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9 avril 2014 3 09 /04 /avril /2014 22:18

Voilà le nouveau premier ministre se lançant à la manière d'Arnaud Montebourg à l'assaut de la citadelle de l'euro fort. Ce n'est pas nouveau. On sait pertinemment que l'euro est beaucoup trop fort pour la France, mais aussi pour la plupart des pays de la zone et c'est parti pour cette raison apparemment rationnelle que la BCE pense se lancer à son tour dans la politique d'assouplissement quantitatif. Comme dans le cas de Montebourg il s'agit là moins d'une stratégie réelle de politique économique que d'une stratégie de communication. Car Valls est bien de son milieu. Un être qui pense avant tous à l'intérêt personnel qu'il peut tirer d'une situation particulière sans se soucier réellement de l'intérêt collectif ou des besoins de la population qu'il est censé représenter. Il sait pertinemment que la structure même de la construction européenne et de l'euro interdit toute forme d'influence politique sur la BCE. C'est même l'un des points cardinaux que l'Allemagne et les ultralibéraux ont bien scellés dans le traité de Maastricht. La banque centrale est indépendante du pouvoir politique. En pratique les banques centrales sont surtout indépendantes de l'intérêt général et bien plus dépendantes de quelques intérêts particuliers et de règles bureaucratiques absurdes. Le résultat pratique de cette réalité est que la zone euro n'a qu'un seul but: l'inflation la plus basse possible, car l'inflation c'est mauvais surtout pour les rentiers. L'autre problématique implicite que Valls comme Montebourg ne sauraient ignorer c'est l'indubitable divergence des intérêts monétaires de la zone. Si la France ou l'Italie ont besoin de dévaluer, ce n'est pas le cas de l'Allemagne. Et d'un point de vue strictement rationnel, la zone euro ayant un excédent commercial, il n'y a aucun besoin de dévaluer.

 

Évidemment cet excédent cache les diversités énormes des situations. Mais d'un point de vue purement logique la BCE n'a aucune raison de dévaluer. Elle pourrait même affirmer que les pauvres en Italie ou en France n'ont qu'à aller s'installer en Allemagne. C'est la logique fédérale que la France et ses élites ont voulu et qui nous conduit dans cette impasse sans solution parce que l'Europe n'est pas une nation. L'UE ne peut conduire qu'à la destruction des nations les plus faibles. Cependant, on peut douter assez largement de l'ignorance de ces faits par Valls. Tout comme notre président il fait partie de ces hommes politiques qui ont fait du libéralisme la pièce centrale de toute leur logique économique et politique. Il a participé ardemment à la construction de l'UE telle qu'elle est. Il est donc peu probable qu'il croit lui même à ce qu'il dit lorsqu'il affirme vouloir changer les politiques de la BCE. Il compte cependant bien profiter de l'éventuel assouplissement monétaire de la banque centrale pour affirmer sur le plan de la communication interne qu'il a réussi à influencer le golem européen. Nous sommes devant un cas typique de politicien moderne qui réduit l'action publique aux verbiages de la communication. L'important n'est pas l'action politique pratique, mais bien l'apparence de l'action politique. Car ce qui compte c'est l'image que l'on donne de soi et non l'action réelle que l'on mène.

 

En effet, un homme politique sensé n'irait nullement demander à la BCE d'assouplir sa politique alors que cela n'aurait aucune influence directe sur le premier déficit commercial de la France qui est avec l'Allemagne. Pays avec qui nous partageons la même monnaie. Un retour aux frontières et à la monnaie nationale voilà la seule mesure ayant une chance quelconque de redresser la barre. Tout le reste n'est que facétie ridicule et communication. Mais ce genre de mesure n'a rigoureusement aucune chance d'advenir en France à l'heure actuelle. Tout ce que l'on peut raisonnablement prédire c'est une plongée de la France dans le bain glacial de la récession permanente en attendant l’inéluctable explosion de la zone euro. Valls communique plus qu'il ne fait de la politique, mais cela nous y sommes habitué depuis au moins Giscard.

