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10 juillet 2023 1 10 /07 /juillet /2023 16:46

 

Alors que les crises se succèdent et que l'Europe, désormais terre de déclin et d'agonie industrielle, continue de se suicider lentement, le reste du monde commence à préparer l'après occident. Ou plus exactement l'après-empire américain. Puisqu’en réalité ce que l'on nomme l'occident à l'heure actuelle n'est que les USA plus les états satellisés à l'époque de la Seconde Guerre mondiale incluant l'Europe de l'Ouest, le Japon, et la Corée du Sud. Les signes en la matière ne trompent pas . La crise ukrainienne a montré la faiblesse de l'occident et son incapacité à simplement arrêter la Russie. L'ordre international américain qui avait une certaine légitimité après guerre, a laissé de plus en plus la violence et la force de devenir son seul et unique moyen d'action. L’incapacité des USA à accepter le partage du pouvoir avec les puissances montantes en particulier la Chine condamne de facto cet ordre à l'anéantissement. Les nouvelles puissances montantes n'acceptant plus l'ordre ancien, particulièrement celui du rôle du dollar qui a agi et continue d'agir comme un formidable aspirateur de richesse pour les USA. Ces derniers pouvant acheter le monde entier avec des dollars qui ne tient qu'à eux d'émettre, comme disait de Gaulle. Ils ne s'en sont d'ailleurs pas caché dernièrement en subventionnant largement la production sur leur territoire pour attirer les industriels européens en particulier.

 

L'origine de la névrose américaine

 

Cette trajectoire de conflit entre les puissances montantes et l'ancienne puissance dominante n'a rien de nouveau. C'est quelque chose qui s'est souvent produit dans l'histoire, la dernière fois cela avait débouché sur deux guerres mondiales. Mais la situation actuelle diffère dans le sens où il est quand même peu probable que l'on en vienne à une guerre directe entre les protagonistes. Les USA ont beau multiplier les rodomontades contre la Chine, ils savent bien qu'ils ne pourraient pas gagner une telle guerre, ensuite un tel conflit aurait un coût tellement délirant pour toutes les parties que le jeu n'en vaut certainement pas la chandelle. On reste donc sur une guerre informelle faite de mesure économique, de lois, et de conflits militaires par vassaux interposés comme c'est le cas en Ukraine. Mais au fond, nous pourrions ici expliciter rapidement l'origine de cette obsession américaine pour le maintien du statu quo international, alors qu'il est évident qu'ils ne se sont déjà plus la première puissance économique du monde, comme nous l'avons vu dans un texte précédent. Après tout, qu'est-ce que cela peut bien faire d'être premier second ou troisième ? Que la Chine et l'Inde passent devant les USA ne devrait guère choquer puisque ces pays sont largement plus peuplés. Ce n'est pas plus choquant que les USA pèsent plus que la Grande-Bretagne qui leur a pourtant donné naissance. Il n'y a que 65 millions de Britanniques alors que les USA ont aujourd’hui 330 millions d'habitants. Pourtant personne ne s'en offusquera en Grande-Bretagne, me semble-t-il.

 

Mais il y a plusieurs raisons à ce comportement de mauvais perdant de la part des USA. On pourrait tout d'abord souligner la mentalité américaine elle-même qui ne supporte pas d'être derrière. On y voit ici l'effet de la destinée manifeste sur la mentalité locale. Les USA ne se voient pas autrement qu'en tant que nation indispensable. Celle qui croît infiniment et remplit le monde entier. Si à l'origine la destinée manifeste était un délire de calviniste colonisant un continent faiblement peuplé, surtout après les épidémies qui ont ravagé la population locale. Cette destinée manifeste est devenue planétaire quand les USA sont devenus la grande puissance montante. Sa seconde application fut la célèbre doctrine Monroe qui interdisait aux autres puissances d'intervenir sur le continent américain que les USA considéraient comme leur. Après la Seconde Guerre mondiale, la destinée manifeste semblait donc devoir s'appliquer au monde entier. Le monde entier devait devenir les USA et cela commença en Europe de l'Ouest. L’apogée de ce délire de puissance caractéristique fut atteint dans les années 90 avec la fin de l'URSS, pendant deux décennies nous vécûmes dans la destinée manifeste américaine. Mais en réalité, des fissures commençaient déjà à apparaître à l'époque, en particulier depuis les années 70 l'économie américaine réelle commençait à s’affaiblir. Et plus profondément la dynamique démographique qui avait permis aux USA cette fabuleuse expansion durant deux cents ans s'est étiolée.

 

En effet, on l'oublie souvent, mais c'est avant tout la dynamique démographique qui a permis la montée en puissance des USA. Et contrairement à une idée reçue, cette dynamique n'était pas uniquement due à l'immigration loin de là. Jusqu'à l'après-guerre, les Américains faisaient beaucoup d'enfants, beaucoup plus que les Européens. Alors que les pays les plus féconds d'Europe de l'Ouest étaient à 3 enfants par femme dans les années 1900, les USA eux étaient encore à plus de 4. En réalité à part la Russie de l'époque, aucun pays européen ne devançait les USA sur le plan de la natalité. Ajoutons à cela une baisse précoce de la mortalité infantile. Et c'est bien cette dynamique qui va faire passer les USA en tête des puissances occidentales. Cette dynamique démographique a fait croire aux USA qu'effectivement leur destinée était manifeste, mais elle a cessé depuis. La seule dynamique démographique qu'ils connaissent aujourd'hui étant celle de l'immigration latino-américaine de plus en plus mal intégrée.

 

Le second facteur très important dans la peur des USA de perdre leur statut de seule et unique superpuissance tient à la monnaie. Nous en avons déjà longuement parlé, mais comme nous allons rapidement parler de monnaie internationale, il faut bien parler du statut du dollar. Pendant l'entre-deux-guerres l'instabilité économique mondiale fut en partie liée au fait que l'ancienne superpuissance britannique n'avait plus les moyens de maintenir l'ordre monétaire international fondé autour de la livre sterling. Et la nouvelle puissance américaine ne jouait pas encore son rôle. Ce fut la cause de beaucoup de désagrément surtout pour la Grande-Bretagne qui devait choisir entre son économie ou le maintien de la valeur monétaire de la livre. La surévaluation de la monnaie britannique fut un vrai problème pour les industriels anglais qui n'avaient plus les avantages technologiques qu'ils pouvaient avoir quelques décennies plus tôt. Le libre-échange anglais avait favorisé la naissance de puissances industrielles concurrentes, notamment celle des USA et de l'Allemagne, qui étaient des pays farouchement protectionnistes. Une situation pas si différente de celle qu'on connaît aujourd'hui l'Ancien Monde se meurt, mais le nouveau tarde à arriver. Pendant la conférence de Bretton-Woods en 1944, les USA et la Grande-Bretagne négocièrent pour savoir quel devait être l'ordre monétaire qui succéderait à celui des années folles. Deux plans furent alors proposés, celui de Harry Dexter White, le représentant américain qui voulait faire du dollar la nouvelle monnaie internationale. Et le représentant de la Grande-Bretagne John Maynard Keynes qui proposa une solution originale, celle du Bancor, dont nous allons reparler ensuite.

 

Évidemment étant donné les rapports de force de l'époque, les Anglais ne purent imposer leur solution pourtant certainement la plus sage à long terme y compris pour les USA. Le dollar devint une monnaie internationale garantie sur l'or jusqu'en 1973. Les problèmes qu'occasionne une monnaie internationale de réserve qui est aussi une monnaie nationale sont nombreux. Keynes qui avait eu la charge de la gestion du trésor britannique en savait quelque chose. Et c'est bien pourquoi les Américains eurent été bien inspirés d'écouter ses conseils d'alors. Un économiste belgo-américain Robert Triffin a résumé cette problématique par son célèbre paradoxe portant son nom, le dilemme de Triffin. Un pays qui gère une monnaie internationale et nationale doit faire face à un déficit commercial structurel. En effet, les autres pays doivent impérativement accumuler des excédants pour obtenir la monnaie internationale, ce qui construit mécaniquement un déficit chez le pays qui produit la monnaie en question. Dès les années 60, les USA connaissent un déficit commercial qui va devenir permanent pour atteindre aujourd'hui plus de 1000 milliards de dollars par an.

 

Il faut bien expliquer également que le fait de posséder la monnaie internationale qui en plus n'est plus gagé sur l'or rend la production locale inutile en quelque sorte. Avec ce rôle de monnaie internationale, il est un peu arrivé aux USA, ce qui est arrivé aux Espagnols avec l'or des Amériques. Les producteurs locaux deviennent inutiles puisque l'on peut acheter tout et n'importe quoi avec des dollars qu'on peut produire indéfiniment tout comme l'or qui sortait des mines. D'autant plus que le rôle du dollar oblige les autres nations à maintenir tout de même la valeur de leur monnaie par rapport à celle des USA. Ce qui en fait conduit les autres pays à dévaluer quand les USA impriment de la monnaie de façon excessive. Les USA exportent donc par ce mécanisme leur inflation. Mais vous comprendrez maintenant le problème. La base industrielle et productive des USA ayant été progressivement détruite par des décennies de dollar international, la perte de leur avantage monétaire représenterait une descente aux enfers économiques absolument terrible. Quelque chose d'aussi violent que la perte des colonies d’Amérique pour l’Espagne pour continuer dans notre comparatif. On comprend mieux ici la peur qui anime en réalité les élites américaines et leur profonde angoisse vis-à-vis d'une situation qui pourrait leur être fatale. C'est là à mon avis que se trouve le vrai ressort de l'impérialisme agressif des USA de ces dernières années.

 

 

Le Bancor de Keynes

 

Évidemment ce que j'ai expliqué ici est bien connu. En France, c'est même le général de Gaulle lui-même qui l'avait ouverte expliqué dans sa célèbre conférence de 1962. C'est dans ce contexte de crise du système monétaire international que les BRICS font avancer leurs pions. La Chine en particulier qui est la nouvelle superpuissance économique essaye de changer le système, mais sans pour autant vouloir l'effondrement du système actuel qui la toucherait aussi. D'où la relative lenteur des changements. Le dollar perd du terrain au profit d'autres monnaies en particulier le Yuan chinois, mais de façon progressive. Les autorités de Pékin comprennent bien le danger qu'il y aurait en un effondrement brutal de la monnaie américaine. Bon nombre d'entreprises et d'activités dans le monde seraient durement frappées. D'autres par la consommation américaine jouent toujours un rôle très important dans la demande mondiale. La simple division par deux du déficit commercial US en 2008 avait entraîné une récession planétaire.

 

    Mais au-delà du rythme du changement de système, il faut aussi avoir un plan de remplacement. Car si le rôle du dollar est clairement devenu un problème, l'économie mondiale ne peut pas fonctionner sans une monnaie internationale pour les échanges. Et si le dollar disparaissait brutalement, il serait remplacé par une nouvelle devise, probablement le Yuan. Mais je pense que les autorités chinoises n'ont pas du tout envie de cela, car ce serait se retrouver dans la même situation que les USA avec le dilemme de Triffin dans quelques décennies. Les autorités de Pékin en ont conscience puisque le dirigeant de la banque centrale chinoise monsieur Zhou Xiaochuan avait même fait l'éloge du Bancor de Keynes pendant la crise de 2008 justement. La récente proposition d'une monnaie commune entre les BRICS qui ne soit pas une monnaie nationale relance donc la vieille idée de Keynes, celle du Bancor qui avait été proposé pendant les accords de Bretton Woods.

 

L'idée de Keynes était simple, aucune nation ne doit avoir une monnaie nationale qui soit aussi une monnaie internationale, car cela rend inévitables les problèmes à terme. Malheureusement, l'or et les métaux ont l'énorme problème d'être limités en quantité. L'utilisation d'un métal ou d'un groupe de matière première comme monnaie internationale produirait mécaniquement des effets dépressifs en limitant artificiellement la hausse de la masse monétaire. Chose que les libertariens et les libéraux qui prônent ce genre de solution évitent soigneusement de dire. On doit donc créer une monnaie internationale qui n'appartient à aucun état en particulier, mais qui ne stérilise pas non plus la croissance. Celle-ci pourrait être un panier monétaire dont l'évolution se ferait au prorata des monnaies membres du système un peu à l'image de l'ancien SME. Cependant, contrairement à l'ancien SME , Keynes proposait de mettre fin aux grands déséquilibres commerciaux et financiers. En effet, le système de Keynes punissait les pays excédentaires et favorisait plutôt les relances de la demande intérieure et le plein emploi. C'est ce qui a manqué au SME et à l'euro au passage. Si nous avions mis des mesures pour empêcher le mercantilisme de certaines nations au sein de la zone euro, nous n'aurions probablement pas tous ces problèmes à l'heure actuelle en Europe. Keynes ne croyait pas au doux commerce de Montesquieu, mais il pensait que le commerce devait être rendu doux par des mesures de rétorsion.

 

Il reste à voir si les BRICS, menés par la Chine, iront dans le sens de Keynes cette fois, et s'ils ne reproduiront pas les erreurs américaines. En tout cas, il est claie que le temps du dollar est compté. L'empressement maladroit des USA pour se réindustrialiser le plus vite possible montre un état de panique à Washington. Reste à voir si ces mesures seront réellement capables de redresser leur situation, j'en doute fortement. Même plusieurs siècles après l'Espagne n'a toujours pas vraiment retrouvé le niveau de développement qu'elle avait avant son âge d'or par rapport aux autres nations européennes. Il en ira probablement de même pour les USA qui ne retrouveront probablement pas le poids qu'il pouvait avoir avant leur rôle monétaire.

