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10 mars 2011 4 10 /03 /mars /2011 22:38

831316371_small.jpgUne récente dépêche AFP qui est passée relativement inaperçu montre les changements qui commencent à s'opérer un peu partout sur la planète. Les effets de la crise commencée en 2008 semble être de pousser les nations à s'affranchir, chaque jour un peu plus,  du marché mondiale et cela dans le but d'éviter d'importer ses effets de plus en plus nombreux et délétères. Petit à petit certains pays redécouvrent l'intérêt d'être relativement auto-suffisant en matière de politique intérieur. Être plus auto-suffisant permet d'avoir une bonne politique de l'emploi, bien adaptée aux besoins démographiques de la population, d'indépendance économique permet aussi une plus grande liberté dans les relations internationales. En effet pas besoin de faire des génuflexions à des dictateurs lorsque votre nation peut se nourrir toute seule. Certaines nations redécouvre que le but d'une politique économique n'est pas d'avoir la croissance la plus forte ou l'inflation la plus faible, mais de garantir la pérennité du pays ainsi que la paix sociale chose que l'on a complètement oublié en Europe.  La dépêche en question nous relate en faite les décisions prises par le gouvernement argentin qui veux réduire d'au moins 45% les importations en y substituant des productions locales. Pour y parvenir ce gouvernement utilise d'une part une politique industrielle, ensuite une mise en place d'une politique de protection douanière. C'est ainsi que l'on apprend que pour l'Argentine s'en est fini des poupées Barbie, symbole de la domination américaine sur nos chères têtes blondes depuis la fin de la seconde guerre mondiale.  Le motif de l'interdiction de cette poupée, et des jouets produits par des fabriquants américains, provient de leur incapacité à fournir des preuves sur la provenance  de fabrication de ces jouets. Car l'industrie des jouets est maintenant protégée en Argentine et leur but est l'autosuffisance. Grâce aux politiques protectionnistes la production locale est ainsi passée de 5% de la consommation nationale en 2003 à près de 30% aujourd'hui.

 

    Le secteur du jouet n'est bien entendu pas le seul concerné, on peut citer le secteur textile ou la production d'électroménager. Ce protectionnisme ne plaît pas à Pékin qui montre ici son véritable visage en taxant par exemple les huiles de soja produit par l'argentine. La Chine n'aime pas que l'on mette des bâtons dans les roues de sa stratégie de commerce impériale. Il faut dire que cette nation fait largement sa prospérité sur le dos des pays importateurs. Cette affaire montre ensuite que la mondialisation du commerce n'est pas qu'un problème de pays riches, en réalité la problématique est universelle. Partout la mondialisation entraîne inégalité et impossibilité de régulation macro-économique de la part des états qui respectent le laissez-faire. L'Argentine est une nation qui  été meurtrie par les délires néolibéraux, et il est quelque part normale qu'elle soit l'un des points de départ de la fin de la domination de cette idéologie destructrice. Le protectionnisme argentin vis à vis de la Chine n'est que le début, des pays comme l'Inde seront bientôt obligé de faire pareil tant leur déficit commerciaux se creuse avec l'Empire du milieu. Pour paraphraser Malraux le 21ème siècle sera protectionniste ou ne sera pas. Nous allons assister à un éclatement du commerce planétaire puis à une régionalisation des relations économiques. Le commerce à l'échelle mondiale que nous avons pu connaître touche probablement à sa fin essentiellement à cause des déséquilibres commerciaux qu'il provoquait.

 

Le redressement argentin après 2001

 

    L'économie argentine n'a fait que préfigurer ce qui allait se passer chez les PIGS une décennie plus tard, mêmes causes mêmes effets. Les causes de la crise de 2001 nous les connaissons bien, libéralisation totale des capitaux et des marchandises, monnaie indexée sur une monnaie étrangère et surévaluée pour l'industrie locale, bulle immobilière, croissance bidon nourrie par l'hypertrophie du secteur tertiaire et l'endettement public comme privé etc...  En 2001 les capitaux sont sortie en grande quantité du pays pour fuir l'inévitable, à savoir l'effondrement des expérimentations hasardeuses des économistes néolibéraux, le résultat fut l'effondrement de la monnaie du pays. Un effondrement brutal après plusieurs années d'une surévaluation totalement asphyxiantes pour les industriels du pays. L'Argentine était en quelque sorte un coup de semonce de la grave crise que nous allions connaître en occident près d'une décennie plus tard.

 

PIB.png

 

Nous voyons bien sur le graphique ci-dessus représentant l'évolution du PIB depuis 1993 que la croissance a bien rebondis après l'effondrement de 2001. Elle se situe à des niveaux supérieures à celle d'avant la crise, preuve qu'il y a bien eu un changement de modèle économique. Un changement qui peut d'ailleurs s'observer que ce soit au niveau de l'inflation ou au niveau de la balance commerciale. L'Argentine est passée d'une situation de pays importateur à celui de pays producteur. Son régime de croissance est maintenant plus soutenue mais aussi plus inflationniste.