 

De la politique de récession en France à l'effondrement économique mondiale

 

L'Europe est aujourd'hui en apparence l'homme malade de l'économie planétaire. Mais c'est une illusion d'optique, le fait que cela aille très mal en Europe ne signifie simplement pas que cela va bien ailleurs. La Chine par exemple traverse un sérieux ralentissement de son activité, ajoutons à cela des bulles spéculatives qui risquent de crever. L'effondrement de la demande dans les pays développés et la dévaluation japonaise ont fait très mal à l'économie chinoise. Et la consommation intérieure n'est pas près de reprendre la relève tant la folie épargnante du chinois moyen est obsessionnelle. De la même manière, les USA ont de plus en plus de mal à cacher la non-reprise qu'il y a sur leur sol. Si les chiffres de la croissance peuvent être trafiqués par diverses méthodes tout comme le chiffre du chômage les simples chiffres de la consommation de pétrole montrent que le pays n'a pas vraiment redémarré. Les USA n'ont pas retrouvé leur niveau de consommation de 2007 et l'augmentation de la production d'autres sources d'énergie ne compense même pas la baisse de consommation du charbon et du pétrole. De la même manière, comme l'avait signalé le blog criseusa, les USA sont à un niveau dramatique de taux d'activité des personnes en âge de travailler qui est à un niveau largement inférieur à ce que l'on peut trouver dans la vieille Europe. On peut aussi parler du taux de pauvreté qui ne cesse de croître. L'injection de monnaie dans le système US ne faisant que relancer la croissance par la bulle financière et non par l'investissement réel. Autre signe que le pays ne redémarre pas. La mobilité économique qui fait partie intégrante de la culture américaine est en baisse. Et il ne s'agit pas ici d'un mouvement culturel, mais d'un effet direct de la dégradation de l'emploi et de la confiance en l'avenir.

 

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La consommation de pétrole aux USA n'a pas retrouvé son niveau d'avant crise. (source: AIE)


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C'est dans ce contexte d'une économie monde profondément malade et fondée sur d'énormes déséquilibres qu'il faut analyser les effets des politiques européennes. Car la zone euro et ses délires macro-économiques ont un impact sur une économie mondiale convalescente et prête à tomber dans le coma. La course planétaire à l'excédent commercial qui prend de nombreuses formes suivant les conditions locales n'en finit plus de conduire le monde à sa perte. Les sorties de crise momentanée se faisant en préparant les crises suivantes dans des « cycles » artificiels produits par l'incompréhension du lien entre déséquilibre commercial et insolvabilité de la demande. La grande lubie libérale qui prône l'excédent pour tous aveugle les politiques. Ces derniers ne savent plus comment ne fonctionne une économie, ni même à quoi doivent servir les gains de productivité. Oubliant le progrès humain et à la rétribution salariale, toujours considérée comme un coût inadmissible. Les élites des pays du monde entier font la course à l'accaparement d'un marché mondial dont la demande stagne ou s'étiole.

 

Les injections monétaires actuelles ont peu d'effet sur l'économie réelle. Ce n'est d'ailleurs pas leur vrai but qui consiste surtout à maintenir les bourses à la hausse pour le petit 1 % de la population qui vit de la rente financière. Au Japon la monétisation a surtout eu pour but de relancer les exportations le Japon essayant comme tout le monde de tirer sa croissance au détriment d'autrui. Mais pour relancer la demande réelle, il faudrait au contraire relancer les salaires et la demande solvable du consommateur. Or ce genre de chose est aujourd'hui interdite par le libre-échange grand destructeur de la masse salariale. En effet la relance des uns sera inéluctablement pompée par la compétitivité des autres en régime de libre-échange. Nous sommes donc coincés dans cet étau qui serre de plus en plus fortement l'économie mondiale au point de l'étouffer complètement.

