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2 mars 2023 4 02 /03 /mars /2023 15:10

 

C'est un sujet qui revient souvent la question de la productivité du travail. Souvent glorifiée, car elle est la seule raison de la hausse du niveau de vie, ce qui est vrai, la productivité souffre par contre chez les économistes d'un grave problème de définition. Car comme je l'ai souvent dit sur ce blog, la productivité n'est pas un terme d'économiste à la base, c'est un terme d'industriel. À l'époque glorieuse du fordisme, la recherche de l'amélioration de l'organisation du travail fit faire d'énormes gains de productivité . On a tendance à surestimer l'apport de la technique dans l'amélioration de productivité d'alors et à sous-estimer celle de l'organisation en elle-même. C'est pourtant bien le fait que l'on est passé d'une fabrication artisanale où un individu ou un groupe d'individus fabriquait entièrement un véhicule à une spécialisation où chacun produit une pièce en particulier qui a fait exploser les gains de productivité. Vous pouviez ranger vos robots et vos IA, aucune de ces technologies ne pourra jamais refaire ce que Henri Ford fit à l'époque en termes de gain de productivité. Et pour mesurer ces gains, on a simplement calculé le temps que mettait chaque ouvrier pour faire chaque pièce. L'effet de la spécialisation du travail, s'il avait l'inconvénient de produire des emplois fastidieux et répétitif comme l'a si admirablement montré Chaplin dans « Les temps modernes », les gains de productivité en découlant permirent une très forte hausse des salaires et des niveaux de vie de la population en général.

 

L'on peut dire ainsi que les gains de productivité sont en quelque sorte le pacte faustien de la modernité. D'un côté ils rendent le travail parfois pénible, détruisent nombre d'activités, chamboulent nos sociétés, mais de l'autre ils ont permis aux générations qui se sont succédé de voir leur niveau s'élever grandement. C'est tout le paradoxe de la civilisation industrielle. Mais que l'on ne se méprenne pas, la technologie n'est pas le seul facteur qui a augmenté la productivité du travail par rapport à la société agropastoral dont nous sortions. La façon de travailler, de s'organiser a tout autant influé, si ce n'est plus que le progrès technique en lui-même. Et n'oublions pas bien évidemment l'énergie qui a permis aussi ces hausses de productivité. L'historien Jean-François Mouhot a estimé que grâce à l'énergie et à la technologie moderne qui l'emploie le français moyen avait l'équivalent de 427 esclaves pour fournir tout ce qu'il consomme en permanence. Cela rejoint les travaux anciens du célèbre économiste Jean Fourastié à qui nous devons la célèbre expression des trente glorieuses. Les gains de productivité sont à la source de notre prospérité, et il n'y a aucun doute sur cette question, ce qui est rare en économie.

Source Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Esclave_%C3%A9nerg%C3%A9tique

La productivité des économistes

 

Cependant, la façon dont on mesure cette productivité peut par contre faire question et poser problème. En effet comme nous l'avons vu la productivité telle qu'elle a été imaginée par l'industrie est quelque chose de très concret. On produit tant de choses avec telle quantité de personnel sur un certain laps de temps, avec tel coût du travail, etc. Si l'on peut ainsi calculer la productivité de telle ou telle usine et faire des comparaisons dans le temps ou avec d'autres usines similaires, il est difficile d'en faire un outil macroéconomique. Et les outils macroéconomiques, les économistes aiment ça. Même lorsque ces outils finissent par déformer la réalité au point de passer complètement à côté d'elle, à l'image du PIB exprimé en dollars qui a fait croire aux Occidentaux que la Russie était un petit pays pesant comme l'Espagne et qu'elle s'écroulerait avec des sanctions. On connaît la suite. Jacques Sapir a démontré récemment assez simplement que la Russie en terme économique réel était beaucoup plus proche de l'Allemagne. On rajoutera, comme l'a fait Emmanuel Todd, que la Russie produit beaucoup d'ingénieurs et de techniciens, en proportion largement plus que les USA. À tel point qu'en nombre absolu il y a pratiquement autant d'ingénieurs en Russie qu'aux Usa alors que les USA font 330 millions d'habitants et la Russie seulement 147 millions d'habitants.

 

On le voit, les erreurs de mesure en économie peuvent avoir de graves effets, puisque les occidentaux se sont menti à eux même en utilisant un outil économique qui n'a aucun sens quand on compare des nations entre elles. Et ils en ont conclu des mesures absolument stupides qui n'ont pas eu les effets escomptés sur l'économie russe. À l'inverse ce sont nos sociétés avec un gros PIB, mais largement dépendantes d'importations multiples qui se retrouvent en grave difficulté. Cette affaire montre qu'il y a d'énormes failles dans la « science » économique et que les outils employés sont bien souvent inadéquats, quand ils ne sont pas tout simplement pas faux, comme la fameuse courbe de Philips dont on a déjà parlé dans un autre texte. Il en va de même avec la notion de productivité. Pour les économistes, la productivité du travail se résume à la division du PIB par le nombre d'heures travaillé. Ce qui veut dire que tous les emplois sont mélangés et que tout concourt à la hausse ou à la baisse de la productivité. Vous êtes un paradis fiscal qui ne produit rien, la Luxembourg par exemple, et bien on voit que vous êtes très productif, c'est le second pays du monde le plus productif derrière Monaco... Évidemment, cela n'a aucun sens, ces pays vivant en parasitant économiquement leurs voisins.

 

On voit ici déjà la limite de l'outil dans les comparaisons internationales. Pourtant cela n'empêche pas certains groupes d'économistes de faire des « recherches sérieuses» sur les liens entre la productivité du travail et d'autres facteurs. Ainsi Natixis nous sort un comparatif entre différents pays pour mesurer soi-disant l'effet de l'effort de recherche sur la croissance de la productivité. Évidemment les Américains sont les champions devant une Europe en décrépitude. Et il est vrai qu'en matière de recherche, l'Europe fait, hélas, peu d'effort, c'est le moins que l'on puisse dire . Quand on pense que la France du Général de Gaulle dépensait presque 6% du PIB en recherche et développement, alors qu'on est à seulement 2% maintenant. Cependant, l'étude en question ne montre en réalité pas de lien systématique contrairement à ce que les auteurs affirment. Le Japon par exemple a une productivité du travail qui stagne alors que c'est un leader de la recherche mondiale. Pourquoi donc ? C'est simple, la mesure de la productivité que les auteurs utilisent, c'est la productivité au sens des économistes dont j'ai parlé précédemment. Comme le PIB japonais n'augmente pas pour diverses raisons, en premier lieu à cause de la crise datant des années 90 . La productivité du travail n'augmente pas d'un point de vue comptable. Cela ne veut pourtant pas dire que le travailleur japonais d'aujourd'hui n'est pas plus efficace que celui de l'an 2000. Ensuite, autre problème, si la productivité du travail résultant des investissements en recherche avait tant d'effets que ça sur l'économie américaine, comment expliquer les énormes déficits commerciaux ?

 

Source Etude Natixis https://research.natixis.com/Site/en/publication/lhu_df51pecvkvvA1As1iO_phttPNr1FSinYjHijWLo%3D?from=EMAIL

 

Si un pays a une productivité du travail en forte hausse, il devient plus compétitif donc in fine il finit par accumuler des excédants commerciaux. Or c'est tout l'inverse, les USA accumulant des déficits de plus en plus énormes, 1000 milliards en 2022. Là encore, c'est parce que la productivité dont parlent nos économistes n'est pas la productivité réelle, mais une chimère comptable qui avait du sens seulement quand le pays produisait lui-même ce qu'il consommait. À partir du moment où vous importez tout les chiffres n'ont plus de sens. Et l'on se retrouve avec un Japon qui investit beaucoup dans la recherche, mais dont la productivité stagne alors que lui équilibre ses comptes extérieurs et des USA qui investissent aussi dans la recherche, mais qui ont une productivité apparente en hausse, mais des déficits extérieurs gigantesques. On pourrait rajouter que les injections monétaires permanentes qui font de l'activité et donc de la croissance du PIB par tête gonfle aussi cette productivité comptable. Et comment ne pas voir également que les produits importés gonflent aussi la productivité du pays ?

