Notre époque est formidable par bien des aspects, ainsi certains concepts oubliés commencent à refaire surface. Et certains comportements qui avaient été cachés pendant la période faste de "la fin de l'histoire", qui n'aura décidément pas duré longtemps, semble cette fois se montrer à visage découvert. Plus les crises qui frappent notre monde se font violentes et plus les rapports réels entre les nations apparaissent au grand jour. Qu'il est loin le bon temps où l'humanité allait s'aimer tout entière et où nous serions tous devenus de gentils américains obèses. La réalité des rapports de force nous apparaissent plus crument encore au royaume des bons sentiments planétaires, dans la vieille citadelle européenne aujourd'hui assiégée par des crises à répétitions inhérente à son propre fonctionnement, mais dont elle détourne les yeux. La construction Europénne montre aujourd'hui son vrai visage, et les différentes nations d'Europe commencent à remettre en marche les vielles tactiques des intérêts particuliers qui n'avaient en réalité jamais reculé sauf peut-être au royaume des alliénés français. Mais dans ce match de boxe international, c'est toujours le plus fort qui l'emporte, surtout lorsque le cadre des contraintes issues du monde ancien le lui permet. Il n'est donc guère étonnant de voir l'Allemagne imposer les politiques monétaires à l'ensemble de l'Europe qui lui sont avantageuses.
L'UE se déchire et les décisions sont de plus en plus ouvertement le fruit des rapports de force brutaux. Ce qui était caché par le langage et les comportements apparents pour construire "l'Europe" se montre désormais au grand jour. Ainsi les grandes puissances d'Europe viennent-elles de condamner à mort le Portugal au nom de leurs intérêts bancaires par une aide qui n'en est pas une puisqu'en aucun cas ce pays ne pourra se sortir de sa crise par les politiques de rigueur. La France et l'Allemagne emprunteront pour prêter au Portugal, une absurdité qui ne fera qu'étendre le danger à ces deux pays. Mais il est vrai aussi que les élites de ces pays ne se soucient guère des effets de ce genre de politique à long terme sur leur propre pays tant il est vrai que ce qui compte c'est plutôt l'intérêt des banques et des copains à court terme. Il faut également sauver la face d'une élite politique pro-euro qui préfèrera pousser le continent dans le précipice plutôt que de reconnaître ses erreurs. La mort avec l'euro plutôt que la vie sans lui semble être leur devise, bien sûr ce n'est pas vraiment eux qui souffrent de cette mort lente, et là est probablement l'origine de leur grand sens de l'irresponsabilité. Pour résumer la sauvegarde du Portugal, ou plutôt celle des banques françaises et allemandes ayant prêté au Portugal, se feront au prix d'un alourdissement des dettes publiques en France et en Allemagne. Le prix à payer pour ce "généreux" sauvetage sera la suppression de la démocratie au Portugal, enfin en novlangue on dira plutôt :"les pays en difficulté s’engagent à modifier fortement leurs politiques économiques : réduction rapide des déficits publics, amélioration de la compétitivité, le tout devant permettre d’équilibrer la balance courante.". Vous connaissez le train-train quotidien des remèdes libéraux qui mènent toujours vers des lendemains qui chantent, mais que l'on ne voit jamais arriver.
