Je vous rassure tout de suite, le blog ne se lance pas dans la théologie, simplement force est de constater que nos dirigeants correspondent parfaitement à la phrase supposée du prophète des chrétiens. La multiplication des plans de contrition montre que les dirigeants n'ont encore rien compris à la nature de la crise. Ils ne cessent de l'amplifier par comportement mimétique et leur casuistique libérale est incapable d'expliquer la nature de la crise que sa propre raison a engendré. Certes, il y a chez certaines de ces élites un cynisme certain, mais je doute honnêtement que ce soit le cas de la majorité des dirigeants français. Lorsque l'on voit ce pauvre parti socialiste qui se lance dans un concours pour savoir qui est le meilleur pour faire de l'austérité, et qu'en plus il y voit un gage de sérieux. On a juste envie de rire. Les partis dominants me font de plus en plus penser à des canards sans têtes qui continuent de courir dans tous les sens simplement parce que les muscles et les nerfs fonctionnent encore. On les voit s'agiter en criant "Il faut plus de libéralisme, il faut moins d'état, il faut plus d'Europe". Ils répètent sans cesse les mêmes politiques que pourtant ils pratiquent depuis le gouvernement Barre dans les années 70. À l'époque le gros premier ministre français vendait sa camelote frelatée mélangeant les pires idées anglo-saxonnes avec les pires idées autrichiennes avec comme but la sortie du tunnel. Vous souffrirez aujourd'hui, mais vous verrez. Demain, vous raserez gratis. Les Français ont bien souffert, mais le bout du tunnel ils ne l'ont jamais vu. Et c'est avec les mêmes politiques qu'encore une fois l'on va essayer de résoudre la crise.
Il est vrai que ces trente dernières années les accalmies relatives ont pu faire croire à certains que la crise des années 70 était finie. Et que, moyennant une bonne attente et l'effondrement démographique, l'on pourrait voir un jour la fin du chômage. C'était ne pas voir que le néolibéralisme et les politiques anti-étatistes primaires ne pouvaient perdurer que grâce aux stabilisateurs keynésiens et aux multiples délires de surendettement qui ont pu exister grâce à la libéralisation totale de la finance. Ce sont les gabegies que les libéraux n'ont eu de cesse de critiquer qui ont empêché le système économique de s'effondrer totalement. Et cela durant toute cette longue période d'agonie intellectuelle, industrielle et politique que furent les années 73-2007. Comme le dit si bien Emmanuel Todd les néolibéraux sont maintenant seuls face à la réalité. Car les libéraux ont détruit leurs adversaires non sur le plan intellectuel, mais par l'accaparement de tout l'espace médiatique. Les libéraux sont en effet les premiers à violer leurs propres principes tout comme les communistes naguère, la liberté d'expression n'est bonne que pour ceux qui étaient dans le camp des "raisonnables" et du cercle de la raison. Le résultat nous le voyons aujourd'hui, les élites ne comprennent rien, leur unique grille de lecture leur fait répéter inlassablement les politiques qui ont pourtant provoqué la situation. Ils sont à l'image d'un pompier essayant d'éteindre un incendie avec de l'essence et pensant que la seule chose qu'il puisse faire c'est d'accroitre le débit pour éteindre le feu. Les politiques ne sont pas les seules à ne rien comprendre d'ailleurs il suffit de lire les articles des journalistes pour s'en convaincre. Ainsi l'on peut rire en lisant le titre de la dernière dépêche AFP concernant la hausse du chômage.
"La conjoncture économique plombe la lutte contre le chômage "
Si vous ne voyez pas ce qui est drôle, alors je ne peux rien faire pour vous. C'est une inversion totale de la logique de l'économie réelle, car c'est la hausse du chômage qui plombe en réalité l'économie. Nos journalistes et nos dirigeants en sont à un tel point d'incompréhension du réel qu'ils pensent l'économie comme un truc externe au travail, à la vie des gens, aux salaires, etc.. Pour eux il y a l'économie qui fonctionne toute seule, et puis si elle est gentille et si on lui fait des sacrifices (en réduisant les salaires, en cassant des fonctionnaires ou en brulant des communistes), peut-être qu'elle daignera produire des emplois. On marche littéralement sur la tête, on a affaire à des adorateurs de totems magiques. À ce stade-là l'économie est plus proche du Vaudou qu'autre chose. On voit les mêmes réactions ailleurs avec des raisonnements cloisonnés ignorant les fondamentaux du fonctionnement économique. Ainsi en lisant un article informatique je tombe sur ce lien de la tribune nous annonçant un effondrement des ventes de PC en Europe. En effet, les ventes ont baissé de 19% au printemps. Pensez-vous que le journaliste aura fait le lien avec la conjoncture et l'effondrement de la croissance et de la production partout en Europe? Non, c'est la faute aux tablettes graphiques, aux notebook, à la pluie, aux extraterrestres et probablement à la démission de Steve Jobs qui a provoqué un afflux vers les produits Mac. En aucun cas, cela ne peut être la faute de la stagnation des salaires et de la dégradation de l'emploi. Nos journalistes sont tellement habitués à trouver normal qu'il y ait de la croissance de la consommation sans hausse de salaire qu'ils n'arrivent pas à comprendre que cette croissance provenait des crédits et que l'arrêt de la consommation à crédit ne pouvait que provoquer cette baisse de la consommation. Trente ans de néolibéralisme n'auront pas seulement désertifié notre appareil industriel. Cela aura également désertifié les cerveaux de nos contemporains. Cette affaire de grigri économique me fait d'ailleurs penser à l'excellent épisode de Southpark sortie en plein crise des subprimes, je crois que cet épisode est même encore en dessous de la réalité par certains côtés:
Faire la bise aux riches, pour taper les pauvres
La plus grosse blague est quand même cette histoire d'impôts sur les riches que ces derniers consentiraient à faire (qu'ils sont généreux") à condition de bien casser l'état providence et les "rentes" sociales. J'use du terme de rente sociale parce qu'il me semble que c'est la vision que ces gens ont de la politique sociale, pour eux c'est une rente et une anomalie. Alors même que les riches vivent eux-mêmes de rente beaucoup plus considérable lorsque l'on connait la répartition du patrimoine. Car les vrais parasites ce sont bien les riches qui coutent infiniment plus qu'ils ne servent la société dans laquelle ils vivent. Pour vous donner un ordre de grandeur, vous pouvez lire l'article de Patrick Raymond. Il montre d'ailleurs l'impossibilité qu'il y a à sauver l'économie par les taxes sur les pauvres. C'est d'autant plus grotesque que l'on sait pertinemment que les riches sont globalement moins taxés que les autres eu égard à leur capacité à jouer sur les lois pour planquer d'énormes masses de capitaux dans les paradis fiscaux. Ils le savent d'ailleurs pertinemment, la hausse d'impôt même forte n'aura aucune incidence tant que l'état ne mettra pas fin à la libre circulation des capitaux. Tout ceci n'est qu'un grotesque plan marketing visant à justifier toujours plus de sacrifices pour ceux qui subissent déjà les effets de la crise. Une crise provoquée par ces mêmes couches supérieures et leurs délires libertaires. On parle souvent de dégraisser le Mammouth en critiquant l'éducation nationale. On pourrait enfin penser à dégraisser les riches, dont la plupart en France, comme dans d'autres nations occidentales, ne sont que des héritiers. L'héritage qui est pourtant la quintessence de l'immobilisme qu'ils critiquent tant.