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16 mai 2011 1 16 /05 /mai /2011 18:01

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J'ai souvent parlé sur ce blog de l'absurdité ontologique qu'il y avait à prôner un libre-échange total à l'échelle de la planète. Et par libre-échange j'entends une libre circulation des marchandises sans prise en compte des spécificités locales qui rendent par nature ce libre-échange inégalitaire. En effet, des règles identiques pour des peuples inégaux en terme de développement économique ne pouvait que produire des déséquilibres condamnant à terme le fonctionnement de l'économie monde. Comme l'avait dit Frédérique Lordon nous avons affaire non pas à un libre-échange, mais à un commerce distordu par les inégalités naturelles des sociétés. Le protectionnisme dans ce cadre consiste donc à rétablir une égalité là où il n'y en a pas, et à faire en sorte que le fort n'opprime pas le faible. Ici le fort étant celui avec le cout du travail le plus faible à productivité élevé. À cela s'ajoute le fait que beaucoup de pays ne pratiquent le libre-échange que s'il est avantageux pour eux, et le protectionnisme autrement. Même les bureaucrates européens semblent enfin s'en rendre compte comme on le voit dans cet article même si leurs réactions sont minimalistes, leurs mesures dérisoires et trop tardives. Entre des monnaies sous-évaluées et des politiques de soutien discrètes, des pays comme la Chine ont pu accumuler des excédents tout à fait déraisonnables pour l'équilibre économique planétaire. Là est le cœur de la production des crises économiques à répétition dont la crise de 2008 n'est que le denier avatar. C'est pour cela que l'on peut prôner comme le fait Jacques Sapir dans son dernier livre une démondialisation, dans le sens où il faut mettre un arrêt à ces déséquilibres monstrueux qui menace la stabilité du monde en revenant à une dose de régulation frontalière.

 

 

    Cependant à bien y réfléchir le terme démondialisation n'est peut-être pas le plus indiqué pour parler de ce processus. En fait que cherche-t-on à faire fondamentalement en rétablissant les frontières? Il ne s'agit pas simplement de rendre à l'économie son souffle et a rééquilibré l'offre et la demande en favorisant plus le travail que le capital. Il s'agit aussi de lutter contre le chaos qui découle naturellement de l'abolition des frontières. Un chaos qui est le fruit de la destruction de tous les pouvoirs des instances régulatrices qu'étaient les états nations. Ce que Régis Debray avait talentueusement démontré dans son éloge de la frontière.

 

Un découplage mondial plutôt qu'une démondialisation

 

 

  Et ce n'est pas qu'une affaire de pure rigueur sémantique. Il y a derrière cela une vision à plus ou moins long terme de ce que sera dans quelques années l'organisation de l'économie mondiale. Car le terme démondialisation pourrait d'une certaine manière soutenir l'idée qu'à l'heure actuelle, effectivement, la mondialisation est une mauvaise chose, mais que sous d'autres conditions cela pourrait fonctionner. C'est d'ailleurs un propos qui revient souvent chez bon nombre d'alternatifs à l'image des altermondialistes. À titre personnel je suis convaincu que cela ne pourra jamais marcher et qu'une telle vision découle plus d'un tropisme historique lié à l'histoire propre de l'occident de ces deux cents dernières années que d'un sens de l'histoire humaine à long terme. La mondialisation découle de la croyance en l'interaction totale de toutes les sociétés humaine entre elles. Si de tels liens existent, on a légèrement tendance à en amplifier les effets, souvent pour des raisons idéologiques. Historiquement les civilisations se sont surtout construites localement, et face à une adversité bien délimitée en terme d'espace géographique. L'idée que le monde a toujours été totalement interconnecté et que les civilisations se sont largement inspirées les unes des autres est une exagération d'ordre idéologique visant souvent à soutenir l'actuelle évolution du monde. Un monde actuel unit essentiellement par la force d'une puissance particulière celle des USA et dont l'avenir proche nous dira s’il pourra survivre à son créateur.

 

 

Mais effectivement le monde actuel est bien unifié, les problèmes des uns se répercutant sur d'autres. Et c'est bien là qu'est le problème, car un monde unifié au sens économique, mais qui ne peut pas l'être au sens politique est particulièrement vulnérable à n'importe quelle instabilité locale. Si nous vivons dans un monde chaotique, ce n'est pas parce que la mondialisation a été mal construite, c'est parce que c'est dans la nature même de la mondialisation de produire du chaos. On pourrait prendre l'exemple simple d'un pays qui pour équilibrer sa balance commerciale avec un autre pays dévaluerait sa monnaie. Même si ce faisant il rééquilibrait sa balance commerciale avec ce pays, il se pourrait que sa dévaluation produise dans le même temps un excédent avec un autre pays. Ce dernier serait alors à son tour obligé de dévaluer sa monnaie et ainsi de suite. On comprend alors aisément qu'un tel système produise des instabilités et des guerres monétaires. En fait, les multiples interactions entre nations rendent impossible une régulation correcte des économies nationales. Certains rêvent donc de créer un système mondial, un gouvernement mondial visant à rétablir ces équilibres. C'est le rêve d'un Jacques Attali ou des altermondialistes. Le problème c'est qu'en pratique il est impossible à réaliser. Mais il se trouve qu'en plus nous vivons déjà dans un tel système. En effet l'état mondial c'est l'état des USA qui par ses déficits commerciaux et financiers permet le rétablissement des comptes chez les autres nations. On verra d'ailleurs les effets de la contraction de la demande intérieure américaine lorsque le gouvernement US sera obligé de réduire la voilure. Sans les déficits américains, la mondialisation n'est tout simplement pas viable. Or c'est très exactement ce système monde organiser autour des USA comme pilier stabilisateur qui est en train de s'effondrer. Croire qu'en changeant de protagoniste nous créerons un meilleur système est à mon avis illusoire, nous ne ferions que repousser l'inévitable.