C'est ce que dit la dernière revue flash de Natixis écrite par Patrick Artus. Il s'agit ni plus ni moins que d'une nouvelle forme de colonialisme, un colonialisme qui n'use pas de canonnières, mais de titres de dettes que quelques états dirigés soit par des idiots, des corrompus, des gens mal renseignés ou les trois à la fois, ont eu le malheur de contracter. Je vous rassure la France n'est pas mieux guidée, elle est juste en retard sur les PIGS. D'ailleurs la fiche de nataxis compare les PIGS à l'ex-Allemagne de l'Est, comme si ces pays avaient vocation à devenir de futurs länder allemands... En comparant la situation des PIGS à celle de l'Allemagne de l'Est lors de la réunification, il aurait peut-être fallu que Patrick Artus précise aussi que l'Allemagne de l'Est est morte aujourd'hui. C'est devenu un terrain vague dépeuplé et sans avenir, l'entrée de la RDA dans la RFA a fait chuter la natalité et a vidé les läder l'Est de leur substance démographique et économique. On trouve même en Allemagne des gens pour regretter la réunification. D'ailleurs les coréens, qui ont un problème similaire avec leur voisin du Nord, ont étudier l'Allemagne et cette réunification. ils en ont conclu qu'un tel processus immittant celui de l'Alemagne pour la Corée du Nord serait une catastrophe pour leur pays. Du moins dans les même sonditions que celle qui ont été réalisé pendant les année 90 à savoir une fusion monétaire entre deux états radicalement différent économiquement. Il est donc peut-être mal venu de présenter cette réunification comme un succès. On peut voir d'ailleurs la construction européenne comme une super-réunification Allemande avec les mêmes effets à long terme, dépeuplement et destuction dans les lieux les moins avantagés, et concentration des richesses dans les territoires les mieux lotis.
Donc est-ce vraiment le genre de solution qu'il faut proposer aux Grecs, aux Espagnoles, aux Portugais et demain aux Français? Toute l'Europe va-t-elle devoir aller vivre en Allemagne pour faire survivre la monnaie unique? On le voit tout de suite et contrairement à ce qu'affirme Artus dans sa fiche, il est absolument faux de dire que les situations des PIGS sont semblables de près ou de loin avec la situation allemande durant les années 90. D'ailleurs un allemand de l'Est est un allemand, il parle cette langue, un portugais non. La mobilité ne sera donc pas la même à l'échelle européenne qu'à léchelle de l'Allemagne. Il est d'ailleurs certain que l'Allemagne n'aimerait pas accueillir toute la misère d'Europe que ses excédents provoquent. Alors que fait-on pour tous ces gens condamnés à la misère pour rembourser des dettes absurdes? On les laisse mourir? La situation est d'autant plus inquiétante que l'Allemagne de l'Est avait bénéficié d'énormes investissements directs à la réunification, des investissements bien plus important que ceux injecté par les fonds structurels Européens. Investissements qui n'ont quand même pas empêché le déclin de ces régions pour cause de deutschmark trop fort pour elles. On le voit bien, dans le cadre de l'euro il n'y a pas de solution aux problèmes portugais ou espagnoles juste la misère et la mort comme unique perspective. On trouvera toujours quelqu'un pour prôner le protectionnisme européen, mais plus personne n'y croit vraiment sur le plan de l'applicabilité politique.
Elle est belle l'Europe. La BCE aurait très bien pu émettre de la dette pour effacer l'ardoise, mais les dogmes en ont décidé autrement. Et la réalité c'est que cela mettra à terme en danger la France et l'Allemagne qui sont déjà très endettées. Et quand l'Espagne à son tour se retrouvera dans la situation du Portugal, on se demande vraiment qui en Europe sera capable de la sauver. On imagine déjà les européens aller quémander une aide à Pekin cette dernière rachetant l'Europe avec des titres de dettes chinoises imprimés en un instant. Et dire que pour vaincre l'occident il n'aura fallu que quelques machines à imprimer et une idéologie débile, alors qu'il avait fallu aux occidentaux tout un arsenal militaire pour mettre à bas l'empire du Milieu.
L'Islande dit merde aux créanciers
Cependant plus au nord il semble tout de même qu'il reste quelques peuples européens avec un semblant d'esprit d'indépendance et de bon sens puisque les islandais viennent à la quasi-unanimité de rejeter le plan de sauvetage de la banque Icesave. Nous avions déjà vu dans ce texte les effets des politiques alternatives misent en place dans ce pays du grand nord. Cette histoire a connu de nombreux rebondissements, les élites serviles de ce pays n'arrivant décidément pas à convaincre la population qu'il soit juste pour elle de payer pour les risques pris par quelques épargnants britanniques et hollandais trop avares et stupides. Comme vient de l'annoncer cette dépêche AFP la population islandaise a rejeté le dernier plan de sauvetage à 70% soit une écrasante majorité. On remarquera, ironie de l'histoire, que le premier ministre de centre "gauche" Johanna Sigurdardottir se désole du résultat du référendum, comme quoi il n'y a pas que le PS français qui est un parti de droite se prétendant de gauche. On apprend toujours dans la même dépêche que des menaces se font jour vis à vis de l'Islande. Il est probablement dommage pour les élites britanniques ou hollandaises que l'Islande soit dépourvue d'un Kadhafi local à bombarder. Il faudra trouver autre chose pour justifier d'une intervention militaire au nom des droits de l'homme. Dans un pays qui fait comme l'Islande massivement appel aux référendums, une intervention militaire au nom de la démocratie ferait quand même un peu désordre. Les mensonges ont des limites médiatiquement parlant.