 

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6 juillet 2023 4 06 /07 /juillet /2023 14:56

 

Alors que les signes de récession se multiplient, que l'inflation chute rapidement, la BCE continue à vouloir augmenter ses taux directeurs. Or comme le note le Financial Times, l'inflation en zone euro devient négative en moyenne annuelle. Contrairement au discours ambiant, l'inflation que nous avons connue n'avait pour ainsi dire aucun rapport avec les politiques monétaires menées contrairement à ce que beaucoup racontent sur le net et dans les médias. Il s'agit là d'une des idées reçues du libéralisme le plus répandu. Contrairement aux idées reçues, l'inflation n'est pas forcément le produit d'une politique monétaire expansive, loin de là. Comme nous l'avons vu récemment les bénéfices de certaines entreprises, le marché européen de l'énergie et les sanctions stupides sur la Russie ont eu nettement plus d'effets sur l'inflation que les politiques monétaires. Par contre, la hausse des taux d'intérêt, elle, a bien eu un effet dépressif. En effet, nombre de pays européens vivent grâce à des bulles immobilières et la hausse des taux a condamné en réalité ces activités. Ce n'est pas forcément une mauvaise chose à long terme puisqu'il fallait bien crever la bulle. Mais cela va avoir des conséquences importantes sur la demande et donc sur la croissance globale en Europe.

 

L'Europe va donc redécouvrir que déflation rime avec récession. L'hypothèse d'un Bruno Lemaire génial qui avait prévu la récession et donc la déflation pour faire des emprunts indexés sur l'inflation se réalise. Quoique la baisse des recettes fiscales produite par une déflation compensera malheureusement probablement les éventuelles économies que nous ferions sur une baisse de la dette concomitante avec la déflation des OAT indexées sur l'inflation. Trêve de plaisanterie, il semble donc bien que nous nous dirigions vers une grave récession. Le tout sur fond de crise générale et de méfiance de plus en plus forte vis-à-vis de l'avenir. Les émeutes récentes dont nous avons longuement parlé précédemment n'arrangeant pas une situation particulièrement morose. D'ailleurs comme l'avait si bien décrit Keynes, cet esprit morose se voit dans la course à l'épargne. Si le taux a baissé après l'épisode délirant du COVID, il reste à des niveaux élevés. C'est d'autant plus étrange que l'inflation a plutôt tendance à faire perdre du pouvoir d'achat aux épargnants, car rares sont ceux à avoir une épargne dont le taux est supérieur à l'inflation que nous avons connu récemment. Mais contrairement aux axiomes de base du libéralisme, les individus ne sont pas forcément rationnels. En tous cas, ce n'est pas rationnel dans le sens de l'optimisation économique. D'autres facteurs rentrent en compte comme la peur, le pessimisme ou le manque de confiance dans les institutions. L'épargne apparaît alors comme un moyen de sécuriser l'avenir, au cas où une catastrophe nous tomberait dessus.

 

 

 

Ce sont avant tout des mécanismes psychologiques complexes qui régissent le comportement des individus. Des comportements que même des spécialistes ont souvent du mal à décrire ou à prévoir. Penser donc en termes d'homoeconomicus optimiseur de son taux de profit et de son intérêt économique semble bien réducteur pour décrire une réalité bien plus complexe. Les crises ont au moins une qualité, elles nous rappellent régulièrement à quel point l'économie tel qu'elle est pratiquée aujourd'hui, n'est pas une science. Une métaphysique tout au plus, au sens que lui donnait Auguste Comte, mais certainement pas une science. En effet, les multiples incohérences entre les thèses de l'économie dominante et les faits observés devraient instantanément invalider ces thèses si les économistes avaient réellement un comportement scientifique. Or ce n'est pas le cas. Nous avons donc un taux d'épargne qui reste élevé alors même que l'inflation est très forte, ce qui est un comportement irrationnel d'un point de vue purement économique. L'homoeconomicus libéral  vient de trépasser en Europe de l'Ouest.

 

L'euro met parterre les théories néoclassiques

 

Nous avons déjà longuement parlé des effets de l'euro en matière macroéconomique. Le fait d'avoir un seul instrument pour gérer des peuples aux besoins très disparates rend l'exercice pénible, pour ne pas dire impossible même pour le plus talentueux des économistes. Et la crise actuelle montre une nouvelle fois les effets délétères de cette monnaie unique. En effet, les taux d'inflation ont fortement divergé entre les pays européens. Ainsi de l'Espagne en Italie on passe du simple au double en termes d'inflation. Donc quel est le bon taux d'intérêt à pratiquer pour la BCE ? Évidemment elle va appliquer un taux d'intérêt qui sera adapté à la moyenne de l'inflation de la zone euro. Et donc un taux d'intérêt qui ne sera bon ni pour l'Espagne ni pour l'Italie, car il sera trop fort pour la première et trop faible pour la seconde. Je me rends compte que malheureusement il est plus simple d'expliquer en pratique les méfaits de l'euro pendant les crises. Si chacune de ces nations avait gardé sa monnaie, son taux directeur serait donc bien mieux adapté à son contexte.

 

La divergence des taux d'inflation en zone euro en 2022

 

Mais en réalité le plus étonnant c'est bien que malgré le fait qu'ils partagent la même monnaie les Européens n'ont pas la même inflation. De la même manière qu'en pratique ils ne peuvent pas vraiment emprunter au même taux sur les marchés financiers, ce qui fait dire à certains que l'euro est une fausse monnaie unique, il n'y a pas eu non plus de convergence sur les taux d'inflation. Cela prouve ici l'invalidité de l'idée d'une inflation uniquement produite par les politiques monétaires. En effet si tel était le cas nous aurions eu depuis la création de l'euro une fusion des taux d'inflation en Europe . Or rien de tout ceci ne s'est produit. Chaque nation continue d'avoir ses propres spécificités en dépit de l'unification monétaire. Montrant ainsi en pratique la validité des thèses qui disent que ce sont les nations qui font les monnaies et non l'inverse comme on put bêtement le croire les européistes. Comme pendant la crise de 2008-2010, la sortie de l'euro devrait être une évidence, mais entre les médias de masse aux mains de quelques intérêts privés ou les hommes politiques déconnectés dont le seul but est d'affirmer qu'ils n'ont jamais tort. Je vois mal la situation s'orienter rapidement dans cette direction.

 

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29 juin 2023 4 29 /06 /juin /2023 15:42

 

Alors que l'été arrive et que la crise énergétique est toujours bien là avec des prix toujours beaucoup trop élevés en France, il semble bien que nous nous dirigions aussi vers une baisse importante des prix de l'immobilier. C'est tout du moins ce qu'affirment les spécialistes du secteur, on peut par exemple lire cet article de La Tribune qui en parle avec une chute de 5% en moyenne en France. Alors évidemment ce journal qui s'adresse à une certaine catégorie de la population présente cela comme une catastrophe. Cependant, il faut bien expliquer aussi que l'immobilier en France a atteint des niveaux totalement aberrants ces vingt dernières années. Il suffit de regarder la courbe de Friggit pour s'en convaincre. Cet indicateur met en rapport les prix du logement par rapport aux revenus disponibles et c'est édifiant. C'est la marque claire d'une bulle qui aura durée 20 ans et peut-être plus. On ne sait pas encore vraiment si cette baisse sera durable. Et pour les loyers c'est exactement la même chose, on sait très bien que même les classes moyennes plutôt aisées n'arrivent plus à se loger à Paris par exemple ce qui est absurde.

 

 

Il est donc à mon sens plutôt étrange de trouver la fin de la bulle comme un drame si ce n'est bien évidemment si vous êtes vous-même quelqu'un vivait de la spéculation immobilière. En effet, cette baisse des prix n'est pas un drame si vous vivez dans votre logement. Que son prix baisse ou augmente ne change strictement rien à votre vie en réalité. L'impression d'enrichissement ou d'appauvrissement en fonction du marché de l'immobilier n'a de sens que pour ceux qui vendent et qui achètent particulièrement pour ceux qui en font un commerce. Certains objecteront que cela va nuire à la croissance et casser l'industrie du BTP, et c'est vrai en partie. Cependant, comment qualifier une industrie du BTP qui a continué à croître ces vingt dernières années alors que toutes les autres industries ont périclité ? Pendant longtemps, on prenait l'immobilier comme un indicateur de la santé économique du pays et pendant les trente glorieuses cela avait du sens. En effet à l'époque nous consommions alors ce que nous produisions, la France avait une économie relativement fermée et pas de déficits commerciaux extérieurs. De fait, la bonne santé du marché de la construction signifiait une bonne santé de la demande et donc une croissance économique réelle.

 

Avec la bulle immobilière de moins en moins de personnes peuvent le devenir.

 

Mais voilà, depuis plusieurs décennies, nous avons désindustrialisé, délocalisé et détruit l'essentiel de notre appareil productif. Le libre-échange, le franc fort, l'acte unique européen, puis Maastricht et l'euro ont détruit notre économie physique. À partir de la mise en place de l'euro, la France va petit à petit construire une économie fantasmagorique avec dans son cœur la bulle immobilière qui va créer une croissance artificielle basée sur une demande soutenue par la hausse des prix immobiliers. C'est exactement comme avec les subprimes aux USA sauf que contrairement à eux, grâce à l'euro, et aux taux d'intérêt faibles, la bulle ne dégonflera pas entre 2008 et 2010. Un fait d'ailleurs étrange qui a été noté par certains économistes, dans nos pays l'immobilier est un meilleur placement que les investissements boursiers. Non seulement ils sont moins risqués, mais cerise sur le gâteau, ils rapportent plus. C'est absurde, sachant l'immobilier ne produit rien et ne crée rien contrairement à l'industrie ou à l'agriculture.

 

La speculation immobilière rapporte plus que la spectulation financière à long terme dans nos pays.

 

C'est évidemment le résultat d'une anomalie macroéconomique. Le marché immobilier à cause de son rôle devenu crucial dans les pays désindustrialisés comme la France, les USA ou la Grande-Bretagne a été soutenu par tous les moyens. En Europe, les taux d'intérêt très bas pendant un long moment ont maintenu cette hausse artificielle. Rappelons également que la transition démographique et le vieillissement ont aussi favorisé ces hausses sans parler des changements de mœurs comme l'explosion du célibat. Il fallait plus de logements qu'avant pour le même nombre d'habitants. Mais tout ceci est condamné. En premiers lieux parce que notre population va finir par baisser à cause de la démographie. Et surtout parce que les taux ne pourront pas revenir rapidement à des niveaux bas, les banques centrales biberonnées à l'idéologie néolibérale vont maintenir les taux hauts pour soi-disant lutter contre l'inflation même si ça n'a aucun rapport comme nous allons le voir tout de suite.

 

 

L'inflation et les bénéfices

 

En effet, l'inflation qui se maintient a forcé les grandes banques centrales à des réactions plus ou moins rationnelles. Malheureusement, elles réagissent toujours avec les idées reçues de leur milieu et l'idéologie qui les anime même si nous savons d'expérience que les outils économétriques ne sont pas toujours ce qu'ils paraissent être. La phase d'inflation actuelle n'est pas celle des années 70, qui n'était pas l'inflation qui existait après guerre en France. Rappelons que pendant les trente glorieuses, loin d'être le fléau tant décrié, l'inflation a accompagné au contraire le développement du pays. On constate d'ailleurs empiriquement que les pays qui ont une croissance réelle ont aussi bien souvent une inflation plus ou moins élevée. De sorte que si une inflation excessive peut parfois être mauvaise, l'absence d'inflation est, elle, généralement, un très mauvais signe économique. Car la déflation est le vrai grand danger des nations et des systèmes économiques modernes, mais nos dirigeants l'ont complètement oublié. Sauf au Japon probablement où la déflation, qui ronge le pays depuis longtemps, est combattue avec obstination.

Mais en bonnes protectrices de la rente, les banques centrales ont donc décidé des politiques de lutte contre l'inflation par la hausse des taux d'intérêt. Ces politiques sur les taux étaient déjà moqués par Keynes et quelques autres économistes hétérodoxes dans les années 30. Les effets macroéconomiques sont peu contrôlés en réalité. La seule chose que cela fait est de casser les emprunts et donc la demande. L'espoir des banques centrales est donc de réduire la demande pour faire baisser l'inflation. Seulement, voilà, une étude récente montre que l'inflation actuelle n'est pas du tout le fruit d'une demande trop élevée. Au contraire, la zone euro et les USA se dirigent vers une récession à grande vitesse. Une évolution que la hausse des taux ne va faire qu'accélérer en réalité. D’après cette étude de l'OCDE, ce sont bien les marges et les bénéfices des entreprises qui ont nourri l'inflation, cela n'a rien aucun rapport avec une demande trop élevée ou une surchauffe de l'économie. Encore une fois, il est étrange de voir que nos sociétés qui disent être régies par la raison se contentent en réalité de régurgiter des idées reçues anachroniques pour gérer des situations de crises. Ce fut particulièrement visible pendant la crise du COVID, mais c'est exactement la même chose en matière économique.