 

Enfin, je ferai une remarque acide sur la question de la recherche et du développement . Les USA ont tout à fait raison de massivement faire des efforts en ce sens et nous serions bien inspiré de faire la même chose en France et ailleurs en Europe. Cependant, il faut bien comprendre que dans un système totalement globalisé comme le nôtre l'innovation technique n'est plus une garantie de développement national. Et les USA en sont un parfait exemple. Ils ont des entreprises leaders dans des domaines de technologies avancées, mais ces dernières ne font pas systématiquement produire leurs innovations aux USA. La compagnie Tesla qui fait fréquemment parler d'elle à tort ou à raison vient d'annoncer par exemple un investissement massif au Mexique. On a de plus en plus de production sophistiquée ailleurs qu'aux USA par des entreprises américaines, et ce depuis longtemps. Même les centres de recherche délocalisent. La hausse du niveau scolaire planétaire condamne en fait la recherche dans les pays anciennement développés. Car les scientifiques qu'ils soient en Inde ou ailleurs coûtent beaucoup moins cher en étant tout aussi compétent, si ce n'est plus avec la baisse du niveau scolaire qui touchent certains pays développés. De facto, les innovations peuvent paradoxalement aggraver nos déficits commerciaux puisque tout est importé, même les innovations les plus modernes qui seront probablement fabriquées en Chine. Les USA sont ainsi un énorme importateur de technologie avancé alors même que celles-ci sont souvent conçues par leurs propres entreprises. C'est paradoxal, mais cela n'entre pas dans le calcul de nos amis de chez Natixis. Et de toute manière en matière d'innovation, le nouveau maître du monde est bien la Chine. Une étude récente montre que la Chine est désormais leader dans l'innovation dans la majorité des activités économiques. Cela tord l'idée que se font les Occidentaux de l'économie mondiale actuelle. La plupart des Occidentaux ont une vision qui a au moins 20 ans de retard. La domination chinoise c'est pour maintenant, pas pour dans 50 ans.

 

 

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11 janvier 2023 3 11 /01 /janvier /2023 20:02

 

Alors que beaucoup s'extasient sur les I.A comme GPT-3 ou encore sur les engins d'Elon Musk qui promettent monts et merveilles techno-scientifiques, il semble que la réalité de la science mondiale soit en fait beaucoup moins reluisante. En effet, alors que l'actualité parfois peut faire croire à un formidable mouvement d'accélération du progrès scientifique et technique, il semble que cela est en réalité une chimère. Loin d'accélérer la science qui semble de moins en moins créative, c'est en tout cas ce que l'on peut lire sur cet article récent de la revue Nature. Ce n'est pas qu'il n'y a plus de recherche scientifique, bien au contraire il n'y a jamais eu autant de scientifiques et d'ingénieurs sur terre . D'autant qu'aux anciennes grandes puissances scientifiques occidentales se sont ajoutés les pays d'Asie de l'Est et la Chine en particulier. Cependant, l'on constate que s'il y a toujours de nombreuses publications scientifiques, elles sont plus rarement qu'autrefois révolutionnaires sur le plan conceptuel. Et comme vous pouvez le voir sur le graphique de Nature le déclin ne date pas d'hier.

 

 

Si la revue Nature s'intéresse ici à la capacité de rupture scientifique fondamentale, le ralentissement en termes de progrès technique avait déjà été bien vu par certains auteurs. Jacques Ellul dans son livre « Le Grand bluff technologique » avait déjà souligné la transformation de la technique à la fin des années 60. Pour lui si la technologie avait bien amélioré la vie de nos concitoyens après guerre surfant sur les grandes découvertes du début du vingtième siècle et des investissements massifs liés en partie malheureusement aux conflits militaires (seconde guerre mondiale et guerre froide), le progrès en termes de gain réel devenait progressivement de plus en plus ténu. Tout se passe comme si nous suivions une courbe logarithmique avec un ralentissement de plus en plus prononcé des gains que la technique offre en terme d'amélioration de la vie pour la population. Au progrès avec un grand P s'est substitué petit à petit, un progrès fait d'accumulation de gadget ne changeant pas fondamentalement la situation de la vie courante. On est passé de l'électricité, de la machine à vapeur ou au moteur à explosion à la capacité fabuleuse de changer la couleur d'une voiture instantanément. C'est une allégorie de l’aplatissement progressif de l'intérêt du progrès technique.

 

L'autre facteur qui n'est pas passé inaperçu aux yeux des économistes c'est la baisse tendancielle des gains de productivité dans les pays industrialisés. Nous avons effectivement des prouesses qui sont réalisées aujourd'hui en matière de robotique et de technique d'automatisation, mais en réalité si elles sont impressionnantes la plupart du temps, elles sont loin de pouvoir produire les incroyables gains de productivité qu'ont produits par exemple le fordisme et la mise en place du travail à la chaîne. L'organisation scientifique de la production a fait des prouesses qu'aucune technologie actuelle ne pourrait approcher de loin. Imaginez en 7 mois seulement en 1914 la production de voiture Ford passe de 840 minutes de travail pour monter un châssis par ouvrier à seulement 93 minutes . Même les plus belles mécaniques d'automatisations actuelles auraient du mal à produire un tel gain de temps. Or les gains de productivité ont conditionné la croissance par tête et la hausse du niveau de vie globale . Si une bonne part de la croissance a été longtemps le fruit de la hausse de la population, c'est surtout la hausse de la productivité qui a permis l'amélioration des conditions de vie du plus grand nombre. C'est aussi la hausse de la productivité du travail qui a permis pendant longtemps la hausse simultanée des salaires et des gains pour les actionnaires. La fin des trente glorieuses n'est pas sans rapport avec le ralentissement du progrès en termes de gain de productivité. Le capitalisme qui ne suivrait pas à la stagnation de la croissance a cherché d'autres moyens pour survivre. La globalisation a sans doute été un moyen momentané pour repousser l'inéluctable échéance du ralentissement du progrès technique et donc la fin de la croissance infinie pour les bénéfices.

 

Problème de modèle économique ou simples limites atteintes ?

 

Alors à ce stade l'on pourrait se poser plusieurs questions . Quelle serait la conséquence sur nos sociétés d'un arrêt du progrès technique en tout cas du point de vue des gains de productivité, et les effets sur l'économie? Mais aussi quelle est l'origine de ce ralentissement à voir de cet arrêt progressif ? Je ne parlerai ici que de la seconde question, la première demanderait beaucoup de temps et je l'aborderai probablement dans un autre texte. Pour ce qui est de savoir d'où vient le problème, les hypothèses sont multiples. Et il sera bien difficile à ma modeste personne de savoir avec certitude quel processus entraîne ce phénomène. La première hypothèse, celle qui est la moins inquiétante, c'est que ce ralentissement est le produit du mode de fonctionnement de la science moderne. Car la science d'aujourd'hui fonctionne assez différemment de la science du 19e. Autrefois, les questions économiques et la question des brevets, en tout cas en Europe, étaient assez secondaires. L'éducation humaniste et la volonté de comprendre le monde qui nous entoure et de maîtriser la matière étaient le moteur de l'action scientifique. Et la science était beaucoup moins professionnalisée qu'aujourd'hui . Un homme ayant une carrière comme Michael Faraday serait assez peu imaginable de nos jours. L'éducation a elle aussi fortement changé. Il se peut que nous ne formions plus les esprits de manière aussi créative que ne le faisaient nos institutions autrefois. En massifiant l'instruction, nous l'avons peut-être détérioré et donc amoindri d'une certaine manière la créativité des scientifiques. Il se peut aussi que notre façon de sélectionner nos scientifiques soit mauvaise.