En tout cas, ce comportement néocolonialiste des grandes puissances occidentales montre les mêmes tares que son ancêtre du 19ème siècle. Car la motivation des politiques agressives vis-à-vis de peuples étrangers ne provient pas d'un réel intérêt national, c'est particulièrement vrai dans le cas du Portugal qui se voit carrément mis sous tutelle. L'achat de titre de dette portugaise par la France et l'Allemagne met en danger ces pays bien plus sûrement qu'un effondrement des banques. En réalité le comportement néocolonialiste est le fruit d'intérêts particuliers proches du pouvoir ou des sphères du pouvoir. Et de la même manière que seuls quelques européens se sont réellement enrichis grâce aux empires coloniaux au détriment de l'intérêt de leurs nations respectives, les nouvelles formes de colonialisme se font essentiellement au détriment à la fois des peuples victimes et des peuples bourreaux. Ce n'est pas l'intérêt national de l'Allemagne qui est défendu par les prétentions germaniques à l'imposition de politiques économiques aux pauvres Portugais et aux autres mauvais élèves européens, ce sont les intérêts des banques et des multinationales allemandes la nuance est de taille.
Le néocolonialisme des riches
En réalité le néocolonialisme économique actuel n'est pas un processus entre nations, car les nations ne sont en fait que les outils de puissance utilisés pour défendre tels ou tels intérêts particuliers. C'est particulièrement valable aux USA où les lobbys de toutes sortes ont déjà montré leur influence sur l'état américain. On attend ainsi toujours une véritable réforme financière aux USA et un nouveau Glass steagall act, une loi de séparation des banques de dépôt et des banques commerciales. C'est le seul mécanisme capable de vraiment éviter qu'une crise financière ne s'étende à toute l'économie. Le fait qu'il ne s'est rien passé de tangible, malgré le désastre financier d'une ampleur sans précédent depuis 1929, montre que les USA ne sont plus la nation démocratique qu'ils ont pu être à un moment donné de leur histoire. Les groupes d'influence ayant littéralement acheté la démocratie. Heureusement pour nous ces lobbys sont souvent divisés entre eux et ont des intérêts contradictoires. En Europe le parlement est tout aussi coopté par les milieux des affaires qu'aux USA, à croire que plus une structure est grande et moins elle peut se révéler démocratique. L'image d'une Islande qui permet à ses citoyens de s'exprimer sur des questions aussi sérieuses que la dette publique pendant que l'énorme Europe empêche tout débat sur ça est un peu la symbolique de cette idée. Il reste à espérer qu'il y est assez de force chez les peuples des PIGS pour refuser ce dictat économique et cette injustice flagrante qui leur est faite. Les peuples n'ont pas à payer pour les erreurs manifestes de leurs dirigeants, erreur qu'ils continuent pour la plupart à nier. Nous sommes à la croisée des chemins, si nous continuons en Europe dans la voie actuelle la démocratie ne sera plus viable. Et je ne pense pas qu'humilier indéfiniment des nations et des peuples puisse être une situation durable, les Portugais ont encore la possibilité de faire comme les Islandais. La possibilité de se libérer des chaines qui les empêchent d'agir sur leur économie en dévaluant et en retournant à des politiques de monétisation ou de protectionnisme. Le Portugal n'a pas à devenir un sous-länder allemand ou une espèce de protectorat d'un nouveau genre.