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22 octobre 2014 3 22 /10 /octobre /2014 21:33

 

8h-7Ul2gAXb24--L66aJkUNMX_A-525x302.jpgDécidément, le divin marché n'est plus ce qu'il était, lui qui devait résoudre tous nos problèmes, éliminer la faim dans le monde, et laisser derrière lui l'immonde nationalisme dans les poubelles de l'histoire,il se retrouve finalement à la tête d'une civilisation à l'agonie. Il faut donc croire que l'amoncellement d'intérêts divergents mû par la seule force de l'intérêt économique ne fait pas la prospérité des peuples et des nations. Pis même. Il semblerait que le divin marché ne fasse pas société, et qu'il n'élève guère les hommes vers la félicité éternelle de la richesse concupiscente. Partout la guerre, le chaos et la misère s'étendent. Loin d'un monde pacifié et vertueux, le libéralisme triomphant laisse derrière lui des nations en décomposition et des peuples à l'agonie pendant qu'une poignée d'individus finissent d’épuiser un monde malade aux ressources naturelles en raréfactions. Que la leçon est dure, d'autant que les victimes premières de la stupidité libérale n'en sont pas ses principaux initiateurs. L'on continue d'ailleurs dans les hautes autorités de l'irresponsabilité généralisée de féliciter les plus fieffés lieutenants du libéralisme en leur octroyant des titres comme le Nobel d'économie au français Jean Tirole. Un économiste libéral typique qui produit du vent théorique loin des affres de la praxis et de la mesure scientifique. Il faut dire que le libéralisme ne marche qu'en éprouvette, alors pour quoi s'échiner à vouloir en mesurer les effets positifs dans le monde réel. Comme le marxisme il aurait peut-être mieux valu que la théorie ne sorte pas des laboratoires et des livres. Mettons donc en pratique les robinsonnades dont ils sont friands, et livrons nos théoriciens du libéralisme aux charmes de la nature, loin du monde civilisé. Enfermons-les sur une île où ils pourront palabrer des heures durant sur l'efficacité du marché libre en attendant qu'ils meurent de faim.

 

L'Europe: le laboratoire libéral grandeur nature

 

Comme les lecteurs habitués de ce blog le savent, je suis un grand fan d'Emmanuel Todd. Et je l'apprécie tellement que je passe mon temps à le critiquer, parce que comme le dit l'adage « Qui aime bien châtie bien ». Si j'adhère totalement à l'analyse Toddienne sur la crise générale produite par le libre change et le laissez-faire, je suis toutefois plus circonspect sur le rôle que donne Todd à l'Allemagne en Europe. Dernièrement Todd a en effet durci son ton face à l'Allemagne accusant cette dernière de téléguider en quelque sorte volontairement la construction européenne. S'il est vrai que l'Allemagne a un rôle majeur dans la crise actuelle de l'euro, l'on ne peut imputer à ce pays la déliquescence générale de nos économies. Il est d'ailleurs étrange ce comportement chez Todd qui consiste à innocenter les USA ou la Grande-Bretagne qui sont pourtant largement responsable de la domination mondiale du délire libérale, pour accuser l'Allemagne. Comme si la mondialisation actuelle avait des coupables et des innocents. C'est en contradiction avec l'observation pratique. Le fait est que l'Allemagne comme la Chine ou la Corée du Sud fait partie des bons élèves du libéralisme triomphant. Tous ces pays ne font qu'appliquer à la lettre l'idéologie dominante vendue par la doctrine libérale. En ce sens, faire de l'Allemagne le grand coupable en Europe de la crise c'est innocenter les véritables coupables, les idéologues libéraux et les multinationales qui nourrissent partout cet aveuglement.

 

La baisse de la croissance en Allemagne et en Chine, c'est-à-dire dans les deux pôles mercantilistes de la mondialisation, les deux géants de l'accumulation d'excédent commercial, pourrait être bien au contraire le levier qui permettra de renverser enfin la doxa libérale. Une doxa qui a jusqu'ici, malgré la multiplication de ses échecs, résisté dans l'imaginaire collectif particulièrement dans celui des élites. C'est d'ailleurs tout le paradoxe actuel, mais qui n'est guère nouveau. L'échec pratique de l'idéologie libérale a finalement renforcé la foi de ses adeptes, exactement comme la transformation des comportements démographiques et l'affaiblissement religieux en terre d'Islam ont renforcé les plus fervents adeptes de cette religion. Jusqu'ici ce sont essentiellement les victimes de la mondialisation libérale qui ont été touchées par la crise. L'amoindrissement de leurs capacités de production sous l'effet du libre-échange ayant été un temps remplacé par l'endettement sous toutes ses formes. Mais même pour les USA et leur planche à billets magique, la contradiction fondamentale liée à la déterritorialisation de la production et des déficits commerciaux qu'elle produit a définitivement cassé la machine économique. Les relances relatives de l'activité retombant régulièrement à plat faute de demande locale solvable. Et ce ne sont pas les exemples espagnols ou grecs qui contrediront cette réalité. L'on peut donc dire que la première partie de la crise est terminée, les pays déficitaires n'ont plus de croissance. Pour rétablir leurs équilibres, ces derniers ont fait flamber leur chômage et ont définitivement condamné une partie immense de leur population à la misère et au chômage. C'est en Europe que cet aspect de la mondialisation est le plus visible parce que les pays européens n'ont plus la maîtrise de leur monnaie ce qui aggrave les contradictions inhérentes à la mondialisation libérale.

 

La seconde étape de la crise est donc l'entrée dans le bain glacial de la croissance lente, voire nulle, des champions officiels de la mondialisation à savoir l'Allemagne et la Chine. Car si les sophismes libéraux expliquent en apparence très bien la crise des vilains petits canards adeptes de gabegie budgétaire, ils auraient bien du mal à expliquer la panne des économies exportatrices et si raisonnables sur les salaires. Comment l'Allemagne dont les salaires font du sur place et les excédents s'accumulent pourrait-elle connaître la crise ? Comment la fourmi pourrait-elle mourir de faim en même temps que la cigale ? Comment la Chine et son prolétariat pourraient-ils ne plus avoir de croissance ? Dans la logique libérale, c'est la quadrature du cercle, c'est inexplicable. Les rentiers vont devoir changer de théorie pour justifier la défense permanente de leurs intérêts.

 

La mondialisation c'est l'international des rentiers

 

Car au final les libéraux et leurs théories ne sont rien d'autre qu'un cache-sexe rhétorique aux luttes d'intérêts. Ils justifient la rente là où leur glorieux ancêtre croyait la combattre, mais ce n'était évidemment pas le même type de rente ni la même époque. La rente sous toutes ses formes, qui est le cœur du capitalisme, cherche sans arrêt des moyens pour justifier sa propre existence. Mais elle a atteint aujourd'hui un poids tel qu'elle met en danger l'existence même de la civilisation et des peuples. Le constat de Thomas Piketty est d'ailleurs sans appel sur cette question même si cet économiste du sérail se targue bien de donner des solutions réelles à cette problématique. En effet, vouloir dégonfler la rente sans s'attaquer à ce qui la nourrit à savoir le libre-échange et la liberté de circulation des capitaux c'est abdiquer sans combattre. Avoir une fiscalité confiscatoire et une politique monétaire inflationniste n'est pas viable dans un monde libre-échangiste.

 

La crise n'est pas le fruit du hasard du calendrier ou la résultante d'une mauvaise gestion comme le stipule sans arrêt le vocable limité des thuriféraires du libéralisme. La crise est le produit d'un monde sans frontière, sans règle collective et sans direction politique. La crise est le résultat de la gestion par le marché, la finance et les intérêts individuels des politiques économiques publiques. C'est le fruit d'une accumulation de richesse virtuelle d'un côté et d'un appauvrissement invraisemblable des forces réellement productives de l'autre. Et la seule manière de rendre à la rente sa taille inoffensive c'est de rendre aux salariés et aux forces productives leurs poids à travers des politiques de relocalisation des activités par le protectionnisme et par des politiques monétaires expansionnistes associées. La phase deux de la crise qui pointe à l'horizon à travers la panne progressive de l'Allemagne et surtout de la Chine va mettre à mal à nouveau le système financier international. Mais il va surtout mettre à mal l'argumentation libérale du bon élève qui gère bien ses deniers. C'est une nouvelle occasion à saisir pour les alternatifs, une dernière avant que le monde ne sombre dans des problématiques qu'il n'avait pas connues depuis la Seconde Guerre mondiale. Il se pourrait également que les rentiers changent de discours et troc le libéralisme déclinant par une théorie justifiant le misérabilisme généralisé. Une théorie comme la décroissance écologique par exemple. Vous vous appauvrissez, mais c'est normal, il faut sauver la planète.

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13 octobre 2014 1 13 /10 /octobre /2014 21:39

 

sysiphe.pngBon c'est décidé, Yann reprend du service. Vous allez me dire qu'il était espèce de fainéant et vous n'auriez pas tort de le dire. C'est que la tenue d'un blog est un exercice difficile et de longue haleine. Il faut de l'inspiration et de la motivation. Ce blog existe par intermittence depuis 2009. Il fut créé après glorieux, mais trop fugace blog Horizon de l'ami Malakine aujourd'hui disparu du NET. Le temps a passé, les idées se sont affinées, et la France a continué de couler comme prévu et même plus vite que prévu. L'euro est un fiasco, l'Europe un cimetière, et l'occident tout entier agonise pendant que le reste du monde se demande comment se débarrasser du cadavre de l'Ouest pour éviter que les émanations n’empuantissent la planète. Je caricature bien sûr ici. La Chine a encore besoin de pratiquer sur nous le cannibalisme pour grossir encore un peu, le temps pour elle de nous remplacer. Il ne faudrait cependant pas qu'elle succombe à son tour à fort de manger de la viande avarié.

 

Que le temps passe vite finalement. Je me rappelle de l'élection de Sarkozy et de ses idées ridicules. Sarkozy ses amis milliardaires et son Tee Shirt NYPD. Sa passion dévorante pour l'argent et son peu d'intérêt pour la nation sauf dans les discours. Et le voilà tout penaud se présentant comme le remplaçant idéal au guignol qui dirige ou fait semblant de diriger le pays depuis 2012 . En attendant on nous sert toujours les mêmes recettes, toujours la même démagogie libérale. Tapons sur les pauvres, les fonctionnaires, la dette dont on ne sait même pas d'où elle vient. Et partout dans les médias l'on entend la même ritournelle, baissons les dépenses publiques, luttons pour la sainte compétitivité. Pourquoi on ne sait pas, mais c'est ce qu'ils font ailleurs alors, faisons pareil ? Coincée entre paresse et bêtise, stupidité et dogmatisme religieux, l'élite française, qui n'a jamais porté aussi mal son nom, continue d'occuper le seul terrain qu'elle connaît, celui de la communication. Et malheur à ceux qui ne rentrent pas dans le champ lexical de la communion libérale. L'on peut critiquer Éric Zemmour sur bien des choses, notamment sur ses obsessions migratoires, et son argumentation bien peu scientifique dans sa démarche. Il a au moins le mérite de mettre les dominants en face de leurs erreurs. Et que d'erreurs depuis quarante ans ! Je ne sais si c'est parce que nous sommes aujourd'hui bien mieux informés que par le passé sur l'action des hommes politiques. Ou si c'est parce que la nullité des dirigeants actuels n'a aucun précédent historique. Mais nous devons bien admettre que nous vivons au moins un temps exceptionnel sur ce plan.

 

La mondialisation c'est la crise !

 

C'est que les élites ne semblent pas encore s'apercevoir que c'est toute la structure économique que l'on appelle doctement « Mondialisation » qui est source des déséquilibres dont ils s'émeuvent par ailleurs. N'ayant plus aucun concept d'intérêt général dans leurs têtes et réduisant l'action collective à une juxtaposition d'intérêts individuels disparates, elles sont perdues. Elles agissent dans le vent, combattant des moulins tels Don Quichotte . Et que l'on ne s'étonne guère de ne voir comme solution que des emplâtres sur des jambes en bois. L'Allemagne qui accumule des excédents commerciaux, et qui se plaint en même temps du déficit de ses voisins qu'elle a elle-même creusé. Les USA qui pensent qu'en injectant de l'argent inlassablement vers les banques et les multinationales ils vont relancer leur croissance. La Grande-Bretagne qui part en chasse contre ses pauvres. Le Japon qui se met à faire comme l'Amérique avec le même succès. Et la Chine qui devient officiellement la première puissance économique mondiale au moment même où elle tombe en panne. Mais ce n'est guère un hasard qu'un pays qui vit essentiellement de ses exportations tombe en panne au moment où il devient trop gros par rapport aux pays vers lesquels il exporte. Et que dire de l'effroyable déconnexion entre production et consommation qui touche l'économie chinoise, un pays où l'on épargne 50 % des revenus et où la part de la consommation locale n'a cessé de décroître ces dix dernières années. La Chine comme l'Allemagne n'ont jamais autant ressemblé au contraire des USA. Ces pays sont tout aussi extravertis et déséquilibrés. Des pays dont on fait malheureusement des modèles alors qu'ils sont tout autant responsables de la crise que les pays déficitaires.

