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11 septembre 2023 1 11 /09 /septembre /2023 17:16

 

On a déjà parlé longuement sur ce sujet, mais il est tellement important qu'on ne saurait y revenir régulièrement. En effet, la fécondité conditionne l'avenir d'une société et d'une civilisation . La situation démographique actuelle au Japon par exemple montre qu'une natalité trop faible pendant longtemps peut casser une nation même si cette dernière a par ailleurs de grandes qualités en matière d'instruction ou d'organisation économique. La future crise dramatique qui frappera la Corée du Sud pour la même raison montrera que même une société à la pointe de la technologie et de l'évolution économique ne peut échapper à la dure loi de la démographie. Dans ce texte, nous allons nous concentrer sur la situation française. C'est important de le souligner parce que le comportement des populations vis-à-vis de la natalité est très différent d'un pays à l'autre. Et des solutions qui seraient valables dans le contexte d'une nation particulière pourraient très bien ne pas fonctionner dans un autre contexte culturel et national. Ne tombons pas dans le prisme analytique français traditionnel, celui qui consiste à penser que tous les hommes et tous les peuples sont identiques et égaux. Les peuples sont différents. Ne serait-ce que sur les questions de l'organisation familiale. Je renvoie bien sur les lecteurs aux ouvrages l'Emmanuel Todd sur ces questions.

 

Il est bien évident que la crise de la natalité au Japon, en Chine, en Italie ou en France, si elles ont en commun la hausse du niveau scolaire des femmes et leur entrée dans la vie active, diffère quelque peu en pratique. Comme je l'ai expliqué longuement dans mon texte consacré au déclin démographique français, notre pays est le premier au monde à avoir passé la transition démographique. D'après les démographes, il s'agit de la collusion entre l'effondrement de la croyance religieuse, la hausse du niveau scolaire des femmes et les pratiques répandues dans notre pays de contraceptions naturelles diverses et variées. Le début de la transition démographique en France date du 18e siècle, c'est donc un phénomène ancien chez nous, contrairement au reste de la planète. Cette précocité de la baisse de la natalité fait de la France un pays un peu à part puisqu’en quelque sorte il mène la danse depuis deux siècles sur cette question. Et si l'on pouvait penser que la France avait enfin résolu son problème après guerre, on est bien obligé de constater que depuis les années 70 et encore plus depuis 2014 la France recommence à avoir une natalité dangereusement basse. La France connaît maintenant le nombre de naissances le plus faible de son histoire. Des chiffres qui surprennent même les démographes par leur ampleur. En un sens, la France, sous la coupe de l'Allemagne et de l'UE, s'aligne sur la démographie continentale catastrophique alors qu'elle avait plutôt bien résisté jusqu'à 2014 et la très mauvaise réforme du quotient familial de Hollande. J’insiste sur le rôle de l'ancien président sur la question.

 

En effet, rappelons que la politique familiale française n'a jamais été un système de redistribution. Pour faire ça, on a l'impôt sur le revenu et les politiques fiscales. Le but de la politique familiale française, pensé en partie par le père de l'INED Alfred Sauvy , était de faire en sorte que les gens n'aient pas peur d'avoir des enfants. Il avait compris que nous étions passés d'une société où l'on naissait par hasard à une société où l'on naissait par volonté et que cela changeait tout. C'est un changement anthropologique qui n'a pas d'équivalent dans l'histoire, sauf peut-être le passage du mode de vie de chasseur-cueilleur nomade à celui d’agriculteur sédentaire. En effet, désormais, la psyché de la population devenait primordiale. Et alors que les malheurs du monde et des sociétés n’empêchaient pas autrefois les naissances de continuer, et donc permettaient aux sociétés de se remettre même de drames absolus comme les deux guerres mondiales ou la guerre de trente. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. L’angoisse du futur, les problèmes économiques et l'impossibilité de se projeter dans l'avenir conditionnent désormais la possibilité d'avoir des enfants. Plus que jamais dans son histoire l'humanité contrôle désormais totalement sa destinée pour le meilleur, mais aussi pour le pire. Car nous le savons, généralement, les humains, surestiment grandement leur capacité à se projeter dans le futur. Et nombre de gens n'ayant pas ou peu d'enfants pourrait simplement avoir surestimé les difficultés que cela aurait engendrées pour eux-mêmes et leurs proches. Alors que la natalité était un sujet secondaire pour les sociétés traditionnelles, car les gens faisaient des enfants, quelles que soient les conditions de vie. Dans une société maîtrisant sa fécondité, cela devient une politique extrêmement importante, et à ne pas négliger, sous peine de grandes catastrophes.

