiction de Lénine « Nous pendrons les capitalistes avec la corde qu'ils nous vendront ». La recherche du plus bas coût de production sans aucune considération pour les salariés occidentaux ou pour les problèmes d'insuffisance de la demande qu'induise la contraction des salaires s'ajoute donc aussi l'absence totale de la prise en compte des effets géopolitiques. Ce n’était pourtant pas difficile à prévoir, je me souviens moi-même que lorsque j'étais étudiant au début des années 2000 nous en parlions souvent avec mes collègues de maîtrise et de DEA. J'étais dans le secteur de la microélectronique et de l'automatique et nous voyions déjà à l'époque vers quoi le libre-échange délirant avec les pays asiatiques et la Chine en particulier nous conduisait. Surtout dans nos secteurs.

 

Il est assez surprenant que nos dirigeants aient à ce point été aveugles à cette réalité fondamentale des rapports entre les puissances. Ils ont vraiment cru à l'idiotie de la thèse de la fin de l'histoire de Fukuyama. Nous voici donc coincés avec une superpuissance économique et scientifique qui compte bien garder indéfiniment ses avantages. Il va donc nous falloir tout seul, comme des grands, apprendre à faire des aimants à néodyme sans quoi la fameuse transition énergétique va être très courte. C'est un argument supplémentaire pour valoriser très fortement les sciences et les math à l'école, cela devient urgent. Il faudra aussi apprendre le chinois à nos chérubins, des fois que la fermeture de l'empire du Milieu ne soit pas aussi efficace que l'escompte l'état chinois.

 

Les océans sont l'avenir à court terme

 

 

Mais si l'on évacue cette question des savoir-faire techniques et scientifiques, il reste tout de même la question des ressources à poser. Comme je l'ai dit, les terres rares ne le sont pas vraiment. Le problème est surtout qu'on a laissé la Chine seule sur le secteur. Mais on en trouve un peu partout en plus ou moins grande quantité . La preuve je rappelle pour ceux qui l'auraient oublié que la France va faire une mine de lithium dans l'Allier en Auvergne. C'est extrêmement important parce que la possibilité d'exploiter des matières premières sur notre sol permet d'imaginer une industrie de transformation pouvant en découler. Tout du moins si notre état cesse ses stupidités libérales et favorise enfin les productions locales au lieu des importations par des droits de douane, des dévaluations et des quotas.

 

Cependant le sol français étant ce qu'il est, nous ne pouvons guère espérer trouver toutes ressources sous notre sol national. C'est là qu'entrent en jeu les océans comme nous en avions déjà parlé dans un autre texte. Une étude du CNRS qui date de 2022 montre que les ressources océaniques sont absolument monstrueuses. On pouvait s'en douter, les océans représentent quand même 70% de la surface de la planète, on pouvait se douter que l'essentiel des ressources de la planète se trouve là-bas. Mais le papier du CNRS montre que la seule région Clarion-Clipperton qui représente 15% des océans possède trois fois la quantité de terre rare déjà trouvée à la surface. Et on ne parle là que des nodules métalliques qu'on peut ramasser sur le fond des océans, il ne s'agit ni de faire des mines, ni des sources hydrothermales. Les sources hydrothermales quant à elles pourraient fournir un flux continu de matériaux inépuisables à l'échelle humaine puisque ces matériaux viennent en fait du fond de la terre et qu'ils sont remontés à la surface par la tectonique des plaques. On a là une source réellement durable pour les activités humaines. D'après le papier du CNRS, les sources hydrothermales fournissent 20% de fer, 11% de zinc, 5% de cuivre, de l'or, de l'argent du cobalt et environ 1% de terre rares.

 

Or comme vous le savez déjà, la France possède le second domaine maritime de la planète. Il nous faudrait le mettre en valeur par l'exploitation raisonnée de nos ressources. Nous avons probablement de quoi subvenir largement à nos besoins si nous voulions être totalement autosuffisants en matière première . Encore faudrait-il en avoir la volonté étatique et là ce n'est pas gagné puisque comme vous le savez la France a stupidement signé un texte interdisant l'exploitation des océans. Vous noterez au passage que l'ouverture de nouvelles sources de matières premières n’interdit pas dans le même temps de faire un vaste effort en matière de recyclage. Nous devons encourager simultanément la minimisation de la consommation de matières premières rares et surtout favoriser la conception et la vente de produit 100% recyclable et réutilisable. Ce n'est absolument pas contradictoire avec le fait de rechercher de nouvelles sources de matières premières pour garantir notre indépendance nationale et peut-être la survie de l'espèce humaine à long terme.

 

Je l'ai déjà dit, mais l'interdiction pure et simple de l’exploitation des océans est au moins aussi stupide que la fermeture des réacteurs nucléaires de quatrième génération ou le remplacement de notre parc nucléaire par des énergies intermittentes dont le matériel est essentiellement fabriqué en Chine. On est au même niveau de stupidité issu d'un raisonnement dogmatique sans aucune considération pour l'intérêt des Français ou simplement pour la réalité du monde réel. À plus long terme, on se posera probablement la question de l'exploitation de l'espace puisque la quantité de matière première qui flotte dans notre système solaire rien qu'avec les astéroïdes est simplement titanesque et mettrait à l’abri notre espèce pour des millions d'années. Mais il s'agit là d'une perspective à beaucoup plus long terme qui devra être précédée d'un vaste effort scientifique et technique visant à faire chuter drastiquement le coût économique et énergétique d'envoi dans l'espace. On pourrait imaginer par exemple la construction d'ascenseurs spatiaux qui diviseraient par plus de milles les coûts de transport, mais cela reste encore au niveau de de la recherche fondamentale dont nous ne verrons probablement pas la fin de notre vivant malheureusement.

 

À court terme il nous faut donc nous concentrer sur l'exploitation des océans et chasser les écolos dingos de ces questions. Ils ont déjà été suffisamment nuisibles sur les questions énergétiques. Il est temps également de se poser la question de savoir s'il ne faut pas purement et simplement chasser ces idéologues et leurs ONG de toute prise de décision politique. D'autant que certaines de ces ONG sont clairement des instruments d'influences d'autres nations, en particulier celle des USA. Car il est évident que les USA n'ont aucun intérêt à voir une nation comme la France devenir autonome dans le domaine des matières premières . Cela pourrait permettre à l'Europe d'échapper à leur contrôle. Les USA n'ont pas fait autant d'efforts à chasser la Russie de ses liens avec l'Allemagne pour qu'elle soit remplacée par la France . On peut donc se demander dans quelle mesure les ONG sont utilisées pour empêcher toute forme d'exploitation des ressources dont pourrait disposer, non seulement la France, mais toutes les nations européennes. Nous devons cesser d'être naïfs et de croire qu'il y aurait uniquement des visées altruistes et vraiment écologiques derrière les actions de toutes les ONG. Le simple fait que ces ONG aient réussi à faire presque interdire la seule énergie réellement décarbonée en Europe, à savoir le nucléaire, pour favoriser le gaz, devrait vous mettre la puce à l'oreille. La course à l'exploitation des océans est de toute manière lancée que les Européens s'y lancent ou non. Mais il serait quand même dommageable que nous rations encore une occasion de récupérer un peu de notre souveraineté économique.