 

Nous voilà donc en cet octobre 2014 dans un monde qui vacille encore une fois. Un monde qui continue à défendre un modèle qui porte en lui les germes de la misère planétaire et qu'il ne faudrait surtout pas commencer à remettre en question. Laurent Pinsolle se désole sur son blog de l'accélération de l’agenda néolibérale en France, alors même que paradoxalement c'est bien cet agenda qui est appliqué à la lettre depuis quarante ans. Que dire d'autre sinon continuer inlassablement à expliquer et à tordre les évidences libérales qui ne sont évidentes que pour quiconque n'a jamais réfléchi aux questions économiques et monétaires.

 

-Non, le but d'un pays n'est pas d'exporter, mais de pourvoir à ses propres besoins. La France ne devrait importer que des matières premières. Il est absurde pour un pays qui a des millions de chômeurs d'importer des marchandises qu'il pourrait produire lui même. Surtout lorsque ce pays accumule les déficits commerciaux et exporte ses capitaux.

 

-Non, les excédents commerciaux ne sont pas possibles dans tous les pays en même temps, de sorte qu'un pays en excédent mettra forcément à mal le pays en déficit. Un système économique mondial n'est viable que s'il instaure une obligation d'équilibre des balances des paiements.

 

-Non, le marché ne s'autorégule pas, il n'y a aucune raison pour que la somme des actions individuelles soit égale à l'intérêt collectif.

 

-Non, l'inflation n'est pas l'ennemie des salariés, c'est même historiquement le contraire.

 

-La concurrence ne fait pas forcément baisser les prix. Et la baisse des prix n'est pas forcément une bonne chose si elle met à mal l'investissement.

 

-Le commerce n'est pas la source du progrès économique, c'est la technologie et la productivité physique qui l'est. Et parallèlement l'accès à des ressources de matières premières. Mettre le commerce au cœur de l'économie comme s'il était à lui seul le moteur de la croissance est l'un des dogmes les plus puissants et les plus erronés des temps modernes. Que certains pays aient construit leur prospérité sur le malheur d’autrui n'en fait pas des modèles à imiter, c'est même plutôt le contraire.

 

-Non, la concurrence ne doit pas avoir pour but l'amoindrissement des salaires, mais l'accroissement de la productivité du travail physique. De sorte que la concurrence n'a de sens qu'entre égaux. Faire entrer en concurrence les salariés du textile français avec ceux du Bangladesh n'améliore pas la productivité physique globale, elle ne fait que réduire les salaires. Il va falloir expliquer aux libéraux ce qu'est la concurrence. Ils n'en comprennent manifestement pas le sens.

 

Je pourrai continuer longtemps à citer les pensées fausses du libéralisme, mais il m'en faut garder pour de prochains textes. Quoi qu'il en soit, les temps sont troubles, et l'avenir incertain. La seule certitude que nous ayons c'est qu'une prochaine catastrophe va se produire en Europe ou ailleurs, car aucune des contradictions inhérentes à la mondialisation n'ont été surmontée. La sous-rémunération du travail à l'échelle mondiale, et les déséquilibres commerciaux qui s'aggravent à nouveau, ne peuvent que produire une nouvelle crise. Peut-être qu'elle partira cette fois d'Asie, le nouveau centre productif du monde étant en état de surproduction avancé comme le signal Patrick Artus. Elle ne devrait pas partir d'Europe, car c'est ce que prévoit l'homme qui s'est toujours trompé Jacques Attali. Sinon je vous retrouverai régulièrement sur le blog pour faire le point. Du moins le plus régulièrement possible. Il est temps de faire vivre à nouveau la pensée souverainiste.

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12 mai 2014 1 12 /05 /mai /2014 23:40

Les économistes modernes ont pris pour habitude d'user de concepts, d'idées, qui bien souvent sont utilisés en dehors des contraintes de raisonnement qui leur ont donné naissance. Les économistes ne sont bien évidemment pas les seuls à user d'outils intellectuels hors de leur contexte de validité scientifique à l'image des usages abusifs des statistiques dans les sondages. Dans le cadre de l'analyse économique, il y a des concepts qui sont régulièrement utilisés et qui pourtant peuvent clairement porter à confusion. L'on parle ainsi régulièrement du caractère discutable du PIB comme moyen de mesurer la richesse d'un pays. Est-ce que l'accroissement du PIB traduit vraiment l'accroissement de la richesse nationale ? On peut citer la célèbre hypothèse de Jean Claude Michéa qui traduit ainsi ce raisonnement en déclarant que les délinquants participent à la création de richesse puisque leur activité de destruction permet de faire fonctionner la vente de véhicules neufs. Todd avait lui-même fait ce type de raisonnement en comparant le Japon et les USA dans son livre « L'illusion économique » où il décrivait la surdélinquance américaine comme un moteur du PIB. Les Japonais trop sages n’embauchant guère de policier faute de voleurs et de délinquants en nombre suffisant.

 

On pourrait également rajouter ici que tout ce qui n'est pas monétisé n'est pas nécessairement sans valeur. L'air que nous respirons est gratuit, c'est pourtant la chose la plus précieuse sur cette terre puisque sans lui nous mourrions. Il n'a pourtant aucune valeur marchande, mais il a une valeur d'usage infinie. On pourrait même avancer avec Rousseau que c'est l'obsession pour les choses qui ont le plus de valeurs marchandes qui finissent par aveugler les nations sur ce qui fait leur réelle prospérité. L'on voit donc ici très bien que la mesure de la richesse est en soit un exercice périlleux qui n'est pas vraiment de l'ordre de la science tant elle peut dépendre du point de vue duquel on se place. L'amour, l’amitié, la solidarité familiale, la curiosité, l'éducation sont autant de choses qui n'ont pas de valeur marchande et qui pourtant façonne notre économie.

 

Productivité physique versus productivité monétaire

 

Lorsque l'on manipule un concept, il faut en connaître les limites. Je m’attellerai ici à parler de la notion de productivité et à la façon dont les économistes l'utilisent. Pour les économistes la productivité du travail est devenue un concept métrique essentiel. Il est censé expliquer les évolutions des nations modernes depuis l'avènement du charbon, tout comme il est censé expliquer les différences commerciales entre nations. Mais il faut bien comprendre que l'usage qui est fait du terme productivité a changé au cours du temps et que lorsque les économistes d'aujourd'hui parlent de productivité ils ne parlent pas nécessairement de la même productivité que ceux de l'époque de Keynes ou de Jean Fourastié. Et ce changement de nature tient à l'usage même qu'ils font des outils de mesure de la richesse qui ont été transfigurés par l'ouverture commerciale des frontières. À l'origine la productivité est un concept issu du monde industriel. L'on peut raisonnablement faire un calcul de productivité dans une usine en se demandant ce que chaque ouvrier produit dans un laps de temps déterminé. C'est Henri Ford qui a largement démocratisé cette façon de voir la production.

 

De là peut naitre une mesure de productivité physique. Un ouvrier va par exemple mettre tant de par-choc sur une voiture par heure. De la même manière calculera-t-on la quantité de voitures qu'une usine produira par heure. L'on divisera le nombre de voitures totales produites par le nombre d'heures travaillées pour en conclure la productivité horaire moyenne de chaque salarié. L'on peut même ici inclure le travail non directement productif des services puisqu'ils permettent à l'usine de fonctionner. Mélanger des travaux industriels et des services dans ce concept paraît donc tout à fait acceptable. De là les économistes se sont donc dit avec leur nouvel outil le PIB que si l'on découpait ce PIB par le nombre de travailleurs nous aurions une idée assez vraisemblable de la productivité moyenne des travailleurs du pays. Passant outre l'extrême spécialisation de la population nous aurions un outil qui décrit assez bien l'évolution de la productivité totale du pays.

 

Le problème c'est que ce raisonnement est en grande partie déformé par l'intervention de la mesure monétaire. En effet, la question de la validité du PIB/habitant ou par heure travaillée comme mesure de la productivité va incontestablement se voir déformer par les rapports de force sociaux, géopolitique et autres qui vont intervenir dans les évolutions des monnaies. J'ai longuement parlé sur ce blog du rôle du dollar par exemple comme déformateur de l'économie mondiale. Si la logique de l'évolution de la productivité par la mesure du PIB avait un sens à une époque où les nations vivaient essentiellement sur leur propre production. Peut-on dire qu'il en est de même aujourd'hui ? Que doit ainsi à la Chine la productivité monétaire américaine ? Peut-on dire d'un pays qu'il a une productivité croissante parce que la productivité apparente mesurée par l'évolution du PIB par habitant est croissante? Et cela alors même que les déficits commerciaux s'aggravent ? Un déficit commercial peut-il apparaître dans un pays où la productivité augmente ? N'est-ce pas paradoxal que de voir des importations massives dans des pays si productifs ?

 

Poser la question c'est en partie y répondre. En internationalisant le commerce, nos pays ont déformé la formation de valeur. Ils ont en quelque sorte déconnecté l'évolution monétaire de l'évolution de l'économie réelle. Je ne parle pas ici de l'évolution de la bourse qui n'a plus aucun rapport avec l'économie réelle, il en a d'ailleurs toujours été ainsi. La bourse n'est qu'un casino géant qui dépend des anticipations des acteurs sur ce que ces derniers croient être le comportement des autres acteurs. Le fait de pouvoir importer du travail moins cher a déformé l'idée que nous nous faisons de la productivité. Cela a disloqué le lien entre l'évolution de la productivité physique et la productivité monétaire. Pour donner un exemple simple. Un pays qui a une usine d'une certaine productivité physique va voir sa productivité monétaire augmenter si cette même usine est expatriée dans un pays à salaire moins élevé. Et qu'ensuite les produits sont importés. D'un point de vue physique l'usine est identique. La productivité physique totale est donc identique, il n'y a pas d'augmentation globale de la productivité réelle. Par contre d'un point de vue monétaire tout se passe comme si la productivité avait augmenté. Ce que cache cette productivité apparente est en fait un rapport de force sociale, politique et monétaire. Une grande part de la croissance de la productivité des pays occidentaux est ainsi le fruit d'une déformation de la création de valeur. L'on croit que la productivité a cru alors qu'on a juste dévalorisé le coût du travail par l'expatriation des moyens de production. Il n'y a nulle croissance de la productivité. C’est juste une tricherie comptable.

 

 

La productivité française et la disparité territoriale

 

Dès lors qu'on a compris cette disparité entre la productivité physique et la productivité apparente, l'on conçoit mieux pourquoi des pays avec une productivité apparente croissante se retrouvent avec des déficits commerciaux. C'est que la productivité des usines délocalisées se retrouve dans le calcul comptable de la croissance du PIB des pays déficitaires. Ainsi lorsque vous importez des produits chinois vous importez aussi la productivité de l'usine qui les a produits. À travers cet achat vous allez créer des emplois de services qui vont tour à tour gonfler le PIB. Mais il restera la trace de cette réalité dans les déséquilibres commerciaux.

 

Un exemple simple de cette réalité peut être donné avec l'économie française. Il se trouve que le magazine Challenges a mis en ligne une carte des balances commerciales des biens par région française extrêmement intéressante. L'on peut y voir une forte disparité en fonction des régions. Mais étonnamment, les régions les plus déficitaires sont celles qui sont présentées généralement comme les régions les plus riches et les plus productives. La région Parisienne et Provence-Alpes-Cote d'Azur font ici pourtant figure de lanternes rouges. L'on présente pourtant l'île de France comme la dernière région dynamique ce qui est vrai en matière d'emploi. On pourrait se référer ici aux propos récurent du géographe Christophe Guilluy. Ils nous présentent les grandes métropoles comme bien incluses dans la mondialisation. Contrairement aux autres régions en déclins qui se désindustrialisent. Il faudrait ici bien sûr définir la notion de dynamisme. Tout porte à croire que la situation parisienne ne pourra pas durer bien longtemps. La carte commerciale nous dit que la région parisienne est dans un état catastrophique de dépendance à l'extérieur. C'est bien simple le déficit commercial français étant de 61 milliards d'euros. Si vous enlevez la région parisienne et Provence-Alpes-Cote d'Azur, le pays est en excédent. On peut dès lors en comparant la carte du PIB/habitant et celle des déséquilibres commerciaux, se demander si Paris est productive, ou simplement spoliatrice des richesses du pays.