 

L'autre facteur à mon avis plus important est que le financement de la science, elle-même a changé. Depuis les années 70 sous l'influence américaine, la science s'est petit à petit mise au service du marché. Pour obtenir des financements de recherches parfois très coûteuses, il faut désormais courtiser les acteurs privés et donc faire miroiter des retours sur investissement. De fait la recherche fondamentale, celle qui produit les ruptures majeures, a petit à petit été délaissée au profit d'une recherche à plus court terme pour permettre à des innovations peu utiles, mais très rentables d'être mises au point. De fait, l'organisation à seul but lucratif de la recherche aurait petit à petit paralysé la véritable recherche, celle qui n'a aucun but lucratif, mais qui cherche des réponses à des questions, quel que soit l’intérêt en matière d'application pratique. Quand le mathématicien George Boole invente l'algèbre de Boole et la logique binaire au milieu du 19e siècle, il n'y a pas vraiment d'application pratique à son invention. Et pourtant c'est grâce à l'algèbre de Boole et à l'invention de l'effet transistor qui permettra son usage pratique que la révolution informatique va se produire. D'abord avec les transistors à lampe puis avec les transistors sur silicium qui vont permettre une miniaturisation si grande que nos processeurs actuels possèdent des milliards de transistors à la surface.

 

On peut donc supposer qu'avec la réduction des investissements publics dans la recherche et la privatisation de celle-ci l’approche scientifique a changé en réduisant à long terme la créativité et donc les changements de paradigme capable de faire de vraies ruptures scientifiques. Rappelons que les grands programmes des recherches publiques étaient aussi motivés pour des questions de compétition militaire internationale. Le programme Apollo, s'il a eu d'incroyables répercussions scientifiques avec la mise au point de la pile à combustible ou du laser par exemple, avait surtout comme objectif de développer des lanceurs capables d'emporter à terme des ogives nucléaires. La compétition entre les différentes puissances a donc participé à l'énorme innovation qu'a connue le vingtième siècle. C'est moins vrai aujourd'hui. Même s'il y a des conflits , la guerre en Ukraine nous le rappelle tristement, on est très loin pour l'instant des efforts que les états ont pu fournir pendant la Seconde Guerre mondiale ou pendant la guerre froide en matière de recherche. De la même manière, une bonne partie des programmes nucléaires civile avaient pour but de produire des matières fissiles et du plutonium pour les armes nucléaires. C'est d'ailleurs probablement parce qu'elle ne produisait pas ce type de déchet que la filière au thorium n'a pas été choisie contrairement à l'uranium.

 

Enfin, dernière hypothèse, la science est moins créative parce qu'il est aujourd'hui simplement beaucoup plus difficile de découvrir des choses réellement nouvelles. Il s'agit là de l'hypothèse la moins optimiste parce qu'elle ne dépend absolument pas d'une politique ou d'une action qui serait à notre portée, mais simplement des contraintes physiques de notre monde. Si à l'époque de Farraday un peu de limaille de fer,du papier, un crayon, un solénoïde et un courant électrique ont suffi pour montrer le lien entre l'électricité et le magnétisme , donnant l'électromagnétisme mis en équation ensuite par Maxwell. Faire le même type de découverte aux échelles infinitésimales demande immensément plus de moyens. Par exemple, nos scientifiques, pour chercher le fameux boson de Higgs, particule qui donne une masse aux autres particules, ont dû faire construire l'immense LHC (Grand collisionneur de hadrons) entre la Suisse et la France. Un anneau construit sous terre de près de 27km de circonférence, tout ça pour accélérer des protons à la vitesse la plus proche possible de celle de la lumière pour les faire entrer en collision. On le voit, au début, les premières lois de la nature furent assez facilement accessibles pour peu qu'une personne rigoureuse s’attelle à la tâche souvent avec ténacité. Mais petit à petit, les lois de la physique deviennent difficiles et très coûteuses à observer. On assiste à une inflation exponentielle des coûts des instruments de recherche pour aller à la limite de nos connaissances, il s'agit pourtant du seul moyen pour réellement faire progresser la science fondamentale.

 

Cela se vérifie dans d'autres domaines comme la biologie. Lors de la découverte de l'ADN puis lors de l'analyse complète de l'ADN humain, on a supputé avec présomption que nous pourrions vite guérir les maladies génétiques, prévoir les cancers et faire des miracles. Il s'est avéré que c'était beaucoup plus compliqué qu'on ne le croyait et que la biologie par nature est fortement holistique . De sorte qu'il est bien difficile en médecine et en biologie de faire une séparation nette entre les problèmes . L'interdépendance des variables est un véritable casse-tête dans ces disciplines. On pourrait d'ailleurs dire la même chose pour d'autres sciences comme le celle du climat, même si certain prétendent tout prévoir avec leurs modèles mathématiques. De fait, la science moderne se heurte simplement à une réalité beaucoup plus complexe qu'on ne pouvait l'imaginer à l'époque d'un Newton ou d'un Descartes et c'est cette complexité qui produit ce ralentissement au fur et à mesure que nous nous rapprochons d'une compréhension plus fine de la réalité. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura jamais plus de révolution scientifique, mais que ces dernières seront probablement plus éparses et plus rares qu'elles n'ont pu l'être lors de ces deux derniers siècles. Et puis à bien y réfléchir qu'il reste plein de mystères que nous n'arrivons pas entièrement à comprendre, est-ce si dramatique ?

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18 décembre 2022 7 18 /12 /décembre /2022 15:02

 

Nous avons abordé précédemment la nécessité des politiques protectionnistes pour réindustrialiser le pays. Nous avons également montré que ce seul protectionnisme ne suffirait pas en l'état pour réindustrialiser, il doit être accompagné d'une politique volontariste en fonction des secteurs dans lesquels on veut atteindre une certaine autonomie industrielle. Dans ce dernier texte, nous allons aborder rapidement la question de l'éducation nationale et celle de la mise en place d'un nouveau système bancaire et financier . Deux facteurs qui sont éminemment importants pour l'industrie à long terme, car sans un personnel qualifié du haut en bas de l'échelle des formations impossible de faire fonctionner correctement une industrie. De la même manière, notre finance totalement déconnectée de la production de bien réel et qui n'a d'autre activité que la pure spéculation n'est plus du tout adaptée au financement d'un système industriel performant. Dans les deux cas nous pouvons parler de l'intendance permettant un bon fonctionnement du système industriel sans lequel la réindustrialisation ne sera jamais que parcellaire et peu efficiente malgré les efforts que nous pourrions fournir par ailleurs en matière de protectionnisme douanier ou de subvention.

 

Une bonne politique industrielle est un tout qui ne saurait fonctionner correctement sans que l'ensemble de la structure ne soit convenablement conçu. L'on peut tout à fait faire une analogie entre le système industriel et un biotope de la nature. Il s'agit d'une interaction complexe entre de multiples composantes de la société, dont les différentes parties ne doivent en aucun cas être négligées sous peine de faire dépérir l'ensemble du biotope industriel. Dès lors que la France s'est imaginée encore industrielle en négligeant des pans entiers de l'industrie comme avec le fantasme de l'industrie sans usines d'un Serge Tchuruk, ce fut le début de la fin. Faire une industrie sans usines c'est comme imaginer une bicyclette sans roue et Alcatel en a payé le prix fort en disparaissant purement et simplement alors qu'elle était un des leaders mondiaux de son secteur lorsqu'elle s'est lancée dans cette folie au début des années 2000.

 

L'instruction publique

 

Je ne vais pas épiloguer longtemps sur l'état de l'éducation nationale en France, beaucoup d'auteurs l'ont déjà fait à l'image de Jean-Paul Brighelli . L'éducation nationale reconnaît aujourd'hui officiellement l'effondrement du niveau . Ce qui caractérise cette baisse en France c'est son homogénéité, car elle ne touche pas que les milieux défavorisés comme on pourrait le croire à première vue. La baisse est générale, quelles que soient les couches sociales. C'est extrêmement inquiétant, mais aussi rassurant en un sens. Car la lutte pour relever la situation devrait à mon sens faire l'unanimité du haut en bas de la pyramide sociale et faire assez consensus dans la population. Le seul gros problème étant évidemment la partie du ministère de l'Éducation nationale qui nous a mis dans cette situation. Mais un ministre motiver pour changer la situation devrait facilement trouver du soutien dans l'opinion publique sans qu'il y ait d'opposition vraiment forte à cette orientation même dans les mouvements les plus réfractaires au changement dans le domaine. On peut espérer qu'un gouvernement national fortement motivé à l'affaire pourrait prendre dans ces conditions des mesures assez rapides avec un tel soutien. Même s'il faudra malheureusement des générations pour réparer les dégâts.