 

 

Les banques centrales loin d'analyser la réalité de terrain se sont contentées d'agir sans réfléchir. Il y a de l'inflation, vite augmentons les taux d'intérêts, même si cela ne sert à rien, que l'inflation ne vient pas de la demande, et que cela va provoquer un effet boomerang assez violent en réalité. Car bien évidemment nous en revenons ici à la première partie du texte consacré à la bulle immobilière. Ce qui a permis la survie de la bulle immobilière en France et dans une grande partie de la zone euro fut la faiblesse des taux d'intérêt qui ont été vraiment très bas pendant longtemps. En réalité au lieu de repenser le modèle économique en 2008, on a voulu relancer la machine sans changer son programme. Et cela a partiellement marché, la bulle à regonfler, cela a maintenu une demande artificielle et la croissance a continué malgré l'indicateur du déficit commercial qui montrait que la France avait un problème par exemple. La hausse des taux condamne le modèle de croissance qui a prévalu en Europe et aux USA depuis 2008 sans qu'aucune alternative n'ait été réellement pensée. On parle de réindustrialisation en ce moment, Macron n'a que ça à la bouche. Mais pour l'instant on ne voit rien de probant dans les statistiques. On fait de grosses annonces, mais les faillites d'entreprises se multiplient. Même aux USA les indicateurs de la production manufacturière sont mauvais ce qui infirme le côté réindustrialisation. Beaucoup de communication à peu d'action réelle. Du reste pour la France et la zone euro je ne vois guère comment nous pourrions réindustrialiser avec des prix de l’électricité toujours à des niveaux absurdes. L'industrie est grosse consommatrice d'énergie.

 

Ce qu'il y a de certain c'est que la forte de baisse de l'immobilier dans un pays comme la France ne peut que provoquer une forte baisse de la croissance et donc une forte poussée du chômage. Je fais cependant confiance aux statisticiens officiels pour camoufler tout cela sous un tas d'indicateurs bidon et frelatés. Quant à l'inflation, je pense qu'elle va effectivement finir par ralentir, ne serait-ce que par les effets de la récession. En réalité dans les années qui viennent, je ne serais guère étonné que nous nous retrouvions en déflation cette fois. Entre la baisse de la population active, les politiques économiques absurdes et la fin de la bulle immobilière sans parler de l'écrasement sous le poids de la dette, voilà une situation des plus probables. Peut-être ici faudra-t-il y voir le vrai génie de Bruno Lemaire, il avait prévu la déflation à venir et c'est pour ça au fond qu'il a créé des OAT indexées sur l'inflation. Bruno Lemaire est un génie incompris en fait.

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22 juin 2023 4 22 /06 /juin /2023 16:14

 

J'ai lu récemment un argument de monsieur Delamarche, un économiste plutôt libéral si j'en crois son passif, mais qui critique souvent le gouvernement actuel et l'Europe. Malheureusement il le fait souvent pour de mauvaises raisons à mes yeux. Dernièrement dans l'une de ses émissions, il a affirmé que les USA faisaient une attaque contre l'UE et il en déduisait à mon avis de façon un peu trop rapide que les USA voulaient détruire l'UE et l'euro. S'il est évident que la crise en Ukraine et l'affaire Nordstream sont directement des attaques contre les pays européens, en particulier l'Allemagne que les USA voulaient séparer totalement de la Russie. Il est par contre beaucoup moins évident de voir dans cela l'envie des USA de déstructurer l'UE et l'euro. Car en vérité, la construction européenne est elle-même le produit d'une volonté américaine. On l'a déjà dit et c'est quelque chose d'assez connu, les pères fondateurs de l'Europe étaient des proaméricains qui ne s'en sont d'ailleurs jamais cachés.

 

Robert Schuman qui a voté les plein pouvoir à Pétain, faut-il le rappeler, était carrément le représentant des intérêts américains dans l'Europe d'après-guerre. C'est sous leur influence qu'il participera à la signature de tous les traités européens. Jean Monnet l'autre « grand » de la construction européenne était carrément banquier aux USA. Il était un ennemi politique acharné de de Gaulle et il voulait dissoudre la France dans « les États-Unis d'Europe ». Les USA ne se sont donc jamais opposés à la construction européenne bien au contraire. Il est beaucoup plus facile de dominer un ensemble soumis à la même structure bureaucratique qu'un ensemble de peuples disparates aux intérêts contradictoires. Les USA ont d'ailleurs très vite compris que les intérêts divergents des Européens les obligeraient toujours à faire appel à eux pour résoudre in fine leurs différends. Et loin d'avoir renforcé le continent, la construction européenne l'a considérablement affaibli comme nous allons le voir tout de suite. Quoiqu'il en soit, il est absurde de penser que les USA font tout pour détruire l'UE, ce n'est absolument pas dans leur intérêt. Ils ont d'ailleurs globalement condamné le Brexit, même si par nature la Grande-Bretagne reste totalement leur vassal.

 

L'euro quant à lui n'a jamais représenté une menace. Mal conçue dès le départ, cette monnaie a surtout cassé définitivement la croissance économique du continent. Or en affaiblissant la dynamique économique, les Européens ne sont plus assez fort pour avoir le courage d'une indépendance par rapport aux USA. On l'a vu dans l'affaire ukrainienne. Les Européens suivent les USA même lorsque leurs actions sont largement en leur défaveur. Je ne parlerai pas non plus de l'incroyable mouvement de corruption à l'intérieur des instances européennes. Washington a totalement vérolé l'institution qui ne fonctionne plus que dans l'intérêt des USA et de leurs entreprises. Les USA seraient donc bien idiots de favoriser le retour à l'indépendance des nations européennes vis-à-vis de l'UE.

 

La panne économique européenne

Contrairement à une idée reçue l'Allemagne aussi a connu un ralentissement économique depuis l'euro

Pour en revenir à notre sujet de base pourquoi l'UE a-t-elle affaibli le continent ? Ce n'est pas forcément évident à comprendre, beaucoup de gens croient au principe que l'union fait la force. Mais ils oublient que parfois une alliance ou une union mal conçue peut tout au contraire affaiblir un groupe. Des dissensions permanentes, une incapacité à faire passer l’intérêt général devant ses propres intérêts peuvent avoir des conséquences dramatiques pour une alliance ou une union et rendre celle-ci fortement contre-productive. Et c'est exactement ce qui s'est passé avec la construction européenne. Certains pays, dont l'Allemagne, ont fait une stratégie non coopérative au sein de l'UE. Ils se sont servis de cette dernière, non pour accroître l'indépendance du continent, mais simplement pour faire valoir leurs propres intérêts à court terme. Les pays qui ont joué le jeu de l'Europe à l'image de la France se sont donc retrouvés perdant de la construction européenne. Si la structure même de l'UE et de l'euro était mauvaise, il faut bien rappeler aussi que le comportement de certains pays dont la première puissance du continent n'a pas été pour rien dans cet échec.

 

Le grand ralentissement économique de l'euro

 

Je rappelle tout de même que la baisse des salaires en Allemagne a eu lieu à l'époque de la mise en place des lois Hartz entre 2003 et 2005 c'est-à-dire au lendemain de la mise en place de l'euro. Il était donc clair que la stratégie allemande était de détruire l'industrie française et italienne. Ce fut donc une stratégie non coopérative évidente de la part de l'Allemagne. Cependant même si les participants à l'UE et à l'euro avaient réellement joué le jeu de la coopération, il est très probable que la situation se serait quand même dégradée. C'est d'ailleurs une chose que l'on souligne rarement, l'UE ne souffre pas seulement de l'égoïsme à courte vue de certains de ses membres, c'est la structure même de l'UE et de l'euro qui casse la croissance et la dynamique économique de plusieurs façons.

 

Les processus d'unification économique ne sont pas nouveaux loin de là. La France elle-même a subi une unification économique qui a d'ailleurs été défavorable à certaines régions et favorisé la concertation des richesses dans d'autres. Et cela malgré l'homogénéité relative du pays en termes de culture de langue de niveau de vie et même en prenant en compte la grande solidarité nationale. Nous le savons aujourd'hui, les territoires sont fortement inégaux sur le plan géographique et une unification monétaire et politique peut faire amplifier considérablement ces inégalités, même petites au départ. Il n'y avait donc aucune chance pour que la construction européenne échappe à cette réalité historique. Même sans parler des différences en terme purement économique, nous avons vu par exemple dans mon texte concernant l’asymétrie commerciale que la situation du commerce fluviale favorisait naturellement l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Europe de l'Est en termes de coût de transport. La suppression des frontières a donc naturellement favorisé la localisation de l'industrie dans ces régions fluviales et cela a tué nos propres ports puisque le premier port de transport de marchandises français n'est même plus en France, mais en Belgique. L'UE a donc structurellement concentré les richesses et l'industrie dans certains endroits. Pas de chance, la France n'avait pas la géographie qui lui aurait permis de sortir son épingle du jeu.

 

Cependant à la différence d'une vraie nation, même si théoriquement l'UE n'a plus de frontières intérieures, il reste les frontières culturelles et linguistiques. Donc à la différence des unifications nationales historiques l'on ne voit pas les grands mouvements de population qui aurait dû suivre l'industrie. En gros si l'industrie va en Allemagne, la population française aurait dû aller y vivre pour continuer à bosser. Mais voilà, les Allemands sont des Allemands, et les Français ne parlent pas l'allemand. L'unification européenne a donc produit une concentration d'activité dans certains lieux sans produire la demande qui allait avec. En effet en allant vivre en Allemagne, les Européens qui auraient fait le chemin auraient donc eu des salaires et auraient consommé, tirant ainsi la croissance de l'Allemagne et du continent. Au lieu de cela ils sont restés en grande majorité dans leurs pays désindustrialisés. Le problème a été partiellement corrigé par les aides sociales, le chômage et la dette des pays désindustrialisés. Mais on voit bien qu'il s'agit là d'un problème d'absence de cohérence du système européen. L'UE produit naturellement des pays surendettés qui finiront par faire faillite sans produire une croissance forte dans les pays qui bénéficient de la structure européenne. On remarquera que ce phénomène favorise aussi le mercantilisme des pays gagnants du système. Puisque la demande intérieure européenne est cassée par l'unification, alors il est naturel que les pays industriels cherchent une demande à l'extérieur de la zone. Ce qui explique le mercantilisme obsessionnel de l'Allemagne et de quelques autres membres de l'UE.

 

J'ajouterais à cela la technostructure européenne d'une lenteur invraisemblable et qui est en réalité une surcouche bureaucratique bien inutile. La France a-t-elle vraiment besoin de nourrir tout un aréopage de fonctionnaires européens pour faire sa politique agricole ? Nous n'aurions dû faire à l'échelle européenne que les choses pour lesquelles il était plus économique de faire les choses ensemble. Au lieu de cela, la bureaucratie européenne a cherché à étendre toujours plus son domaine de gestion jusqu'à ne plus rien laisser aux états membres. Nos élites ont cherché pendant 40 ans à faire de la décentralisation en France pour théoriquement mieux gérer un pays trop centralisé, alors qu'étrangement dans le même temps ils ont centralisé des politiques nationales fonctionnelles à l'échelon européen. Les rendant ainsi plus coûteuses et moins efficientes . Il est d'ailleurs assez drôle de penser que c'est Giscard le Girondin refoulé qui a le plus œuvré pour cette concentration à l'échelle du continent.

 

L'autre facteur de crise est l'euro . C'est même lui qui a le plus accéléré la dégradation de l'économie continentale. On voit clairement un ralentissement économique à partir de la mise en place de la monnaie unique. Les problèmes évidents de l'euro avaient été prédits par nombre d'économistes de tous les courants d'ailleurs. La zone euro n'étant pas une zone monétaire optimale, nous courions vers la catastrophe. En effet, il faut bien comprendre que dans la globalisation économique et financière actuelle la monnaie était devenue le dernier instrument de régulation du commerce extérieur. Grâce à la dévaluation, un pays ayant des déficits commerciaux pouvait améliorer sa compétitivité externe et donc réduire ses excédents. À l'inverse, un pays accumulant des excédants voyait sa monnaie s'apprécier, ce qui avait tendance à réduire ses mêmes excédents en le rendant moins compétitif. L'unification monétaire empêche cela et conduit donc à des déséquilibres permanents que ce soit en termes de déficit ou d'excédent. En plus, l'euro a un taux de change qui va être la résultante de la moyenne européenne par rapport à l'exercice extérieur de la zone euro. Il sera donc souvent trop fort pour la France et beaucoup trop faible pour l'Allemagne nourrissant mécaniquement les graves problèmes des pays déficitaires.

 

Ces inconvénients monétaires, ou ces avantages monétaires s'ajoutent bien évidemment aux problématiques précédentes de mon texte. Ajoutons aussi que l'ajustement monétaire était un moyen de gérer simplement les grandes différences qui existent entre les démographies du continent ainsi que les différentiels d'inflation. Pour résumer, en matière monétaire et économique, il est plus simple d'avoir plein d'instruments pour gérer des situations disparates plutôt que n'en avoir qu'un seul. L'idée européenne au fond était une idée stupide qui consistait à croire qu'en minimisant le nombre d'instruments et d'outils à disposition des hommes politiques nous arriverions à mieux gérer nos nations. Seulement, voilà dans le monde réel avec une seule monnaie, il est impossible de répondre aux besoins de chaque nation. Avec une seule politique de taux d'intérêt, il est bien difficile de gérer des inflations qui varient du simple au triple suivant les nations. Avec une seule politique économique, il est bien difficile de gérer à la fois des pays qui sont en manque d'effectif pour leurs entreprises, pendant que d'autres croulent sous le chômage. Non vraiment, l'Europe fonctionnerait bien mieux sans l'UE et sans l'euro, car alors chaque nation aurait alors des réponses bien mieux adaptées à ses propres problèmes.