 

7254401.jpg

 

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Nous voyons donc ici un effet de la déformation liée à la mondialisation du commerce. La productivité élevée de la région parisienne est essentiellement illusoire. Elle est le fruit d'importations massives qui se traduisent par le déficit de la balance commerciale de la région. L'on peut d'ailleurs ici se demander si la région parisienne ne sera pas la principale victime d'un réajustement de la balance commerciale française. On voit que la notion de productivité est à prendre avec des pincettes. Et que l'usage de certains termes peut donner une image déformée de la réalité.

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7 mai 2014 3 07 /05 /mai /2014 22:06

 

keynesS'il est clair que l'euro est une catastrophe macro-économique, peu d'alternatifs ont encore conscience que la crise que nous traversons aujourd'hui est beaucoup plus profonde que cela. L'euro n'est qu'un obstacle parmi d'autres, qui s'instillent entre nous et une société décente et durable. Le fait est que c'est le mode même de financement de nos économies qui est à la base de la crise à savoir le mode de développement capitaliste . Si le marxisme a échoué en tant que structure économique viable cela n'enlève rien de sa qualité de la constatation du caractère hautement néfaste du capitalisme. Marx n'était d'ailleurs pas le seul penseur à le critiquer. Keynes disait à propos de ce dernier qu'il n'est ni beau ni harmonieux, mais qu'il ne tenait qu'à son efficacité d'exister et d'être accepté par les masses. Que son efficacité à créer des richesses collectives décroît et les masses auront tôt fait de s'en débarrasser tant il contredit la décence morale la plus basique. À cela je répondrai qu'en fait Keynes donnait au capitalisme des qualités qui en fait ne provenait pas de lui, mais des cultures des sociétés dans lesquelles il s'est épanoui. Le capitalisme n'a pas créé les valeurs qui lui permettent de s'épanouir. L'honnêteté, la curiosité scientifique, l'esprit créatif, la passion, les relations humaines, l'éducation sont autant de choses qui préexistaient au système capitaliste et qui ne répondent pas à la logique marchande toute puissante qui fait le lien social dans les sociétés dites capitalistes.

 

Le capitalisme est un féodalisme monétaire

 

Or peut-on imaginer une société capitaliste dans laquelle personne n'obéirait au principe de la propriété privée ? Peut-on imaginer une société capitaliste fonctionnelle sans les apports du progrès technique? Alors que lui seul permet les rendements croissants qui donnent aux capitalistes la rente qu'ils attendent de leurs avoirs financiers ? Si la société stagne techniquement le capitalisme finit par accumuler les richesses chez les détenteurs des capitaux jusqu’à ce que les producteurs de la richesse réelle finissent par disparaître. Peut-être est-ce d'ailleurs la cause du désordre du monde actuel. Le progrès technique ralentit pour diverse raison entraînant la stagnation du revenu global produisant à son tour une concentration excessive des richesses vers les détenteurs de capitaux. Une réalité aujourd'hui évidente. L'inflation qui était le remède naturel à l'excessive concentration des richesses ayant été soigneusement chassée de nos contrées par les politiques de libre-échange, et de liberté de circulation des capitaux, le monstre d'accumulation capitaliste peut maintenant déployer toute son incohérence fondamentale.

 

Mais qu'est ce que le capitalisme en fait ? La doxa libérale qui use et abuse des approximations verbales le confond volontairement avec l'économie de marché. John Kenneth Galbraith avait bien décrit ce glissement sémantique progressif qui a consisté à parler d'économie de marché plutôt que de capitalisme. C'est que l'économie de marché fait plus présentable. On parle de concurrence saine, de liberté d'entreprendre et tout le bazar idéologique libéral qui va avec. Dans le marché il y a une part d'idée égalitaire même si celle-ci a été oubliée par ses soi-disant défenseurs qui bien souvent ne prennent pas en compte les inégalités du monde réel. Le terme Capitalisme est plus embêtant parce que cela parle de détention de capitaux, d'inégalité fondamentale entre ceux qui en possèdent et ceux qui n'en ont pas. Entre ceux qui possèdent les unités de production et ceux qui ne vivent que de leur labeur. La volonté de transformer les mots n'est pas un hasard, elle fait partie d'un processus visant à légitimer des choses qui ne sont pas naturellement acceptées. C'est que le capitalisme moderne est en fait plus ancien qu'il n'y paraît et qu'en réalité il n'est que le résidu d'un passé lointain et agricole.

 

Il est à la fois le fruit du prêt à intérêt, d'un système monétaire mal compris, et d'une tradition agraire fondée sur le féodalisme fruit de la rareté des terres agricoles. Le prêt à intérêt est bien évidemment l'une des bases de l'accumulation capitaliste. Même un enfant comprendrait qu'en système stagnant le prêt à intérêt conduit nécessairement à la concentration totale des richesses dans les mains de quelques personnes. Par le simple jeu des intérêts cumulés, le capitaliste ayant la richesse la plus importante au départ possédera la totalité du monde à la fin. Rappelons que la formule du taux d'intérêt composé est :

 

Vf = Vi (1+I)^n

 

Avec Vf la valeur finale, Vi la valeur initiale, I l'intérêt et n le nombre de période.

 

Imaginons que la richesse totale d'un pays soit de 100 et stagnante. Et qu'un riche possède 5 au départ. S'il prête son argent à d'autres citoyens avec un taux de seulement 4 % par an, en 50 ans il accumulera déjà 35,5 % des richesses du pays. En moins de 80 ans, lui et ses descendants posséderont la totalité des richesses du pays. Et je n'ai pris qu'un petit 4 % d'intérêt par an. Les taux d'intérêt composés sont une force extraordinaire. C'est pour cette raison que les sociétés traditionnelles interdisaient le prêt à intérêt. Dans des sociétés techniquement stagnantes et dans lesquelles les masses monétaires évoluaient peu, le prêt à intérêt pouvait produire rapidement des catastrophes et des inégalités de très grande envergure. Il faut vraiment prendre conscience de cette relation mathématique simple. Le capital peut très vite se concentrer entre les mains de très peu de personnes et cela sans rapport avec une quelconque utilité de ces individus. Ils s'enrichissent simplement par le fait qu'ils possèdent du capital. Dans les sociétés monétaires modernes, c'est l'inflation, l'augmentation de la masse monétaire, les impôts et le progrès technique qui ont limité cette concentration. Du moins jusqu'à la domination actuelle du néolibéralisme.

 

L'autre caractéristique du capitalisme c'est la notion de rareté du capital. En fait, tout se passe comme si l'on considérait le capital financier et monétaire comme rare. Comme quelque chose qui est de l'ordre de la ressource naturelle. On ne peut pas ne pas y voir l'influence de la culture agraire classique hériter du passé. En effet dans ce type d'économie, l'essentielle des richesses venant de l'agriculture, et les terres étant rare le capital terrien s’héritait plus qu'il ne se gagnait. La culture populaire fait donc par analogie un rapport inconscient entre le capital physique hérité de cette époque économique et le capital actuel. Il est considéré comme rare comme l'était la terre à l'époque féodale. Donnant ainsi un privilège, une dot, une rente à celui qui le possède. Mais si ce raisonnement tenait à cette époque, le capital actuel est très différent. Car l'argent, la monnaie et le capital que nous utilisons ne sortent pas de terre ou de mines que l'on exploiterait. Le capital est juste un jeu d'écriture, une convention quantitative créée par la collectivité selon des normes que l'on peut choisir collectivement. Il n'est écrit nulle part que le capital doit demeurer une propriété des banques privées et que la création monétaire doit juste se faire dans l'intérêt des possédants. Rien n'interdit à un état d'émettre toute la monnaie dont il a besoin pour développer ses affaires. Il n'est guère surprenant que les idéologues libéraux évitent soigneusement la question, car toute la pression qui permet aux intérêts privés d'imposer une orientation inégalitaire et capitaliste vient précisément de cette pression monétaire. On oblige les états à s'endetter sur les marchés privés pour financer des projets publics alors qu'il ne tiendrait qu'à eux d'émettre le capital nécessaire à la réalisation de ces projets sans payer d'intérêt. La seule limite est physique. Elle est dans les techniques les matières premières, et les hommes, pas dans le capital monétaire.

 

Et que l'on ne sorte pas la peur de l'inflation. Car c'est bien le manque d'inflation et les taux d'intérêt réels délirants de ces trente dernières années qui ont asphyxié petit à petit nos économies à tel point que l'on revoit aujourd'hui poindre une nouvelle société de caste aussi inefficace collectivement que dépendante de peuples étrangers pour subvenir à leurs besoins. Que deviendront donc les oligarques français et occidentaux lorsque les puissances montantes d'Asie n'auront plus besoin de nos nations pour rattraper leur retard ? Sans capital physique et humain, la finance n'est qu'une richesse virtuelle que le monde réel aura tôt fait de ramener à son évidente surestimation. Ne resteront alors plus sur nos terres qu'un désert de savoir-faire d'industrie et une misère immense comme peut-être jamais les peuples d'occident n'en ont connu.

 

Pour une économie de marché non capitaliste

 

La question de l'après-capitalisme se pose donc et il ne s'agit pas ici d'en réduire la question aux oripeaux du marxisme-léninisme. Critiquer le capitalisme en tant que système d'organisation économique ce n'est pas vouloir le tout état. Le capitalisme c'est la concentration des richesses mécaniques par le simple fait des taux d'intérêt composé, c'est l'asservissement et la négation de la démocratie par des moyens plus subtils que la coercition physique et militaire. Mais cela reste une autre forme de servage bien loin des soi-disant valeurs des démocraties occidentales. Il est d'ailleurs bien curieux que les entreprises restent dirigées de façon autocratique sans que cela n'émeuve le moins du monde des défenseurs de la démocratie politique. Le capitalisme ce n'est pas le marché. Le marché c'est l'échange qu'il passe par le biais monétaire ou non d'ailleurs. Le marché existe depuis les débuts de la civilisation. À partir du moment où une société spécialise ses membres pour des questions d'efficacité collective le marché né spontanément, car tout citoyen devient alors dépendant du labeur des autres. Laisser croire que l'économie de marché c'est le capitalisme est une escroquerie intellectuelle. Il est évident que nul ne peut nier le besoin d'échange. En faisant confondre ces termes dans le débat public les défenseurs du capitalisme et de la société de servage monétaire font simplement du sophisme pour cacher les intérêts qu'ils défendent.

 

Car si l'on peut difficilement imaginer une société sans marché, il est par contre aisé d'en imaginer une sans capital. C'est d'autant plus vrai que nos sociétés ont déjà presque connu cela pendant les deux guerres mondiales et pendant l'après-guerre. Il s'agit simplement de remettre la création monétaire aux mains des états. L'économie monétaire de production est une économie qui n'a pas besoin de capital nécessitant du taux d'intérêt pour exister. En contrôlant, l'émission monétaire publique vous produisait un système dans lequel l'accroissement de la masse monétaire se fait sans la contrainte du taux d'intérêt. Contrainte qui pousse d'ailleurs à l'accroissement toujours plus accéléré de la masse monétaire pour rembourser justement ces taux d'intérêt. Rien n'interdit d'imaginer ainsi une société dans laquelle le marché fonctionne toujours selon ses critères de sélection éliminant les produits et les services non adaptés à la demande, mais sous un régime bancaire publique dans lequel les taux d'intérêt sont nuls ou indexés sur l'inflation.

 

Nous serions alors dans une économie de marché de type non capitaliste dans laquelle la création du capital se fait sans coût. Ce qui est à n'en pas douter plus proche du bon sens, car on ne voit pas ce qui justifie ce coût du capital qui ne nécessite aucun travail pour être produit. À ceux qui objecterait que les banques publiques peuvent produire de graves malversations que dire du système actuel qui vit sur une chaîne de Ponzi à l'échelle planétaire. L'expérience montre assez bien que le système français d'après-guerre fermé et contrôlé par l'état était nettement plus stable et moins fou que l'actuelle. Il est donc tout à fait temps de penser non seulement à l'après-euro, mais aussi à l'après-capitalisme. Les deux questions donc d'ailleurs intimement liées puisque c'est bien pour les intérêts de la rente et du capital que l'euro a été construit. Remettre ce dernier en question est donc bien remettre en question la légitimité du capital à décider de nos destinées collectives. Si la France veut être libre, elle doit l'être surtout vis-à-vis du capital et des intérêts privés ne faire que sortir de l'euro changerait simplement la couleur de nos chaînes.