 

 

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2 mars 2023 4 02 /03 /mars /2023 15:10

 

C'est un sujet qui revient souvent la question de la productivité du travail. Souvent glorifiée, car elle est la seule raison de la hausse du niveau de vie, ce qui est vrai, la productivité souffre par contre chez les économistes d'un grave problème de définition. Car comme je l'ai souvent dit sur ce blog, la productivité n'est pas un terme d'économiste à la base, c'est un terme d'industriel. À l'époque glorieuse du fordisme, la recherche de l'amélioration de l'organisation du travail fit faire d'énormes gains de productivité . On a tendance à surestimer l'apport de la technique dans l'amélioration de productivité d'alors et à sous-estimer celle de l'organisation en elle-même. C'est pourtant bien le fait que l'on est passé d'une fabrication artisanale où un individu ou un groupe d'individus fabriquait entièrement un véhicule à une spécialisation où chacun produit une pièce en particulier qui a fait exploser les gains de productivité. Vous pouviez ranger vos robots et vos IA, aucune de ces technologies ne pourra jamais refaire ce que Henri Ford fit à l'époque en termes de gain de productivité. Et pour mesurer ces gains, on a simplement calculé le temps que mettait chaque ouvrier pour faire chaque pièce. L'effet de la spécialisation du travail, s'il avait l'inconvénient de produire des emplois fastidieux et répétitif comme l'a si admirablement montré Chaplin dans « Les temps modernes », les gains de productivité en découlant permirent une très forte hausse des salaires et des niveaux de vie de la population en général.

 

L'on peut dire ainsi que les gains de productivité sont en quelque sorte le pacte faustien de la modernité. D'un côté ils rendent le travail parfois pénible, détruisent nombre d'activités, chamboulent nos sociétés, mais de l'autre ils ont permis aux générations qui se sont succédé de voir leur niveau s'élever grandement. C'est tout le paradoxe de la civilisation industrielle. Mais que l'on ne se méprenne pas, la technologie n'est pas le seul facteur qui a augmenté la productivité du travail par rapport à la société agropastoral dont nous sortions. La façon de travailler, de s'organiser a tout autant influé, si ce n'est plus que le progrès technique en lui-même. Et n'oublions pas bien évidemment l'énergie qui a permis aussi ces hausses de productivité. L'historien Jean-François Mouhot a estimé que grâce à l'énergie et à la technologie moderne qui l'emploie le français moyen avait l'équivalent de 427 esclaves pour fournir tout ce qu'il consomme en permanence. Cela rejoint les travaux anciens du célèbre économiste Jean Fourastié à qui nous devons la célèbre expression des trente glorieuses. Les gains de productivité sont à la source de notre prospérité, et il n'y a aucun doute sur cette question, ce qui est rare en économie.

Source Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Esclave_%C3%A9nerg%C3%A9tique

La productivité des économistes

 

Cependant, la façon dont on mesure cette productivité peut par contre faire question et poser problème. En effet comme nous l'avons vu la productivité telle qu'elle a été imaginée par l'industrie est quelque chose de très concret. On produit tant de choses avec telle quantité de personnel sur un certain laps de temps, avec tel coût du travail, etc. Si l'on peut ainsi calculer la productivité de telle ou telle usine et faire des comparaisons dans le temps ou avec d'autres usines similaires, il est difficile d'en faire un outil macroéconomique. Et les outils macroéconomiques, les économistes aiment ça. Même lorsque ces outils finissent par déformer la réalité au point de passer complètement à côté d'elle, à l'image du PIB exprimé en dollars qui a fait croire aux Occidentaux que la Russie était un petit pays pesant comme l'Espagne et qu'elle s'écroulerait avec des sanctions. On connaît la suite. Jacques Sapir a démontré récemment assez simplement que la Russie en terme économique réel était beaucoup plus proche de l'Allemagne. On rajoutera, comme l'a fait Emmanuel Todd, que la Russie produit beaucoup d'ingénieurs et de techniciens, en proportion largement plus que les USA. À tel point qu'en nombre absolu il y a pratiquement autant d'ingénieurs en Russie qu'aux Usa alors que les USA font 330 millions d'habitants et la Russie seulement 147 millions d'habitants.

 

On le voit, les erreurs de mesure en économie peuvent avoir de graves effets, puisque les occidentaux se sont menti à eux même en utilisant un outil économique qui n'a aucun sens quand on compare des nations entre elles. Et ils en ont conclu des mesures absolument stupides qui n'ont pas eu les effets escomptés sur l'économie russe. À l'inverse ce sont nos sociétés avec un gros PIB, mais largement dépendantes d'importations multiples qui se retrouvent en grave difficulté. Cette affaire montre qu'il y a d'énormes failles dans la « science » économique et que les outils employés sont bien souvent inadéquats, quand ils ne sont pas tout simplement pas faux, comme la fameuse courbe de Philips dont on a déjà parlé dans un autre texte. Il en va de même avec la notion de productivité. Pour les économistes, la productivité du travail se résume à la division du PIB par le nombre d'heures travaillé. Ce qui veut dire que tous les emplois sont mélangés et que tout concourt à la hausse ou à la baisse de la productivité. Vous êtes un paradis fiscal qui ne produit rien, la Luxembourg par exemple, et bien on voit que vous êtes très productif, c'est le second pays du monde le plus productif derrière Monaco... Évidemment, cela n'a aucun sens, ces pays vivant en parasitant économiquement leurs voisins.

 

On voit ici déjà la limite de l'outil dans les comparaisons internationales. Pourtant cela n'empêche pas certains groupes d'économistes de faire des « recherches sérieuses» sur les liens entre la productivité du travail et d'autres facteurs. Ainsi Natixis nous sort un comparatif entre différents pays pour mesurer soi-disant l'effet de l'effort de recherche sur la croissance de la productivité. Évidemment les Américains sont les champions devant une Europe en décrépitude. Et il est vrai qu'en matière de recherche, l'Europe fait, hélas, peu d'effort, c'est le moins que l'on puisse dire . Quand on pense que la France du Général de Gaulle dépensait presque 6% du PIB en recherche et développement, alors qu'on est à seulement 2% maintenant. Cependant, l'étude en question ne montre en réalité pas de lien systématique contrairement à ce que les auteurs affirment. Le Japon par exemple a une productivité du travail qui stagne alors que c'est un leader de la recherche mondiale. Pourquoi donc ? C'est simple, la mesure de la productivité que les auteurs utilisent, c'est la productivité au sens des économistes dont j'ai parlé précédemment. Comme le PIB japonais n'augmente pas pour diverses raisons, en premier lieu à cause de la crise datant des années 90 . La productivité du travail n'augmente pas d'un point de vue comptable. Cela ne veut pourtant pas dire que le travailleur japonais d'aujourd'hui n'est pas plus efficace que celui de l'an 2000. Ensuite, autre problème, si la productivité du travail résultant des investissements en recherche avait tant d'effets que ça sur l'économie américaine, comment expliquer les énormes déficits commerciaux ?

 

Source Etude Natixis https://research.natixis.com/Site/en/publication/lhu_df51pecvkvvA1As1iO_phttPNr1FSinYjHijWLo%3D?from=EMAIL

 

Si un pays a une productivité du travail en forte hausse, il devient plus compétitif donc in fine il finit par accumuler des excédants commerciaux. Or c'est tout l'inverse, les USA accumulant des déficits de plus en plus énormes, 1000 milliards en 2022. Là encore, c'est parce que la productivité dont parlent nos économistes n'est pas la productivité réelle, mais une chimère comptable qui avait du sens seulement quand le pays produisait lui-même ce qu'il consommait. À partir du moment où vous importez tout les chiffres n'ont plus de sens. Et l'on se retrouve avec un Japon qui investit beaucoup dans la recherche, mais dont la productivité stagne alors que lui équilibre ses comptes extérieurs et des USA qui investissent aussi dans la recherche, mais qui ont une productivité apparente en hausse, mais des déficits extérieurs gigantesques. On pourrait rajouter que les injections monétaires permanentes qui font de l'activité et donc de la croissance du PIB par tête gonfle aussi cette productivité comptable. Et comment ne pas voir également que les produits importés gonflent aussi la productivité du pays ?