 

Sans parler d'une nécessaire remise en cause des méthodes d'apprentissage du français, l'on va ici parler simplement d'un objectif clair pour faire de l'instruction publique de qualité l'un pilier de la réindustrialisation française. Disons le tout net, il faut plus de math et de science à l'école. Il ne s'agit pas bien sûr de négliger le reste en particulier du français qui reste le cœur de l'instruction publique. Car sans maîtrise de la langue, il est bien difficile d'aller bien loin dans d'autres matières y compris en mathématique et en science. Mais la revalorisation des mathématiques et des sciences en particulier chez les couches aisées sera un point important pour un retour de nos jeunes dans l'industrie et les matières techniques et scientifiques. Il faut rendre à nouveau aux mathématiques, qui sont le langage de la science, toute leur place en matière de sélection des élèves. Le lent glissement que nous avons connu ces quarante dernières années avait bien été anticipé par Bourdieu notamment. En effet, il avait bien compris que les mathématiques sont par nature plus égalitaires au niveau sociologique . Un fils d'ouvrier aura plus de facilité à concurrencer un fils de la bourgeoisie en mathématique qu'en anglais . Les sciences sont moins marquées socialement que les matières comme le français, les langues étrangères ou l'histoire, elles dépendent moins des compétences intrafamiliales. En mettant les sciences au cœur de la construction des élites, nous avions un système qui était plus égalitaire et permettait une plus grande méritocratie. Mais dès les années 60, on voit en France un déclassement progressif en haut de la pyramide sociale des écoles scientifiques aux profits des cursus non scientifiques à l'image de science Po par exemple.

 

Ce déclassement pour la haute bourgeoisie explique peut-être le déclin des sciences en France, car les études que fuit le haut de la pyramide sociale finissent par faire fuir les strates sociales inférieures même si le processus a mis du temps à se faire sentir. Aujourd'hui, ce sont essentiellement les enfants de profs qui font encore tenir nos études scientifiques, les classes aisées se dirigeant plutôt vers les études de commerces et les études de droit, la seule exception étant les études médicales. Cela se ressent d'ailleurs dans le personnel politique. À l'époque du général de Gaulle, la France avait bon nombre d'ingénieurs chez ses députés et ses ministres aujourd'hui, ils sont aussi fréquents que les bonnes décisions prises par Macron depuis son accession au pouvoir. Il ne s'agit pas ici de dire que seuls des hommes politiques ayant des compétences techniques et scientifiques peuvent prendre de bonnes décisions pour réindustrialiser le pays. Mais l'absence totale de ce type formation appauvrit considérablement la capacité d'appréhension des gouvernements dans ces domaines. Avoir des ministres aux formations variés est la meilleure façon d'éviter de passer à côté de problèmes graves ou de solutions alternatives. Le fait d'avoir une extrême uniformité des formations au plus haut niveau de l'état explique en partie l'incapacité constante de nos dirigeants à voir l'ensemble des problèmes que traverse notre nation. Il n'est pas bon d'avoir toujours les mêmes profiles au pouvoir, surtout quand l'endogamie sociale s'ajoute à l'endogamie des diplômes.

 

Le rôle fondamental du système financier dans la réindustrialisation

 

Jusqu'ici nous nous sommes surtout attelés à penser comment l'état pourrait intervenir directement dans le processus macroéconomique pour renouer avec l'industrie. Et c'est un point essentiel surtout dans un pays comme la France où l'histoire de l'industrie est clairement liée à l'action publique qu'on le déplore ou que l'on s'en félicite. Le fait est que sans l'état la France ne se serait probablement jamais industrialisée. L'absence de patriotisme et le manque d'initiative autonome de la part d'un capitalisme plus terrien qu'autre chose expliquant probablement cette situation. Keynes se moquait des Français en disant qu'ils étaient un peuple de vieux paysans assis sur leur tas d'or et il n'avait pas tout à fait tort. Pour beaucoup, le capitalisme consiste à cueillir les fruits d'un capital accumulé, sans vraiment se soucier du comment le capital augmente. Peu importe la nature du capital, l'important c'est le taux d'intérêt. Ainsi les Français grands adeptes de la bulle immobilière ne comprennent-ils pas qu'accumuler du capital foncier et accumuler du capital industriel ce n'est pas tout à fait la même chose, et que l'un rentre dans le domaine de la pure rente pendant que l'autre concourt à l'enrichissement collectif.

 

En gros, le fantasme du capitaliste français moyen est de s'enrichir en dormant sans se soucier de la qualité de ses investissements. Mais voilà, d'un point de vue collectif, investir l'épargne du pays dans l'immobilier c'est gaspiller en réalité le capital. C'est d'autant plus vrai que le pays dépend de plus en plus d'importations pour couvrir une part de plus en plus grande de sa consommation. Pour réindustrialiser nous alors devoir repenser à la manière dont l'épargne et l'investissement fonctionnent dans notre nation. Il faut attirer le capital vers l'industrie et réduire la part de l'investissement dans la pierre . C'est crucial si nous voulons que l'activité industrielle du pays cesse d'être uniquement le résultat d'une action de l'état. Il faut véritablement créer une culture de l'investissement productif . Culture que nous n'avons jamais vraiment eue contrairement à d'autres pays comme les USA, le Japon, l'Allemagne ou la Suisse.

 

Pour ce faire, il y a de nombreuses méthodes comme la surfiscalisation des investissements les moins intéressants pour la nation à l'image de l'immobilier. Mais il faut également faire en sorte que le capital français reste dans notre pays. L'on se heurte ici à l'autre grand problème provoqué par l'idéologie libérale de ces quarante dernières années. Il faut mettre fin à la libre circulation des capitaux. Obliger le capital français à rester sur place rendra un gros service à notre industrie en obligeant ce dernier à s'investir localement là où la libre circulation lui permettait de s'investir partout sans contrainte. On rappellera d'ailleurs au passage que c'est l'acte unique européen qui a dérégulé la finance du pays et que depuis cette époque les IDE sortants ont toujours été beaucoup plus fort que les IDE rentrants. De sorte que la France a financé l’industrialisation et le développement de puissances étrangères pendant que son propre investissement s'étiolait. Nous sommes l'un des gros perdant de la libre circulation des capitaux en Europe. Et ça sans parler du coût astronomique en matières fiscales puisque c'est la libre circulation des capitaux qui a permis l'évasion fiscale des plus riches à l'échelle industrielle.

 

De fait pour réindustrialiser le pays, il nous faut reconstruire un système financier autonome et indépendant de l'économie mondiale. Cela veut dire également des Banque Nationale et non plus des multinationales investissant partout sauf chez nous. À cela s'ajoutera une nécessaire spécialisation des activités avec non seulement un retour à la séparation des banques d'affaires et des banques de dépôt, mais également avec la création de banques extrêmement spécialisées dans tel ou tel type d'investissement. La banque universelle telle qu'on l'a recréé à partir des années 80 est porteuse d'incompétences et de crises économiques massives. Le cloisonnement des activités produit au contraire de la compétence et de l'implication dans le tissu économique du pays. Nous devons réassocier les banques et les actionnaires dans la vie de l'entreprise et de l'industrie. Il faut recréer du lien et mettre fin à l'économie de casino spéculatif ou l'action d'entreprise est juste un moyen de spéculer comme un autre. Il faut rigidifier le capital, et faire en sorte que le capital financier soit contraint d'être associé à long terme aux entreprises de façon à ce que l'entreprise puisse elle-même se projeter à long terme, et non gaspillé ses activités dans des processus de décision à court terme juste pour faire monter les actions.