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28 avril 2014 1 28 /04 /avril /2014 22:39

Pour bien penser, il est nécessaire d'avoir les réalités en tête, car seule la réalité compte. Les affirmations ou les raisonnements ne s'appuient pas sur des faits et des mesures concrètes devenant vite des sophismes idéologiques. Les mesures à employer pour sortir notre pays de ses contraintes actuelles doivent bien prendre en compte la réalité du pays pour avoir une quelconque chance de fonctionner. Et si nous désirons sortir la France de l'euro et de l'UE, il est impératif de bien connaître les réalités du pays. En cela un petit résumé est nécessaire en s'appuyant sur les données de l'INSEE et de la banque de France.

 

Je rappellerai ici cependant quelques principes généraux qui sont pour moi essentiels. S'il faut sortir de l'euro pour sauver l'économie française, il ne faut pas oublier cependant que ce n'est qu'un moyen pour nous permettre de sortir plus généralement des politiques libérales. J'entends par politique libérale des portiques qui considèrent l'état comme un mauvais investisseur et l'intervention publique sous toutes ses formes commune gabegie. Le libéralisme à exclure est autant celui des défenseurs de l'école de Chicago et d'Adam Smith que celui des démagogues défenseurs de l'école autrichienne de Hayek et compagnie. Leur influence intellectuelle a complètement assombri la compréhension macroéconomique pourtant nécessaire à une bonne politique économique. Mais qu'est-ce qu’une bonne politique économique ?

 

-Une bonne économie est une économie qui utilise pleinement ses capacités humaines. Le chômage est un coût pour la société qui l'accepte. Vivre avec du chômage c'est vivre en dessous du niveau de vie que l'on pourrait avoir si toutes les forces de la nation étaient employées

 

-Une bonne économie est une économie qui n'expose pas ses comptes extérieurs à des déséquilibres dangereux. Le déficit tout comme l'excédent étant néfastes pour de multiples raisons, dont la dépendance externe à un financement étranger. L'excédent n'est pas meilleur puisqu'il met votre nation à la merci des politiques macroéconomiques d'une puissance étrangère. Une bonne économie doit réduire au maximum la dépendance vis-à-vis de l'étranger, et non l’accroître. Ainsi l'on peut considérer le taux d'ouverture actuelle comme totalement irresponsable enlevant au peuple toute possibilité de choisir son destin propre.


taux-ouverture.jpg

-Plus généralement une bonne économie nationale est une économie qui garantit le plein exercice du pouvoir démocratique et donc la souveraineté de la population française.

 

-Le plein emploi dans le cadre de l'équilibre des échanges extérieur nécessite l'usage de toutes les politiques possibles à commencer par l'usage de l'arme monétaire. Usage aujourd'hui impossible à cause de l'irresponsabilité des hommes politiques français ayant dépossédé l'état français de ce droit régalien. Ces politiques incluent aussi les quotas et les droits de douane progressivement abandonnés depuis les années 70.

 

-Une bonne politique économique nécessite aussi une lutte acharnée contre les inégalités excessives qui conduisent elles aussi à remettre en cause la démocratie. Car nul ne saurait ignorer qu'une inégalité qui voit quelques individus disposer des moyens de paiement équivalent à des milliers, voir à des millions d'autres, produit inévitablement de la corruption et la perte de la démocratie.

 

-Une bonne économie ne cherche en aucun cas à nuire à l'initiative privée. Elle se doit même de l'encourager, par des politiques publics d'investissement. L'opposition artificielle que certains créent entre la logique entrepreneuriale et la logique étatique est d'ailleurs totalement invraisemblable puisqu'il ne saurait y avoir de développement d'entreprises sans la stabilité et la confiance que créé un état moderne. Nos amis russes en savent quelque chose puisque la dynamique entrepreneuriale n'a pu reprendre que depuis que l'état assure à nouveau ses fonctions régaliennes. L'état est également là pour garantir l'intérêt général et la bonne marche économique qui ne peut s'obtenir par la simple force des marchés. L'autorégulation n'étant qu'une fable irréaliste.

 

La situation commerciale française

 

Les chiffres de l'Insee ont forcément du retard sur la réalité du pays. Nous avons accès aux données de la moyenne de 2012 comme dernier marqueur précis. Mais les données sur le long terme ne changent pas rapidement d'autant qu'il n'y a malheureusement eu aucun changement de direction récent que ce soit sur le taux de change ou sur la politique macro-économique du pays. La rigueur succède à la rigueur. Ce que l'on constate sur ce premier graphique très important c'est que la dégradation générale de la balance commerciale est synchrone avec le passage du dollar à un niveau inférieur à 1,1 dollar pour un euro. Depuis 2003 la balance commerciale française est en déficit. L'évidence de l'influence du taux de change est immédiate. Cependant, il faut bien voir que plusieurs raisons causent cette dégradation. La première qui revient d'ailleurs souvent dans les commentaires est sur l'énergie. Et effectivement l'énergie représente une part très importante de la dégradation de notre balance commerciale. Les opposants de la sortie de la monnaie unique auront donc beau jeu ici de déclarer que la sortie de l'euro et la dévaluation amplifieront notre déficit commercial en augmentant le coût de l'énergie importée. Si le raisonnement est en partie exact, il oublie cependant de signaler qu'une bonne part du coût du pétrole est lié aux taxes en France. La TICEP e2013, elle s'élève à 0,428 4 € pour un litre de gazole et 0,606 9 € pour un litre d'essence sans plomb 95 et 98.(source Wikipedia)


balance comm

 

EuroDollarECB.png

Evolution du taux de change entre l'euro et le dollar.

 

D'autre part si l'on étudie l'évolution de la balance commerciale de l'énergie en France l'on se rend compte rapidement que la surévaluation de l'euro ne nous a pas protégés de la dégradation. Plus étrange encore il semble qu'il y est une non-corrélation entre l'évolution du prix du pétrole et celui de sa consommation en France. Ainsi la chute du prix du baril en 2008, prix que le baril n'a pas encore retrouvé, n'a pas entrainé une baisse de notre déficit. C'est d'autant plus remarquable qu'en plus l'euro est toujours à un niveau très élevé 1,38 dollar pour un euro à l'heure actuelle. L'on peut faire la même remarque avec l'évolution du prix du gaz. Cette remarque est contre-intuitive et contredit les raisonnements simplistes de cause à effet qui sont souvent utilisés en la matière, mais les faits sont là. Malgré la baisse du prix dubaril et la surévaluation monétaire, la balance commerciale énergétique française a continué à se dégrader. La sortie de l'euro aurait-elle alors les effets escomptés par les partisans de l'euro ? C'est difficile de le dire, mais l'on peut cependant ici objecter que de toute manière il faut arrêter de consommer du pétrole. Et qu'une politique énergétique efficace nécessite l'usage maximum de tous les leviers du pouvoir étatique. Investissement dans les énergies alternatives (thorium, renouvelable ou autre) ainsi que dans la réduction de la consommation nationale par l'amélioration de l'efficacité énergétique et le changement des comportements de consommation.


Baril-petrole-dollar.png

Evolution du prix du baril de pétrole depuis 2003


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Evolution du prix du gaz.


L'autre curiosité concernant cette explosion de consommation énergétique non couverte par notre production nationale c'est qu'elle s’accomplit à un moment où le parc automobile français baisse. Si le fait que l'industrie automobilefrançaise est en voie de désintégration à cause de l'euro et du libre-échange est bien connu, le fait que les ventes de voiture en générale baissent l'est moins. En réalité en nombre de véhicules neufs le marché français actuel pèse autant qu'en 1986 ! Les voitures d'occasion, elles, ont à peine augmenté depuis 86, passants d'environ 4 millions de véhicules immatriculés par an à 5,2 millions. Je rappelle tout de même que la population française dans le même temps est passée de 56 millions à 65 millions d'habitants. On ne saurait mieux décrire ici le déclin de l'économie physique réel en dehors des illusions comptables. C'est une évolution d'ailleurs moins terrible que celle des USA où c'est l'hécatombe.



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Evolution du nombre d'immatriculations de véhicule en France (Insee)


ventes-auto-usa-1930.jpg

La France n'est pas la seule a couler. 

 

Nous voilà donc devant un mystère. Les Français ont moins de voitures par tête et en volume. Le chômage augmente, la consommation stagne, mais la balance énergétique se dégrade alors même que l'euro est à un niveau élevé. Se pourrait-il donc que la mondialisation et la désindustrialisation soient responsablede cette hausse de la consommation énergétique en période de disette ? C'est qu'il en faut de l'énergie pour importer et faire rouler tous ces camions. L'UE à défaut d'avoir multiplié la croissance a multiplié les échanges. C'est là qu'on voit bien que ce n'est pas le commerce qui est à l'origine de l'enrichissement de nos pays puisque malgré une explosion des échanges en Europe la croissance décroit et l'inefficacité énergétique s'installe par le simple fait que l'on éloigne de plus en plus le producteur du consommateur. Nous sommes véritablement dans la société du gaspillage pure puisque nous consommons de plus en plus d'énergie pour avoir moins qu'hier. Évidemment cela cache un partage inéquitable de la richesse. Faire bouger les marchandises permettant surtout de faire bouger le partage de la richesse en faveur du capital. L'on pourrait donc affirmer ici qu'il est probable que la dévaluation et la mise en place de barrières protectionnistes auraient surtout comme effet d'améliorer l'usage de l'énergie. Et pourquoi pas de faire baisser notre facture tout en améliorant les conditions de vie ? Bougeons moins, mais bougeons mieux. En plus d'être socialement meilleurs, le protectionnisme et la régulation commerciale permettraient aussi de moins gaspiller l'énergie.


industrimanu.jpg

 

 

La désindustrialisation française (Insee)

 

201405_production_automobile_europe.png

 

Le deuxième facteur de dégradation de la balance commerciale française est évidemment l'industrie. Une dégradation, qui, il faut bien le dire, avait commencé avant l'euro et sa surévaluation, mais ce dernier a considérablement accéléré les choses. C'est que la dévaluation n'est pas une arme très efficace contre des pays à très bas revenu comme la Chine. La dévaluation n'a d'effet que contre des pays au niveau de vie à peu près comparable. Contre la Chine il faut des quotas et des droits de douane. L'abandon d'Alstom n'est que l'interminable continuation de la destruction systématique de notre tissu industriel. Je salue d'ailleurs au passage le texte récent de Bernard Conte qui décrit extrêmement bien l'impasse dans laquelle nous sommes et les solutions potentielles pour sortir de ce drame. Comme il le dit lui même en parlant de la filière boit la France à une économie qui ressemble de plus en plus à celui d'un pays du tiers monde. Elle exporte de matières premières et importe des produits finis. Je corrigerai cependant en disant qu'il s'agit là d'une réalité touchant à des degrés divers la totalité des pays anciennement industrialisés. L'illusion monétaire et la finance jouant comme un écran de fumé empêchant les acteurs de réaliser ce qui se passe réellement. 

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22 avril 2014 2 22 /04 /avril /2014 16:36

Apres-l-Empire-Essai-sur-la-decomposition-du-systeme-americNous conviendrons avec Philippe Grasset, qui vient d'inaugurer sur son site la première vidéo en ligne, que l'histoire s'accélère. L'accumulation d’événements apparemment disparates peut soudain éclairer le sens de notre temps et surtout nous révéler ce qui se cache parfois derrière l'apparence des choses. Si l'on convient maintenant que les événements d'Ukraine ont été promulgués par l'UE et les USA, il ne faut pas pour autant penser que ces groupes aient une réflexion profonde sur l'impact des actions qu'ils mènent. Comme je l'ai déjà dit sur ce blog l'individualisme délirant qui mène l'esprit des élites occidentales, couplées au mécanisme de la communication empêche de voir dans l'action qu'elles mènent un sens profond, une stratégie. Nous avons plus affaire à une action désordonnée et incohérente mue par des intérêts multiples et divergents. Ce que Philippe Grasset nomme le chaos est le résultat de cette propension des élites occidentale à se laisser happer par le présent et la pression externe. Ce sont les événements qui les mènent plutôt que l'inverse. Mais pour prendre conscience de l'importance des événements actuels, et notamment du fait que la Russie et la Chine commencent sérieusement à vouloir se passer du dollar. Encore faut-il peut-être réexpliquer pourquoi, cette question du dollar est fondamentale.