 

 

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15 juin 2023 4 15 /06 /juin /2023 11:42

 

Alors que la situation macroéconomique réelle du pays est très difficile. Les dirigeants français tombent une nouvelle fois dans leur travers néolibéral. En effet, le gouvernement cherche encore une fois à faire venir des immigrés pour combler le soi-disant manque de main-d'œuvre dans le pays. De la même manière que les chiffres bidons du chômage avait servi d'excuse à la réforme immonde du RSA, ou à la justification du recule de l'âge de départ à la retraite, ce pseudo-plein emploi sert à justifier une nouvelle vague d'immigration alors même que le taux d'emploi réel n'a pas bougé depuis la crise de 2008. On a juste camouflé le chômage avec l'apprentissage et l'emploi à court terme . Les médias ne parlant que de la catégorie A des chômeurs, le changement de catégorie des chômeurs permet d'afficher des statistiques trompeuses. Exactement comme aux USA, on préfère mettre la réalité sous le tapis en changeant l'appellation des chômeurs.

 

Un indice fort du non-plein emploi est l'évolution des salaires qui est largement inférieure à l'inflation. Sur un an les salaires dans le secteur privé ont augmenté de 4,5% ce qui est important, mais l'inflation sur la même période fut de 5,1% ce qui indique une perte de pouvoir d'achat réel de 0,6% sur cette année. Si nous étions réellement en situation de plein emploi comme le claironne le gouvernement, nous aurions de fortes hausses de salaire, plus rapide que l'inflation or ce n'est absolument pas le cas. Autre indicateur, la situation des cotisations retraite qui sont en déficit cette année. Un déficit qui a servi de justification à la fameuse réforme. Oubliant que s'il y a un problème de cotisant c'est peut-être aussi lié à un taux de chômage plus élevé qu'officiellement. La stagnation des salaires et la mauvaise situation de l'emploi réel ainsi que la dégradation de la qualité des emplois participent aussi à la dégradation de la situation du régime des retraites. Il est d'ailleurs surprenant que l'on parle sans arrêt du chômage sans parler de la médiocrité des emplois créés. Nous en avons déjà longuement parlé, mais la France aujourd’hui a surtout besoin d'emploi dans l'industrie, pas dans les services déjà surdimensionnés pour le pays. Or le seul facteur sur lequel a voulu jouer le gouvernement fut la durée de cotisation. En même temps, on peut le comprendre, c'est le seul facteur que l'UE lui permet de manipuler n'ayant plus de contrôle sur les politiques macroéconomiques comme la monnaie, ou les politiques commerciales. Un seul facteur peut aller dans la direction officielle du taux d'emploi, c'est l'amélioration de la situation économique des Assedic, mais comme vous le savez sûrement le gouvernement a violemment réformé l'assurance chômage, et permis d'exclure plus rapidement les chômeurs de l'accès aux aides. Le résultat de ces politiques cyniques fut bien évidemment une amélioration du bilan comptable des Assedic. Il n'est pas certain cependant que cela fut bénéfique au pays puisque cela a participé à la casse de la demande intérieure à un moment où l'inflation a explosé.

 

Comme on le voit ici, ce gouvernement est totalement englué dans une vision libérale de l'économie, avec la courbe de Phillips attaché en bandoulière. Persuader que le vrai plein emploi est une catastrophe nourrissant l'inflation, il fait tout pour que cela ne se produise pas, il fait en réalité l'inverse de ce qu'il dit. L'obsession pour la casse des salaires est visible dans toutes ses décisions. Le fait de vouloir obliger les gens au RSA à faire des emplois en étant sous-rémunérés. La volonté d'utiliser les jeunes des lycées professionnels pour concurrencer les salariés normalement rémunérés. La destruction progressive des droits des chômeurs ou encore le recul de l'âge de la retraite sont autant de preuves de ce qui motive réellement ce gouvernement. Ajoutons à cela une distribution invraisemblable d'argent public sur les entreprises (près de 7% du PIB c'est le premier poste de dépense de l'état et de loin) faisant de l'état macronien l'état le plus néolibéral de toute l'OCDE, un état au service du capital et de la rente. Le dernier maillon de la chaîne est bien évidemment l'immigration, l'arme absolue du capital contre l'amélioration de la situation des salariés, l'armée de réserve du capital comme disait Marx.

 

L'état néolibéral c'est ça. Un état qui finance par l'impôt les entreprises privées.

 

L'origine de l'immigration de masse

 

Depuis les années 70, la France est sous la domination de politiciens attachés à la lutte contre la hausse salariale. Il faut bien comprendre qu'il s'agit là d'un choix favorisant certains intérêts au détriment de l'intérêt général de la population. Car dans les années 70, l'inflation revient en force sous l'effet de plusieurs facteurs que je résumerais ainsi. En premier, les gains de productivité ralentissent, l'amélioration des processus technique ne permet plus de croître au même rythme qu'après guerre. Ensuite ,les USA changent le système monétaire international en mettant fin au lien entre l'or et le dollar ce qui permettra aux USA de financer gratuitement leur économie en exportant leur inflation. C'est la fameuse phrase de John Connally « le dollar est notre monnaie, mais c'est votre problème ». Ensuite, il y a l'augmentation du prix de l'énergie et la dérégulation financière qui a accompagné la fin de l'étalon or. Pour terminer, les pays occidentaux et la France sont frappés d'une baisse importante de la natalité qui va mettre en péril l'équilibre entre le salariat et le patronat au détriment de ce dernier, et il le sait très bien. Le partage de la valeur ajoutée qui a été équilibré sous le régime keynésien d'après-guerre va donc se rompre, et les néolibéraux vont servir alors une idéologie tout à fait concordante avec les intérêts de la rente et de la finance. C'est à cette époque que se fait donc le tournant libéral sous Giscard en France et que les socialistes continueront avec une étonnante efficacité. En effet, les socialistes ont été si efficaces que les gens continuent à croire que ce fut des politiques de gauche qui furent appliquées dans les années 80-90. En réalité, ils étaient rose à l'extérieur, mais bleu à l'intérieur et la construction européenne a bien aidé notamment l'acte unique Européen en 86.

 

La solution contre la hausse des salaires en occident fut une trithérapie économique. La libre circulation des marchandises pour mettre en concurrence les salariés occidentaux avec ceux des pays moins avancés, cela concernait d'abord les industries lourdes et les secteurs nécessitant la main-d’œuvre la moins qualifiée. Mais comme vous le savez maintenant même les secteurs de pointes sont délocalisés, le niveau de formation dans nombre de pays en développement n'ayant plus grand-chose à nous envier. La libre circulation des capitaux pour mettre fin à l'état providence en permettant aux riches et aux multinationales de ne plus payer d'impôt en faisant de l'optimisation fiscale. Et la libre circulation des personnes pour permettre au tiers-monde pauvre économiquement, mais riche en population de déverser sa population en occident et ainsi favoriser la stagnation salariale et même la baisser comme ce fut le cas dans des secteurs comme le BTP en France.

 

L'immigration de masse est donc l'une des solutions employées par le capital pour valoriser ses intérêts et casser toute forme de revendication pour un meilleur partage de la valeur ajoutée. C'est ce qui explique la cassure des années 70 où l'on voit clairement que les salaires ne suivent plus la hausse des gains de productivité comme ils le faisaient pourtant depuis 1945. J’insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un hasard ici, mais bien d'un objectif assumé plus ou moins ouvertement en occident. Dans le monde anglo-saxon, c'est explicite, mais en France les élites jouent les fausses victimes du hasard globaliste. L'immigration de masse est donc une arme destinée à maintenir le taux d'emploi suffisamment bas pour ne pas nourrir l'inflation comme le prône la fausse loi issue de la courbe de Phillips. On pourrait montrer que ce lien est plus complexe que cela, mais ce n'est pas le sujet du texte. Quoiqu'il en soit le gouvernement Macron qui a fait venir bon nombre d'immigrés, continue sur la même lancée, l'esprit néolibéral ne s'impliquant jamais dans les conséquences à long terme de ses décisions. En effet quid des effets politiques d'une immigration massive ? Que se passerait-il si les autochtones devenaient minoritaires ? Ne risque-t-on pas des guerres interethniques ou d'autres joyeusetés du même genre? Dans la logique néolibérale n'existe que l'intérêt individuel, les groupes n'existent pas , les nations n'existent pas, les cultures n'existent pas et même les familles n'existent pas. Il n'y a que l'homoeconomicus n'agissant que dans son intérêt individuel. Si l'on voulait résumer la « pensé » néolibérale, la colonisation des Amériques par les Européens fut une chance immense pour les natifs américains puisque leurs terres sont maintenant infiniment plus riches qu'elles ne l'étaient à l'époque. Cela devrait faire réfléchir certains sur le sens qu'on donne au mot progrès chez les néolibéraux.

 

La grande rupture des années 70.

 

Le déclin démographique mondial

 

Vous m'objecterez peut-être l'argument disant que l'immigration de masse était inévitable étant donné les rapports de force démographiques. C'est oublier bien vite que le déséquilibre ne date pas d'hier et que le volume migratoire est très différent d'un pays à l'autre. Des pays comme le Japon ou la Corée du Sud qui ont des problèmes démographiques bien plus graves que la France n'ont pourtant toujours pas une vague migratoire importante. Et ce n'est pas une question géographique, la Grande-Bretagne est une île et elle est pourtant nettement plus soumise à l'immigration que le Japon. Ce fut bel et bien un choix. Alors je n'oserais dire un choix collectif puisqu'il n'y a jamais eu de vote sur la question, mais un choix quand même.

 

Évidemment, nous ne parlerons pas de toutes les conséquences de l'immigration de masse y compris économiques puisque cela entraîne de nombreux problèmes que ce soit en matière de mœurs, de politique et même en matière économique. L'immigration a constitué en partie notre problème de logement, car il faut bien loger tous ces gens. Il faut alimenter les infrastructures, les nourrir, instruire leurs enfants. Tout ceci à un coût qui n'entre évidemment pas dans le calcul de nos hurluberlus du libéralisme. Quand on fait le bilan total, je doute que ce soit très positif même après plusieurs générations, mais là n'est pas le problème au fond. Cette question migratoire n'aurait jamais dû être motivée par des questions économiques. On ne peut pas gérer une société avec ce seul paramètre comme motif d'action. C'est bien l'obsession pour la seule question économique qui est la maladie de notre temps. À aucun moment nos politiciens ne se sont dit qu'il vaudrait peut-être mieux une faible croissance avec un déclin démographique plutôt qu'une guerre civile alimenté par une immigration massive. De la même manière qu'ils n'ont pas vu que la globalisation finirait par mettre de nouvelles puissances économiques à la tête de la planète à l'image de la Chine, ils n'ont pas vu que l'immigration causerait d'énormes problèmes pour nos nations à terme. Ils ont refusé de le voir et nous en subissons les conséquences aujourd'hui.

 

On pourrait d'ailleurs rajouter à cet argument le fait que résoudre un problème de sous-natalité par une immigration constante est en soi problématique. En effet, la transition démographique n'est pas qu'occidentale, elle touche déjà la majorité de la planète. En Asie, la fécondité est inférieure au seuil de reproduction . Même l'Inde qui vient de devenir le pays le plus peuplé de la planète connaît une baisse de la natalité spectaculaire. Dans les grandes villes de ce pays qui préfigure l'évolution à terme de la natalité du pays, on est largement en dessous de 2 enfants par femme déjà. C'est l'inertie démographique qui va faire croître encore le pays pendant quelques décennies, mais ensuite ce sera la chute comme chez nous. Comme je l'ai dit d'ailleurs dans un précédent texte de ne pas trop compter non plus sur l'Afrique subsaharienne. Des données récentes montrent une chute spectaculaire des naissances. Ce qui sera une bonne chose pour eux puisque cela signifie une possibilité de développement, mais cela veut dire que vers 2040-2050 il n'y aura plus vraiment de stock de réserve pour alimenter l'immigration mondiale en tout cas pas assez pour alimenter à la fois l'Amérique, l'Europe et l'Asie en main-d’œuvre. C'est ce qui arrive aux USA actuellement, le pôle migratoire mexicain commence à se tarir avec une natalité à 1,9 enfant par femme.

 

La seule solution rationnelle pour demain est donc de revenir à des natalités raisonnables dans nos pays, mais cela va entrer en contradiction avec l'imaginaire néolibéral qui ne veut pas investir à long terme dans l'éducation et l'élevage d'enfant. Le capital essaie de tout externaliser et de minimiser ses propres efforts d'investissement pour maximiser ses profits. Cette vision est totalement incompatible avec le développement réel d'une société qui nécessite des investissements dont la rentabilité se fait souvent à très long terme. Le fait de faire des enfants et de les élever rentre dans cette catégorie du très long terme. La transition démographique mondiale donnera probablement un coup fatal au capitalisme néolibéral, la globalisation n'aura en fait que retarder la nécessaire sortie d'un système économique à courte vue conduisant notre espèce à une impasse. Reste à imaginer par quoi il sera remplacé.