 

Mode de vie et fécondité

 

J'insiste sur cette question parce que l'on entend trop souvent des discours simplistes sur cette question. Combien de fois a-t-on entendu un discours sur l'individualisme qui réduirait les naissances ? Les gens sont égoïstes donc ils n'ont pas d'enfants. Un discours de droite stupide, mais la gauche n'est pas en reste avec sa baisse de la natalité pour sauver le climat et la planète. La vérité est tout autre comme le montre le petit graphique ci-dessous. Il s'agit de la fécondité en fonction des revenus. Comme vous pouvez le voir, la courbe ne colle pas vraiment avec les descriptions que les éditorialistes et autres gratte-papier pseudojournalistes racontent régulièrement sur les antennes et dans les journaux. D'un côté on voit une plus forte natalité chez les très bas revenus. À titre personnel, je pense qu'il s'agit là de l'effet immigration. Je rappelle que les immigrés sont globalement moins diplômés et plus touchés par la précarité de l'emploi. Ils sont donc plus nombreux en proportion dans les bas revenus. Or venant de pays en retard sur le plan de la transition démographique, ils gonflent la fécondité des très bas revenus. C'est d'autant plus vrai que les Algériennes ou les Marocaines qui vivent en France ont un taux de natalité plus fort que dans leur pays d'origine. Un effet probable de la politique familiale française. Mais c'est un autre débat.

 

 

On voit rapidement que la fécondité s'effondre à 1000 euros de revenu. Elle ne remonte à un niveau raisonnable qu'à partir de 1900 euros de revenu. Rappelons que le revenu médian est à 1850 euros par mois en France. Cela veut dire que la moitié des Français n'ont pas un revenu suffisant pour faire des enfants selon les conditions que la population juge correctes. Je précise bien ça parce que ce n'est pas objectif. On a tous connu des familles relativement heureuses qui ne roulaient pas pour autant sur l'or. C'est aussi une affaire d'appréciation générale de la vie et de rapport à la société. C'est ici qu'on touche la difficulté à appréhender correctement ces problèmes d'ailleurs. Mais si l'on se fie à ces statistiques, on peut dire en gros que les Français considèrent qu'il faut à l'heure actuelle un revenu de 2000 euros par mois pour faire deux enfants dans des conditions raisonnables. Un niveau de revenu qui est atteint par moins de la moitié de la population. Contrairement aux idées reçues en dehors des couches sociales très pauvres, en France ce sont les populations les plus riches qui font des enfants, dont les CSP+.

 