 

L'étalon dollar, Keynes avait raison

 

Le rôle du dollar en tant qu'étalon date de l'accord de Bretton Woods en 1944. C'est malheureusement le plan américain de Harry Dexter White qui sera préféré à la stratégie de Keynes. Un plan dont nous voyons aujourd'hui qu'il a conduit l'Amérique et le monde dans une impasse même si à court terme il pouvait sembler cohérent. L'accumulation par les USA d'une grande quantité d'or pendant la Seconde Guerre mondiale grâce aux excédents commerciaux du pays ayant asséché le reste du monde, l'idée de faire en sorte que le dollar devienne une monnaie garantie par l'or n'était pas dénuée de sens. Le dollar était effectivement à l'époque aussi solide que l'or, car les USA étaient la nation la plus productive. Les effets nocifs que Keynes avait bien vus venir ne se sont fait sentir que quelques années après. Les pays se mirent en effet à accumuler des dollars dans leur banque centrale grâce à leurs excédents commerciaux. L'Europe reconstruite et le Japon connurent des gains de productivité qui les firent rattraper rapidement les USA. De sorte que dès les années 60 les USA eurent des déficits commerciaux permanents avec ces deux zones. C'est à ce moment-là que le Général de Gaulle (1965) eut ce discours mémorable demandant l'abandon du dollar comme monnaie de référence mondiale. Le seul problème est que de Gaulle qui était influencé par Jacques Rueff en la matière n'imaginait comme seul recours qu'un retour à l'étalon or. Un étalon qui s'il avait la qualité de mettre toutes les nations à égalité commerciale avait aussi la fâcheuse tendant à la stagnation de la masse monétaire. C'est le Bancor de Keynes que de Gaulle aurait dû prôner, mais c'était aussi un homme de son temps. Une monnaie internationale indépendante de tous les états nations qui aurait permis une égalité dans l'échange comme l'or, mais qui aurait pu suivre les besoins mondiaux d'une augmentation de la masse monétaire. Parce qu'il n'y a aucune raison que la croissance de la masse monétaire soit inutilement limitée par l'évolution de l'extraction d'un métal précieux. Petite remarque si l'euro avait été une monnaie commune, il aurait pu devenir une espèce de Bancor. Mais là encore l'idéologie l'a emporté sur le bon sens.

 

 

 

Quoi qu'il en soit, il est évident que la possibilité pour les USA d'émettre une monnaie internationale est un avantage considérable dont ils usent et abusent en permanence. L'on remarquera tout de même que le cadeau que la communauté internationale fait aux USA est un cadeau empoisonné pour le peuple américain. Car les grandes inégalités qui traversent ce pays sont aussi dues en partie à cet avantage. Car si le prolétaire américain est devenu inutile à cause du libre-échange ce n'est pas uniquement pour cela. La nature internationale du dollar permettant à ce pays d'acheter gratuitement comme le disait de Gaulle des marchandises partout dans le monde le système de production local est devenu inutile. Le couplage de la liberté de circulation des marchandises avec le rôle du dollar a probablement été l'arme fatale qui a tué le système industriel américain. Une arme qui a transformé les USA en un système capitaliste patrimonial comme l'a si bien décrit le site criseusa. Un système dont on voit mal comment les USA pourraient sortir sans de graves problèmes macro-économiques. La défense du dollar et sa nature internationale font donc partie de la priorité absolue pour le gouvernement US. Comment en effet continuer à étendre les bases militaires américaines et à financer le colossal déficit extérieur du pays si les étrangers n'acceptent plus votre papier monnaie comme paiement ?

 

L'un des mécanismes du maintien du dollar est le rôle d'acheteur en dernier ressort qui a été très bien décrit par Emmanuel Todd dans son livre « Arpès l'empire ». Tout se passe comme si les USA étaient devenus l'état keynésien de la planète entière. Les déficits commerciaux,et les déficits publics US permettant à la planète de continuer à chanter même avec des déséquilibres commerciaux croissants. La peur du rééquilibrage commercial poussant les Asiatiques et les Européens à continuer à acheter du dollar pour maintenir le consommateur américain en place et éviter ainsi un effondrement de la croissance mondiale. On l'a vue en 2007, la simple division par deux du déficit US a entraîné des récessions partout. L’Allemagne, le Japon, et la Chine ayant été particulièrement frappée par l'effondrement de la demande US. L'on peut imaginer la déflagration que ce serait si les USA commençaient à avoir un équilibre voir à connaître des excédents pour rembourser leur dette extérieure colossale. L'autre pilier du dollar peut-être le plus solide est l'usage qui est fait de cette monnaie dans les échanges de matières premières. Le pétrole ou le gaz sont achetés en dollar parce que le dollar permet d'acheter n'importe où dans le monde. On en revient à la nature internationale de la devise américaine. Les pays producteurs de matière première préfèrent les dollars pour la bonne et simple raison que tout le monde les accepte. Le dollar est en quelque sorte devenu une convention, il est la monnaie du monde, quelles que soient les qualités intrinsèques de l'économie US. Maintenant rien n'interdit de penser que la convention peut être brisée si suffisamment de pays refusent purement et simplement le dollar comme monnaie de paiement.

 

 

La chute de l'empire

 

Les partisans de l'empire américain atlantiste et souvent pro-européen ont tendance à négliger cet aspect monétaire de l'empire. Il est vrai que l'on parle depuis longtemps déjà du risque qui plane au-dessus des USA, et comme toute prévision et analyse même négative elle est raillée tant qu'elle n'advient pas. C'était la même chose pour l'euro. Qui se souvient de la façon dont ont traité les sceptiques de la monnaie unique lorsqu'ils disaient que cette monnaie conduirait au désastre en Europe et ferait croitre les tensions en produisant chômage et misère. Il en va de même avec le dollar. On sait pertinemment que ce système monétaire international ne fonctionne pas et qu'il conduit à des déséquilibres dangereux, mais rien ne permet de dire ni de prévoir un effondrement brutal ou une évolution progressive. On sera vraisemblablement dans un phénomène non linéaire brutal, une singularité au sens mathématique qui nous fera passer d'un monde dominer par le dollar à un monde complètement différent. Reste à savoir ce qui potentiellement pourrait produire ce changement d'état au sens physique du terme. Reste que comme dans le cas du changement d'état de l'eau en glace la variation brutale fait qu'il est difficile de concevoir l'élément qui sera déterminant.

 

C'est dans ce contexte que toute nouvelle pouvant intervenir sur le rôle du dollar doit être prise au sérieux. Parce qu'il s'agit d'une question éminemment sérieuse. Car d'elle découle tout un tas de possibilités économiques et géopolitiques, tout un tas de conséquences d'une gravité apocalyptique littéralement. Surtout que le monde est déjà dans une situation de fragilité exceptionnelle du fait même d'ailleurs de la domination US sur le plan culturel et intellectuel. Les accords gaziers et monétaires entre la Chine et la Russie suite à l'affaire ukrainienne font partie de ces événements anodins de prime abord pouvant conduire à des conséquences extrêmement graves pour l'empire de l'Ouest. Cela fait maintenant quelques années que les puissances industrielles montantes comme la Chine cherchent à construire une alternative au dollar. Les différents accords Sawp d'échange monétaire bilatéraux permettant de commercer et d’investir sans l'intervention du dollar. La stratégie chinoise consistant à couper petit à petit les fils reliant les diverses zones commerciales du monde du dollar. La chine a même fait un accord avec l'Europe et l'Allemagne en la matière. Évidemment les Chinois ne peuvent brusquer les choses sous peine de provoquer le fameux changement de phase dont personne ne sait où il pourrait nous mener. Mais l'affaire de l'Ukraine et l’agressivité croissante des USA et de leurs satellites ont conduit, semble-t-il, les puissances des Bric à accélérer le mouvement.

 

Il ne faut pas non plus sous-estimer le rôle de l'euro dans l'affaire. Si cette monnaie peut sembler à première vue comme une tentative de sortir de l'influence du dollar, la nature du pouvoir politique européen nous rappelle pourtant bien qui dirige le continent. Les accords transatlantiques ne faisant qu'entériner l'inféodation politique de l'Europe sur les intérêts US. Le simple fait que les élites européennes conduisent le continent vers sa destruction est en soi un soutien au rôle du dollar comme monnaie de référence. Qui irait donc confier ses capitaux à une monnaie d'un continent en perdition. L'on peut d'ailleurs se demander à la suite de Jacques Sapir si l'effondrement de l'euro n'aurait pas comme effet domino de faire tomber le dollar. Les problèmes de la monnaie européenne servant en quelque sorte d'écran de fumée aux problèmes du dollar. Là encore les déséquilibres ont raison de la monnaie. L'accumulation d'excédents d'un côté cause inéluctablement l'effondrement des pays déficitaires conduisant au désastre général. Lorsque Keynes proposait le Bancor, il pensait à un système permettant la croissance de la masse monétaire tout en maintenant les équilibres des balances des paiements. Quel que soit le prochain système monétaire international sans cette référence à la nécessité d'équilibre, il finira exactement dans le même état que le système actuel.

 

Il serait tout de même drôle que l'UE et le délire de ses membres à commencer par la Pologne qui semble avoir un rôle de première importance dans la crise ukrainienne, finissent par produire l'effondrement de l'empire qu'ils aiment tant à l'issue de leur plein gré. Les europhiles et atlantiste délirant qui ont soutenu la monnaie unique conduisant l'UE et l'Europe dans les décombres de l'histoire, pourrait ainsi par leur aveuglement faire tomber également l'empire américain en déclenchant une série d’évènements faisant tomber le dollar de son piédestal. Comme le disait Todd sur la Pologne récemment en plaisantant: « attention à la Pologne, elle est en partie responsable de l'effondrement de l'URSS ». Si les Polonais arrivent à faire tomber par inadvertance l'empire US l'on pourra les en remercier.

 

 

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17 avril 2014 4 17 /04 /avril /2014 21:31

 


 

Avec le concerto de sornettes que les sbires du néolibéralisme ne cessent de produire dans nos médias, il est temps de ramener un peu de vérité dans ce monde d'imbéciles. Au moment où notre gouvernement fait exactement ce qu'il ne faut pas faire pour ramener la croissance voilà Pascal Lamy et monsieur Pierre Gattaz qui ramènent encore cette vieille lubie du salaire qui bloque l'emploi et qui serait seul coupable du chômage de masse. L'on aurait pu croire qu'avec les expériences récentes et ratées du néolibéralisme en Grèce, au Portugal ou en Espagne ces idiots auraient mis un peu d'eau dans leur vin, mais c'était gravement sous-estimé leur aveuglement doctrinaire. Bien évidemment, ils savent pertinemment que la baisse des salaires ne fera pas baisser le chômage. C'est un argument pour le populo, celui qui a encore un emploi, mais qui trouve que si le pays va mal c'est la faute aux fonctionnaires et aux salaires trop élevés. La vraie pensée de Lamy et compagnie c'est le célèbre Nairu, le taux de chômage qui n'accélère pas l'inflation. Leur but n'est pas de réduire le chômage, mais de rééquilibrer la balance des paiements de la France dont ils savent qu'elle est dangereusement déficitaire, mais sans employer des méthodes qui pourraient favoriser le salariat et donc in fine l'inflation.

 

Gardez toujours bien en tête que les défenseurs du système ne défendent pas l'intérêt de la France, mais celui des groupes sociaux privilégiés qui tirent une part importante de leur revenue de la rente financière ou immobilière. Le chômage ils s'en fichent éperdument comme l'a montré l'histoire de ces trente dernières années. Qu'ils en soient conscients ou non, les défenseurs de la baisse salariale sont les meilleurs alliés de la rente sous toutes ses formes. La multiplication des emplois aidés, des baisses de charge des stagiaires en tout genre ont en réalité fait flamber le chômage. Alors que notre pays connait une croissance de la population active très inférieure à celle des années 80, nous trouvons le moyen de mettre au chômage des millions de gens. Pourtant l'emploi a été énormément flexibilisé comme le préconisaient les néolibéraux. Il est temps peut-être de faire le bilan de quarante de néolibéralisme et d'admettre une fois pour toutes que le salaire n'a pas le lien avec l'emploi que prétendent les Attila du libéralisme.