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9 juin 2023 5 09 /06 /juin /2023 11:43

 

S'il y a bien une question qui joue un rôle majeur pour différencier la vision économique keynésienne de la vision classique ou néoclassique qui nous dirige depuis les années 70 c'est bien celle de l'investissement. Je vais faire un petit rappel ici de cette différence très importante. Car elle conditionne en réalité une grande partie des politiques publiques et des obsessions erronées de ce qui se prétend être l'élite française. En effet, depuis les années 70, et contrairement au discours grotesque sur le prétendu socialisme du modèle français , c'est bien la vision néoclassique qui s'est imposée en France. L'échec patent de ce modèle pousse ses défenseurs à en nier l'existence pour éviter d'avoir à argumenter justement sur les origines de cet échec qui ont entraîné le pays dans un déclin inconnu depuis des siècles. Un peu comme le communisme dans les années 80, les néolibéraux vous expliquent que ce n'est pas leur théorie qui est fausse, mais simplement qu'on ne l'a pas assez appliqué quand ils en nient même l'application depuis les années 70 . Pourtant la France a bien coché toutes les cases du bon petit élève du libéralisme avec la suppression des frontières pour le commerce, les capitaux et même les personnes. La France a bien dérégulé son économie et mis l'état sous la coupe des marchés financiers en l'obligeant à emprunter sur ces derniers à la place de la banque de France. Tous ces facteurs macroéconomiques sont le cœur du néolibéralisme, car ils conditionnent tout le reste en fait.

 

Et non la France n'est pas un pays socialiste, communiste ou keynésien, les imbéciles que nous affrontons confondant au passage toutes ces écoles de pensé, qui sont pourtant souvent incompatibles, quand elles ne sont pas franchement opposées. Keynes a été l'un des premiers intellectuels à décrire le communisme en Russie comme un phénomène religieux et ils disaient de Marx qu'il n'avait rien découvert de réellement original avec ses textes. Les mettre dans le même panier relève donc une inconnaissance pure. Quant à la lubie libérale qui consiste à mettre en parallèle les dépenses de l'état et le soi-disant socialisme français, c'est oublier un peu vite que le premier poste de dépense de l'état est dans le soutien aux entreprises. L'état néolibéral est un état qui n'est pas maigre comme dans le libéralisme classique ou pire les thèses grotesques des libertariens qui pullulent un peu trop sur les réseaux sociaux français à mes yeux. L'état néolibéral est un état qui lève des impôts pour alimenter les intérêts privés et soutenir les couches sociales aisées. Et c'est très clairement ce qui ressort de la situation macroéconomique française. Cette obésité étatique n'a pas forcément été voulue par les néolibéraux, mais elle est en quelque sorte la conséquence de leurs dogmes. En effet en dérégulant l'économie, vous détruisez des facteurs de production et des usines. Vous cassez donc la base salariale du pays et la demande qui est adressée aux entreprises. Suivant les thèses libérales au bout d'un moment, le marché se rééquilibre tout seul par la sainte volonté de la loi de l'offre et la demande. Mais c'est en réalité la non-élasticité des salaires qui empêche la demande de trop s'effondrer jusqu'à ce que nous soyons tous morts comme disait Keynes.

 

Lorsque le modèle libéral a cassé la demande intérieure par sa dérégulation, le taux de chômage explosa jusqu'à se stabiliser à un niveau élever, mais pas à 100% de la population heureusement. L'impossibilité de trop baisser les salaires empêche alors de libéralisme de conduire à l'effondrement total de la société. Ce sont les fameuses rigidités sociales et salariales tant décriées par les libéraux qui ont toujours empêché la grande catastrophe qui résulterait de l'application totale de leurs modèles théoriques. Alors ce modèle adepte sans le dire du « struggle for life » typiquement américain, qui est explicite chez les libertariens, s’accommode fort bien d'un fort taux de chômage. D'autant que parmi les thèses économiques erronées, celle de la courbe de Phillips et du lien théorique en inflation et chômage, tend à motiver les libéraux à vouloir un chômage élevé pour éviter l'inflation. Cependant, la faible demande entraîne une faible croissance économique. Et c'est là que le néolibéralisme remplace le libéralisme classique avec sa roue de secours étatique. Si l'on admet, que les théories libérales n'ont d'yeux que pour les intérêts des couches sociales dominantes, ce qui semble assez réaliste, l'obésité de l'état néolibéral prend un sens. Il s'agit d'un modèle dont le but est de produire uniquement une croissance économique pour le haut de la société. Le biais de l'endettement public permet ainsi de combler le modèle en colmatant les effets de l'insuffisance de la demande structurelle provoqués par le libre-échange et la libre circulation des capitaux. L'endettement est donc structurel dans ce modèle puisque c'est elle qui permet le maintien de la croissance économique. Sans cela nous serions en stagnation depuis 40 ans au moins.

 

C'est la demande qui pilote l'investissement

 

Mais au milieu des nombreuses élucubrations que l'on appelle la théorie économique libérale ou néoclassique, l'une d'elles tient un poids particulier. C'est la fameuse maxime de Jean Baptiste Say, encore un hurluberlu français, qui émit l'hypothèse ridicule que l'épargne est toujours égale à l'investissement. De cette simple hypothèse, qui est pourtant contredite par toutes les observations, la théorie néoclassique va déduire tout un tas de politiques économiques qui se révéleront particulièrement néfastes. Un exemple simple et bien connu du grand public, c'est la fameuse théorie du ruissellement très en vogue au moment du tournant néolibéral anglo-saxon avec Reagan et Thatcher au pouvoir. Une théorie encore à la mode en France chez les macronistes puisque toute la politique de Macron a consisté à dégager du revenu supplémentaire pour les classes sociales les plus aisés pour accroître l'investissement, pensait-il. Car si vous supposez que l'épargne est égale à l'investissement, alors toute politique visant à accroître l'épargne va nécessairement faire gonfler l'investissement et donc la croissance économique à terme grâce aux gains de productivités qui en résulteraient. C'est tout le fondement théorique des baisses d'impôts sur les plus riches, enfin c'est en tout cas l'excuse qu'ils en donnent et je pense que certains sont de bonne foi.

 

Évidemment ce choix politique implique de nombreuses suppositions auxquelles ses apôtres n'ont bien souvent jamais réfléchi. Tout d'abord est-ce que l'épargne est vraiment égale à l'investissement ? Comme je l'ai dit, la réponse est non et c'est bien le problème. Si l'épargne était toujours égale à l'investissement, comme le supposé Jean-Baptiste Say, il n'y aurait jamais eu de crise économique puisqu'il n'y aurait jamais eu de stockage de la valeur, de thésaurisation comme disait Keynes. Si 100% de l'épargne est toujours investi, il n'y a pas de problème d'insuffisance de la demande ou de sous-investissement. Or comme on a pu l'observer régulièrement, en particulier en 1929, ces crises existent bien et il n’y a donc pas d'égalité absolue entre l'épargne et l'investissement. La seconde hypothèse qu'implique cette politique de ruissellement est que la simple augmentation de leur revenu pousse les riches et les grandes entreprises à investisseur. C’est bien mal connaître le monde réel que de supposé ça. Et cela résume le caractère assez fantasmagorique des hypothèses qui servent de références aux théories économiques libérales.

 

Une entreprise n'investit pas parce qu'elle gagne tout d'un coup plus d'argent. Il n'y a pas d'automaticité entre le fait de gagner plus et le fait d'investir plus. L'investissement n'a comme motivation qu'une réponse à un besoin. Ce n'est que si votre carnet de commandes est plein et que vous n'arrivez pas à y répondre entièrement que vous allez investir. Il ne faut jamais oublier que le but d'une entreprise est de gagner de l'argent, pas de créer des emplois, d'investir ou de défendre l'intérêt général. C'est d'ailleurs assez drôle de voir que les libéraux bien souvent se retrouvent aveugles face aux conséquences de leurs propres hypothèses. Car c'est bien cet égoïsme naturel des acteurs économiques qui invalide le lien entre l'investissement supposé et les gains supplémentaires résultant de la politique de ruissellement. Si vous accroissez les revenus des entreprises en période de faiblesse de la demande, elles ne vont pas investir, elles vont soit se désendetter, soit thésauriser, mais elles n'auront aucune envie d'investir puisque la demande qui leur est adressée stagne ou baisse. Au mieux, elles investiront dans des machines pour réduire le besoin de main-d’œuvre et accroître encore leurs marges. Mais c'est vraiment dans le meilleur des cas. En vérité la seule chose qui pilote l'investissement c'est bien la demande comme l'avait très bien vu Keynes. Une politique de baisse d’impôt ou de charges pour les entreprises n'a donc de sens que si elle est accompagnée d'une véritable politique de relance. Et encore faut-il prendre en compte les contraintes externes. En régime de libre-échange, les entreprises préféreront importer d'ailleurs pour répondre à la demande ce qui creuse les déficits commerciaux.

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4 juin 2023 7 04 /06 /juin /2023 14:37

 

Je commence ce texte par un titre qui rappellera beaucoup de choses aux adeptes d'Emmanuel Todd puisque c'était le titre d'un de ses ouvrages phares « L'illusion économique » sorti en 1997, il y a déjà 26 ans. Ce titre parlait déjà à l'époque des étrangetés de l'économie américaine dont on nous disait qu'elle était formidable et à la source d'une nouvelle révolution industrielle USA oblige. Rappelons qu'à la fin des années 90 le monde célébrait la naissance d'un monde unipolaire. Après la fin de l'URSS qui est en réalité tombée toute seule, les USA semblaient être la seule et unique superpuissance de la planète. C'est ainsi que naquirent des thèses assez délirantes comme celle de la fin de l'histoire de Fukushima et les fantasmes d'un monde globalisé totalement américanisé. C'était le paradis des Alain Minc et autre Jacques Attali qui rêvaient d'un monde sans frontières avec en bandoulière la sous-culture américaine s'étalant dans le monde entier. Et effectivement, toute personne ne regardant que les informations officielles, et la presse mainstream, pouvait y croire. Sauf qu'Emmanuel Todd n'était pas ce genre de personne. Lui qui avait prévu l'effondrement de l'URSS s'est mis à réfléchir sur la situation économique réelle des USA, et c'est de ces réflexions qu'est né son livre. D'ailleurs, en parlant des apôtres du globalisme, Emmanuel Todd vient de débattre avec Alain Minc sur le site du figaro. Si cela vous intéresse, voici le lien de la vidéo.

 

La situation difficile que voyait Emmanuel Todd dans l'économie US ne s'est pas arrangé depuis, bien, au contraire. La clef pour comprendre le caractère très spécial de l'économie est dans sa situation commerciale. Les USA sont un trou commercial pour la planète, le monde produit, les USA consomment. Nous avons parlé récemment de la situation de l'économie turque et comme je l'ai souligné si la production industrielle de la Turquie est relativement correcte contrairement à la France ou à la Grèce, le pays consomme tout de même trop de produits importés. Le résultat est un déséquilibre permanent de la balance commerciale et de la balance des paiements qui inclut les services et la finance. Il résulte de la situation commerciale de la Turquie une pression à la baisse sur la Lire turque. Une baisse constante qui implique une augmentation des prix sur les denrées importées qui provoque donc de l'inflation. Et on l'a vu pour ce pays, l'inflation a atteint des sommets à plus de 75% d'inflation annuelle même si heureusement elle semble baisser à l'heure actuelle. Après il est possible qu'entre l'industrie et l'inflation, le gouvernement turc préfère l'industrie. Et il a probablement raison à long terme, mais le coût social est très élevé. Du reste, on a vu que contrairement aux discours monétaires habituels pour la Turquie, les dévaluations ne semblent pas corriger le déséquilibre commercial. Il faudra probablement des mesures protectionnistes et une planification industrielle pour rééquilibrer les choses.

Pour en revenir à notre sujet comment expliquer qu'un pays comme la Turquie qui est quand même un gros pays de 85 millions d'habitants connaissent des déboires monétaires liés à son déficit extérieur, et non les USA ? En effet, le déficit commercial américain est abyssal. Et ce déficit dure depuis les années 70. Vous avez bien lu, les USA n'ont pas eu de balance commerciale à l'équilibre depuis pratiquement la fin des années 60. Or aucun pays au monde ne peut se retrouver dans cette situation sans avoir à long terme des tensions sur sa monnaie. Car le déficit signifie que vous avez plus besoin de monnaie étrangère pour acheter vos biens importés que ce que les étrangers ont besoin de votre monnaie pour acheter vos produits. Cet état de fait conduit normalement à des dévaluations plus ou moins constantes, voire à des effondrements monétaires comme celle de la Russie dans les années postsoviétiques ou pour l'Argentine dans les années 90. Mais pour les USA il ne se passe rien. On voit d'ailleurs que la règle s'applique même à la zone euro puisque l'euro s'est déprécié depuis que l'Allemagne connaît des difficultés commerciales. En effet pour la première fois, la zone euro est devenue déficitaire commercialement. Et la sanction a été immédiatement, l'euro s’est dévalué.

 

C'est avant tout cette bizarrerie qui a poussé Emmanuel Todd à se questionner sur la réalité de l'économie américaine. Un questionnement qui devrait aujourd'hui être encore plus fort dans le débat public, mais qui vraisemblablement n'intéresse pas grand monde. En effet, le discours actuel reste encore sur la toute-puissance de l'économie américaine, les IA et les fantasmes de geek d'Elon Musk ayant maintenant remplacé la bulle internet. Même chez les économistes hétérodoxes, rares sont ceux qui doutent de la réalité américaine que ce soit pour le taux de chômage ou pour la réalité de leur inflation ou de leur croissance. Pourtant il existe des données tenues par des économistes américains eux-mêmes qui montrent la duplicité des autorités américaines en la matière. On est obligé d'admettre que les USA sont la première puissance économique mondiale même si des millions d'Américains vivent dans des mobile homes, même si l'espérance de vie diminue et même si cela fait extrêmement longtemps que vous n'avez pas acheté un produit réellement fabriqué aux USA. Oubliez les services qui représentent 80% du PIB, dont 15% rien que pour leur catastrophique système de santé, soit deux fois la moyenne des autres pays de l'OCDE. Non, les USA sont la première puissance du monde et surtout pas la Chine dont vous dépendez pourtant quotidiennement pour les produits qu'elle fabrique. C'est cela le paradoxe de l'économie mondiale actuelle, ou plutôt de l'image qu'en ont les Occidentaux.