 

ProductionIndustrielle.png

 

   Le graphique représentant la production industrielle est beaucoup plus parlant que l'évolution du PIB. Depuis la crise de 2001 et la dévaluation de la monnaie argentine celle-ci à vue son potentiel industriel fortement augmenter. La courbe rouge représente les variations annuelles de la production industrielle. La courbe marron, la plus importante, représente l'indice de production industrielle. On voit qu'avant 2001 la production est relativement stagnante, elle est même cyclique variant d'une année sur l'autre autour d'une moyenne stable. Après la crise on constate une croissance beaucoup plus stable et forte. Alors que l'Argentine connaissait régulièrement une croissance cyclique en stop and go, chaque cyclique durant environs trois années, la croissance argentine dura de 2002 à 2008. Et la crise de 2008 fut évidement une importation et non le fruit d'une évolution propre du pays, sans cette accident il est probable que la croissance argentine aurait continué comme si de rien n'était. Et l'on constate d'ailleurs que ce pays s'est vite repris puisque la croissance en 2010 est déjà repartie sur les rythme d'avant crise. 

 

Balance-commerciale.png

 

Si l'on regarde la balance commerciale on comprend mieux la réalité de la croissance de l'Argentine. Pour éviter une nouvelle crise, comme celle qu'elle avait connu, ce pays a décidé d'une stratégie à l'asiatique, une accumulation de devises étrangères comme coussin de secours.   C'est une stratégie de type mercantiliste qui est compréhensible, même si l'on comprendra aisément qu'elle a des limites puisque les excédents des uns sont forcement les déficits des autres. L'Argentine en ayant des excédents commerciaux pousse d'autres pays à être en déficit provoquant des crise ailleurs que chez elle. Quoiqu'il en soit la politique protectionniste du gouvernement Kichner semble bien porter ses fruits, elle est en plus  accompagnée d'une politique monétaire raisonnable. Les autorités argentines semblent vouloir tenir le peso à une valeur stable, mais non pénalisante pour les industriels locaux. En utilisant une politique monétaire et protectionniste, ils usent des deux outils les plus efficaces en matière de politique économique. La croissance de ce pays est fondée sur quelque chose de solide, pas comme celle des années 90.  L'Argentine est probablement un modèle pour les pays latins dont la mentalité est proche. Avec une politique industrielle forte, et une monnaie relativement fondante sont les mamelles de la croissance pour les pays latins à l'image de la France et de l'Italie pendant les trente glorieuses. L'inflation est en effet relativement élevé en  Argentine encore aujourd'hui comme le montre ce graphique, mais elle est nécessaire pour la dynamique locale.

 

inflation.png

 

L'Argentine est d'ailleurs un cas d'école si l'on compare l'évoluton de l'inflation et du chômage en parallèle. On constate en effet que la période 1993-2001 est une période de faible inflation, c'est lié à l'accrochage du peso au dollars. Cette surévaluation va permettre d'importer des marchandises bon marché de l'étranger, et de faire grimper le chômage et les inégalités locales. Durant cette période l'Argentine est devenue en quelque sorte une société de rentiers, à l'image de la France actuelle. Un pays qui ne produit que des emplois de services et où le capital rapporte beaucoup plus que le travail, quand il y en a.

 

BMHistoComplexe.jpeg

 

    Il ne surprendra personne de voir que la faible inflation des années 90 a été accompagné d'un fort taux de chômage et d'une stagnation de la production industrielle comme on la vue précédemment. Et c'est normal puisque l'on préfère importer des produits plutôt que de donner du travail aux industries locales. Le prix à payer d'un tel modèle est bien sûr l'explosion des inégalités sociale et une stagnation économique à long terme. Par contre les couches aisées de la population voient sûrement leurs revenues croître beaucoup plus rapidement. Lorsque le Peso a  craqué en 2001 ce fût un retour brutal à la réalité, et oui, il faut produire pour consommer, et un pays doit toujours à peu près équilibrer sa balance des paiements. A partir de ce moment on assiste, comme dans le cas de l'Islande dont nous avions parlé récemment, à un transfère des revenues du capital vers le travail à travers une forte inflation. Celle-ci est d'ailleurs d'autant plus forte que l'inflation avait été trop basse dans la période précédente, c'est une sorte de retour de balancier. Le pic inflationniste a atteint 45% en 2002-03 en Argentine, ce fut terrible, mais ensuite la sphère productive du pays a redémarré et l'inflation est maintenant aux alentours de 8%. Il faut croire que pour ce pays cette inflation est une nécessité fonctionnelle puisque par ailleurs le taux de chômage a fortement baissé. Encore une fois le fait qu'il y est une forte inflation n'est pas un drame en soit tout dépend de l'évolution globale des salaires et du chômage. Si l'on regarde l'évolution du niveau de vie il y a un plus indéniable depuis 2002 le niveau de vie ayant presque doublé en  six ans, seul les rentiers doivent y avoir perdu.

 

niveau-de-vie.jpeg

 

La France un futur à l'argentine?