 

Enfin, je ferai une remarque acide sur la question de la recherche et du développement . Les USA ont tout à fait raison de massivement faire des efforts en ce sens et nous serions bien inspiré de faire la même chose en France et ailleurs en Europe. Cependant, il faut bien comprendre que dans un système totalement globalisé comme le nôtre l'innovation technique n'est plus une garantie de développement national. Et les USA en sont un parfait exemple. Ils ont des entreprises leaders dans des domaines de technologies avancées, mais ces dernières ne font pas systématiquement produire leurs innovations aux USA. La compagnie Tesla qui fait fréquemment parler d'elle à tort ou à raison vient d'annoncer par exemple un investissement massif au Mexique. On a de plus en plus de production sophistiquée ailleurs qu'aux USA par des entreprises américaines, et ce depuis longtemps. Même les centres de recherche délocalisent. La hausse du niveau scolaire planétaire condamne en fait la recherche dans les pays anciennement développés. Car les scientifiques qu'ils soient en Inde ou ailleurs coûtent beaucoup moins cher en étant tout aussi compétent, si ce n'est plus avec la baisse du niveau scolaire qui touchent certains pays développés. De facto, les innovations peuvent paradoxalement aggraver nos déficits commerciaux puisque tout est importé, même les innovations les plus modernes qui seront probablement fabriquées en Chine. Les USA sont ainsi un énorme importateur de technologie avancé alors même que celles-ci sont souvent conçues par leurs propres entreprises. C'est paradoxal, mais cela n'entre pas dans le calcul de nos amis de chez Natixis. Et de toute manière en matière d'innovation, le nouveau maître du monde est bien la Chine. Une étude récente montre que la Chine est désormais leader dans l'innovation dans la majorité des activités économiques. Cela tord l'idée que se font les Occidentaux de l'économie mondiale actuelle. La plupart des Occidentaux ont une vision qui a au moins 20 ans de retard. La domination chinoise c'est pour maintenant, pas pour dans 50 ans.

 

 

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11 janvier 2023 3 11 /01 /janvier /2023 20:02

 

Alors que beaucoup s'extasient sur les I.A comme GPT-3 ou encore sur les engins d'Elon Musk qui promettent monts et merveilles techno-scientifiques, il semble que la réalité de la science mondiale soit en fait beaucoup moins reluisante. En effet, alors que l'actualité parfois peut faire croire à un formidable mouvement d'accélération du progrès scientifique et technique, il semble que cela est en réalité une chimère. Loin d'accélérer la science qui semble de moins en moins créative, c'est en tout cas ce que l'on peut lire sur cet article récent de la revue Nature. Ce n'est pas qu'il n'y a plus de recherche scientifique, bien au contraire il n'y a jamais eu autant de scientifiques et d'ingénieurs sur terre . D'autant qu'aux anciennes grandes puissances scientifiques occidentales se sont ajoutés les pays d'Asie de l'Est et la Chine en particulier. Cependant, l'on constate que s'il y a toujours de nombreuses publications scientifiques, elles sont plus rarement qu'autrefois révolutionnaires sur le plan conceptuel. Et comme vous pouvez le voir sur le graphique de Nature le déclin ne date pas d'hier.

 

 

Si la revue Nature s'intéresse ici à la capacité de rupture scientifique fondamentale, le ralentissement en termes de progrès technique avait déjà été bien vu par certains auteurs. Jacques Ellul dans son livre « Le Grand bluff technologique » avait déjà souligné la transformation de la technique à la fin des années 60. Pour lui si la technologie avait bien amélioré la vie de nos concitoyens après guerre surfant sur les grandes découvertes du début du vingtième siècle et des investissements massifs liés en partie malheureusement aux conflits militaires (seconde guerre mondiale et guerre froide), le progrès en termes de gain réel devenait progressivement de plus en plus ténu. Tout se passe comme si nous suivions une courbe logarithmique avec un ralentissement de plus en plus prononcé des gains que la technique offre en terme d'amélioration de la vie pour la population. Au progrès avec un grand P s'est substitué petit à petit, un progrès fait d'accumulation de gadget ne changeant pas fondamentalement la situation de la vie courante. On est passé de l'électricité, de la machine à vapeur ou au moteur à explosion à la capacité fabuleuse de changer la couleur d'une voiture instantanément. C'est une allégorie de l’aplatissement progressif de l'intérêt du progrès technique.

 

L'autre facteur qui n'est pas passé inaperçu aux yeux des économistes c'est la baisse tendancielle des gains de productivité dans les pays industrialisés. Nous avons effectivement des prouesses qui sont réalisées aujourd'hui en matière de robotique et de technique d'automatisation, mais en réalité si elles sont impressionnantes la plupart du temps, elles sont loin de pouvoir produire les incroyables gains de productivité qu'ont produits par exemple le fordisme et la mise en place du travail à la chaîne. L'organisation scientifique de la production a fait des prouesses qu'aucune technologie actuelle ne pourrait approcher de loin. Imaginez en 7 mois seulement en 1914 la production de voiture Ford passe de 840 minutes de travail pour monter un châssis par ouvrier à seulement 93 minutes . Même les plus belles mécaniques d'automatisations actuelles auraient du mal à produire un tel gain de temps. Or les gains de productivité ont conditionné la croissance par tête et la hausse du niveau de vie globale . Si une bonne part de la croissance a été longtemps le fruit de la hausse de la population, c'est surtout la hausse de la productivité qui a permis l'amélioration des conditions de vie du plus grand nombre. C'est aussi la hausse de la productivité du travail qui a permis pendant longtemps la hausse simultanée des salaires et des gains pour les actionnaires. La fin des trente glorieuses n'est pas sans rapport avec le ralentissement du progrès en termes de gain de productivité. Le capitalisme qui ne suivrait pas à la stagnation de la croissance a cherché d'autres moyens pour survivre. La globalisation a sans doute été un moyen momentané pour repousser l'inéluctable échéance du ralentissement du progrès technique et donc la fin de la croissance infinie pour les bénéfices.

 

Problème de modèle économique ou simples limites atteintes ?

 

Alors à ce stade l'on pourrait se poser plusieurs questions . Quelle serait la conséquence sur nos sociétés d'un arrêt du progrès technique en tout cas du point de vue des gains de productivité, et les effets sur l'économie? Mais aussi quelle est l'origine de ce ralentissement à voir de cet arrêt progressif ? Je ne parlerai ici que de la seconde question, la première demanderait beaucoup de temps et je l'aborderai probablement dans un autre texte. Pour ce qui est de savoir d'où vient le problème, les hypothèses sont multiples. Et il sera bien difficile à ma modeste personne de savoir avec certitude quel processus entraîne ce phénomène. La première hypothèse, celle qui est la moins inquiétante, c'est que ce ralentissement est le produit du mode de fonctionnement de la science moderne. Car la science d'aujourd'hui fonctionne assez différemment de la science du 19e. Autrefois, les questions économiques et la question des brevets, en tout cas en Europe, étaient assez secondaires. L'éducation humaniste et la volonté de comprendre le monde qui nous entoure et de maîtriser la matière étaient le moteur de l'action scientifique. Et la science était beaucoup moins professionnalisée qu'aujourd'hui . Un homme ayant une carrière comme Michael Faraday serait assez peu imaginable de nos jours. L'éducation a elle aussi fortement changé. Il se peut que nous ne formions plus les esprits de manière aussi créative que ne le faisaient nos institutions autrefois. En massifiant l'instruction, nous l'avons peut-être détérioré et donc amoindri d'une certaine manière la créativité des scientifiques. Il se peut aussi que notre façon de sélectionner nos scientifiques soit mauvaise.