On pourrait ajouter à cette réalité deux autres facteurs. Le premier est que les Français vivent de moins en moins en couple. Cependant, la baisse n'est pas aussi rapide que ce que l'on pourrait croire, elle est en tout cas bien moins rapide que la baisse de la fécondité. Ainsi en 2019, seulement 59% des Français vivaient en couple contre 64% en 1999. Ce facteur est à prendre en compte, mais il n'est pas aussi déterminant et grave que ce que l'on pense généralement. Par contre là encore, les revenus jouent un rôle important. En effet le célibat est beaucoup plus important chez les couches sociales les moins bien loties financièrement. Cela rejoint les analyses d'Emmanuel Todd dans son dernier livre consacré aux femmes « Où en sont-elles ? ». Si les femmes ont beaucoup gagné financièrement ces quarante dernières années, au point de maintenant globalement dépasser les hommes, sauf dans la fine couche sociale des 5% les plus riches. Elles ont quand même gardé leurs habitudes d'hypergamie. Évidemment si dans une société traditionnelle où les femmes ne travaillent pas l'hypergamie n'est pas un problème pour produire des couples. Ce n'est pas du tout la même chose dans une société où les femmes font autant, si ce n'est plus, d'études que les hommes, et qu'elles gagnent bien leurs vies. Les femmes cherchant des hommes ayant un statut social égal ou supérieur se retrouvent avec un problème d’arithmétique simple, il n'y a pas assez d'hommes au statut social élevé pour correspondre aux attentes féminines. On a là à mon humble avis le fond de l'explosion du célibat dans les pays avancés. Évidement moins il y a de couples qui se forment, et plus il est difficile de maintenir un niveau de fécondité moyen correct.

 

 

Enfin, parlons du dernier facteur qui nuit à la fécondité en France, celui du logement. Même si à l'heure actuelle l'on voit un début de baisse des prix, rien n'indique pour l'instant que l'on reviendra rapidement à des niveaux cohérents avec le niveau des revenus de la population. On en a déjà parlé, la bulle immobilière a été le seul moteur de l'économie française ces vingt dernières années. Les taux d'intérêt très bas ont orienté le marché immobilier vers des niveaux totalement absurdes par rapport aux revenus disponibles. Mais comme la baisse de l'immobilier signifie une destruction de capital pour une partie importante de la bourgeoisie française, il est bien évident que le gouvernement va tout faire pour maintenir le marché immobilier. On peut d'ailleurs mettre la mise au ban de 2,3 millions de logements du marché locatif, est un moyen détourné à mon sens pour sauver le marché de la location de la baisse. L'écologie comme bien souvent n'est qu'un prétexte utilisé à d'autres fins. Pourtant, la baisse des loyers et du prix du mètre carré ne serait vraiment pas un luxe, surtout pour les familles. Comment ne pas voir que l'impossibilité de se loger correctement participe aussi à l'effondrement de la natalité. Entre les loyers délirants, l'inflation alimentaire qui explose et l'absurdité du prix de l'électricité sous l'effet du marché européen de l'énergie comment faire pour fonder une famille en se projetant dans l'avenir? Et je ne parlerai pas ici du chômage dont les statistiques ont été largement trafiquées pour valoriser artificiellement les politiques économiques médiocres d'Emmanuel Macron.

 

On le voit, pour résoudre le problème démographique en France, il ne sert à rien de parler comme Zemmour, le RN ou les identitaires. Le problème n'est pas l'individualisme, les valeurs morales ou je ne sais quel truc idiot de l'extrême droite. C'est avant tout les conditions économiques du pays. Et en ce sens, la France a bien de la chance. Parce que ce genre de problème est tout à fait soluble à l'échelle de l'état. Il suffirait de revenir à une politique familiale raisonnable ainsi qu'à une politique macroéconomique rationnelle. Une vraie politique économique qui nécessiterait bien évidemment une sortie de l'euro et de l'UE pour permettre des politiques protectionnistes qui conditionnent la réindustrialisation du pays . On pourrait également lancer un vaste plan de construction de logement public pour casser le phénomène de rente dans l'immobilier et revenir à une régulation du secteur comme c'était le cas avant 1986 et l'acte unique européen. Bref ce que je veux dire ici c'est que contrairement à beaucoup de pays je pense notamment à l'Allemagne, à la Corée ou au Japon, notre problème démographique est résorbable par des politiques économiques. Au Japon, où une grande partie des Japonaises ne veulent pas d'enfants, ce serait autrement plus compliqué.

 

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