 

Loin de mettre fin au capitalisme, l'action d'un gouvernement éclairé en la matière se devrait responsabiliser à nouveau le capital vis-à-vis de l’entreprise, au lieu de l'encourager à la traiter comme un citron qu'on presse et puis qu'on jette. Une grande part de la souffrance au travail et à la dégradation des conditions de travail vient de cette gouvernance à l’américaine qui consiste à ne voir l'entreprise que comme une machine à cash. C'est à la fois nuisible aux salariés, mais aussi nuisible à l'activité en elle-même. Les pays qui s'en sortent industriellement de nos jours ont souvent comme caractéristique d'avoir un capitalisme à l'ancienne avec des banques d'investissement et une association à long terme entre l'entreprise et ses investisseurs à l'image de la Suède ou du Japon. Les pays anglo-saxons qui ont façonné le capitalisme hyperspéculatif ont comme la France une industrie en très mauvais état. Renouer avec un capitalisme de long terme permettra de réindustrialiser le pays et aussi d'améliorer la qualité du travail de nos concitoyens.

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9 octobre 2022 7 09 /10 /octobre /2022 16:51

 

Nous avons vu dans la précédente partie que l'hydrogène était en fait le vecteur énergétique le plus intéressant à l'heure actuelle pour se passer des énergies fossiles. Mais comme on l'a vu, l'hydrogène n'est pas un élément qu'on trouve sous sa forme naturelle . Il est toujours mélangé à d'autres éléments et nécessite donc une extraction. Cette extraction, nous l'avons vu, n'est plus aussi coûteuse qu'autrefois puisque grâce au progrès technique il est maintenant possible de l'extraire de l'eau à un coût raisonnable et avec un excellent rendement énergétique . Mais il faut bien sûr de l'énergie à la base pour faire cette extraction . L'hydrogène n'est donc pas pour l'instant une source d'énergie, mais simplement un moyen pour remplacer le pétrole dans le domaine des transports, des véhicules autonomes, et pour remplacer aussi les batteries chimiques qui posent des problèmes en termes de matière première notamment du lithium. Il nous reste donc celui du cœur du problème à savoir la production d'énergie primaire.

 

Le cycle de l'hydrogène résumé en un schéma

 

Production d'énergie primaire ( thorium et surgénération)

 

Nous n'allons pas ici parler des fameuses énergies vertes . Beaucoup de choses sont à dire notamment sur le fait que les écologistes négligent un peu trop souvent le coût en matière première de ces énergies et le fait qu'elles sont en grande partie maintenant des technologies importées. L'absence de politique d'autonomie industrielle et de protectionnisme ayant largement favorisé la Chine dans le domaine. Cela ne veut pas dire que rien n'est intéressant dans ces technologies bien évidemment . Mais cela veut surtout dire que pour l'instant seule l'énergie nucléaire est à même de partiellement résoudre notre problème énergétique central assez rapidement et à un coût raisonnable. Cependant, continuer à chercher des solutions alternatives dans le domaine des panneaux solaires, des biocarburants de 3e génération ou de la géothermie est tout à fait sensé. Il faut d'ailleurs mettre un coup d’accélérateur en la matière . Certains pays fortement dotés en volcanisme comme l'Islande pourraient même en profiter pour devenir à long terme des producteurs d'hydrogène grâce à leur énergie abondante en matière de géothermie. Ce n'est pas inimaginable, la géothermie fournit d'ailleurs déjà une grande part de la production énergétique locale. Mais il faut bien comprendre que les énergies intermittentes comme le solaire ou l'éolien doivent être couplés à une production d'hydrogène qui lui se stocke contrairement à l'électricité. C'est d'ailleurs ce qu'expérimente une entreprise française à l'heure actuelle malheureusement avec une technique d'électrolyse plus classique que celle du CEA dont j'ai parlé. Cela reste la voie à suivre le stockage sous forme d'hydrogène régulant naturellement le caractère très aléatoire des énergies produites par le climat local.

 

Dans le cas de la France il est évident que nous ne bénéficions pas des atouts islandais en la matière et nos besoins sont d'ailleurs largement supérieurs à ceux d'un pays, qui, bien que magnifique, et grand par son histoire, ses talents humains, reste bien moins peuplé que le notre. Dans le cas français c'est donc surtout vers le nucléaire que nous allons devoir à nouveau nous tourner. À nouveau, car les imbécillités antinucléaires nous ont fait changer de route dès les années 90 . Alors qu'à la base le nucléaire français avait été pensé avec à terme la mise en activité des réacteurs dit de quatrième génération ceux de la surgénération . L'idéologie écologiste et antinucléaire a poussé les hommes politiques d'alors à la faute avec l'arrêt des recherches en la matière. Si Superphénix n'était pas exempt de défauts, il ne faut pas oublier que Rome ne s'est pas fait en un jour. On apprend en faisant et parfois l'on se trompe et ces erreurs nous permettent d'améliorer les processus et nos connaissances. En arrêtant simplement la recherche, on n’a pas seulement gaspillé nos deniers jusqu'alors investis dans la surgénération, on a aussi hypothéqué l'avenir du pays . Et aujourd’hui que les Chinois par exemple se lancent massivement dans les réacteurs au thorium et dans la recherche sur la surgénération, la France risque simplement de devenir dépendante, encore une fois, de technologies étrangères et donc dépendantes une fois de plus d'autres nations pour remplir ses besoins essentiels.

 

Et comme l'avais dit Georges Charpak à l'époque :" Après quelques problèmes techniques inévitables pour un prototype, et malgré de très nombreux problèmes administratifs puis politiques, Superphénix a remarquablement fonctionné pendant un an. Sa fermeture en 1998 résulta d’une exigence des Verts de Dominique Voynet, pour participer au gouvernement Jospin." À l'inverse il était d'ailleurs assez opposé à la machine à vapeur nucléaire de la fusion nucléaire ITER dont nous allons parler par la suite. Heureusement, il semblerait que la domination sans partage des antinucléaires qui ont fait commerce pendant des années de la peur du nucléaire n'ait plus l'avantage. La crise énergétique met les Français devant l'évidence à savoir qu'on ne peut pas à la fois se passer des énergies fossiles et du nucléaire en l'état des connaissances et des capacités techniques qui sont les nôtres. Reste à savoir quel nucléaire il nous faut.

 

Dans un premier temps, il ne fait nul doute que nous construirons encore des réacteurs classiques . Ce sont des technologies éprouvées . Le problème c'est qu'ils utilisent de l'uranium 235 un isotope de l'uranium qui représente à peine 1% de l'ensemble de l'uranium présent sur terre. À long terme si tout le monde sur terre se met à utiliser l'uranium 235 on va vite se retrouver à court de carburant . C'est là qu'entrent en jeu deux autres technologies. Les réacteurs à thorium d'un côté, et les fameux réacteurs de quatrième génération de l'autre, la fameuse surgénération qu'un ingénieur français a récemment remise en lumière pour le grand public. Le thorium j'en avais déjà parlé dans un texte qui date de 2011. Le gros avantage c'est que le thorium est plus abondant que l'uranium, environ trois fois plus abondant. On en trouve aussi dans l'eau de mer et la France semble avoir pas mal de ressources, notamment en Bretagne. De quoi coïncider avec notre but d'autonomie énergétique. L'autre avantage c'est que le thorium produit peu de déchets radioactifs longue durée et qu'il ne peut pas y avoir de fusion du réacteur . Une sécurité qui est, avouons-le, tout à fait appréciable.

 

Alors pourquoi le thorium n'a-t-il pas été utilisé jusque là, me direz-vous ? Pour plusieurs raisons la première c'est qu'il y a eu des échecs techniques, cependant je doute que cette raison soit vraiment le fond du problème. Il est normal de ne pas réussir du premier coup une technologie. Le vrai problème était que le nucléaire était en fait utilisé par les nations comme moyen politique pour justifier la production cachée d'armement nucléaire. Les réacteurs à uranium permettent de faire des éléments radioactifs utilisables par l'armée, ce n'est pas le cas de la fission au thorium. Je pense que c'est ceci qui a joué le plus comme choix de technologie de production électrique par fission nucléaire. Mais aujourd’hui avec l'épuisement des énergies fossiles et la croissance des nouveaux pays industrialisés nous n'avons plus le choix, la fission nucléaire à un intérêt pour elle-même, et plus seulement comme moyen de production d'armes nucléaires. Le thorium est donc une voie tout à fait intéressante et qui est déjà mise en œuvre dans d'autres pays à commencer par la Chine. La Chine espère construire un réacteur à sels fondus de 373 mégawatts d’ici à 2030 .