 

La difficile comparaison internationale

 

Alors comme on l'a déjà dit, la comparaison économique internationale est un exercice difficile bien que rares sont ceux à l'admettre. On l'a vu avec les conséquences des mesures anti-russes sur les économies occidentales. L'Europe de l'Ouest sous l'égide de l'Allemagne s'est crue toute puissante face à la petite Russie. Petite d'un point de vue PIB exprimé en dollar, j’insiste sur ce fait. D'après ces données la Russie n'était pas plus puissante que l'Espagne et pourtant c'est bien l'Europe de l'Ouest qui s'est prise les conséquences directes des mesures commerciales qu'elle a pratiquées. Ce qui montre finalement que le plus puissant des deux n'était pas celui qu'on croyait en réalité. C'était in fine la grande Russie et la petite Europe. C'est qu'en réalité l'économie réelle de la Russie n'était pas celle de l'Espagne, mais plus celle d'une Allemagne avec des ressources naturelles en plus. Mais pour comprendre cela, il fallait admettre que le PIB n'est pas du tout un indicateur pertinent pour les comparaisons internationales, le poids de l'industrie aurait été bien plus parlant. Des économistes ont longtemps pensé à cette question, mais cela, semble-t-il, était un peu oublié depuis que l'occident semble en perte de vitesse. À l'époque des trente glorieuse et de Jean Fourastié, inventeur du terme, on comparait les pays non en fonction du PIB, mais en fonction des capacités de production. Même quand j'étais jeune dans les années 80-90, nos livres d'histoire-géographie étaient encore bardés de comparaisons sur la capacité de production d'acier, de voiture, d'engrais, etc.. C'était comme ça que l’on comparait les pays. Ce n'était pas simple, pas toujours très pertinent, mais probablement infiniment plus rationnel que les comparaisons de stupide de PIB exprimé en dollar. Au moins si notre gouvernement avait analysé de cette façon l'économie russe, il en aurait vite conclu la non-pertinence des sanctions économiques.

 

Il existe d'autres outils pour comparer les pays comme la parité de pouvoir d'achat, mais certains économistes vous diront que le calcul de l'inflation diffère suivant les pays ce qui fausse un peu le calcul. On objectera ici que c'est la même chose pour la plupart des calculs économétriques et que cela valide le fait que les comparaisons internationales basées sur ce genre de donnée sont non pertinentes. On revient donc à la bonne vieille solution précédente et elle n'est guère flatteuse pour les USA et l'occident en général. Je rappelle par exemple que la Chine vient de devenir le premier producteur de voitures au monde devant le Japon. Le premier pays occidental est l'Allemagne en troisième . Les USA arrivent sixièmes derrière l'Inde et la petite Corée du Sud. C'est étrange pour la première puissance du monde, non ? Pour l'acier, la Chine est de très loin le premier producteur mondial, elle produit la moitié de la production mondiale. C'est un point important parce que dans l'histoire industrielle la production d'acier a toujours été au cœur de la puissance. En 1850, la Grande-Bretagne faisait la moitié de la production mondiale d'acier. En 1945, c'était les USA et aujourd'hui c'est la Chine. Je vous laisse faire la conclusion tout seul. Les USA n'arrivent qu'en quatrième position derrière la Chine, le Japon, et l'Inde. Ils sont au même niveau de production que la Russie et la Corée du Sud . Parlons des smartphones, une technologie moderne s'il en est. Sur les dix premiers fabricants de smartphones, sept sont des entreprises chinoises.

 

À dire vrai on pourrait faire un inventaire à la Prévert, la Chine arrive loin devant partout, même sur les dépôts de brevet, et dans les innovations scientifiques. Donc a mes yeux la question ne se pose même pas, la Chine est déjà la première puissance économique du monde quoiqu'en disent le PIB exprimé en dollar. Pour la petite histoire, le magazine "Le nouvel économiste" avait mis en place un comparatif assez instructif basé sur les célèbres burgers de Mc Donald. C'est le fameux indice Big Mac qui permet de comparer le prix de cette denrée en fonction des pays. L'avantage c'est que c'est une production très homogène et qu'elle ne dépend pas du pays concerné. Tous les Big Mac sont théoriquement les mêmes en termes de composition. Et regarder leur prix permet d'avoir une idée du coût de la vie local et donc de comparer un peu le niveau de vie réel en dehors de toute considération monétaire. Ainsi on apprend qu'un Big Mac à Tokyo coûte 41% moins cher qu'à Paris, et 61% moins cher à Moscou. Au contraire aux USA, le Big Mac coûte 20% plus cher. Les salaires aux USA sont censés être 35% supérieurs à ceux de la France, mais en comptant 20% de plus pour le coût de la vie l'écart est nettement moindre. À l'inverse le niveau de vie est vraiment très supérieur au Japon. Quant à la Russie, on voit que même si les salaires sont 74% plus faibles qu'en France si tous les prix sont au même niveau que le Big Mac soit 61% plus bas l'écart de niveau de vie n'est plus si énorme. Une dernière statistique pour la route tout de même celle des machines-outils. Les machines-outils sont des produits essentiels pour la production industrielle et sont aussi une marque de savoir-faire technique de pointe. Et bien même là-dessus les USA sont négligeables. Les statistiques dates de 2014 et pourtant la Chine était déjà le premier producteur mondial devant le Japon, l'Allemagne et l'Italie. Les USA arrivent sixièmes derrière encore la Corée du Sud à égalité avec Taïwan et juste devant la Suisse...

 

Principaux pays producteurs de voiture dans le monde

 

La xénophobie occidentale au cœur du problème ?

 

Comme vous le voyez quand on s'intéresse aux données réelles de production, les USA sont déjà largués par la Chine et même par d'autres nations pourtant bien plus petites. Et dans les quelques domaines où elle n'est pas encore première, comme l'aviation, elle fait tout pour rattraper son retard et le combler rapidement. Alors vous me direz, mais au fait pourquoi le dollar se maintient malgré ces statistiques et ce déficit commercial. Nous en avons déjà longuement parlé, c'est le rôle du dollar comme monnaie internationale qui maintient cette monnaie artificiellement haute. Les autres pays ont peur de laisser le dollar s'effondrer, car d'une part toutes les transactions pour les matières premières se faisaient dans cette monnaie. Ensuite parce que le dollar c'est une énorme réserve de dette cachée un peu partout sur la planète. Si cette monnaie s'effondre, la dette part en fumée en quelque sorte. Et de cela dont les détenteurs de ces avoirs, les banques, les investisseurs privés et même les états, n'ont pas du tout envie. On parle souvent des banques « too big to fail » comme disent les Anglo-saxons, mais la devise s'applique en réalité à l'économie US elle-même. Mais comme vous le savez, les choses changent rapidement avec la crise géopolitique actuelle. La Chine connaît très bien la réalité économique et va probablement tout faire pour faire tomber les USA de leur piédestal et reste à voir comment cela se produira.

 

Cependant, il est toujours aussi étrange de voir cette américanophilie délirante chez les commentateurs en occident et surtout en France. Pourtant même les économistes mainstream peuvent avoir parfois des éclairs de lucidités quand ils parlent par exemple de la France. Certains n'hésitent pas à dire que la France vit aux crochets des exportations allemandes qui compensent nos déficits commerciaux à travers l'euro. Ils en concluent un peu bêtement que l'euro nous protège. C'est vrai dans un sens, mais ils oublient aussi généralement de dire que c'est aussi l'euro qui a cassé la production française et donc créé en quelque sorte le déficit commercial. De sorte qu'aujourd'hui on ne distingue plus la poule de l’œuf. Cependant dès qu'il s'agit de l'économie américaine, le non-sens le plus total apparaît. Les Américains sont les plus productifs, ils innovent comme personne, ils sont géniaux. Et pourtant toutes les données disent le contraire. L'innovation grâce à la R&D est effectivement importante aux USA en tout cas bien meilleurs qu'en Europe, mais on fera remarquer que cela n’empêche pas les USA de crouler sous les importations de technologie importées. Pourquoi ? La réponse est simple. Il faut distinguer les entreprises américaines de l'économie américaine. Apple est théoriquement américaine, mais ne produit plus grand-chose aux USA, elle n'y paye même plus ses impôts. Comme toutes les grandes entreprises américaines, elle a fortement délocalisé sa production et même sa R&D en fait. Il suffit de voir le cas des sites de production de l'entreprise pour s'en convaincre. On pourrait donc même affirmer que l'innovation aux USA est une catastrophe pour leur économie puisqu'à chaque fois cela se transforme en produit importé supplémentaire. Les économistes qui parlent sans arrêt de monde global sans frontière font comme si la nationalité des entreprises avait encore une importance alors que ce qui compte en réalité d'un point de vue macroéconomique c'est la domiciliation des sites de production et des sièges sociaux. Bien souvent, la production est en Asie, et les sièges sociaux dans des paradis fiscaux. On a voulu des entreprises internationales et bien elles le sont. Appel, Intel, ou Microsoft ne sont pas plus américaines, que Renault ou LVMH ne sont françaises.

 

Les sites de production d'Apple

C'est encore chez Emmanuel Todd que nous allons trouver une hypothèse intéressante. Dans son dernier texte sur Marianne, il parle de la xénophobie des peuples protestants. Pour lui, le refus de voir le monde extérieur permet de concilier le sentiment intérieur de supériorité. Notre pays étant aujourd'hui totalement sous l'influence des grandes puissances anglo-saxonnes, nos élites ont en quelque sorte absorbé leurs délires de suprémaciste anglo-saxon blanc. Et il y a un refus de voir la réalité du dépassement de l'occident par d'autres régions du monde qu’elle soit chinoise ou autre. Cela donne une incapacité à s'adapter à ce Nouveau Monde par des stratégies de défense. Je pensais déjà que le libre-échange global avait un fondement raciste par sa vision d'une spécialisation d'ensembles humains gigantesques. Et il suffit de relire les « penseurs » de la globalisation pour voir qu'ils pensaient réellement que la Chine resterait un simple exécutant pour les entreprises occidentales sans jamais remettre en question la hiérarchie économique globale. L'exemple du Japon aurait pourtant dû leur ouvrir les yeux, mais il n'en a rien été. La situation actuelle est que les peuples d'occident, obsédés par leur propre domination, qui dure depuis la révolution industrielle, n'arrivent pas à admettre que ce soit terminé. Et pourtant il est essentiel d'admettre que nous sommes faibles pour commencer à nous défendre. Les Chinois ne nous sont pas inférieurs, pas plus que les Indiens et demain les Africains, et il serait temps de comprendre que si nous continuons à ne pas regarder le monde réel nous pourrions réellement disparaître à terme.

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29 mai 2023 1 29 /05 /mai /2023 17:57

 

Erdogan a donc été réélu. On constatera comme souvent que les sondages d'opinion et les grands médias français se sont encore trompés. On peut se demander dans quelle mesure le conflit actuel entre l'Ukraine, l'occident d'un côté et la Russie de l'autre a influencé le vote. Erdogan étant probablement vu comme le candidat le moins pro-occidental. Les soutiens affichés de certains atlantistes à l'opposition d'Erdogan lui ayant en fait probablement facilité la tâche. Ce ne serait pas la première fois que l'aveuglement occidental sur sa propre image aura produit les résultats inverses à ceux escompter. Ce qui ne signifie pas pour autant d'ailleurs que l'opposition à Erdogan fussent réellement plus pro-occidental en réalité. La Turquie a sa propre dynamique politique, et il n'est pas si certain que l'UE et les USA aient tant de poids que ça dans l'affaire, même si théoriquement la Turquie est notre allié puisque membre de l'OTAN. Il est cependant clair, il me semble, que la question de la géopolitique a primé quelque peu sur les questions intérieures, où Erdogan semble en difficulté. Nous reviendrons sur les questions économiques, mais sachez par exemple que l'inflation en Turquie atteint des niveaux vraiment extrêmement élevés.

 

Alors est-ce que l'on peut faire le rapprochement de cette élection avec l'élection présidentielle française de 2022 ? En effet dans les deux cas l'irruption du conflit ukrainien semble avoir joué un rôle majeur dans l'arbitrage des électeurs. Macron qui a un bilan calamiteux a pu jouer les rassembleurs au terme d'une campagne passablement discrète et jouer son rôle de défenseur de la nation face au grand méchant russe. De la même manière, Erdogan a joué sur la corde patriotique et anti-occidentale pour faire oublier son bilan économique plus mitigé comme nous allons le voir. On voit que deux personnages pourtant aux antipodes d'un point de vue idéologique peuvent user des mêmes cordes finalement s'il s'agit de se maintenir au pouvoir. L'intérêt du pays par contre je ne suis pas certain qu'il en soit gagnant. Après tout, Erdogan sort quand même de vingt ans au pouvoir, on aurait pu croire qu'une passation de pouvoir eut été assez sage même avec quelqu'un de son propre mouvement politique.