 

La démagogie simpliste néolibérale

 

L'idée que la baisse des salaires puisse résoudre le problème du sous-emploi est en réalité le fruit de la logique cartésienne libérale. Celle dont je critiquais il y a peu le caractère extrêmement dogmatique et faux à cause des prémisses d'indépendance des variables. En effet, dire que la baisse salariale facilite la création d'emploi revient à nier ou à négliger l'impact de cette baisse sur l'activité générale de l'économie. Car avant que les supposés effets sur l'emploi se fassent sentir, l'effet de la contraction de la demande par la baisse des salaires aura déjà frappé la consommation. Or comme je l'avais déjà expliqué sur ce blog à maintes reprises c'est la demande qui dicte l'investissement et la création d'emploi, pas le cout de l'emploi en lui même. Les entreprises ne créent pas d'emploi pour le plaisir d'en créer, mais parce qu'elles pensent qu'il est nécessaire pour répondre à la demande de faire appel à plus de main d'oeuvre. Il suffit de voir l'évolution du chômage en Grèce pour voir que ces remèdes ne résolvent absolument pas le problème du chômage bien au contraire. Le niveau salarial en Grèce est retombé à son niveau de 1997. Le salaire minimum a régressé de plus de 20 %. Pourtant, regardez la courbe du chômage. Et quant à tirer la croissance par l'exportation due à une baisse des salaires, on se demande bien pourquoi les entreprises de notre pays iraient investir dans notre pays même pour 20 % de baisse alors qu'elles peuvent aller en Pologne ou en Chine pour faire la même chose. Encore une fois il s'agit d'un attrape-couillon. Si l'on veut réellement réindustrialiser le pays, il faut taxer les importations et dévaluer. Tout le reste n'est qu'écran de fumée. Ou pire des stratégies corporatistes d'intérêt à court terme.

 

 

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Si monsieur Lamy et Gattaz cherchent à résoudre un problème, ce n'est donc pas celui du chômage et ils sont trop bien informés pour ne pas le savoir. Ils cherchent en réalité à sauver l'euro en réduisant le déficit de la balance commerciale de la France sans que celle-ci ait à dévaluer et donc à sortir de la zone. En réalité ils veulent augmenter le chômage et non le réduire. Car ils ont compris qu'en cassant totalement la demande ils parviendront à un nouvel équilibre comme Gèrce ou Espagne. Ils pensent probablement que la population française sera aussi atone que celle de ces pays et que le pays pourra supporter socialement des taux de chômage officiels à 30 % ou plus. On peut donc véritablement dire de ces gens qu'ils sont des criminels. Il faudra un jour ou l'autre faire l'équivalent d'un procès de Nuremberg pour les néolibéraux.

 

 

 

La dévaluation est égalitaire, la baisse des salaires ne l'est pas !

 

À ces arguments montrant l'inanité de la baisse salariale concernant la création d'emploi, ajoutons tout de même son caractère hautement inégalitaire. En effet, les salaires ici visés sont les bas salaires. Comme à l'accoutumée l'on partage les efforts nécessaires au dogme du libre-échange entre les pauvres et les ultra-pauvres. Car comme vous le savez l'état ne contrôle pas les salaires distribués sauf ceux des fonctionnaires. Donc en ne jouant que sur le SMIC vous ne faites que jouer sur le salaire des personnes qui sont déjà en situation de faiblesses vis-à-vis de leur patron. Certainement pas le salaire des cadres ou des professions libérales. On n’imagine guère l'état s'attaquer par exemple aux salaires des docteurs, des huissiers ou des avocats. Et que dire des hauts fonctionnaires et de la totalité des personnels bien placés, dont le copinage et l'activité non industrielle, les protège des effets néfastes de la mondialisation. On va donc taper encore sur ceux qui triment déjà au risque de cette fois les plongées dans la misère la plus complète.

 

 

À côté de cela, la dévaluation aurait comme énorme avantage de faire baisser le cout de tout le monde en même temps. Si nous dévaluions de 20 % par exemple les produits importés couteraient 20 % de plus de la même manière pour un ouvrier ou pour un avocat. Les effets de la dévaluation ont une grande vertu tout comme l'inflation, elle est égalitaire. Tout le monde est traité de la même façon. Et cela Lamy et compagnie ils le savent pertinemment. Raison de plus pour commencer à aiguiser les guillotines.  

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9 avril 2014 3 09 /04 /avril /2014 22:18

Voilà le nouveau premier ministre se lançant à la manière d'Arnaud Montebourg à l'assaut de la citadelle de l'euro fort. Ce n'est pas nouveau. On sait pertinemment que l'euro est beaucoup trop fort pour la France, mais aussi pour la plupart des pays de la zone et c'est parti pour cette raison apparemment rationnelle que la BCE pense se lancer à son tour dans la politique d'assouplissement quantitatif. Comme dans le cas de Montebourg il s'agit là moins d'une stratégie réelle de politique économique que d'une stratégie de communication. Car Valls est bien de son milieu. Un être qui pense avant tous à l'intérêt personnel qu'il peut tirer d'une situation particulière sans se soucier réellement de l'intérêt collectif ou des besoins de la population qu'il est censé représenter. Il sait pertinemment que la structure même de la construction européenne et de l'euro interdit toute forme d'influence politique sur la BCE. C'est même l'un des points cardinaux que l'Allemagne et les ultralibéraux ont bien scellés dans le traité de Maastricht. La banque centrale est indépendante du pouvoir politique. En pratique les banques centrales sont surtout indépendantes de l'intérêt général et bien plus dépendantes de quelques intérêts particuliers et de règles bureaucratiques absurdes. Le résultat pratique de cette réalité est que la zone euro n'a qu'un seul but: l'inflation la plus basse possible, car l'inflation c'est mauvais surtout pour les rentiers. L'autre problématique implicite que Valls comme Montebourg ne sauraient ignorer c'est l'indubitable divergence des intérêts monétaires de la zone. Si la France ou l'Italie ont besoin de dévaluer, ce n'est pas le cas de l'Allemagne. Et d'un point de vue strictement rationnel, la zone euro ayant un excédent commercial, il n'y a aucun besoin de dévaluer.

 

Évidemment cet excédent cache les diversités énormes des situations. Mais d'un point de vue purement logique la BCE n'a aucune raison de dévaluer. Elle pourrait même affirmer que les pauvres en Italie ou en France n'ont qu'à aller s'installer en Allemagne. C'est la logique fédérale que la France et ses élites ont voulu et qui nous conduit dans cette impasse sans solution parce que l'Europe n'est pas une nation. L'UE ne peut conduire qu'à la destruction des nations les plus faibles. Cependant, on peut douter assez largement de l'ignorance de ces faits par Valls. Tout comme notre président il fait partie de ces hommes politiques qui ont fait du libéralisme la pièce centrale de toute leur logique économique et politique. Il a participé ardemment à la construction de l'UE telle qu'elle est. Il est donc peu probable qu'il croit lui même à ce qu'il dit lorsqu'il affirme vouloir changer les politiques de la BCE. Il compte cependant bien profiter de l'éventuel assouplissement monétaire de la banque centrale pour affirmer sur le plan de la communication interne qu'il a réussi à influencer le golem européen. Nous sommes devant un cas typique de politicien moderne qui réduit l'action publique aux verbiages de la communication. L'important n'est pas l'action politique pratique, mais bien l'apparence de l'action politique. Car ce qui compte c'est l'image que l'on donne de soi et non l'action réelle que l'on mène.

 

En effet, un homme politique sensé n'irait nullement demander à la BCE d'assouplir sa politique alors que cela n'aurait aucune influence directe sur le premier déficit commercial de la France qui est avec l'Allemagne. Pays avec qui nous partageons la même monnaie. Un retour aux frontières et à la monnaie nationale voilà la seule mesure ayant une chance quelconque de redresser la barre. Tout le reste n'est que facétie ridicule et communication. Mais ce genre de mesure n'a rigoureusement aucune chance d'advenir en France à l'heure actuelle. Tout ce que l'on peut raisonnablement prédire c'est une plongée de la France dans le bain glacial de la récession permanente en attendant l’inéluctable explosion de la zone euro. Valls communique plus qu'il ne fait de la politique, mais cela nous y sommes habitué depuis au moins Giscard.

 

De la politique de récession en France à l'effondrement économique mondiale

 

L'Europe est aujourd'hui en apparence l'homme malade de l'économie planétaire. Mais c'est une illusion d'optique, le fait que cela aille très mal en Europe ne signifie simplement pas que cela va bien ailleurs. La Chine par exemple traverse un sérieux ralentissement de son activité, ajoutons à cela des bulles spéculatives qui risquent de crever. L'effondrement de la demande dans les pays développés et la dévaluation japonaise ont fait très mal à l'économie chinoise. Et la consommation intérieure n'est pas près de reprendre la relève tant la folie épargnante du chinois moyen est obsessionnelle. De la même manière, les USA ont de plus en plus de mal à cacher la non-reprise qu'il y a sur leur sol. Si les chiffres de la croissance peuvent être trafiqués par diverses méthodes tout comme le chiffre du chômage les simples chiffres de la consommation de pétrole montrent que le pays n'a pas vraiment redémarré. Les USA n'ont pas retrouvé leur niveau de consommation de 2007 et l'augmentation de la production d'autres sources d'énergie ne compense même pas la baisse de consommation du charbon et du pétrole. De la même manière, comme l'avait signalé le blog criseusa, les USA sont à un niveau dramatique de taux d'activité des personnes en âge de travailler qui est à un niveau largement inférieur à ce que l'on peut trouver dans la vieille Europe. On peut aussi parler du taux de pauvreté qui ne cesse de croître. L'injection de monnaie dans le système US ne faisant que relancer la croissance par la bulle financière et non par l'investissement réel. Autre signe que le pays ne redémarre pas. La mobilité économique qui fait partie intégrante de la culture américaine est en baisse. Et il ne s'agit pas ici d'un mouvement culturel, mais d'un effet direct de la dégradation de l'emploi et de la confiance en l'avenir.

 

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La consommation de pétrole aux USA n'a pas retrouvé son niveau d'avant crise. (source: AIE)


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C'est dans ce contexte d'une économie monde profondément malade et fondée sur d'énormes déséquilibres qu'il faut analyser les effets des politiques européennes. Car la zone euro et ses délires macro-économiques ont un impact sur une économie mondiale convalescente et prête à tomber dans le coma. La course planétaire à l'excédent commercial qui prend de nombreuses formes suivant les conditions locales n'en finit plus de conduire le monde à sa perte. Les sorties de crise momentanée se faisant en préparant les crises suivantes dans des « cycles » artificiels produits par l'incompréhension du lien entre déséquilibre commercial et insolvabilité de la demande. La grande lubie libérale qui prône l'excédent pour tous aveugle les politiques. Ces derniers ne savent plus comment ne fonctionne une économie, ni même à quoi doivent servir les gains de productivité. Oubliant le progrès humain et à la rétribution salariale, toujours considérée comme un coût inadmissible. Les élites des pays du monde entier font la course à l'accaparement d'un marché mondial dont la demande stagne ou s'étiole.

 

Les injections monétaires actuelles ont peu d'effet sur l'économie réelle. Ce n'est d'ailleurs pas leur vrai but qui consiste surtout à maintenir les bourses à la hausse pour le petit 1 % de la population qui vit de la rente financière. Au Japon la monétisation a surtout eu pour but de relancer les exportations le Japon essayant comme tout le monde de tirer sa croissance au détriment d'autrui. Mais pour relancer la demande réelle, il faudrait au contraire relancer les salaires et la demande solvable du consommateur. Or ce genre de chose est aujourd'hui interdite par le libre-échange grand destructeur de la masse salariale. En effet la relance des uns sera inéluctablement pompée par la compétitivité des autres en régime de libre-échange. Nous sommes donc coincés dans cet étau qui serre de plus en plus fortement l'économie mondiale au point de l'étouffer complètement.

 

Pour revenir à l'Europe, le continent cherche à tirer lui aussi sa croissance par l'excédent commercial exactement comme l'Asie sans les avantages de celles-ci. Le problème c'est qu'il n'y a qu'un seul moteur de la demande mondiale, les USA et leurs dettes abyssales. Le rôle de l'Europe dans l'aggravation de la crise mondiale est donc directement compréhensible. La zone euro et ses excédents font pression sur une demande mondiale en voie de raréfaction. Dans ce contexte la France a jusqu'à présent servi de tampon amortisseur en absorbant une partie des excédents allemands. On peut se demander si les coupes budgétaires que le nouveau gouvernement français veut voir appliquées ne vont pas finalement faire retomber l'économie européenne et mondiale dans la récession. On peut affirmer que maintenant que les pays latins retrouvent des balances des paiements à l'équilibre faute de demande et grâce à un chômage mirobolant, le déficit français reste le dernier pilier de la demande en Europe. Une fois que celui-ci aura cédé, nous entrerons dans la phase deux de la crise économique mondiale. Avec cette fois-ci une situation bien plus grave que lors de la précédente crise. Les dettes empêchant les états de « sauver » à nouveau le système bancaire.