 

L'autre facteur à mon avis plus important est que le financement de la science, elle-même a changé. Depuis les années 70 sous l'influence américaine, la science s'est petit à petit mise au service du marché. Pour obtenir des financements de recherches parfois très coûteuses, il faut désormais courtiser les acteurs privés et donc faire miroiter des retours sur investissement. De fait la recherche fondamentale, celle qui produit les ruptures majeures, a petit à petit été délaissée au profit d'une recherche à plus court terme pour permettre à des innovations peu utiles, mais très rentables d'être mises au point. De fait, l'organisation à seul but lucratif de la recherche aurait petit à petit paralysé la véritable recherche, celle qui n'a aucun but lucratif, mais qui cherche des réponses à des questions, quel que soit l’intérêt en matière d'application pratique. Quand le mathématicien George Boole invente l'algèbre de Boole et la logique binaire au milieu du 19e siècle, il n'y a pas vraiment d'application pratique à son invention. Et pourtant c'est grâce à l'algèbre de Boole et à l'invention de l'effet transistor qui permettra son usage pratique que la révolution informatique va se produire. D'abord avec les transistors à lampe puis avec les transistors sur silicium qui vont permettre une miniaturisation si grande que nos processeurs actuels possèdent des milliards de transistors à la surface.

 

On peut donc supposer qu'avec la réduction des investissements publics dans la recherche et la privatisation de celle-ci l’approche scientifique a changé en réduisant à long terme la créativité et donc les changements de paradigme capable de faire de vraies ruptures scientifiques. Rappelons que les grands programmes des recherches publiques étaient aussi motivés pour des questions de compétition militaire internationale. Le programme Apollo, s'il a eu d'incroyables répercussions scientifiques avec la mise au point de la pile à combustible ou du laser par exemple, avait surtout comme objectif de développer des lanceurs capables d'emporter à terme des ogives nucléaires. La compétition entre les différentes puissances a donc participé à l'énorme innovation qu'a connue le vingtième siècle. C'est moins vrai aujourd'hui. Même s'il y a des conflits , la guerre en Ukraine nous le rappelle tristement, on est très loin pour l'instant des efforts que les états ont pu fournir pendant la Seconde Guerre mondiale ou pendant la guerre froide en matière de recherche. De la même manière, une bonne partie des programmes nucléaires civile avaient pour but de produire des matières fissiles et du plutonium pour les armes nucléaires. C'est d'ailleurs probablement parce qu'elle ne produisait pas ce type de déchet que la filière au thorium n'a pas été choisie contrairement à l'uranium.

 

Enfin, dernière hypothèse, la science est moins créative parce qu'il est aujourd'hui simplement beaucoup plus difficile de découvrir des choses réellement nouvelles. Il s'agit là de l'hypothèse la moins optimiste parce qu'elle ne dépend absolument pas d'une politique ou d'une action qui serait à notre portée, mais simplement des contraintes physiques de notre monde. Si à l'époque de Farraday un peu de limaille de fer,du papier, un crayon, un solénoïde et un courant électrique ont suffi pour montrer le lien entre l'électricité et le magnétisme , donnant l'électromagnétisme mis en équation ensuite par Maxwell. Faire le même type de découverte aux échelles infinitésimales demande immensément plus de moyens. Par exemple, nos scientifiques, pour chercher le fameux boson de Higgs, particule qui donne une masse aux autres particules, ont dû faire construire l'immense LHC (Grand collisionneur de hadrons) entre la Suisse et la France. Un anneau construit sous terre de près de 27km de circonférence, tout ça pour accélérer des protons à la vitesse la plus proche possible de celle de la lumière pour les faire entrer en collision. On le voit, au début, les premières lois de la nature furent assez facilement accessibles pour peu qu'une personne rigoureuse s’attelle à la tâche souvent avec ténacité. Mais petit à petit, les lois de la physique deviennent difficiles et très coûteuses à observer. On assiste à une inflation exponentielle des coûts des instruments de recherche pour aller à la limite de nos connaissances, il s'agit pourtant du seul moyen pour réellement faire progresser la science fondamentale.

 

Cela se vérifie dans d'autres domaines comme la biologie. Lors de la découverte de l'ADN puis lors de l'analyse complète de l'ADN humain, on a supputé avec présomption que nous pourrions vite guérir les maladies génétiques, prévoir les cancers et faire des miracles. Il s'est avéré que c'était beaucoup plus compliqué qu'on ne le croyait et que la biologie par nature est fortement holistique . De sorte qu'il est bien difficile en médecine et en biologie de faire une séparation nette entre les problèmes . L'interdépendance des variables est un véritable casse-tête dans ces disciplines. On pourrait d'ailleurs dire la même chose pour d'autres sciences comme le celle du climat, même si certain prétendent tout prévoir avec leurs modèles mathématiques. De fait, la science moderne se heurte simplement à une réalité beaucoup plus complexe qu'on ne pouvait l'imaginer à l'époque d'un Newton ou d'un Descartes et c'est cette complexité qui produit ce ralentissement au fur et à mesure que nous nous rapprochons d'une compréhension plus fine de la réalité. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura jamais plus de révolution scientifique, mais que ces dernières seront probablement plus éparses et plus rares qu'elles n'ont pu l'être lors de ces deux derniers siècles. Et puis à bien y réfléchir qu'il reste plein de mystères que nous n'arrivons pas entièrement à comprendre, est-ce si dramatique ?

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18 décembre 2022 7 18 /12 /décembre /2022 15:02

 

Nous avons abordé précédemment la nécessité des politiques protectionnistes pour réindustrialiser le pays. Nous avons également montré que ce seul protectionnisme ne suffirait pas en l'état pour réindustrialiser, il doit être accompagné d'une politique volontariste en fonction des secteurs dans lesquels on veut atteindre une certaine autonomie industrielle. Dans ce dernier texte, nous allons aborder rapidement la question de l'éducation nationale et celle de la mise en place d'un nouveau système bancaire et financier . Deux facteurs qui sont éminemment importants pour l'industrie à long terme, car sans un personnel qualifié du haut en bas de l'échelle des formations impossible de faire fonctionner correctement une industrie. De la même manière, notre finance totalement déconnectée de la production de bien réel et qui n'a d'autre activité que la pure spéculation n'est plus du tout adaptée au financement d'un système industriel performant. Dans les deux cas nous pouvons parler de l'intendance permettant un bon fonctionnement du système industriel sans lequel la réindustrialisation ne sera jamais que parcellaire et peu efficiente malgré les efforts que nous pourrions fournir par ailleurs en matière de protectionnisme douanier ou de subvention.

 

Une bonne politique industrielle est un tout qui ne saurait fonctionner correctement sans que l'ensemble de la structure ne soit convenablement conçu. L'on peut tout à fait faire une analogie entre le système industriel et un biotope de la nature. Il s'agit d'une interaction complexe entre de multiples composantes de la société, dont les différentes parties ne doivent en aucun cas être négligées sous peine de faire dépérir l'ensemble du biotope industriel. Dès lors que la France s'est imaginée encore industrielle en négligeant des pans entiers de l'industrie comme avec le fantasme de l'industrie sans usines d'un Serge Tchuruk, ce fut le début de la fin. Faire une industrie sans usines c'est comme imaginer une bicyclette sans roue et Alcatel en a payé le prix fort en disparaissant purement et simplement alors qu'elle était un des leaders mondiaux de son secteur lorsqu'elle s'est lancée dans cette folie au début des années 2000.