 

Mais cette élection, qui semble avoir été relativement étonnement bien couvert par nos dirigeants, symbolise tout de même un changement profond dans la géopolitique mondiale. En effet qui aurait pu croire, il y a dix ou vingt ans, qu'une élection en Turquie puisse avoir une telle importance pour les USA et ses satellites ? Alors vous me direz que la Turquie a toujours été importance d'un point de vue stratégique bien évidemment et ce n'est pas nouveau. Sa place géographique fondamentale ayant été à la base d'ailleurs de la construction de Constantinople à l'époque de l'Empereur Constantin . Le détroit du Bosphore a toujours été d'une importance cruciale dans le commerce entre l'orient et l'occident et a fait la prospérité de la ville durant la longue période romaine. Elle a aussi attiré les convoitises toujours pour les mêmes raisons. Cependant à l'époque moderne cet état de fait est moins vrai, le canal de Suez et le contournement de l’Afrique ou le passage par le canal de Panama ayant amoindri ce rôle. C'est clairement plus pour des questions de géopolitique que la Turquie est importance pour les USA. En effet, grâce à elle, les USA peuvent facilement intervenir là où il y a du pétrole au Moyen-Orient ainsi que menacer l'Iran et la Russie. Mais si l'importance de la Turquie est devenue plus grande dernièrement c'est essentiellement parce que le nombre des alliés des USA a fortement diminué depuis l'apparition du conflit.

 

En effet, les rapports de force sont en train de changer très vite. Le déclin des USA et de leurs satellites est déjà ancien depuis les années 70 en réalité. Mais il a d'abord été assez lent durant la période 70-90. Depuis la crise internet au début des années 2000, la succession de crises et de bulles qui frappent les économies occidentales a acté le déclin économique de nos régions. Les délocalisations incessantes ont nourri les futures grandes puissances sous l'effet de la globalisation néolibérale. Et c'est bien évidemment la Chine qui devient la nouvelle grande puissance planétaire. Et ne soyons pas dupes, il y a d'autres puissances qui montent derrière elle, de l'Inde à l’Indonésie. C'est dans ce cadre global que les USA ne semblent plus être la puissance de protection qu'ils avaient pu être par le passé. On a donc des changements d'alliance extrêmement rapides avec la prise de conscience par les élites de ces nouveaux rapports de force. Le conflit actuel entre une Ukraine soutenue par la totalité de l'OTAN et la Russie ne fait que confirmer que même dans le domaine militaire l'occident n'est plus en haut. L'une des conséquences est la montée rapide des BRICS qui viennent aussi de dépasser le PIB en parité de pouvoir d'achat du G7 qui pèse de moins en moins. Et un nouvel exemple de ces changements géostratégique est que l'Arabie Saoudite, alliée historique des USA depuis 1945, vient d'annoncer son intention de rejoindre les BRICS. On comprend donc un peu plus l'importance de la Turquie dans l'affaire, car une rupture de ce pays avec le camp occidental risque de réduire à néant les capacités de projection miliaire américaine dans la région. Rappelons que les porte-avions ne peuvent en aucun cas remplacer réellement des bases au sol. Et cela alors que les Chinois remettent de plus en plus fortement l'achat de matière première et de pétrole en particulier en dollar. La fin des pétrodollars pour les USA serait une catastrophe alors même que les USA viennent de faire augmenter encore le plafond de leur dette publique et que les déficits commerciaux battent des records.

 

 

Une économie à la grecque ? Pas vraiment en fait.

 

Nous avons donc vu rapidement pourquoi l'élection en Turquie fut si importante pour les USA et leurs sbires. Et on peut voir la victoire d'Erdogan un peu comme une défaite des USA et de l'UE d'un pont de vue géopolitique. Cela éloigne aussi probablement définitivement l'idée d'une Turquie qui deviendrait membre de l'UE, ce qui n'est pas une mauvaise chose à mon avis ni pour nous ni pour la Turquie d'ailleurs. Cependant pour ce qui est des Turcs eux-mêmes l'élection ne fut pas forcément une très bonne chose du point de vue important,économique. Certes la géopolitique c'est important, mais les politiques économiques aussi, surtout pour la population notablement plus pauvre que la notre. Et là-dessus Erdogan, avec ses politiques hétérodoxes, n'a pas forcément convaincu. Entendons-nous bien, je ne suis pas moi-même un libéral et un partisan de l'école économique libérale comme l'appelait Friedrich List à son époque. Et il est important de laisser aux politiques le soin de faire les choix collectifs pour lesquels ils seront jugés et non les économistes prodigues de solutions prémâchées souvent fausses. Cela ne veut pas pour autant dire que toute politique qui n'est pas néolibérale est forcément une bonne chose.

 

Croissance du PIB en % d'une année sur l'autre

 

Taux d'inflation annuel en %

Sur le plan de la croissance économique, les nouvelles ne sont pas terribles. Certes, la croissance a fait un bond notable en 2021 grâce à une politique expansionniste sur le plan monétaire et accommodant sur les taux d'intérêt avec près de 11% de croissance. Il ne faut pas oublier l'effet rattrapage par rapport à la période COVID et aux fermetures des frontières notamment en Europe. On voit cependant rapidement une baisse puisque la croissance tombe rapidement à 5,5 % en 2022. Vue de France, cela peut sembler beaucoup, mais la Turquie reste un pays assez pauvre. Pour relativiser cela, précisons que la Turquie a un niveau de vie équivalent à celui de la Grèce si on l'exprime en parité de pouvoir d'achat, soit environ 30000 dollars par an. Sachant que le niveau de vie de la Grèce s'est effondré depuis 2010 et que c'était l'un des pays les plus pauvres de l'UE. Bref, la Turquie devrait connaître des taux de croissance nettement plus fort parce qu'elle part de plus loin. Disons une croissance d'au moins 5 % par an de façon régulière pour rattraper son retard. Si la croissance continue à baisser au même rythme, la croissance sera insuffisante pour réduire le chômage local qui reste à plus de 10% . Car le pays connaît une croissance démographique importante et il faut créer les emplois pour cette population active croissante. La Turquie bénéficie en effet de l'effet de transition démographique. Les naissances baissent, alors que la baisse de la mortalité infantile précédente permet un accroissement en proportion de la population active. Cela permet une croissance économique forte comme la France dans les années 50-70. Mais la natalité a déjà fortement baissé et l'ouest du pays est déjà bien en dessous du seuil de reproduction. Il faut que la Turquie profite de ce court laps de temps pour se développer. Mais le gros problème turc c'est le gros déficit commercial. Car c'est bien là que le bât blesse. Erdogan a fait comme Mitterrand en 81, il a fait une relance économique keynésienne sans vraiment faire de politique industrielle et de protectionnisme. Bref du Keynes sans le cadre théorique et commercial qui va avec. La dévaluation de la lire turque est donc un phénomène assez normal et cela nourrit la forte inflation . Le déficit commercial turc a ainsi atteint plus de 110 milliards de dollars en 2022. En 2021 la lire turque a ainsi perdu 44% de sa valeur face au dollar nourrissant l'inflation des produits importés.

 

Balance commerciale turque.

 

Le pari d'Erdogan est probablement de valoriser les productions locales, mais le tissu économique est quelque chose de fragile. Il est dangereux de faire des changements aussi brutaux quand on n'a pas la base industrielle pouvant permettre de vite lancer des productions locales en lieu et place des importations. Car en ce cas les consommateurs n'ont pas le choix ils doivent payer les prix plus cher des produits importés, les productions locales n'étant pas encore capable de répondre aux besoins. Nous modérerons notre avis sur la question en soulignant le fait que contrairement à la France ou à la Grèce, la Turquie a bien développé son industrie. Elle représente 27% de l'emploi en 2021 et l'on constate que la part de l'emploi industriel a bien augmenté vers 2005 environ. À noter que l'industrie pèse le même poids sur l'ensemble du PIB soit environ 27% ce qui est bien mieux que la Grèce ou la France avec à peine 10% … Donc on le voit, la situation, la Turquie n'est pas totalement noire malgré cet énorme déficit commercial et sa très forte inflation. Le pays a une base industrielle contrairement à des pays comme la France. C'est juste qu'à l'heure actuelle les importations sont trop fortes par rapport à la production locale. Est-ce que la seule dévaluation peut résoudre le problème, j'ai comme un doute, car malgré une dévaluation de 44% c'est le trou commercial. Et la baisse est constante depuis 2008, or, la balance commerciale ne s'améliore pas. Il faudrait donc une autre politique probablement plus interventionniste et protectionniste visant à substituer des importations par des productions locales. On le voit si la politique monétaire est importante, elle ne peut pas tout.

 

 

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18 mai 2023 4 18 /05 /mai /2023 17:30

 

David Cayla a fait un exposé assez condensé sur les effets de la construction européenne sur la cohésion sociale de nos nations. Il a également longuement discuté avec Jacques Sapir sur la situation économique européenne chez nos amis de République souveraine . Je dois dire que si je n'ai pas été d'accord sur certains points de détail, l'ensemble était plutôt convaincant. J'admets ne pas avoir encore lu son dernier livre « Déclin et chute du néolibéralisme », il faudra que je m'y attelle visiblement. Je vous invite à prendre le temps à regarder les deux vidéos pour vous faire une idée. L'UE au bord de l’abîme. L’intégration économique européenne est-elle un facteur de désintégration sociale? Le point intéressant de l'analyse de Cayla est l'importance qu'il donne à la question de la géographie et à l'importance des avantages acquis en matière industrielle. C'est un point que j'avais déjà abordé, mais sur lequel je n'avais probablement jamais assez insisté. L'analyse de Cayla a le mérite de remettre la géographie à sa place dans son rôle économique fondamental en matière d'avantage comparatif très important.

 

Et la construction européenne a été une démonstration particulièrement forte en la matière. En effet comme le souligne Cayla l'unification européenne a concentré les activités dans les territoires qui avaient le plus accès au réseau fluvial traversant l'Allemagne avec le Rhin au centre. Ce processus de concentration des activités qui ont résulté de la dérégulation de la circulation des capitaux à partir de l'acte unique européen en 1986 fut le point de départ véritable de cette spécialisation géographique et l'unification monétaire en sera la clef de voûte en quelque sorte. Cette réalité est très importante à souligner surtout avec la démagogie récurrente de certains intellectuels et économistes français qui ont tendance à réduire la désindustrialisation de la France aux conséquences d'un choix individuel de fainéantise ou d'autres absurdités du genre. Or il n'en est rien. Le simple fait de supprimer les frontières aux capitaux et aux marchandises a favorisé la mitteleuropa pour résumer la chose. Les territoires périphériques n'ayant pas accès à cet énorme réseau fluvial ont été en quelque sorte abandonnés par les investisseurs et les industriels, car moins bien lotis au départ.

 

 

Et il n'est donc pas vraiment surprenant de voir les plus grands ports européens à la sortie directs des grands fleuves traversant la mitteleuropa. Reléguant les ports français à des rôles extrêmement mineurs. Je rappelle que le premier port utilisé pour les marchandises françaises n'est pas en France, c'est Anvers. La carte fluviale du transport des marchandises en Europe est assez parlante en la matière. Relancer le projet d'un canal Rhin-Rhône élargi dans une optique d'une réindustrialisation grâce à l'accès au commerce fluvial ne serait donc pas une si mauvaise idée à plus ou moins court terme. Du reste en regardant cette carte, on comprend tout de suite l’engouement de l'Allemagne pour l'intégration des Balkans dans l'UE alors que cette région reste problématique avec encore des tensions politiques entre certains pays. Il s'agit simplement de continuer à étendre l'installation industrielle allemande dans la région en profitant du commerce à travers le Danube. À côté de ça la France est bien mal lotie et l'on comprend mieux la désindustrialisation du pays au-delà des questions ridicules sur les 35h, les charges sociales,la fainéantise des Français ou tout autre croquemitaine traditionnel libéral. Dans le commerce mondial, les hubs industriels s'installent là où c'est le plus pratique de produire et de distribuer les marchandises.

 

De la même manière que l'unification de la France a spécialisé les régions et entraîné le déclin de certaines moins avantagées, la construction européenne et l'euro ont spécialisé de grandes régions et des nations entières. La grande différence c'est que l'UE n'est pas unie sur le plan linguistique et culturel et qu'il n'y a pas de solidarités économiques réelles entre les régions riches et les régions pauvres à travers un budget conséquent. Les populations européennes sont donc beaucoup moins mobiles qu'au sein des nations ce qui entraîne des chômages importants dans les pays perdants et un manque de main-d’œuvre chronique au cœur des régions industrialisées. C'est d'autant plus vrai que l'Allemagne reste frappée par une démographie naturellement déclinante. Mais en analysant ainsi la situation, on peut sérieusement se demander comment les dirigeants français ont pu être assez bêtes pour croire que la France gagnerait quelque chose en participant à cette unification économique.

 

 

Le libre-échange est une théorie qui ignore le réel.

 

Plus largement on peut se demander comment des gens a priori intelligents ont pu le plus sérieusement du monde penser que la globalisation conduirait au meilleur des mondes. À un enrichissement général de l'humanité qui vivrait dans une félicité éternelle. Il faut relire et revoir les penseurs des années 80-90, tels Alain Minc vantant une mondialisation heureuse et bénéfique à tous. Loin de ce résultat, la globalisation a fait énormément de perdants et quelques très gros gagnants comme la Chine ou l'Allemagne. Encore une fois, la réussite n'est pas le fruit d'une intelligence particulière, mais bien plus souvent le résultat d'avantage au départ. La Chine a, en plus de sa main-d’œuvre abondante, de ses salaires très bas et de sa population très obéissante, bénéficié aussi d'une géographie avantageuse en termes de fleuve et de port facilement accessibles. Ajoutons à cela une forte propension culturelle à l'instruction des jeunes et le décollage chinois était une évidence qui avait d'ailleurs été largement prévue par certains intellectuels.

