Comme cela était prévisible les tension politiques au sein de la zone euro commencent à devenir importante. La chancelière allemande vient par exemple de remettre au gout du jour le racisme antilatin de son pays avec des propos tout à fait provocants à leur encontre. En effet pour Angela Merkel :«Il faudrait que dans des pays comme la Grèce, l'Espagne, le Portugal on ne parte pas à la retraite plus tôt qu'en Allemagne, que tous fassent un peu les mêmes efforts, c'est important», c'est ce que nous apprend cette dépêche AFP. En version plus crue, cela donne "faut aller bosser bande de fainiasses", j'espère que d'éventuels germanophones pourront traduire ça en allemand. Ce commentaire est d'une gravité extrême, il émane tout de même d'une représentante de la plus haute fonction politique allemande. Dans les pays latins excédés par un chômage qui flambe et des salaires qui s'effondrent, on va surement apprécier ce type de discours complètement à côté de la plaque. Mais le plus étonnant c'est que les élites allemandes semblent sincèrement croire qu'elles n'y sont pour rien dans la situation actuelle des pays latins. Pourtant comme nous l'avions vu, hier les chiffres parlent d'eux même, c'est bien l'excédent allemand le problème numéro un de la zone euro, la surévaluation arrivant en seconde position.
La réaction des élites allemandes à la crise semble souligner un esprit d'innocence totale en regard des problèmes que produisent leurs propres politiques commerciales. On dirait presque un état d'esprit à l'américaine, je fais des choses pour moi même sans me soucier des conséquences chez les autres et je feins d'être surpris de ces mêmes conséquences. Alors est-ce de la mauvaise foi, ou un mélange d'idiotie ou d'ignorance, je n'en sais rien, il n'empêche que les propos d'Angela Merkel sont particulièrement déplacés. Cela confirme aussi mon hypothèse d'une révolte contre l'euro et l'Europe produit par l'égoïsme de certains rentiers d'âge élevé ce qui est le cas d'une bonne partie de la population allemande. Cela peut paraître paradoxal puisque c'est justement l'euro qui permet à l'Allemagne de produire ses excédents, mais c'est sans compter sur les croyances diverses et variées.
Les familles souches croient en la hiérarchie entre les hommes, entre les organisations et donc entre les peuples, même si effectivement à cause du passé de l'Allemagne les gens ont tendance à cacher ou à maquiller ces croyances. Cela ressort de temps en temps, et les crises sont des moments propices pour voir ce type de comportement ressortir. Les Allemands pensent leurs sociétés mieux organisées et pense que naturellement les autres devraient les imiter, bien que si cela se produisait les avantages allemands fondraient comme la neige au soleil. Si tout le monde cherchait l'excédent, il n'y aurait plus de clients nulle part. C'est un fait rationnel, mais il est plus grisant et plus euphorisant pour un esprit de famille souche de penser être au sommet de la hiérarchie européenne. Nous avons affaire à un sentiment de supériorité plus qu'à autre chose. À l'inverse chez les pays latins on croit à l'égalité, les propos de Merkel vont donc heurter de plein fouet cette croyance et les Latins vont eux accuser, à juste titre d'ailleurs, l'Allemagne d'égoïsme ou d'être responsable de la situation. Mais comme les mentalités divergent, il y a peu de chance qu'un tel imbroglio puisse être résolu autrement que par un divorce. Cependant dans ce cas ce n'est pas la victime de maltraitance qui demandera le divorce, mais l'agresseur en l'occurrence l'Allemagne. Car dans la tête des Allemands il est inimaginable de payer pour des fainéants ou des incapables latins.
Une Espagne en pleine crise sociale
L'autre grande nouvelle sur le plan de l'instabilité politique en Europe c'est l'apparition de mouvements populaires contre la paupérisation généralisée provoquer par la crise et surtout par les pseudoremèdes à la crise économique espagnole. C'est ce que nous apprend par exemple cet article. Comme je l'avais dit il n'y a pas longtemps, le chômage des jeunes espagnoles dépasse les 50%, un taux de pays du tiers-monde à forte natalité ce qui n'est pas le cas de l'Espagne qui est un pays qui vieillit rapidement. Il est étonnant d'ailleurs que la population espagnole n'ait pas réagi plus tôt et avec plus de violence tant les politiques menées ont été cruelles et stupides.