 

L'instruction publique

 

Je ne vais pas épiloguer longtemps sur l'état de l'éducation nationale en France, beaucoup d'auteurs l'ont déjà fait à l'image de Jean-Paul Brighelli . L'éducation nationale reconnaît aujourd'hui officiellement l'effondrement du niveau . Ce qui caractérise cette baisse en France c'est son homogénéité, car elle ne touche pas que les milieux défavorisés comme on pourrait le croire à première vue. La baisse est générale, quelles que soient les couches sociales. C'est extrêmement inquiétant, mais aussi rassurant en un sens. Car la lutte pour relever la situation devrait à mon sens faire l'unanimité du haut en bas de la pyramide sociale et faire assez consensus dans la population. Le seul gros problème étant évidemment la partie du ministère de l'Éducation nationale qui nous a mis dans cette situation. Mais un ministre motiver pour changer la situation devrait facilement trouver du soutien dans l'opinion publique sans qu'il y ait d'opposition vraiment forte à cette orientation même dans les mouvements les plus réfractaires au changement dans le domaine. On peut espérer qu'un gouvernement national fortement motivé à l'affaire pourrait prendre dans ces conditions des mesures assez rapides avec un tel soutien. Même s'il faudra malheureusement des générations pour réparer les dégâts.

 

Sans parler d'une nécessaire remise en cause des méthodes d'apprentissage du français, l'on va ici parler simplement d'un objectif clair pour faire de l'instruction publique de qualité l'un pilier de la réindustrialisation française. Disons le tout net, il faut plus de math et de science à l'école. Il ne s'agit pas bien sûr de négliger le reste en particulier du français qui reste le cœur de l'instruction publique. Car sans maîtrise de la langue, il est bien difficile d'aller bien loin dans d'autres matières y compris en mathématique et en science. Mais la revalorisation des mathématiques et des sciences en particulier chez les couches aisées sera un point important pour un retour de nos jeunes dans l'industrie et les matières techniques et scientifiques. Il faut rendre à nouveau aux mathématiques, qui sont le langage de la science, toute leur place en matière de sélection des élèves. Le lent glissement que nous avons connu ces quarante dernières années avait bien été anticipé par Bourdieu notamment. En effet, il avait bien compris que les mathématiques sont par nature plus égalitaires au niveau sociologique . Un fils d'ouvrier aura plus de facilité à concurrencer un fils de la bourgeoisie en mathématique qu'en anglais . Les sciences sont moins marquées socialement que les matières comme le français, les langues étrangères ou l'histoire, elles dépendent moins des compétences intrafamiliales. En mettant les sciences au cœur de la construction des élites, nous avions un système qui était plus égalitaire et permettait une plus grande méritocratie. Mais dès les années 60, on voit en France un déclassement progressif en haut de la pyramide sociale des écoles scientifiques aux profits des cursus non scientifiques à l'image de science Po par exemple.

 

Ce déclassement pour la haute bourgeoisie explique peut-être le déclin des sciences en France, car les études que fuit le haut de la pyramide sociale finissent par faire fuir les strates sociales inférieures même si le processus a mis du temps à se faire sentir. Aujourd'hui, ce sont essentiellement les enfants de profs qui font encore tenir nos études scientifiques, les classes aisées se dirigeant plutôt vers les études de commerces et les études de droit, la seule exception étant les études médicales. Cela se ressent d'ailleurs dans le personnel politique. À l'époque du général de Gaulle, la France avait bon nombre d'ingénieurs chez ses députés et ses ministres aujourd'hui, ils sont aussi fréquents que les bonnes décisions prises par Macron depuis son accession au pouvoir. Il ne s'agit pas ici de dire que seuls des hommes politiques ayant des compétences techniques et scientifiques peuvent prendre de bonnes décisions pour réindustrialiser le pays. Mais l'absence totale de ce type formation appauvrit considérablement la capacité d'appréhension des gouvernements dans ces domaines. Avoir des ministres aux formations variés est la meilleure façon d'éviter de passer à côté de problèmes graves ou de solutions alternatives. Le fait d'avoir une extrême uniformité des formations au plus haut niveau de l'état explique en partie l'incapacité constante de nos dirigeants à voir l'ensemble des problèmes que traverse notre nation. Il n'est pas bon d'avoir toujours les mêmes profiles au pouvoir, surtout quand l'endogamie sociale s'ajoute à l'endogamie des diplômes.

 

Le rôle fondamental du système financier dans la réindustrialisation

 

Jusqu'ici nous nous sommes surtout attelés à penser comment l'état pourrait intervenir directement dans le processus macroéconomique pour renouer avec l'industrie. Et c'est un point essentiel surtout dans un pays comme la France où l'histoire de l'industrie est clairement liée à l'action publique qu'on le déplore ou que l'on s'en félicite. Le fait est que sans l'état la France ne se serait probablement jamais industrialisée. L'absence de patriotisme et le manque d'initiative autonome de la part d'un capitalisme plus terrien qu'autre chose expliquant probablement cette situation. Keynes se moquait des Français en disant qu'ils étaient un peuple de vieux paysans assis sur leur tas d'or et il n'avait pas tout à fait tort. Pour beaucoup, le capitalisme consiste à cueillir les fruits d'un capital accumulé, sans vraiment se soucier du comment le capital augmente. Peu importe la nature du capital, l'important c'est le taux d'intérêt. Ainsi les Français grands adeptes de la bulle immobilière ne comprennent-ils pas qu'accumuler du capital foncier et accumuler du capital industriel ce n'est pas tout à fait la même chose, et que l'un rentre dans le domaine de la pure rente pendant que l'autre concourt à l'enrichissement collectif.

 

En gros, le fantasme du capitaliste français moyen est de s'enrichir en dormant sans se soucier de la qualité de ses investissements. Mais voilà, d'un point de vue collectif, investir l'épargne du pays dans l'immobilier c'est gaspiller en réalité le capital. C'est d'autant plus vrai que le pays dépend de plus en plus d'importations pour couvrir une part de plus en plus grande de sa consommation. Pour réindustrialiser nous alors devoir repenser à la manière dont l'épargne et l'investissement fonctionnent dans notre nation. Il faut attirer le capital vers l'industrie et réduire la part de l'investissement dans la pierre . C'est crucial si nous voulons que l'activité industrielle du pays cesse d'être uniquement le résultat d'une action de l'état. Il faut véritablement créer une culture de l'investissement productif . Culture que nous n'avons jamais vraiment eue contrairement à d'autres pays comme les USA, le Japon, l'Allemagne ou la Suisse.

 

Pour ce faire, il y a de nombreuses méthodes comme la surfiscalisation des investissements les moins intéressants pour la nation à l'image de l'immobilier. Mais il faut également faire en sorte que le capital français reste dans notre pays. L'on se heurte ici à l'autre grand problème provoqué par l'idéologie libérale de ces quarante dernières années. Il faut mettre fin à la libre circulation des capitaux. Obliger le capital français à rester sur place rendra un gros service à notre industrie en obligeant ce dernier à s'investir localement là où la libre circulation lui permettait de s'investir partout sans contrainte. On rappellera d'ailleurs au passage que c'est l'acte unique européen qui a dérégulé la finance du pays et que depuis cette époque les IDE sortants ont toujours été beaucoup plus fort que les IDE rentrants. De sorte que la France a financé l’industrialisation et le développement de puissances étrangères pendant que son propre investissement s'étiolait. Nous sommes l'un des gros perdant de la libre circulation des capitaux en Europe. Et ça sans parler du coût astronomique en matières fiscales puisque c'est la libre circulation des capitaux qui a permis l'évasion fiscale des plus riches à l'échelle industrielle.