 

 

La réalité c'est que l'organisation humaine ne peut probablement pas fonctionner à une telle échelle, ou alors avec des gaspillages et une inefficacité monstrueuse. L'expérience européenne nous montre d'ailleurs que de telles échelles sont loin d'être des garanties de prospérité. Alors puisqu'il est impossible de trouver des solutions à cette échelle, il nous faut simplifier le problème. Lorsque les physiciens ont un problème insoluble pris dans son ensemble, ils le découpent en petits morceaux indépendants les uns des autres. Et cela de façon à résoudre chaque problème indépendamment, c'est la façon de faire scientifique depuis Descartes. Une fois que chaque partie est bien délimitée, on peut y appliquer des solutions locales, tout le problème étant souvent de bien découpler les variables. Ainsi un électronicien supposera que son circuit en cour de conception fonctionnera à telle température de façon à ce que la résistivité ne varie pas, c'est ce que l'on appelle des conditions de fonctionnement. Il s'agit d'éliminer des paramètres physiques pour qu’un appareillage fonctionne. Il en va de même pour tout modèle en physique, ils ont des limites de fonctionnement. Il n'est donc guère étonnant qu'il y ait la même problématique dans les sciences sociales ou économiques. Le découplage est un moyen pour l'esprit humain de concevoir des raisonnements applicables. La réalité prise dans sa complexité totale nous échappant totalement. C'est très exactement ce qu'il faut faire avec la mondialisation, et c'est d'ailleurs très exactement ce vers quoi nous nous dirigeons. Le monde actuel étant incapable de fonctionner, ou nos esprits humains étant peut-être simplement incapables de le gérer. Nous devons donc le découper en de plus petite partie pour rendre le système global intelligible. Et pour y arriver, chaque partie doit être découplée de sa voisine.

 

 

Le but de ce découplage des variables du problème étant de permettre de trouver une solution tout simplement. Les frontières et le protectionnisme entrent donc ici dans le cadre d'une vision plus générale visant à rendre à nouveau notre monde intelligible. Il ne s'agit donc pas d'une mesure temporaire visant à trouver des solutions pour construire plus tard un monde uni et « solidaire », tel qu'on le rêve à la gauche de la gauche. Il s'agit de construire le seul monde possible dans les limites de la faisabilité pratique. La division humaine est le fruit de l'histoire, des peuples, des cultures, des organisations se sont construites dans des espaces géographiquement localisés. Cette diversité est un fait, une politique rationnelle doit en prendre acte. Il n'est dès lors pas possible d'avoir une seule politique pour la planète entière, car il y a trop d'intérêts disparates qui l'en empêche. Dès lors, mieux vaut que chaque partie fonctionne de façon relativement autonome, l'idée même de mondialisation est donc profondément dangereuse. Je préfère donc parler de découplage mondial plutôt que de démondialisation. Et là où le découplage sera particulièrement important dans les années qui viennent, ce sera dans le cadre écologique. En effet, chaque peuple devra trouver des solutions locales à ses problèmes énergétiques. Et comme je l'avais écrit dans ce texte, face à la rareté la nature complexifie, elle diversifie. Il en ira de même pour la pénurie de matières premières et d'énergie, chaque peuple trouvera ses propres solutions qui seront parfois très différentes de celles de son voisin, même proche. Le découplage nécessaire produira un monde plus diversifié, et plus efficace au sens écologique, et non un monde standardisé comme on a pu le craindre avec la domination américaine.

 

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commentaires

M
<br /> <br /> " face à la rareté la nature complexifie, elle diversifie"  mais quid du quantitatif  des ressources non renouvelables  et de la courbe démographique planétaire<br /> ?<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> L'idée fait son chemin chez les dinosaures socialistes , je trouve Montebourg très pédagogique sur le  protectionnisme.Quand il explique calmement que dans un monde sans règles la régulation<br /> devient une nécéssite ,ses contradicteurs lui imputent rarement des idées "nauséabondes"  comme pour d'autres, peut être parce qu'il aborde la question sous l'angle égalitariste et<br /> écologique,c'est un politicien habile.<br /> <br /> <br /> ps : si avec l'affaire DSK les socialistes se rendent pas compte que la mondialisation apportent plus de problèmes que de solutions...<br /> <br /> <br /> <br />
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