 

Pour revenir à l'Europe, le continent cherche à tirer lui aussi sa croissance par l'excédent commercial exactement comme l'Asie sans les avantages de celles-ci. Le problème c'est qu'il n'y a qu'un seul moteur de la demande mondiale, les USA et leurs dettes abyssales. Le rôle de l'Europe dans l'aggravation de la crise mondiale est donc directement compréhensible. La zone euro et ses excédents font pression sur une demande mondiale en voie de raréfaction. Dans ce contexte la France a jusqu'à présent servi de tampon amortisseur en absorbant une partie des excédents allemands. On peut se demander si les coupes budgétaires que le nouveau gouvernement français veut voir appliquées ne vont pas finalement faire retomber l'économie européenne et mondiale dans la récession. On peut affirmer que maintenant que les pays latins retrouvent des balances des paiements à l'équilibre faute de demande et grâce à un chômage mirobolant, le déficit français reste le dernier pilier de la demande en Europe. Une fois que celui-ci aura cédé, nous entrerons dans la phase deux de la crise économique mondiale. Avec cette fois-ci une situation bien plus grave que lors de la précédente crise. Les dettes empêchant les états de « sauver » à nouveau le système bancaire.

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EUROPE-DU-SUD---Evolution-Balance-des-Paiements.jpg

Effectivement détruire l'économie d'un pays permet de réduire les déficits commerciaux. On peut applaudir au succès des économistes libéraux. La prochaine étape ce sera quoi: exterminer les chômeurs pour mettre fin au chômage? 

 

En effet les pays latins qui retrouvent une balance des paiements à l'équilibre vont chercher à résorber leur chômage en faisant comme tout le monde c'est-à-dire en passant à l'excédent. Mais la courte amélioration qu'ils connaissent va vite se dégrader lorsque la France rentrera dans le rang en rééquilibrant elle aussi ses déficits extérieurs. Attendons-nous d'ailleurs à une très forte poussée du chômage dans les deux ans qui viennent. Étant donné que la France est un pays beaucoup plus dynamique démographiquement que la Grèce, l'Espagne ou l'Italie, notre pays devrait selon toute logique se retrouver avec un chômage des jeunes encore supérieur aux pays susmentionnés. C'est d'autant plus vrai que les salaires en Allemagne recommencent à baisser, c'est une course sans fin.  Malheureusement quoique l'on puisse dire, les politiques libérales seront de toute manière appliquée. La France supprimera donc petit à petit la sécurité sociale, les allocations familiales, l'éducation nationale, la recherche. Nul doute que nous ne sommes qu'au début d'une purge qui n'en finira que lorsque le pays sera exsangue. Avec cette obsession de tirer la croissance par les exportations, il n'y a de toute manière aucune porte de sortie. Il est d'ailleurs toujours très drôle de voir à quel point les économistes libéraux s'enferment dans leur rôle de Shadok pompant en pensant ainsi résoudre la croissance. Vite il faut améliorer la compétitivité. Pourquoi ? Pour exporter vers des pays qui font eux aussi la course à la compétitivité pour exporter chez nous ? Et qui va acheter vos produits et vos services si les salaires se contractent partout et que les états se désendettent ? Les avis des économistes sur le pacte de responsabilité donné dans le Figaro sont ainsi à hurler de rire. Baisse des charges, réduction de la dépense publique, etc. Quarante ans qu'ils radotent, et qu'ils ne comprennent pas. L'histoire est en marche et nous verrons bien ou tout ceci nous conduira de toute façon.

 

 

 

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commentaires

L
<br /> Comment jugez-vous la classe politique française face à l’euro ?<br /> <br /> <br /> Qu’elle soit de droite ou de gauche, je regrette son aveuglement : nous avons affaire à des représentants de la pensée unique, sortis pour la plupart de l’Ena et nourris à un “delorisme”<br /> médiocre. Que ce soit le gouvernement de François Fillon pendant cinq ans ou celui de Jean-Marc Ayrault depuis bientôt un an, tous deux appliquent la même politique, avec simplement un peu plus<br /> de professeurs et un peu plus de médiocrité pour le second.<br /> <br /> <br /> http://www.valeursactuelles.com/%E2%80%9Csortir-l%E2%80%99euro-non-faire-exploser-oui-%E2%80%9D20130305.html<br />
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L
<br /> Ca ira probablement jusqu'à la situation en Ukraine, coups d'états de ci de là, régimes autoritaires comme en Hongrie avec 20% de la population soumise au STO...<br />
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