 

De fait pour réindustrialiser le pays, il nous faut reconstruire un système financier autonome et indépendant de l'économie mondiale. Cela veut dire également des Banque Nationale et non plus des multinationales investissant partout sauf chez nous. À cela s'ajoutera une nécessaire spécialisation des activités avec non seulement un retour à la séparation des banques d'affaires et des banques de dépôt, mais également avec la création de banques extrêmement spécialisées dans tel ou tel type d'investissement. La banque universelle telle qu'on l'a recréé à partir des années 80 est porteuse d'incompétences et de crises économiques massives. Le cloisonnement des activités produit au contraire de la compétence et de l'implication dans le tissu économique du pays. Nous devons réassocier les banques et les actionnaires dans la vie de l'entreprise et de l'industrie. Il faut recréer du lien et mettre fin à l'économie de casino spéculatif ou l'action d'entreprise est juste un moyen de spéculer comme un autre. Il faut rigidifier le capital, et faire en sorte que le capital financier soit contraint d'être associé à long terme aux entreprises de façon à ce que l'entreprise puisse elle-même se projeter à long terme, et non gaspillé ses activités dans des processus de décision à court terme juste pour faire monter les actions.

 

Loin de mettre fin au capitalisme, l'action d'un gouvernement éclairé en la matière se devrait responsabiliser à nouveau le capital vis-à-vis de l’entreprise, au lieu de l'encourager à la traiter comme un citron qu'on presse et puis qu'on jette. Une grande part de la souffrance au travail et à la dégradation des conditions de travail vient de cette gouvernance à l’américaine qui consiste à ne voir l'entreprise que comme une machine à cash. C'est à la fois nuisible aux salariés, mais aussi nuisible à l'activité en elle-même. Les pays qui s'en sortent industriellement de nos jours ont souvent comme caractéristique d'avoir un capitalisme à l'ancienne avec des banques d'investissement et une association à long terme entre l'entreprise et ses investisseurs à l'image de la Suède ou du Japon. Les pays anglo-saxons qui ont façonné le capitalisme hyperspéculatif ont comme la France une industrie en très mauvais état. Renouer avec un capitalisme de long terme permettra de réindustrialiser le pays et aussi d'améliorer la qualité du travail de nos concitoyens.

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9 octobre 2022 7 09 /10 /octobre /2022 16:51

 

Nous avons vu dans la précédente partie que l'hydrogène était en fait le vecteur énergétique le plus intéressant à l'heure actuelle pour se passer des énergies fossiles. Mais comme on l'a vu, l'hydrogène n'est pas un élément qu'on trouve sous sa forme naturelle . Il est toujours mélangé à d'autres éléments et nécessite donc une extraction. Cette extraction, nous l'avons vu, n'est plus aussi coûteuse qu'autrefois puisque grâce au progrès technique il est maintenant possible de l'extraire de l'eau à un coût raisonnable et avec un excellent rendement énergétique . Mais il faut bien sûr de l'énergie à la base pour faire cette extraction . L'hydrogène n'est donc pas pour l'instant une source d'énergie, mais simplement un moyen pour remplacer le pétrole dans le domaine des transports, des véhicules autonomes, et pour remplacer aussi les batteries chimiques qui posent des problèmes en termes de matière première notamment du lithium. Il nous reste donc celui du cœur du problème à savoir la production d'énergie primaire.

 

Le cycle de l'hydrogène résumé en un schéma

 

Production d'énergie primaire ( thorium et surgénération)

 

Nous n'allons pas ici parler des fameuses énergies vertes . Beaucoup de choses sont à dire notamment sur le fait que les écologistes négligent un peu trop souvent le coût en matière première de ces énergies et le fait qu'elles sont en grande partie maintenant des technologies importées. L'absence de politique d'autonomie industrielle et de protectionnisme ayant largement favorisé la Chine dans le domaine. Cela ne veut pas dire que rien n'est intéressant dans ces technologies bien évidemment . Mais cela veut surtout dire que pour l'instant seule l'énergie nucléaire est à même de partiellement résoudre notre problème énergétique central assez rapidement et à un coût raisonnable. Cependant, continuer à chercher des solutions alternatives dans le domaine des panneaux solaires, des biocarburants de 3e génération ou de la géothermie est tout à fait sensé. Il faut d'ailleurs mettre un coup d’accélérateur en la matière . Certains pays fortement dotés en volcanisme comme l'Islande pourraient même en profiter pour devenir à long terme des producteurs d'hydrogène grâce à leur énergie abondante en matière de géothermie. Ce n'est pas inimaginable, la géothermie fournit d'ailleurs déjà une grande part de la production énergétique locale. Mais il faut bien comprendre que les énergies intermittentes comme le solaire ou l'éolien doivent être couplés à une production d'hydrogène qui lui se stocke contrairement à l'électricité. C'est d'ailleurs ce qu'expérimente une entreprise française à l'heure actuelle malheureusement avec une technique d'électrolyse plus classique que celle du CEA dont j'ai parlé. Cela reste la voie à suivre le stockage sous forme d'hydrogène régulant naturellement le caractère très aléatoire des énergies produites par le climat local.

 

Dans le cas de la France il est évident que nous ne bénéficions pas des atouts islandais en la matière et nos besoins sont d'ailleurs largement supérieurs à ceux d'un pays, qui, bien que magnifique, et grand par son histoire, ses talents humains, reste bien moins peuplé que le notre. Dans le cas français c'est donc surtout vers le nucléaire que nous allons devoir à nouveau nous tourner. À nouveau, car les imbécillités antinucléaires nous ont fait changer de route dès les années 90 . Alors qu'à la base le nucléaire français avait été pensé avec à terme la mise en activité des réacteurs dit de quatrième génération ceux de la surgénération . L'idéologie écologiste et antinucléaire a poussé les hommes politiques d'alors à la faute avec l'arrêt des recherches en la matière. Si Superphénix n'était pas exempt de défauts, il ne faut pas oublier que Rome ne s'est pas fait en un jour. On apprend en faisant et parfois l'on se trompe et ces erreurs nous permettent d'améliorer les processus et nos connaissances. En arrêtant simplement la recherche, on n’a pas seulement gaspillé nos deniers jusqu'alors investis dans la surgénération, on a aussi hypothéqué l'avenir du pays . Et aujourd’hui que les Chinois par exemple se lancent massivement dans les réacteurs au thorium et dans la recherche sur la surgénération, la France risque simplement de devenir dépendante, encore une fois, de technologies étrangères et donc dépendantes une fois de plus d'autres nations pour remplir ses besoins essentiels.

 

Et comme l'avais dit Georges Charpak à l'époque :" Après quelques problèmes techniques inévitables pour un prototype, et malgré de très nombreux problèmes administratifs puis politiques, Superphénix a remarquablement fonctionné pendant un an. Sa fermeture en 1998 résulta d’une exigence des Verts de Dominique Voynet, pour participer au gouvernement Jospin." À l'inverse il était d'ailleurs assez opposé à la machine à vapeur nucléaire de la fusion nucléaire ITER dont nous allons parler par la suite. Heureusement, il semblerait que la domination sans partage des antinucléaires qui ont fait commerce pendant des années de la peur du nucléaire n'ait plus l'avantage. La crise énergétique met les Français devant l'évidence à savoir qu'on ne peut pas à la fois se passer des énergies fossiles et du nucléaire en l'état des connaissances et des capacités techniques qui sont les nôtres. Reste à savoir quel nucléaire il nous faut.