 

Ensuite, la surgénération est une autre technique qui consiste à utiliser la totalité de l'uranium au lieu de simplement utiliser l'uranium 235 qui ne représente qu'un centième des ressources d'uranium sur terre. La surgénération utilise elle l'uranium 238 qui représente 99% de l'uranium présent sur terre, ce qui accroît notablement le potentiel énergétique de la fission nucléaire. C'était le but de Superphénix qui a malheureusement été abandonné sous Jospin . Et malheureusement, l'autre réacteur à neutron rapide Astrid a également été abandonné en 2019. Le manque de soutien de l'état pour cause idéologique n'est pas sans rapport avec ces abandons successifs . Jusqu'à la crise récente, le nucléaire n'était plus du tout vendable aux médias et donc nos politiques plus intéressés par leur image que par l'intérêt national ont suivi la vox populi médiatique et les écologistes médiatiques. Cependant là encore d'autres nations se lancent à leur tour dans la recherche avec de gros moyens. La chine encore elle va inaugurer des réacteurs à neutron rapide sur des îles dans la province du Fujian . Cela inquiète des scientifiques parce que ces réacteurs produisent aussi du plutonium . Mais à mon sens il s'agit d'une inquiétude absurde puisque la Chine possède déjà l'arme nucléaire. La seule inquiétude devrait plutôt être les questions de sécurité, est-ce que la Chine ne va pas un peu trop vite ? On apprend aussi au passage que la Chine a développé une technologie qui rend rentable apparemment l'extraction de l'uranium de l'eau de mer . Si c'est une réalité, voilà qui ouvre des perspectives aux nations nombreuses qui sont dépourvues de ressources énergétiques naturelles. On remarquera au passage qu'en abandonnant l'investissement dans la recherche nucléaire, la France laisse le soin à d'autre d'écrire l'histoire à sa place.

 

La fusion nucléaire

 

Dernier point sur cette réflexion concernant nos alternatives énergétiques nucléaires, celle de la question de la fusion nucléaire. Il s'agit d'une technologie à laquelle les scientifiques rêvent depuis longtemps. Maîtriser le feu nucléaire de la fusion c'est créer en quelque sorte notre propre petit soleil. Un soleil bien plus efficace d'ailleurs . Si la fusion fait rêver, c'est qu'elle permettrait l'utilisation théorique de l'hydrogène directement comme combustible . Du moins, c'est ce que l'on raconte couramment et c'est ce que fait notre soleil, il transforme l'hydrogène en élément plus lourd, l'hélium, par la fusion nucléaire. C'est grâce à la force de gravité extrême qui pousse les atomes les uns vers les autres dans les régions les plus denses de notre étoile. C'est d'ailleurs ce qui causera à long terme la mort de notre étoile quand celle-ci aura transformé la plupart des atomes d'hydrogène en hélium, elle deviendra alors une géante rouge et la terre disparaîtra, mais c'est un autre sujet. Le but de la fusion artificielle est donc de reproduire ce phénomène à notre échelle.

 

Le problème c'est que la gravité ne se contrôle pas et qu'on ne peut pas utiliser celle-ci pour pousser les atomes à fusionner. Il reste alors deux possibilités, soit en utilisent une force externe pour les pousser à se rencontrer. C'est la fusion par confinement inertiel par laser. En France la technique est utilisée par les célèbres réacteurs Laser Magajoule du CEA . L'autre technique est celle qui consiste à utiliser la chaleur et à provoquer une fusion par l'agitation des éléments suite à la montée de température. En effet, la température est le produit de l'agitation des molécules, plus il fait chaud, plus elles bougent, et donc statistiquement vous avez plus de chance que certaines fusionnent. L'idée dernière ça est que la fusion des atomes produit au finale plus d'énergie que ce qui a été nécessaire pour faire monter la température et agiter les atomes.

 

S'il y a des problèmes techniques à ces technologies de fusion, des problèmes de durée de vie des ensembles qui soutiennent les structures et d'usure des matériaux. Toute chose qui peut rendre les réacteurs plus ou moins rentables. Le vrai gros problème dont on ne parle jamais c'est qu'ils utilisent du tritium et du deutérium. Il s'agit des deux isotopes de l'hydrogène . Or si le deutérium est très abondant, le tritium lui est rarissime . Donc prétendre résoudre le problème de l'énergie sur terre avec une technologie qui dépend d'un élément aussi rare que le tritium est, vous en conviendrez, un problème majeur. Après la recherche doit continuer, peut-être que l'on trouvera un moyen de faire de la fusion nucléaire avec autre chose que du tritium. Mais en l'état, il n'est pas raisonnable de penser que la fusion soit une solution à moyen terme. Le thorium et la surgénération sont nettement plus prometteurs et atteignables dans des délais raisonnables et compatibles avec notre problème d'énergie fossile. J'arrête là pour ces questions énergétiques . Nous en reparlerons régulièrement, car la population commence à se rendre compte que les négligences en la matière et les approximations vont nous coûter très cher dans les années qui viennent . Il n'y a pas de société de consommation et de civilisation industrielle sans énergie.

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10 avril 2019 3 10 /04 /avril /2019 21:57

Dans sa dernière revue, Natixis trouve que la France se désindustrialise . L'analyse est assez courte, mais recèle effectivement des données passablement inquiétantes pour la France même si au fond elles ne sont guère surprenantes. Le plus étonnant c'est plutôt l'incroyable silence de l'analyste de chez Natixis quant au rapport entre ce phénomène de désindustrialisation et l'euro. Parce que les graphiques donnés montrent largement le lien entre les deux, les déboires français commençant avec le dépassement de la monnaie unique du taux de 1,2 dollar pour un euro vers 2003 . L'on peut évidemment penser que les économistes officiels ainsi que les chercheurs du secteur savent parfaitement de quoi il retourne, les graphiques accumulés dans cette étude montrant un lien évident entre les deux. Mais l'idéologie dominante étant ce qu'elle est les économistes un tant soit peu honnêtes se retrouvent à camoufler plus ou moins adroitement ce lien. L'industrie française avait réussi à résister plus ou moins bien à trente ans d’imbécillité macroéconomiques entre le libre-échange, la liberté de circulation des capitaux, la financiarisation excessive du système bancaire, des dérégulations du marché sous toutes ses formes et le franc fort. L'euro aura finalement eu la peau de l'industrie de notre pays. Sa résilience fut tout de même étonnante, preuve que notre nation n'est pas si nul qu'on veut bien le faire croire. Je ne suis pas certain que l'industrie allemande ou japonaise aurait aussi bien résisté au politique mené par nos énarques idéologues du libéralisme.

 

L'une des données les plus importantes est effectivement la baisse de la production manufacturière comme nous pouvons le voir sur le graphique provenant de cette étude. L'industrie automobile française a été complètement démolie avec l'euro, c'est surtout elle qui a entraîné cette baisse globale de la production manufacturière. Mais le graphique de Natixis ne commence qu'en 1998 probablement pour ne pas trop faire remarquer l'énorme impact de l'euro sur l'évolution de la production industrielle française. L'autre graphique que je vous propose produit avec les données d'eurostat montre combien l'euro a fait diverger les évolutions des productions industrielles des pays de la zone euro. L'impact est ici évident à moins d'être d'une mauvaise foi absolue.

Evolution comparé de la production manufaturière

 

Le mythe de l'économie du savoir et de la startup nation.