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Effectivement détruire l'économie d'un pays permet de réduire les déficits commerciaux. On peut applaudir au succès des économistes libéraux. La prochaine étape ce sera quoi: exterminer les chômeurs pour mettre fin au chômage? 

 

En effet les pays latins qui retrouvent une balance des paiements à l'équilibre vont chercher à résorber leur chômage en faisant comme tout le monde c'est-à-dire en passant à l'excédent. Mais la courte amélioration qu'ils connaissent va vite se dégrader lorsque la France rentrera dans le rang en rééquilibrant elle aussi ses déficits extérieurs. Attendons-nous d'ailleurs à une très forte poussée du chômage dans les deux ans qui viennent. Étant donné que la France est un pays beaucoup plus dynamique démographiquement que la Grèce, l'Espagne ou l'Italie, notre pays devrait selon toute logique se retrouver avec un chômage des jeunes encore supérieur aux pays susmentionnés. C'est d'autant plus vrai que les salaires en Allemagne recommencent à baisser, c'est une course sans fin.  Malheureusement quoique l'on puisse dire, les politiques libérales seront de toute manière appliquée. La France supprimera donc petit à petit la sécurité sociale, les allocations familiales, l'éducation nationale, la recherche. Nul doute que nous ne sommes qu'au début d'une purge qui n'en finira que lorsque le pays sera exsangue. Avec cette obsession de tirer la croissance par les exportations, il n'y a de toute manière aucune porte de sortie. Il est d'ailleurs toujours très drôle de voir à quel point les économistes libéraux s'enferment dans leur rôle de Shadok pompant en pensant ainsi résoudre la croissance. Vite il faut améliorer la compétitivité. Pourquoi ? Pour exporter vers des pays qui font eux aussi la course à la compétitivité pour exporter chez nous ? Et qui va acheter vos produits et vos services si les salaires se contractent partout et que les états se désendettent ? Les avis des économistes sur le pacte de responsabilité donné dans le Figaro sont ainsi à hurler de rire. Baisse des charges, réduction de la dépense publique, etc. Quarante ans qu'ils radotent, et qu'ils ne comprennent pas. L'histoire est en marche et nous verrons bien ou tout ceci nous conduira de toute façon.

 

 

 

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23 février 2014 7 23 /02 /février /2014 17:19

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Notre ministre du déboulonnement productif monsieur Montebourg s'est fait remarqué il y a peu pour ses impertinences sur l'euro. Des impertinences qui par ailleurs soulèvent grandement la question du positionnement politique d'Arnaud Montebourg. Car le bougre n'ignore nullement le rôle qu'a joué le parti socialiste dans la construction européenne. Un parti socialiste que notre ministre n'a visiblement toujours pas l'intention de quitter. Et cela malgré les multiplications de propos en contradiction avec la ligne directrice toujours plus libérale de son groupe politique de tutelle. Mais cette contradiction entre son appartenance à un parti ultralibérale et européiste ne l'empêche pourtant pas de tenir des propos critiquant la surévaluation de l'euro. Montebourg déclara ainsi récemment que la hausse de l'euro« annihile les efforts de compétitivité » de la France. Entendre ainsi parler un homme de gauche peut paraître surprenant. Mais l'on ne m’ôterapas l'idée que Montebourg fait en réalité preuve de peu de conviction et qu'il est là pour jouer un rôle bien calculé dans le parti socialiste. Car si le propos en lui même n'est pas faux, il convient tout de même de recadrer un peu les choses et de montrer que l'analyse de Montebourg ne va pas assez loin pour être honnête. Et l'accumulation de contradiction suffit à mon sens à décrédibiliser l'homme pour le restant de ses jours. En un sens Montebourg, c'est un peu le Mélenchon du PS. On critique l'euro et le libéralisme, mais on ne va pas au bout des choses pour éviter de compromettre sa propre carrière.

 

Balance des paiements et variation monétaire

 

Avant d'expliquer pourquoi la simple dévaluation de l'euro ne saurait résoudre nos problèmes. Il faut d'abord expliquer brièvement le lien entre la monnaie et la balance des paiements. Théoriquement la valeur de la monnaie d'une nation est intimement liée à ses échanges extérieurs. Dans l'hypothèse farfelue d'un pays totalement autosuffisant et vivant en vase clos, il n'y aura d'ailleurs aucun taux de change puisque personne n'aurait besoin d'échanger la monnaie locale avec la monnaie d'un autre pays. La notion de taux de change est donc le résultat du rapport économique qu'entretient un pays avec d'autres. Toujours en théorie plus une monnaie nationale est demandée ailleurs sans un accroissement de sa production monétaire et plus cette monnaie va voir sa valeur s’accroître. À l'inverse une monnaie peu demandée ailleurs verra sa valeur décroître si sa masse en circulation reste constante. La valeur de la monnaie nationale dépendra donc essentiellement de l'évolution de la balance des paiements du pays, celle-ci incluant à la fois la balance commerciale (biens et services)et celle des flux monétairesdivers et variés. Théoriquement si cette balance est déficitaire la monnaie se dévalue, et inversement la valeur de la monnaie nationale s’accroît si elle est excédentaire.

 

482px-John_Connally.jpgS'ensuit une remarque sur le système monétaire mondial actuel. Depuis 1971 et l'abrogation pratique du traité de Bretton Woods par Richard Nixon, la monnaie de réserve internationale qu'est le dollar n'est plus basée sur une contrepartie d'or. Depuis cette époque et la vague idéologique libérale qui lui a succédé, nous vivons dans un monde dérégulésur le plan commercial et financier. Le seul mode de régulation du commerce accepté étant la variation du taux de change. L'un des gros problèmes de l'économie mondiale actuelle résulte d'ailleurs de cette problématique, car il est bien difficile de réguler le commerce extérieur d'un pays quand on ne possède comme seul outil que la dévaluation. En effetles capitaux et les flux financiers peuvent eux aussi passer les frontières sans problème. Comme nous l'avons vu, la valeur de la monnaie dépend bien évidemment de la balance commerciale, mais aussi de celle des capitaux.

 

De sorte qu'un pays peut bien avoir de gros déficits commerciaux tout en ayant une monnaie qui s'apprécie. Certains pays comme l'Argentine en savent quelque chose. Plus proche de nous la Suisse se voit régulièrement obligée d'intervenir sur sa monnaie pour éviter que le franc suisse n'apprécie trop ce qui risquerait de détruire l'industrie locale. De fait, les libéraux par leur obsession à ne mettre aucune régulation étatique d'aucune sorte ont créé une contradiction fondamentale dans l'économie mondiale. Car la régulation commerciale par la monnaie est impossible dans un monde où les capitaux traversent aussi les frontières.


Cependant même en imaginant un système parfait dans lequel les monnaies nationales ne varieraient qu'en fonction des balances commercial il n'est pas certain qu'un équilibre puisse être trouvé sans l’intervention des états. Car il existe aussi d'autres contraintes que la contrainte purement commerciale. Un pays peut avoir envie de maintenir un chômage bas contrairement aux Européens actuels auquel cas il faudra faire des injections monétaires pour relancer régulièrement la demande intérieure à l'image de ce que font régulièrementles USA. Même si dans le cas de ce pays l'injection monétaire consiste surtout à soutenir les détenteurs de capitaux plus qu'à financer des projets productifs et d'intérêt général. Cependant, ces interventions peuvent fausser elles aussi l'évolution des taux de change. De sorte que là encore même en bloquant les capitaux l'évolution du seul taux de change ne pourrait garantir un équilibre des balances commerciales. Dans tous les cas, il faut faire appel à d'autres mécanismes pour stabiliser le système.

 

Monnaie unique = balance des paiements unique

 

Maintenant que l'on a résumé un peu comment tout cela marche quelle est donc la conséquence pour la zone euro ? La zone euro est composée de plusieurs peuples qui ont chacun leurs spécificités, leurs cultures, leurs systèmes économiques et leurs propres spécificités sociales et démographiques. C'est un fait que personne ne viendra infirmer à moins d'une grande mauvaise foi. Cette diversité se traduit d'ailleurs par une grande diversité de politiques fiscales et de traditions politiques adaptée à la population locale. C'est l'oublie de cette simple réalité qui conditionne l'échec actuel de l'UE. Un échec qui est imputable à la fascination des élites d'après-guerre pour les USA. En se calquant sur ce pays d'une grande homogénéité culturelle pour en faire un modèle pour l'Europe nos élites se sont elles-mêmes condamnées à l'échec. Dans le domaine monétaire, c'est l'euro qui traduit l'impasse dans laquelle nous sommes. En effet comme on l'a vu la monnaie va varier en fonction de l'évolution de la balance des paiements. À l'échelle de la zone euro, cela signifie que l'euro va varier en fonction de la balance des paiements de la zone euro entière et pas en fonction des balances de chacun des membres. Il est normal que la balance commerciale de la zone euro varie surtout par rapport à sa composante la plus forte à savoir l'Allemagne puisque ce pays est aussi le plus gros pays de la zone euro. Tous comme la valeur du franc autrefois étaient plus influencés par le bassin parisien que par le Languedoc Roussillon.

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L'euro divergence dans toute sa splendeur

 

Quoi qu'il en soit la valeur de l'euro est donc le résultat de la valeur de la balance des paiements globale de celle-ci. Évidemment, la hausse de l'euro est liée à l'excédent de la balance des paiements de la zone soit 116 milliards d'euros en 2012 (source Banque de France). Évidemmentc'est l'énorme excédent de l'Allemagne quicache les déficits des autres pays et c'est bien tout le problème de l'euro. Car l'euro protège les pays forts et détruit les pays faibles. En effet en temps normal, l'excédent allemand se serait traduit soit par une forte hausse du Mark soit par une dévaluation des pays voisins. De sorte que la politique mercantiliste allemande aurait été tuée dans l'oeuf. Mais l'euro agit comme une dérivée en mathématique, elle accentue les variations au lieu de les lisser. Car si l'euro est surévalué pour la France, ou pire, pour l'Italie, l'Espagne et la Grèce, il est encore sous-évalué pour l'Allemagne. La zone euro permet à l'Allemagne d'avoir une zone tampon qui la protège des conséquences monétaires de ses pratiques commerciales. Elle empêche aussi les Allemands de réaliser qu'ils accumulent comme les autres des déficits commerciaux avec l'Asie ce que leur cache leur commerce asymétrique d'avec les autres puissances développées. Il est possible que l'Allemagne change d'avis sur le libre-échange si celle-ci faisait face à cette réalité. Au lieu de croire qu'elle tire sa croissance de ses exportations vers l'Asie comme certains semblent encore le croire. Pourtant comme l'avait très bien montré le blogueur Criseua l'Allemagne doit surtout son dynamisme commercial aux anciennes zones développées. Ce qui confirme par ailleurs l’intuition de Todd dans la vidéo que j'ai récemment mise sur le blog.

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Graphique provenant du blog Criseusa

 

Pour Montebourg l'euro c'est notre monnaie et c'est le problème des autres.

 

J'ai paraphrasé John Bowden Connaly dont l'un des conseillers fut Richard Nixon, et qui eut la célèbre formule « Le dollar est notre monnaie, mais c'est votre problème. ». C'est un peu la même analyse que l'on peut faire à l'encontre de ceux qui prônentcomme Montebourg la dévaluation de l'euro. Objectivement, l'euro est même sous-évalué puisque notre balance des paiementss'apprécie. Sauf que bien évidemment cela cache une forte dégradation dans certains pays et une bonne situation apparente dans d'autres. On notera aussi que cet excédent est surtout dû à l'effondrement de la demande dans le sud de l'Europe. Les pauvres vont donc pouvoir mourir guéris. . Mais quel serait l'effet d'une dévaluation concrètement sur la France et l'Europe ? En France cela permettrait d'améliorer notre compétitivité face à l'extérieur de la zone euro. Mais premier petit problème, le premier déficit commercial de la France c'est l'Allemagne. Une dévaluation de l'euro n'aura donc aucun effet sur celui-ci. Soit. Mais est-ce que cela aura de l'effet sur le déficit avec la Chine ? Il y a peu de chance eu égard à l'avantage comparatif de la Chine. À moins d'imaginer une dévaluation de 50 %, ou plus, je ne vois guère comment compenser l'écart compétitivité-coût avec la Chine.