 

Dans un premier temps, il ne fait nul doute que nous construirons encore des réacteurs classiques . Ce sont des technologies éprouvées . Le problème c'est qu'ils utilisent de l'uranium 235 un isotope de l'uranium qui représente à peine 1% de l'ensemble de l'uranium présent sur terre. À long terme si tout le monde sur terre se met à utiliser l'uranium 235 on va vite se retrouver à court de carburant . C'est là qu'entrent en jeu deux autres technologies. Les réacteurs à thorium d'un côté, et les fameux réacteurs de quatrième génération de l'autre, la fameuse surgénération qu'un ingénieur français a récemment remise en lumière pour le grand public. Le thorium j'en avais déjà parlé dans un texte qui date de 2011. Le gros avantage c'est que le thorium est plus abondant que l'uranium, environ trois fois plus abondant. On en trouve aussi dans l'eau de mer et la France semble avoir pas mal de ressources, notamment en Bretagne. De quoi coïncider avec notre but d'autonomie énergétique. L'autre avantage c'est que le thorium produit peu de déchets radioactifs longue durée et qu'il ne peut pas y avoir de fusion du réacteur . Une sécurité qui est, avouons-le, tout à fait appréciable.

 

Alors pourquoi le thorium n'a-t-il pas été utilisé jusque là, me direz-vous ? Pour plusieurs raisons la première c'est qu'il y a eu des échecs techniques, cependant je doute que cette raison soit vraiment le fond du problème. Il est normal de ne pas réussir du premier coup une technologie. Le vrai problème était que le nucléaire était en fait utilisé par les nations comme moyen politique pour justifier la production cachée d'armement nucléaire. Les réacteurs à uranium permettent de faire des éléments radioactifs utilisables par l'armée, ce n'est pas le cas de la fission au thorium. Je pense que c'est ceci qui a joué le plus comme choix de technologie de production électrique par fission nucléaire. Mais aujourd’hui avec l'épuisement des énergies fossiles et la croissance des nouveaux pays industrialisés nous n'avons plus le choix, la fission nucléaire à un intérêt pour elle-même, et plus seulement comme moyen de production d'armes nucléaires. Le thorium est donc une voie tout à fait intéressante et qui est déjà mise en œuvre dans d'autres pays à commencer par la Chine. La Chine espère construire un réacteur à sels fondus de 373 mégawatts d’ici à 2030 .

 

Ensuite, la surgénération est une autre technique qui consiste à utiliser la totalité de l'uranium au lieu de simplement utiliser l'uranium 235 qui ne représente qu'un centième des ressources d'uranium sur terre. La surgénération utilise elle l'uranium 238 qui représente 99% de l'uranium présent sur terre, ce qui accroît notablement le potentiel énergétique de la fission nucléaire. C'était le but de Superphénix qui a malheureusement été abandonné sous Jospin . Et malheureusement, l'autre réacteur à neutron rapide Astrid a également été abandonné en 2019. Le manque de soutien de l'état pour cause idéologique n'est pas sans rapport avec ces abandons successifs . Jusqu'à la crise récente, le nucléaire n'était plus du tout vendable aux médias et donc nos politiques plus intéressés par leur image que par l'intérêt national ont suivi la vox populi médiatique et les écologistes médiatiques. Cependant là encore d'autres nations se lancent à leur tour dans la recherche avec de gros moyens. La chine encore elle va inaugurer des réacteurs à neutron rapide sur des îles dans la province du Fujian . Cela inquiète des scientifiques parce que ces réacteurs produisent aussi du plutonium . Mais à mon sens il s'agit d'une inquiétude absurde puisque la Chine possède déjà l'arme nucléaire. La seule inquiétude devrait plutôt être les questions de sécurité, est-ce que la Chine ne va pas un peu trop vite ? On apprend aussi au passage que la Chine a développé une technologie qui rend rentable apparemment l'extraction de l'uranium de l'eau de mer . Si c'est une réalité, voilà qui ouvre des perspectives aux nations nombreuses qui sont dépourvues de ressources énergétiques naturelles. On remarquera au passage qu'en abandonnant l'investissement dans la recherche nucléaire, la France laisse le soin à d'autre d'écrire l'histoire à sa place.

 

La fusion nucléaire

 

Dernier point sur cette réflexion concernant nos alternatives énergétiques nucléaires, celle de la question de la fusion nucléaire. Il s'agit d'une technologie à laquelle les scientifiques rêvent depuis longtemps. Maîtriser le feu nucléaire de la fusion c'est créer en quelque sorte notre propre petit soleil. Un soleil bien plus efficace d'ailleurs . Si la fusion fait rêver, c'est qu'elle permettrait l'utilisation théorique de l'hydrogène directement comme combustible . Du moins, c'est ce que l'on raconte couramment et c'est ce que fait notre soleil, il transforme l'hydrogène en élément plus lourd, l'hélium, par la fusion nucléaire. C'est grâce à la force de gravité extrême qui pousse les atomes les uns vers les autres dans les régions les plus denses de notre étoile. C'est d'ailleurs ce qui causera à long terme la mort de notre étoile quand celle-ci aura transformé la plupart des atomes d'hydrogène en hélium, elle deviendra alors une géante rouge et la terre disparaîtra, mais c'est un autre sujet. Le but de la fusion artificielle est donc de reproduire ce phénomène à notre échelle.

 

Le problème c'est que la gravité ne se contrôle pas et qu'on ne peut pas utiliser celle-ci pour pousser les atomes à fusionner. Il reste alors deux possibilités, soit en utilisent une force externe pour les pousser à se rencontrer. C'est la fusion par confinement inertiel par laser. En France la technique est utilisée par les célèbres réacteurs Laser Magajoule du CEA . L'autre technique est celle qui consiste à utiliser la chaleur et à provoquer une fusion par l'agitation des éléments suite à la montée de température. En effet, la température est le produit de l'agitation des molécules, plus il fait chaud, plus elles bougent, et donc statistiquement vous avez plus de chance que certaines fusionnent. L'idée dernière ça est que la fusion des atomes produit au finale plus d'énergie que ce qui a été nécessaire pour faire monter la température et agiter les atomes.

 

S'il y a des problèmes techniques à ces technologies de fusion, des problèmes de durée de vie des ensembles qui soutiennent les structures et d'usure des matériaux. Toute chose qui peut rendre les réacteurs plus ou moins rentables. Le vrai gros problème dont on ne parle jamais c'est qu'ils utilisent du tritium et du deutérium. Il s'agit des deux isotopes de l'hydrogène . Or si le deutérium est très abondant, le tritium lui est rarissime . Donc prétendre résoudre le problème de l'énergie sur terre avec une technologie qui dépend d'un élément aussi rare que le tritium est, vous en conviendrez, un problème majeur. Après la recherche doit continuer, peut-être que l'on trouvera un moyen de faire de la fusion nucléaire avec autre chose que du tritium. Mais en l'état, il n'est pas raisonnable de penser que la fusion soit une solution à moyen terme. Le thorium et la surgénération sont nettement plus prometteurs et atteignables dans des délais raisonnables et compatibles avec notre problème d'énergie fossile. J'arrête là pour ces questions énergétiques . Nous en reparlerons régulièrement, car la population commence à se rendre compte que les négligences en la matière et les approximations vont nous coûter très cher dans les années qui viennent . Il n'y a pas de société de consommation et de civilisation industrielle sans énergie.