 

Le plus curieux dans cette étude est finalement la conclusion. Ne pouvant explicitement accuser l'euro pour des questions évidentes l'auteur de la note va chercher dans l'éducation l'explication ultime de la désindustrialisation. C'est parce que les jeunes se détournent des sciences que le pays se désindustrialise. On a bien là un biais d'analyse typiquement libéral à savoir que l'évolution d'une société est le produit unique de l'action des individus qui la compose. L'ensemble de la société n'ayant pas d'influence sur ces derniers. Mais de la même manière que la désindustrialisation relative des USA a entraîné la baisse du nombre d'étudiants dans les filières scientifiques aux USA ne peut-on pas imaginer la même chose ici ? Pourquoi faire des études scientifiques dans un pays qui préfère importer ce qu'il consomme ? Les étudiants français s'adaptent simplement à la réalité du marché du travail et des besoins de la société. Quand une structure économique valorise les écoles de commerces, les footballeurs, les spéculateurs financiers et les baratineurs de salon pourquoi s'embarquer dans des études difficiles et finalement peu valoriser par la société?

C'est d'autant plus vrai que même les débouchés secondaires comme l'enseignement sont aujourd'hui largement dévalorisés, ne serait-ce que par la dégradation constante des conditions de travail et des faibles rémunérations du secteur. Les jeunes Français ne sont tout simplement pas masochistes. Combien de nos thésards et de nos postdoctorant sont obligés de s'expatrier pour trouver un travail dans leurs secteurs ? Combien d'ingénieurs et de techniciens la France a-t-elle produits pour les puissances étrangères ces vingt dernières années ? Il suffit de voir ce petit graphique sur le niveau scolaire des diplômés pour s'en rendre compte. Les jeunes le savent parfaitement, ils s'adaptent donc au marché ce qui bien évidemment va aggraver la situation du pays à long terme l'analyse Nataxis à raison sur ce point. On peut facilement passer d'ingénieur informaticien à banquier d'affaires, l'inverse est beaucoup moins vrai. Réindustrialiser le pays passera par un effort important sur la formation professionnelle le jour où nous aurons enfin une vraie politique macro-économique digne de ce nom.

 

 

Il y a un lien entre l'éducation et le fonctionnement d'une société . L'école n'est pas indépendante de la sphère économique. La dévalorisation du secteur industriel et de la production y compris la plus essentielle comme l'agriculture est allée de pair avec l'illusion de la société de service qui s'est répandue dans la société à la fin des trente glorieuses. Ce discours qui voyait la désindustrialisation comme la suite logique du « progrès » était une illusion d'optique provoquée par les délocalisations et non par les gains de productivité comme ce fut le cas justement des trente glorieuses. Si la part de l'industrie devait effectivement diminuer à cause des gains de productivité et de l'automatisation, ces gains ces quarante dernières années n'ont pas été aussi importants que ce que l'on a connu justement après guerre et durant la période fordiste.

 

La robotique actuelle peut impressionner au premier abord, mais le fait est qu'aucune nouvelle technologie actuelle ne peut se comparer aux gains de productivité qu'on produit la mise en place du travail à la chaîne des premiers temps. C'est d'ailleurs l'un des gros problèmes du capitalisme depuis les années 70, les gains de productivité sont en fait de plus en plus faibles. Et ce n'est pas le mirage de l'intelligence artificielle qui y changera quelque chose. L'idée que les robots et l'automatisation sont responsables du chômage est contredite par ce fait d'ailleurs. C'est bien après guerre que les gains de productivité ont été les plus forts et pourtant il y avait peu de chômage. À l'inverse l'on assiste à une poussée du chômage depuis le ralentissement des gains de productivité dès la fin des années 60. La fin du compromis keynésien a été produite par ce ralentissement que les capitalistes et les rentiers n'ont pas accepté.

 

La crise de l'éducation arrive donc dans une société qui sort d'une phase aiguë de désindustrialisation provoquée par de mauvais choix macro-économiques . Il ne faut pas inverser la cause et les conséquences comme le fait l'étude Natixis. En tous cas, cette évolution donne aussi un coup à la vision de la startup nation de ce pauvre Macron. En effet, non seulement la France forme de moins en moins de scientifiques, mais elle en embauche aussi de moins en moins. Il suffit de voir ci-dessous l'évolution de l'embauche dans le domaine de la recherche. Et l'affaiblissement de la recherche française ne passe pas seulement par la baisse des effectifs, mais aussi par les absurdités managériales qu'on y impose comme l'explique très bien le blogueur Cincinnatus dans ce texte. Les chercheurs passent de plus en plus de temps dans des activités administratives ne correspondant pas à leur métier de base faute de personnel pour l'effectuer. Et le problème n'est pas nouveau, je me souviens très bien d'un de mes profs de DEA en 2002 qui se plaignait déjà de cette évolution . Les thésards servaient d'ailleurs souvent de bouche-trou pour tout un tas d'activité secondaire par manque de personnel administratif.

 

 

On voit mal comment la France dans ces conditions pourrait devenir le champion de la technologie et de l'innovation cher à ces idéologues qui nous gouverne. Avant de vouloir à nouveau être une nation scientifique, il va sérieusement falloir revoir notre politique macroéconomique et donc revoir la question du libre-échange et de la monnaie. Il va falloir également expliquer aux Français qu'on ne peut pas être une société de consommation sans avoir d'industrie parce que le reste du monde ne va pas accepter indéfiniment l'accroissement de notre dette extérieur.

 

 

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7 août 2012 2 07 /08 /août /2012 17:08

exoplanete.jpgNon, ce n'est pas le chiffre de la dette publique américaine. Ni celui du déficit commercial français. Je vous rassure, ce n'est pas non plus le coût d'une éventuelle opération de "libération" en Syrie. Ce chiffre représente à la louche le nombre de gouttes d'eau que contiennent tous les océans de la terre. Il représente également l'incroyable première estimation du nombre de planètes habitables dans l'univers. Les progrès fulgurants dans le domaine de la cherche exoplanétaire a permis de faire une première analyse statistique sur la probabilité du type de monde que l'on peut trouver dans les autres systèmes solaires. Il s'avère que l'on a découvert récemment que les systèmes solaires à base de naine rouge qui sont les étoiles les plus nombreuses possèdent en moyenne 47% de planètes situées dans la zone d'habitabilité. En y ajoutant les diverses statistiques que l'on a pu faire sur les presque 800 exoplanètes déjà découvertes, les scientifiques de l'ESA sont arrivés au nombre astronomique de 10000 milliards de planètes habitables dans l'univers. Le dernier numéro de "Science et vie" en a d'ailleurs fait la une de son dernier numéro. Entre ces découvertes, celle de Boson de Higgs dans le LHC  ou encore la réussite de la mission martienne Curiosity la science mondiale est en ébullition. D'autant que si l'on s'intéresse à la proche banlieue de notre système solaire on s'aperçoit que dans le volume d'une sphère de 15 années-lumière de diamètre autour de notre soleil gravitent statistiquement quelque 150 planètes en zone d'habitabilité. Même les auteurs de science-fiction les plus optimistes n'avaient pas imaginé une telle densité de planète proche de la nôtre. Le pauvre Asimov imaginait avec beaucoup d'optimisme 10 millions de mondes dans notre galaxie, la science actuelle répond qu'il y en aurait 80 milliards ! Même les univers de Star Wars et Startrek étaient très en dessous de la réalité.



Les scientifiques en ont conclu une chose, la terre n'est pas une exception, mais plutôt une planète d'une invraisemblable banalité. Les êtres humains qui avaient remplacé leurs illusions anthropocentriques, par Gaïa la terre mère qu'il faut sauvegarder parce qu'elle est unique, vont perdre leurs dernières illusions. Le plus incroyable c'est que les percées scientifiques actuelles passent pratiquement inaperçues dans l'information. Entre le pessimisme technique délirant nourri par les idéologues du néolibéralisme qui prônent des politiques autodestructrices, et les passionnés du survivalisme qui pensent que la troisième guerre mondiale est pour demain, il n'y a plus d'espace pour l'optimisme. Un optimisme non béat, mais raisonnable. Car oui la science le montre, notre connaissance du monde réel est encore faible et nous ne sommes encore probablement qu'au début de l'ère technique. Contrairement à ce que beaucoup croient. Notre corps social reste cependant encore engluer dans ses réflexes primitifs. Le libéralisme n'est qu'une des multiples facettes des croyances collectives simples . Des réflexes qui mettent encore de nombreuses limites à la mise en action des capacités créatives réelles de l'être humain.