 

  La similitude des situations entre la France ou même les pays latins de l'Europe avec l'Argentine de 2002 est tout à fait flagrante.  Notre destin sera probablement une évolution similaire avec je l'espère moins de brutalité car l'effondrement en 2002 fut très difficile pour la population. On peut imaginer qu'une fois que la monnaie unique aura éclaté les pays latins seront traversés d'une forte dévaluation, ce qui produira dans un premier temps une forte inflation sur les produits importés et d'une contraction des importations. Par la suite la production locale prendra le relais et ces pays connaîtrons enfin une hausse plus rapide de leur production industrielle accompagné d'une forte baisse du chômage et des inégalités. Le régime de croissance de cette nouvelle économie sera forcement plus forte, mais aussi plus inflationniste au grand damne des rentiers qui ne jurent que par l'enrichissement sans efforts et sans investissement productif.  Nos pays étant latin il connaîtrons une dynamiques assez similaire à celle de nos cousins sud américains. Mais c'est une situation que nous avions déjà connu pendant les trente glorieuse la France avait souvent une inflation à 4 ou 5% sans que cela n'eut empêché la hausse du niveau de vie global, au contraire même.

 

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commentaires

F
<br /> Attention tout de même à ne pas négliger la puissance agricole de l'Argentine. Si les exportations de soja n'expliquent pas entièrement le redressement du pays, elles ont joué un rôle<br /> fondamental. Le soja seul représente un gros morceau des exportations argentines et du fait des cours agricoles une part énorme de l'excédent. Par ailleurs, les retenciones (taxes à<br /> l'exportation) ont permis de renflouer l'Etat de façon spectaculaire. Pour avoir fait mon mémoire sur le soja OGM en Argentine, il faut également prendre en compte le désastre écologique et<br /> sanitaire qui est lié à la sojaïsation du pays. Les rendements diminuent déjà. Enfin, l'inflation selon plusieurs sources est au dessus des chiffres de l'INDEC, plutôt 15% que 8%. Ayant vécu<br /> six mois à Buenos Aires, j'ai constaté que les argentins se plaignent beaucoup des prix de la viande notamment dont la hausse est très visible.<br /> <br /> <br /> La politique des Kirchners a rompu avec 30 ans de primarisation, de désindustrialisation. C'est une bonne chose. La pauvreté reste un fléau impressionnant là bas, malgré la reprise.<br /> <br /> <br /> Merci pour votre article. Cordialement<br />
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D
<br /> <br /> Cristina Kirchner a été réelue dès le premier tour. Chose impensable dans les presidentielles francaises.<br /> <br /> <br /> Même l'inflation galopante ne l'a pas genée. Ca devrait faire reflechir nos monomaniaques de l'inflation. Rien ne vaut la croissance et l'emploi !<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Blog(fermaton.over-blog.com).No.28- THÉORÈME DU SIOUX.-BOMBE DÉMOGRAPHIQUE !!<br /> <br /> <br /> <br />
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K
<br /> <br /> les sols saturés de glyphosphates ne peuvent plus servir qu'à cette culture!<br /> <br /> <br /> Etdas, vous écrivez n'importe quoi !!!! C'est dommage pour vous et ceux qui vous lisent !<br /> <br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> @Jardidi<br /> <br /> <br /> Je ne  vais pas parler du problème avec l'Allemagne tout le temps ou on va encore me traiter de germanophobe . Je<br /> crois en fait que le scénario le plus probable c'est une sortie de l'Allemagne de la zone euro.<br /> <br /> <br /> @ ETDAS<br /> <br /> <br /> Oui l'Argentine était un pays aussi développé que la France après guerre, c'était un pays riche. Son évolution postérieur est un mystère, je laisse çà aux connaisseurs. Elle aurait dû être le<br /> pôle central d'une futur amérique du sud développé, mais cela devait gêner les USA  . Sinon pour les problèmes<br /> agricoles c'est général on a les mêmes en Europe aux USA ou en Australie, la monoculture est une catastrophe à long terme mais il aura fallu une génération pour s'en rendre compte le temps que<br /> les sols s'épuisent.<br /> <br /> <br />  @Bertrand<br /> <br /> <br /> Je dirai plus modestement que le marché ne peut être libre que dans le cadre réglementé d'une nation. Là l'arbitre étatique peut garantir l'égalité entre les concurrents, autrement c'est la loi<br /> du plus fort et nullement une compétition saine et avantageuse pour tous. On forme de monopoles et des cartels privé qui ont tôt fait de prendre la totalité du pouvoir y compris politique, on le<br /> voit bien en Europe ou aux USA.<br /> <br /> <br /> @olaf<br /> <br /> <br /> Oui c'est ce que dit un scientifique comme Claude Bourguignon la plupart des techniques agricoles relèves plus de la croyance que d'une réelle démarche scientifique. Le labourrage par exemple<br /> n'est pas indispensable, au contraire il détruit la faune du sol, si les sols sont trop compactés c'est parce que l'on tue  les vers de terre et les microorganismes qui font vivre et<br /> respirer les sols. L'agriculture moderne est une insulte à la raison humaine et à la science.<br /> <br /> <br /> @ETDAS<br /> <br /> <br /> Je parle de cette spécialisation agricole excessive dans mon prochain texte.<br /> <br /> <br /> <br />
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