 

Le libre-échange avait une tare dès le départ en fait. Il s'agit d'une théorie qui est un simple jeu de raisonnement excluant en réalité énormément de paramètres de sa propre logique. Le point de départ est un axiome qui prétend l'égalité des acteurs économiques et qui ignore parfaitement le protectionnisme naturel du monde dans lequel nous vivons. Les questions géographiques par exemple n'entrent jamais dans le raisonnement, pas plus que les systèmes sociaux ou les salaires. Et je ne parlerais même pas des contraintes géopolitiques. En réalité, le seul libre-échange qui est un tant soit peu de sens dans le monde réel est celui pratiqué à l’intérieur des nations parce que la solidarité nationale et l'homogénéité des lois et des salaires permettent une application plus proche de l'idée d'un libre-échange réel. Mais entre les nations, le libre-échange, au sens de la déréglementation du commerce, entraîne surtout des concentrations d'activité chez ceux qui ont des protections naturelles. Et comme le disait si bien Friedrich List, le pays qui n'a nulle qualité et nul avantage comparatif n'aura plus qu'à vendre ses enfants et prostituer ses femmes. Pour beaucoup de nations dans le monde c'est déjà le cas en réalité. Donc le seul moyen de sortir de la misère ou de l’empêcher de s'étendre est de rompre en réalité avec le libre-échange apparent pour essayer de compenser les désavantages que l'on peut avoir. C'est dans ce cadre-là que le protectionnisme apparaît comme très pertinent.

 

Et la France dans tout ça, me direz-vous ? Comme je l'ai dit dans mon précédent texte, la réindustrialisation est une nécessité absolue. Mais nous avons un problème d'élites, incapables de se remettre en question, et surtout d'aborder de façon rationnelle la question européenne. L'UE est un désastre pour notre pays.Certes, les Français bénéficient des marchandises moins chère venue de l'optimisation économique de l'Allemagne et de ses satellites économiques, mais au prix d'un déclassement social massif de la population et d'un déclassement national. Le pays ressemblant de plus en plus à un pays du tiers-monde avec un petit noyau de gros rentiers en son centre. Une telle société n'est à mon humble avis pas très viable très longtemps et la colère d'une masse croissante de la population ne peut qu’augmenter au fur et à mesure que les effets de la désindustrialisation se font sentir. Surtout avec la fin de l'endettement possible de la part de l'état français qui faisait jusque là de la compensation. Il n'y a que deux solutions. Soit, nous nous réindustrialisons. Ce qui passe par une rupture avec le libéralisme et l'UE. Ce qui n'a rien avoir avec la réindustrialisation imaginaire de Macron. Soit, la France accepte son déclassement et fait partir plusieurs millions de Français du territoire pour se concentrer sur ses activités tertiaires et touristiques. Les Français en question allant bosser en Allemagne et dans la mitteleuropa. Je vous avoue que je pense qu'il s'agit là du vrai projet de Macron. Faire de la France un sous-pays peuplé de 20 à 30 millions d'habitants réduit aux services et intégré dans l'Allemagne en fait. Est-ce que les Français accepteraient une telle évolution, je ne sais pas, mais nous sommes bien partie pour.

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15 mai 2023 1 15 /05 /mai /2023 17:13

 

Notre grand leader charismatique et magnifique vient donc de nous faire entrer dans l'ère de la réindustrialisation. Pour faire oublier sa lamentable « réforme » des retraites, Macron n'a rien trouvé de mieux que de faire une communication sur la réindustrialisation avec l'usine de batterie de Dunkerque. Et le mot communication est très important dans tout ça, car avec les hurluberlus qui nous dirigent depuis 50 ans, c'est bien la communication qui compte et non le résultat. On le voit régulièrement dans tout un tas de domaines où la communication dans les médias forme la seule colonne vertébrale de l'action politique en France . Et il y a fort à parier que ce sera la même chose pour la réindustrialisation malheureusement. Il est déjà extrêmement curieux qu'un homme qui a passé toute sa carrière à vendre des bijoux industriels français à des puissances étrangères devienne subitement un défenseur acharné de la souveraineté industrielle du pays. Rappelons ensuite que pour Macron lorsqu'il parle de souveraineté celle-ci est européenne dans sa tête pas française, il l'a même dit et répété plusieurs fois. On ne saurait donc lui faire confiance aveuglément lorsqu'il parle de réindustrialiser le pays.

 

 

Et surtout sa politique industrielle n'a strictement aucune cohérence ni aucun sens des priorités pour l'instant. Car avant de parler de réindustrialiser le pays, il faudrait déjà commencer par arrêter l’hémorragie provoquée par les absurdités plus ou moins récentes de l'économie française les faisant fermer à tour de bras. Par exemple, l'industrie automobile française est passée entre 2005 et 2022 de 3,5 millions de véhicules produits par an à seulement 1,3. Il s'agit là d'un désastre parce que ce n'est pas uniquement l'automobile qui est touchée, mais aussi toutes les petites entreprises industrielles qui vivaient en partie des commandes de l'industrie automobile. Il s'agit là d'un cas typique de destruction du biotope industriel. Or comme je l'ai déjà souvent dit sur le blog, l'euro a été le vrai moteur de cette destruction, on voit clairement l'effet de l'euro sur la dégradation de notre capacité de production. La France qui produisait des véhicules moyens et non du haut de gamme a été plombée par le fait de partager la même monnaie que l'Allemagne et de ne plus pouvoir dévaluer. Rajoutons au passage les effets des lois Hartz en Allemagne qui arrivent entre 2003-2005 et qui vont faire baisser les salaires en Allemagne de façon importante. Ce choc de monnaie surévaluée plus une déflation salariale en Allemagne vont être fatals à l'industrie française particulièrement à l'industrie automobile.

 

Macron a surtout creusé les déficit commerciaux du pays.

 

Évidemment dernièrement la question du prix de l'énergie s'est rajoutée au désastre de l'eurolibéralisme puisque la France qui avait un petit avantage comparatif grâce au prix de l'électricité l'a perdu. Grâce à l'absurdité du marché européen de l'énergie, les Français se retrouvent avec le prix électrique le plus élevé d'Europe. Et évidemment, l'industrie qui est fortement consommatrice d'électricité se retrouve en difficulté, on se souvient tous de la mise en chômage technique du célèbre fabricant de verre Duralex en fin d'année dernière. Si le prix de l'électricité est un désastre pour la population, pour l'industrie et beaucoup d'activités de services, ce fut une calamité qui a fortement participé à l'inflation générale et à la destruction d'activité de production. Mais que fait le gouvernement pour résoudre ce problème de fond ? Absolument rien à part distribuer des chèques payés par l'endettement des Français. Un endettement de plus en plus lourd et qui pourrait pousser le pays à la cessation de paiement dans les années qui viennent. Il y avait pourtant une réponse simple à donner en sortant du marché européen de l'énergie pour commencer. Puis en refaisant d'EDF le fournisseur d'électricité en reconnaissant que l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence était une bêtise. Il s'agit là de la meilleure aide à court terme que l'on pourrait faire à nos industriels. Leur fournir de l'électricité à un prix raisonnable et plus bas qu'en Allemagne et ailleurs en Europe grâce au nucléaire. Et cela ne coûterait pas grand-chose au contribuable en plus. Mais ne comptons pas sur Macron pour chercher la meilleure solution pour le pays. Ce n'est pas son but qui n'est que de faire du marketing et rien d'autre. Et surtout il ne veut en aucun cas rompre avec les dogmes européens pourtant largement catastrophiques pour le pays.

 

Une politique industrielle doit être cohérente et profonde.

 

L'effet Macron sur l'industrie est strictement invisible

 

On ne fait pas de politique industrielle uniquement en signant des chèques, et parfois de très gros chèques. L'information reste à confirmer, mais la fameuse usine de batterie qui devrait ouvrir à Dunkerque n'est pas venue s'installer en France parce que c'est bien d'y faire des batteries. L'état et les collectivités auraient déboursé entre 1 et 1.5 milliards d'euros d'aide directe! Ce qui reviendrait à injecter entre 300 000 et 500 000 euros par emploi créé. Est-ce que ce type de dépense est rationnelle ? D'autant que la France ne développe pas par ailleurs toute l'infrastructure technique visant à produire l'entièreté de cette production de batterie. Ce sera simplement une usine d'assemblage de composants pour la plupart importés. Qui sait, cela pourrait même aggraver notre déficit commercial en faisant le bilan final. D'autant que même nos importations passent par des ports marchands situés à l'étranger. Le minimum avant de parler de réindustrialisation serait quand même déjà de rapatrier sur notre sol les activités portuaires nécessaire au pays. Ce ne sont pas les villes portuaires qui manquent pourtant. À l'heure actuelle le premier port français est Anvers... Quant aux usines étrangères subventionnées, on en a déjà eu en France et l'expérience fut plutôt négative. Généralement, les entreprises ferment une fois les subventions touchées pour aller dans les endroits réellement compétitifs pour elles. Mais le plan communication de Macron aura fonctionné, il est le président de la réindustrialisation même si tous les chiffres disent le contraire. La France n'ayant même pas retrouvé son niveau de production d'avant la crise COVID. Pour donner un ordre de grandeur, la France a un niveau de production industrielle qui est aujourd'hui inférieur de 10% à celui de l'an 2000...

 

Il ne faut pas aller plus loin l'explication pour notre balance commerciale super-déficitaire. Nous sortons de vingt ans de stagnation industrielle puis d'un recul net à partir de 2007-2008. Et cela ne risque pas de changer si nous ne nous attaquons pas aux sources de la désindustrialisation. Et les raisons ne sont pas microéconomiques comme a pu le dire, monsieur Loïk Le Floch-Prigent dernièrement. Certes, les réglementations peuvent être contraignantes et l'administration française pourrait certainement s'améliorer sur ce plan. Mais le vrai problème est simplement la rentabilité. Ce n'est simplement pas rentable de produire en France si par ailleurs vous laissez les frontières ouvertes. Il faut réduire les coûts de production en France et renchérir dans le même temps le coût des importations. Sans un effort minimal en ce sens, il n'y a simplement aucune chance pour que le pays se réindustrialise. Et je le répète même si les gens ont envie de créer de l'industrie et des activités de productions même dans l'agriculture, l'ouverture des frontières commerciales plus l'euro rendent ces aventures simplement impossibles. Ce n'est pas par hasard si l'industrie est partie progressivement depuis 1974, c'est la conséquence des politiques macroéconomiques de dérégulation commerciale et financière. Les Français ne sont pas devenus subitement anti-industrie au milieu des années 70. Les hommes politiques ont décidé à l'époque qu'il fallait ouvrir les frontières pour casser les salaires et l'inflation comme le disait la doxa néolibérale. Tout ce que nous subissons aujourd’hui est la conséquence logique de ces choix.

 

Je vois aujourd'hui dans le débat public une absence totale sur la question des politiques macroéconomiques. C'est le signe que l'idéologie libérale a totalement envahi les esprits puisque toutes les solutions imaginées tournent toujours autour de solution microéconomique comme le discours de monsieur Loïk Le Floch-Prigent dans son interview. Mais c'est avant tout du point de vue macroéconomique qu'il faut agir. La France doit retrouver sa monnaie et dévaluer par rapport à l'Allemagne et a ses satellites. Il nous faut renchérir le coût des importations. Par ailleurs, nous devons mettre en place un nouveau tarif extérieur national puisque l'Europe est engoncée dans le libre-échange doctrinal. On pourrait par exemple mettre en place immédiatement un tarif de 5% sur tous les produits importés puis faire grimper progressivement le tarif sur plusieurs années à 30%. Le but étant d'envoyer un message clair aux industriels, importer des produits coûtera de plus en plus cher et produire sur place pourrait être avantageux à terme. L'objectif étant de limiter l'effet inflationniste de la hausse de la taxation des importations en laissant le temps aux producteurs de relocaliser les activités. On le voit, il s'agit d'une politique qui s'inscrit dans le temps, on ne peut pas transformer une économie instantanément par la magie de la communication et du carnet de chèques. On doit également imaginer des protections plus immédiates sur les secteurs où nous avons encore des capacités de production, mais où celles-ci déclinent en mettant de forts droits de douane ou en mettant des quotas. L'avantage des quotas étant qu'ils sont insensibles aux variations monétaires. C'est d'ailleurs ce type de protectionnisme que préférait notre ancien prix Nobel d'économie Maurice Allais.

 

Une fois qu'on aura admis qu'un protectionnisme est nécessaire, on pourra parler de subvention et de politique industrielle à proprement parler. Mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs. C'est là d'ailleurs qu'il faut remettre une vraie politique de stratégie industrielle. Comme je l'ai dit, il ne faut pas simplement fabriquer les batteries, mais être capable de produire tous les composants qui rentrent dans leurs fabrications. La France fortement désindustrialisée devrait peut-être commencer par des industries moins tape-à-l’œil, mais plus accessibles comme le textile et l'industrie de la sidérurgie. Il n'y a pas que dans l'industrie de point qu'on croule sous les déficits commerciaux. Il faudra de toute manière plusieurs décennies pour réindustrialiser, c'est le boulot d'une génération. Et il faut bien comprendre que nous ne serons plus jamais le top au niveau technique, scientifique et industriel. Le centre du monde est désormais l'Asie. Mais nous devons avons avant tout chercher à pourvoir à nos propres besoins dans les limites du raisonnable de façon à maintenir un certain niveau de vie. Faisons une réindustrialisation modeste et rationnelle et non une course à l’hybris pour laquelle nous perdrons inévitablement. Et surtout arrêtons de parler et de faire de la com pour les médias et agissons réellement.

 

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