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10 avril 2019 3 10 /04 /avril /2019 21:57

Dans sa dernière revue, Natixis trouve que la France se désindustrialise . L'analyse est assez courte, mais recèle effectivement des données passablement inquiétantes pour la France même si au fond elles ne sont guère surprenantes. Le plus étonnant c'est plutôt l'incroyable silence de l'analyste de chez Natixis quant au rapport entre ce phénomène de désindustrialisation et l'euro. Parce que les graphiques donnés montrent largement le lien entre les deux, les déboires français commençant avec le dépassement de la monnaie unique du taux de 1,2 dollar pour un euro vers 2003 . L'on peut évidemment penser que les économistes officiels ainsi que les chercheurs du secteur savent parfaitement de quoi il retourne, les graphiques accumulés dans cette étude montrant un lien évident entre les deux. Mais l'idéologie dominante étant ce qu'elle est les économistes un tant soit peu honnêtes se retrouvent à camoufler plus ou moins adroitement ce lien. L'industrie française avait réussi à résister plus ou moins bien à trente ans d’imbécillité macroéconomiques entre le libre-échange, la liberté de circulation des capitaux, la financiarisation excessive du système bancaire, des dérégulations du marché sous toutes ses formes et le franc fort. L'euro aura finalement eu la peau de l'industrie de notre pays. Sa résilience fut tout de même étonnante, preuve que notre nation n'est pas si nul qu'on veut bien le faire croire. Je ne suis pas certain que l'industrie allemande ou japonaise aurait aussi bien résisté au politique mené par nos énarques idéologues du libéralisme.

 

L'une des données les plus importantes est effectivement la baisse de la production manufacturière comme nous pouvons le voir sur le graphique provenant de cette étude. L'industrie automobile française a été complètement démolie avec l'euro, c'est surtout elle qui a entraîné cette baisse globale de la production manufacturière. Mais le graphique de Natixis ne commence qu'en 1998 probablement pour ne pas trop faire remarquer l'énorme impact de l'euro sur l'évolution de la production industrielle française. L'autre graphique que je vous propose produit avec les données d'eurostat montre combien l'euro a fait diverger les évolutions des productions industrielles des pays de la zone euro. L'impact est ici évident à moins d'être d'une mauvaise foi absolue.

Evolution comparé de la production manufaturière

 

Le mythe de l'économie du savoir et de la startup nation.

 

Le plus curieux dans cette étude est finalement la conclusion. Ne pouvant explicitement accuser l'euro pour des questions évidentes l'auteur de la note va chercher dans l'éducation l'explication ultime de la désindustrialisation. C'est parce que les jeunes se détournent des sciences que le pays se désindustrialise. On a bien là un biais d'analyse typiquement libéral à savoir que l'évolution d'une société est le produit unique de l'action des individus qui la compose. L'ensemble de la société n'ayant pas d'influence sur ces derniers. Mais de la même manière que la désindustrialisation relative des USA a entraîné la baisse du nombre d'étudiants dans les filières scientifiques aux USA ne peut-on pas imaginer la même chose ici ? Pourquoi faire des études scientifiques dans un pays qui préfère importer ce qu'il consomme ? Les étudiants français s'adaptent simplement à la réalité du marché du travail et des besoins de la société. Quand une structure économique valorise les écoles de commerces, les footballeurs, les spéculateurs financiers et les baratineurs de salon pourquoi s'embarquer dans des études difficiles et finalement peu valoriser par la société?

C'est d'autant plus vrai que même les débouchés secondaires comme l'enseignement sont aujourd'hui largement dévalorisés, ne serait-ce que par la dégradation constante des conditions de travail et des faibles rémunérations du secteur. Les jeunes Français ne sont tout simplement pas masochistes. Combien de nos thésards et de nos postdoctorant sont obligés de s'expatrier pour trouver un travail dans leurs secteurs ? Combien d'ingénieurs et de techniciens la France a-t-elle produits pour les puissances étrangères ces vingt dernières années ? Il suffit de voir ce petit graphique sur le niveau scolaire des diplômés pour s'en rendre compte. Les jeunes le savent parfaitement, ils s'adaptent donc au marché ce qui bien évidemment va aggraver la situation du pays à long terme l'analyse Nataxis à raison sur ce point. On peut facilement passer d'ingénieur informaticien à banquier d'affaires, l'inverse est beaucoup moins vrai. Réindustrialiser le pays passera par un effort important sur la formation professionnelle le jour où nous aurons enfin une vraie politique macro-économique digne de ce nom.

 

 

Il y a un lien entre l'éducation et le fonctionnement d'une société . L'école n'est pas indépendante de la sphère économique. La dévalorisation du secteur industriel et de la production y compris la plus essentielle comme l'agriculture est allée de pair avec l'illusion de la société de service qui s'est répandue dans la société à la fin des trente glorieuses. Ce discours qui voyait la désindustrialisation comme la suite logique du « progrès » était une illusion d'optique provoquée par les délocalisations et non par les gains de productivité comme ce fut le cas justement des trente glorieuses. Si la part de l'industrie devait effectivement diminuer à cause des gains de productivité et de l'automatisation, ces gains ces quarante dernières années n'ont pas été aussi importants que ce que l'on a connu justement après guerre et durant la période fordiste.

 

La robotique actuelle peut impressionner au premier abord, mais le fait est qu'aucune nouvelle technologie actuelle ne peut se comparer aux gains de productivité qu'on produit la mise en place du travail à la chaîne des premiers temps. C'est d'ailleurs l'un des gros problèmes du capitalisme depuis les années 70, les gains de productivité sont en fait de plus en plus faibles. Et ce n'est pas le mirage de l'intelligence artificielle qui y changera quelque chose. L'idée que les robots et l'automatisation sont responsables du chômage est contredite par ce fait d'ailleurs. C'est bien après guerre que les gains de productivité ont été les plus forts et pourtant il y avait peu de chômage. À l'inverse l'on assiste à une poussée du chômage depuis le ralentissement des gains de productivité dès la fin des années 60. La fin du compromis keynésien a été produite par ce ralentissement que les capitalistes et les rentiers n'ont pas accepté.

 

La crise de l'éducation arrive donc dans une société qui sort d'une phase aiguë de désindustrialisation provoquée par de mauvais choix macro-économiques . Il ne faut pas inverser la cause et les conséquences comme le fait l'étude Natixis. En tous cas, cette évolution donne aussi un coup à la vision de la startup nation de ce pauvre Macron. En effet, non seulement la France forme de moins en moins de scientifiques, mais elle en embauche aussi de moins en moins. Il suffit de voir ci-dessous l'évolution de l'embauche dans le domaine de la recherche. Et l'affaiblissement de la recherche française ne passe pas seulement par la baisse des effectifs, mais aussi par les absurdités managériales qu'on y impose comme l'explique très bien le blogueur Cincinnatus dans ce texte. Les chercheurs passent de plus en plus de temps dans des activités administratives ne correspondant pas à leur métier de base faute de personnel pour l'effectuer. Et le problème n'est pas nouveau, je me souviens très bien d'un de mes profs de DEA en 2002 qui se plaignait déjà de cette évolution . Les thésards servaient d'ailleurs souvent de bouche-trou pour tout un tas d'activité secondaire par manque de personnel administratif.

 

 

On voit mal comment la France dans ces conditions pourrait devenir le champion de la technologie et de l'innovation cher à ces idéologues qui nous gouverne. Avant de vouloir à nouveau être une nation scientifique, il va sérieusement falloir revoir notre politique macroéconomique et donc revoir la question du libre-échange et de la monnaie. Il va falloir également expliquer aux Français qu'on ne peut pas être une société de consommation sans avoir d'industrie parce que le reste du monde ne va pas accepter indéfiniment l'accroissement de notre dette extérieur.

 

 

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