Nous ne sommes certainement pas seuls.

 

Pour en revenir à notre sujet, le fait est que le doute n'est plus vraiment de mise. Nous ne sommes certainement pas la seule race douée d'intelligence, même mal employer, à nous poser des questions sur l'univers qui nous entoure. Ainsi même en supposant que seul un monde habitable sur un milliard possède une vie intelligente on tombe sur le chiffre de 80 civilisations dans notre seule Voie lactée et 10000 milliards à l'échelle de l'univers. Alors certes cette probabilité est peut-être encore trop forte, mais le nombre de mondes habitables est tel que peu de doutes peuvent subsister en la matière. De quoi laisser rêveur en ces temps de trouble et de délires autodestructeurs. On m'objectera que le théorème d'Enrico Fermi est toujours là à nous questionner : « Si l'intelligence est déjà apparue, pourquoi n'est-elle pas partout ? Pourquoi ne peut-on l'observer ? » En effet en supposant qu'une seule planète ait déjà eu une vie intelligente dans notre galaxie, et même en prenant en compte les distances très grandes qui nous sépare entre systèmes solaires. Il ne faudrait pas plus de quelques millions d'années pour qu’elle colonise de proche en proche la plupart des systèmes solaires qui existent dans une galaxie. Qui plus est en développant n'importe quel technique à base de champs électromagnétiques pour transmettre des informations nous devrions pour les entendre sur nos radiotélescopes. Or rien jusqu'à présent n'indique une présence technologique de ce type.

 

C'est probablement le paradoxe le plus grand que cette découverte récente a produit. Comme toute découverte elle répond à des questions en posant d'autres questions innombrables. Il y a une contradiction flagrante entre l'incroyable profusion de planètes habitables et ce silence des ondes radios. En éliminant les hypothèses du type, ils sont plus avancés que nous et il nous protège en attendant que nous soyons prêts. On ne peut faire que deux suppositions. Soit la vie intelligente est effectivement tellement rare que même le nombre de planètes habitables énorme ne permet pas d'en faire apparaître plus de quelqu’une dans tout l'univers. Dans ce cas, l'éloignement serait tel que toute communication serait impossible. Soit nous sommes les premiers. Il est possible également que les races intelligentes soient fréquentes, mais que le développement technicien soit beaucoup plus rare. Après tout même sur terre il aurait suffi de peu de chose pour que la science se bloque ou régresse, ou que nos ancêtres restent indéfiniment au niveau des chasseurs-cueilleurs. Je ne fais pas partie de ceux qui croient au sens de l'histoire et il aurait suffi de bien peu de choses pour que le progrès technique n'existe pas. Il suffit de voir l'histoire précolombienne de l’Amérique pour s'en convaincre. La grande civilisation maya n'a pas essaimé. Elle s'est éteinte et rien ne l'a remplacé malgré son haut niveau d'aptitudes dans de nombreux domaines. On a par exemple découvert récemment que les Mayas construisaient de grands barrages hydrauliques pour réguler les cours d'eau et alimenter leur agriculture alors qu'ils n'avaient ni métaux ni animaux de trait. C'était un peuple brillant dont la civilisation n'a pourtant pas survécu. Autre exemple, les aborigènes d'Australie isolés auraient pu encore vivre comme leurs ancêtres pendant 50000 ans sans rien changer à leurs habitudes puisqu'elles suffisaient à leur perpétuation. Il y a eu des conditions bien particulières qui ont permis à la civilisation de continuer d'avancer sur le plan technique. Rien n'interdit donc d'imaginer que la majeure partie de ces civilisations extraterrestres sont simples et que c'est pour cette raison que nous n'entendons rien avec nos grandes oreilles radiosensibles.

Pour se développer, il faut en avoir les capacités, mais aussi l'intérêt. C'est pour lutter contre la rareté que l'être humain a amélioré sa civilisation sur le plan technique et organisationnel avec souvent des échecs, mais aussi quelques réussites qui l'ont mené là où il en est aujourd'hui. Que l'on considère cela en bien ou en mal. Mais une question m'assaille soudain. Et si en définitive c'était sa relative bêtise qui poussait l'humanité à aller toujours plus loin. Naguère, elle inventa l'agriculture pour nourrir les hommes qui naissaient en surnombre par rapport à ce qu'une société de chasseurs-cueilleurs pouvait se permettre. Bon nombre de grandes inventions furent le fait de conditions difficiles, je ne reprendrais pas ici le célèbre exemple du sucre de betterave durant le blocus britannique lors des guerres napoléoniennes. Ni l'exemple des divers ersatz durant la Seconde Guerre mondiale que nous utilisons encore à l'image du chocolat blanc. Pour résumer, c'est la faible prévoyance à long terme de l'être humain qui le met dans des conditions parfois inextricables avec les moyens traditionnels de son développement. Situations qui l'obligent à des ruptures créatrices pour éviter de disparaître par instinct de survie. Nous sommes peut-être dans une de ces conditions de rupture et l'espace et ses ressources infinies sont là, mais nos bras sont encore trop courts pour les attraper. Marx s'est trompé, le moteur de l'histoire c'est la stupidité humaine. Il nous reste à être suffisamment malins et ambitieux pour ne pas disparaître, même si certains se rêvent déjà en nouveau chasseurs-cueilleurs.

 

Ne désespérait pas du présent

 

Il est évident que toutes les sociétés n'ont pas forcément su s'adapter ou muter comme il le fallait pour survivre. Il est évident à l'heure actuelle que les civilisations européennes vieilles, fatiguées et technopessimistes sont par exemple vouées à l'échec si elles persistent dans la direction actuelle. Et l'on peut toujours se moquer des USA, ils ont tout de même encore quelques restes de volonté leur permettant de faire des paris sur l'avenir quand les Européens alors qu'ils ont tout pour le construire laissent leur talent dans les vestiaires. L'Europe préfère les banques aux chômeurs, les rentiers aux salariés, le marketing à la science, la décroissance au développement. L'écologie dans cette mentalité sert surtout à justifier toutes les faillites et les faiblesses de civilisation qui ne sont plus que des morts vivants.

 

Ce blog est un blog qui est consacré surtout à l'économie. Mais comment penser que nous pourrions infléchir la situation économique de notre nation si nous évitons de parler de cette essence qui fait avancer les peuples ? Comment croire que des peuples si brillants naguère pourront un jour s'en sortir en s'enfermant dans un passéisme amer préférant ignorer l'avenir qu'ils ne veulent plus construire ? Le protectionnisme par exemple vise à reconstruire une industrie pour nous rendre à nouveau capables de construire l'avenir, mais les Français en ont-ils seulement encore envie ? Les Européens et particulièrement les Français sont frappés d'une paralysie effarante. Ils n'envisagent plus les sciences ou l'innovation que sous l'angle de leurs effets néfastes. La France produit pourtant encore de grands esprits et de brillants scientifiques. Il n'y a aucune raison pour que l'avenir ne soit pas aussi écrit par les Européens et les Français. Mais il faudrait pour cela qu'il ne cesse de ramener la construction à un simple calcul d'intérêt économique. Investir dans la recherche n'est jamais une perte, et l'on est souvent surpris d'ailleurs. Un pays moderne devrait consacrer au moins 4% de son PIB en R&D c'est-à-dire le double du budget français actuel, mais c'est beaucoup moins que le budget de recherche de l'époque de De Gaulle qui atteignait alors 6% du PIB. L'ESA arrive à bien concurrencer la NASA sur le plan de la recherche pure avec un budget d'à peine un dixième du sien. Imaginez donc si elle bénéficiait du même niveau d'investissement. En attendant que les Européens se réveillent, on peut cependant continuer à rêver à tous ces mondes exotiques qui n'attendent que d'être découverts. Jusqu'au jour où, peut-être, l'un de nos lointains descendants y mettra pied. Ouvrant ainsi une nouvelle page de l'histoire humaine.

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