L'Allemagne n'est par exemple pas excédentaire avec la Chine malgré la sous-évaluation de l'euro pour elle. Il y a donc peu de chance que la dévaluation de l'euro suffise à la France pour rééquilibrer sa balance avec la Chine. Il faut le dire avec ce pays seul des mesures de quota et de droit de douane fonctionneront. D'ailleurs, les Chinois n'hésiteront pas à dévaluer s'il trouve le taux de change de l'euro trop en leur défaveur. Ils l'ont déjà fait et recommenceront. Ils ne comprendront que les mesures coercitives plus brutales. Il faut les forcer à se concentrer sur leur demande intérieure, car ils ne le feront pas tous seuls. Ce n'est pas dans l'intérêt de leur classe dominante comme de la nôtre d'ailleurs, mais bien dans celui de leurs salariés et des nôtres.

 


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Balance des paiement de la zone euro largement positive

 

Maintenant la dévaluation permettra à la France et aux pays latins d'améliorer leur situation avec d'autres zones. L'Amérique, l'Océanie et l'Afrique notamment. Des régions avec lesquelles nous avons le plus souvent déjà des excédents ou des équilibres commerciaux. Donc en clair en dévaluant l'euro nous punirons les pays qui sont les plus loyaux commercialement avec nous. Voilà en quoi consiste la dévaluation de l'euro pour sauver les pays latins. C'est exactement le raisonnement de Connaly une exportation impériale des problèmes que nous n'arrivons pas à affronter parce que nous sommes trop lâchespour avouer que l'euro fut une idée idiote. Les USA n'arrivent pas à rompre avec le libre-échange. Ils continuent d'injecter de la monnaie dans leur système en exportant leur inflation monétaire. Nous européens, nous exportons notre déflation en priant pour que cela suffise pour sauver le saint euro. Le monde est vraiment aux mains des fous. Si Montebourg cherche réellement à sauver l'industrie du pays, ce dont je doute, ce n'est pas en prônant une autre Europe que l'on n'y arrivera. Et certainement pas par une dévaluation de l'euro qui ne fera qu'externaliser nos problèmes en entraînant des peuples extérieurs dans la tourmente. L'UE et la zone euro sont mortes, nos élites mettent trop de temps à s'en rendre compte poussant le continent à accumuler les déséquilibres jusqu'à ce que le point de rupture soit atteint. N’entraînons pas d'autres zones du monde dans nos délires en dévaluant l'euro.

 

 

 

 

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16 février 2014 7 16 /02 /février /2014 16:20

625461_0203104741331_web_tete.jpgL'action gouvernementale continue sur sa ligne visant à améliorer la compétitivité du pays par d'autres moyens que l'instrument monétaire. Instrument dont il s'est débarrassé par idéologie et conformisme sociologique plus par la rationalité économique. Encore une fois, l'euro n'est qu'un des multiples problèmes qui empêche la France de retrouver un semblant de dynamisme économique. Un dynamisme nécessaire pour absorber une population active qui s’accroît contrairement à des pays comme l'Allemagne par exemple. Mais même si la dévaluation n'est pas la solution absolue à nos problèmes, elle reste infiniment préférable aux politiques actuellement mis en œuvre et dont on connaît le peu d'efficacité. Rappelons que les politiques de compétitivité et de baisse des charges sont pratiquées à des périodes régulières depuis plus de trente maintenant. Déjà à l'époque de Raymond Barre, l'homme qui a introduit le néolibéralisme en France, on disait qu'il fallait passer le tunnel pour trouver la lumière. Il semble malheureusement que le tunnel libéral n'ait pas de sortie.

 

L'anticipation des acteurs économiques

 

L'idée que l'action des individus et des entreprises soient mues par une certaine rationalité économique n'est pas une idée fausse en soi, même si l'on exagère assez largement l'intelligence des acteurs économiques. Mais cette rationalité individuelle ne signifie nullement que l'action collective qui en découle soit elle rationnelle. Les comportements moutonniers des marchés ont prouvé qu'un amoncellement de décisions individuelles peut accoucher d'un comportement collectif complètement absurde. Comme l'avait si bien expliqué Keynes à son époque la somme des intérêts individuels n'a aucune raison d'être égale à l'intérêt collectif. Nous savons tous que le pétrole s'épuise, nous n'avons pourtant à titre individuel aucune possibilité de réellement nous en passer. Sans une action collective externe provenant d'une logique différente de la logique du marché nous continuerons à en utiliser jusqu'à l'effondrement complet de notre civilisation. De la même manière si en tant de crises du point de vue individuel il est logique et rationnel d'épargner et de réduire ses dépenses. D'un point de vue collectif, ce comportement individuel pratiquait par la majorité de la population, aggrave la crise et produit à long terme une déflation. Surtout si cette épargne est stérilisée ou exportée à l'étranger.

 

Cette contradiction fondamentale entre l'intérêt individuel et l'intérêt collectif donne tout son sens et son intérêt aux politiques macro-économiques. Des politiques qui ont malheureusement été abandonnées en Europe pour un retour à des politiques économiques dignes du 19e siècle le fameux « laissez-faire ». Les politiques macro-économiques consistent essentiellement à combattre des comportements individuels qui collectivement peuvent faire s'effondrer la société. Il n'y a là rien d'abominable ou de dictatorial. Mais l'individualisme libéral qui a fini par se muer en égoïsme totalisant et grégaire, pousse jusqu'à l’absurde aujourd'hui l'inaction collective. L'interdiction de l'action collective allant jusqu'à justifier des comportements contraires à l'intérêt général le plus évident. Ainsi voit-on des ministres conseillers aux jeunes d'aller travailler à l'étranger, promulguant l'inverse du bon sens collectif qui consisterait plutôt à fournir aux jeunes de quoi s'employer et rendre ainsi à la collectivité ce qu'elle leur a fourni durant leur jeunesse. Mais le principe de responsabilité collective est évidemment l'un des premiers piliers de la civilisation à avoir été scié par l'idéologie libérale.

 

Quoi qu'il en soit et pour revenir à mon propos, comprendre les comportements individuels fait aussi partie de la boîte à outils nécessaires pour pratiquer de bonnes politiques macro-économiques. Et l'un des concepts fondamentaux est le principe de l'anticipation. Les acteurs de l'économie anticipent généralement les évolutions de la société et du marché. Mais ces anticipations ne sont pas forcément fondées sur des concepts très rationnels ou scientifiques. Mais plutôt sur des croyances et des phénomènes de suivisme comportementaux. Exactement comme dans le célèbre exemple du concours de beauté de Keynes. Les gens ne votent pas pour la plus belle femme, mais pour la femme qu'il pense que la majorité élira. Et ce comportement moutonnier est en faite extrêmement rationnel, car dans le domaine économique il vaut mieux avoir tort avec la foule que raison contre elle. Ce raisonnement est encore plus vrai pour des individus élevés dans la logique pure de l'intérêt personnel. Il faut une force de caractère bien trempé pour s'opposer seul au mouvement populaire. Étrangement plus l'individu devient égoïste, plus son comportement est moutonnier. C’est un des multiples paradoxes de l'effet du libéralisme. Ceci explique peut-être l'incroyable faiblesse de la pensée individuelle au royaume du libéralisme triomphant. De la même manière, il était impossible pour une banque américaine d'éviter les prêts Subprimes aux USA avant la crise de 2007. Pour la bonne et simple raison que les banques plus rationnelle et timorée se faisaient racheter par les plus grosses qui gonflaient grâce à la bulle spéculative. Il était tout simplement rationnel individuellement d'être irrationnel collectivement. Il ne faut donc guère compter sur le marché pour s'autoréguler.

 

D'un point de vue macro-économique les conséquences sont multiples.Je vais donner un exemple en critiquant les politiques dites de compétitivité. Une telle politique vise à améliorer les bénéfices des entreprises, et suppose que l'amélioration de ces bénéfices va s'accompagner d'un retour à l'investissement. Et ce retour à l'investissement devrait logiquement enclencher un retour positif à la croissance par la création d'emploi et par ricochet à une augmentation de la demande. Il s'agit au passage d'une vieille croyance des libéraux qui consiste à penser que l'offre crée sa propre demande, ce qui suppose que l'épargne est égale à l'investissement. Hypothèse qui est fausse, et qui si elle s'avérait empêcherait toute crise économique par définition. Ignorons cela et passons à la conséquence des anticipations sur l'efficacité des politiques dites de compétitivité. Un chef d'entreprise qui verrait ses bénéfices s'accroître en France grâce à la baisse des charges, la baisse d'impôt ou ce type de technique, aurait-il réellement intérêt à investir ces bénéfices nouveaux sur notre territoire ? Ou au contraire devrait-il utiliser ces bénéfices pour accélérer la délocalisation de sa production hors de la zone euro en prenant en compte l'évolution macro-économique de ces dix dernières années ?

 

Poser cette question c'est déjà y répondre. Pratiquer une politique de compétitivité dans un pays qui est en crise depuis des années c'est exactement faire une politique de la terre brûler dans le domaine économique. Loin de ralentir les délocalisations, cela va les accélérer parce que les chefs d'entreprises n'ont d'un point de vue rationnel et historique aucune raison d'anticiper autre chose qu'une faible croissance et une faible demande pour les dix ans qui viennent. Une telle politique pourrait éventuellement marcher, si elle s'accompagner de mesures de relance de la demande et d'une dévaluation. En changeant les perspectives de long terme des chefs d'entreprises, on pourrait pousser les entreprises à investir sur notre territoire, mais dans le cadre actuel c'est exclu. Ignorer le contexte de l'économie c'est passer à côté d'une solution viable de relancer l'investissement.

 

 

Vidéo que j'avais déjà posté où l'on voit à la fin que le dirigeant de l'usine explique que l'usine aurait délocalisé encore plus vite si les bénéfices avaient été plus grands. 


Les effets de l'anticipation rationnelle : l'exemple de la déflation

 

De la même façon, l'anticipation des consommateurs peut produire la déflation à l'image de l'économie japonaise qui n'en finit pas de stagner depuis vingt ans. Mais qu'est ce que la déflation si ce n'est l'anticipation d'une baisse continue ? Pourquoi acheter un bien aujourd'hui puisque demain on pourra l'acheter pour moins cher ? Pourquoi dépenser notre épargne aujourd'hui puisque demain grâce aux taux d'intérêt et à la baisse des prix nous pourrons avoir plus en dépensant moins ? En tant qu'industriel, pourquoi augmenter les capacités de production puisque demain on vendra moins qu'aujourd'hui ? La déflation est l'une des pires catastrophes produites par les anticipations rationnelles des acteurs individuels de l'économie, et s'il est facile d'y renter par de mauvaises politiques macro-économiques, il est bien difficile d'en sortir comme nous le montre ce pauvre Japon. L'on pourrait également ajouter que des phénomènes démographiques peuvent aussi produire et encourager la déflation. La contraction de la démographie n'étant pas de nature à encourager l'optimisme sur la demande intérieure.

 

 

Comme nous le voyons si laisser fonctionner la société en roue libre en supposant que la société va naturellement remonter la pente grâce à l'action individuelle est un doux rêve au mieux, une idiotie au pire. Agir collectivement en ne prenant pas en compte les anticipations des individus et des entreprises est tout aussi malvenu. L'action collective doit favoriser les comportements bénéfiques à la société en jouant sur les désirs des acteurs de l'économie. Vouloir favoriser les bénéfices des entreprises n'est pas en soi une ignominie. Quoiqu'il faudrait au passage rappeler à quel point c'est l'extirpation des revenus financiers qui pèsent le plus aujourd'hui sur les bénéfices. Et que peu d'efforts sont demandés aux actionnaires en regard des efforts que l'on exige sans arrêt des salariés qui eux ont une réelle utilité pour la production. Mais permettre aux entreprises d'avoir plus de marges ne produira pas nécessairement un retour à l'investissement local. À moins bien évidemment de vouloir aller très loin dans la dégradation des conditions de vie des salariés, et d'aligner la France sur les niveaux de vie de l'Europe de l'Est ou d'Asie. Et encore même dans ces conditions les effets dévastateurs sur la demande intérieure annihileraient toute forme d’enthousiasme entrepreneurial dans le pays. Dois-je vraiment le rappeler, les entreprises n'investissent pas pour créer des emplois, mais pour accroître leur part de marché et leurs bénéfices. Elles ne le feront donc que si nous réunissons les conditions pour permettre à ces investissements d'être rentable. L'accroissement à court terme des bénéfices n'encouragera dans les conditions actuelles qu'une accélération des délocalisations. En permettant à des entreprises de délocaliser alors qu'elles n’avaient pas les moyens jusque là. Par contre si l'importation de produits et de services de l'étranger deviennent plus onéreux à long terme, alors les anticipations peuvent changer. Dévaluation et protection commerciale sont les seuls outils qui puissent permettre à ces bénéfices nouveaux de s'investir sur notre sol. Sans cela ces politiques ne feront qu'accélérer notre déclin.  

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