Cela ne va pas aller en s'arrangeant, car l'Espagne doit créer beaucoup d'emplois pour revenir à la situation antérieure à la crise. Même si cette situation n'était pas encore idéale le taux de chômage n'étant pas alors à zéro, mais à 8 ou 9 % ce qui était déjà trop. Le pays a tiré sa croissance sur une bulle immobilière qui a aujourd'hui éclaté. Un tel modèle n'était bien évidemment pas viable, non pas à cause de la montée des prix irrationnels de l'immobilier, mais à cause du déficit commercial que la surconsommation espagnole produisait. Il faut bien comprendre qu'un modèle économique est viable pour une nation, que si les comptes extérieurs sont équilibrés. C'est la seule véritable contrainte, tout le reste c'est du blabla savant sans intérêt. Qu'un pays ait un déficit public n'a aucune importance s'il n'y a pas de déficit extérieur, c'est juste un problème de répartition interne des richesses et d'impôts mal dosé. La crise espagnole était inscrite dans son déficit commercial, ce qui a permis à des économistes sérieux comme Jean Luc Gréau de prévoir la catastrophe.
L'Espagne doit reconstruire une industrie, seulement dans le cadre de l'euro on ne voit pas bien comment cela peut-être fait. L'appartenance à la zone euro condamne ce pays à produire des déficits commerciaux en permanence et la seule méthode qu'il ait pour équilibrer ses comptes est dans la hausse du chômage et la baisse du niveau de vie. Seulement comme nous en apercevons maintenant même les Espagnoles ont des limites. Le graphique suivant montre bien la paralysie engendrée par la monnaie unique sur la production industrielle espagnole, non ce n'est pas un hasard si celle-ci stagne à partir de 99. Les quelques années de croissance entre 2005 et 2007 étant surtout dues à l'emballement de la bulle spéculative immobilière comme l'atteste le déficit commercial de ces mêmes années.
En Ecosse aussi çà chauffe
Autre effet des crises de l'Europe et du néolibéralisme, les indépendantismes régionaux sortent renforcés de l'incapacité des états européens à régler leurs problèmes économiques. Un référendum sur l'indépendance écossaise pourrait ainsi être bientôt organisé ce que réclame le dirigeant du parti indépendantiste écossais Alex Salmond. Il est aussi le premier indépendantiste à devenir le dirigeant du gouvernement autonome d'Écosse qui était remis en place à l'époque de Tony Blair. L'Écosse qui fait pourtant partie de la Grande-Bretagne depuis 1701 ne supporte plus sa dépendance à l'égard de l'état britannique et la crise a surement donné une certaine dynamique à ces courants indépendantistes. Je rappellerai à nos lecteurs férus de Todd, que l'Écosse est d'ailleurs un état où la famille souche est dominante, alors que la famille anglaise est de type nucléaire absolue. La famille souche est caractérisée par l'inégalité et l'autorité, la famille nucléaire absolue par l'individualisme et l'absence d'intérêt pour l'égalité . Cette différence se traduit probablement par une meilleure résistance de l'identité écossaise à la globalisation et à l'américanisation. Un peu comme l'Allemagne, grande nation de famille souche, résiste mieux à la mondialisation avec un certain nationalisme latent. Dans un système économique qui s'effondre comme c'est le cas de la GB, les gens se rattachent alors à ce qui les unit, mais le fort individualisme anglais empêche une telle évolution. Les habitants de l'Écosse se tournent donc naturellement vers leur identité résiduelle écossaise. Avec tous ces problèmes, on pourrait se demande si finalement l'Union européenne ne va pas finir par produire plus d'états nation une fois que sa disparition, pratiquement inéluctable, se sera produite. L'Europe d'après l'UE pourrait être composée de plus d'états qu'au départ. Ce qui serait un paradoxe historique de plus puisque le but de l'UE était à l'origine de faire un état plus grand que les états nations membres.