Nicolas Dupont Aignan était l'invité de Zemmour et Naulleau lors de leur dernière émission sur Paris Première. À l'occasion de cette émission je me suis aperçu du manque de clarté de la part de NDA sur la question de l'inflation. Ainsi que de quelques oublis de sa part sur la question du protectionnisme. Oublis et erreurs qui ont permis à Éric Zemmour d'aligner ses idées reçues sur les questions monétaires, il a fait de multiples erreurs qui n'ont pas été perçues sur le moment par NDA. Erreurs qui auraient pu justement permettre au candidat de rebondir plus fortement qu'il ne l'a fait.
1- L'inflation
Tout d'abord, Éric Zemmour sans trop s'en rendre compte a ingurgité les analyses économiques libérales que par ailleurs il semble rejeté. En effet il pense intrinsèquement que l'augmentation monétaire est inflationniste, c'est pourtant totalement faux. L'augmentation de la masse monétaire est une condition intrinsèque de la croissance économique et de la croissance de l'activité et des échanges. Il faut bien comprendre que l'accroissement de l'activité ne doit pas être empêché par une stupide stagnation de la masse monétaire. Cette leçon provient directement de l'époque de l'entre-deux guerre, une période où les politiques essayaient de maintenir artificiellement un étalon or qui n'avait plus de sens dans un monde où la croissance de la productivité, de la population et des échanges entraînait ipso facto la nécessité de l'augmentation de la masse monétaire. Si Keynes disait de l'or qu'il était une relique barbare, c'est en premier lieu parce que sa relative stabilité quantitative faisait de lui une piètre monnaie pour accompagner des sociétés en croissance technique et démographique.
L'inflation n'apparait en réalité que lorsque l'augmentation de la masse monétaire est supérieure aux capacités de production d'une nation. Dans un pays où le chômage est massif et où les capacités de production sont sous-employées, le risque inflationniste est nul. Il suffit de voir la situation japonaise pour s'en convaincre. C'est d'autant plus vrai que les pays occidentaux ont cassé le salariat avec le libre-échange condamnant ainsi définitivement toute hausse des salaires et de l'inflation. Dans le régime actuel, il est d'ailleurs bon de noter que la hausse de la masse monétaire excessive de ces vingt dernières années s'est traduite non pas par une inflation galopante, mais par une explosion du prix des actifs et des bourses. La vraie inflation de notre temps étant celle de l'immobilier et des intérêts ponctionnés par la rente financière et foncière.
Ensuite, l'inflation n'est plus un problème pour un pays qui indexe ses salaires sur l'inflation, dans ce cas-là l'inflation est même un fabuleux outil pour rééquilibrer les revenues entre le capital et le travail. De cela, malheureusement, NDA n'a pas parlé. Ce qui compte ce n'est pas l'inflation des prix, c'est l'évolution du pouvoir d'achat. En Argentine l'inflation est très forte, mais les salaires suivent. Quant à la fuite des capitaux, elle se résoudra simplement par le retour au contrôle des frontières des capitaux qui de toute façon doit accompagner le retour d'une économie plus autosuffisante.
2- Le protectionnisme
Deuxième point qui aurait dû être abordé par NDA, mais qu'il n'a pas encore compris. C’est que le véritable avantage du protectionnisme n'est pas dans sa capacité à relancer la croissance économique. En réalité, Zemmour a attaqué là où ça fait mal en soulevant la question des rétorsions commerciales que les pays comme la Chine ne manqueront pas de mettre en place une fois que la France redeviendra protectionniste. Le problème de NDA c'est qu'il est à mis chemin de son parcours de réflexion sur le libre-échange. Le but du protectionnisme actuel n'est pas de permettre à la France de relancer sa croissance par les exportations. C'est impossible dans le contexte actuel, car il n'y a plus de demandeur en dernier ressort. L'économie US est exsangue et même avec un fort protectionnisme nous ne serons jamais compétitifs à l'extérieur face à la Chine qui pompera toute la demande mondiale.
En fait le vrai intérêt du protectionnisme, c'est qu'il rend possible une politique keynésienne de la relance de la demande intérieure, soit par la hausse des salaires, soit par la hausse des investissements, ou les deux à la fois. Le protectionnisme ou la dévaluation seule ne suffiront pas à relancer l'activité eu égard aux conditions macroéconomiques actuelles de la planète. C'est un point essentiel qui manque cruellement à NDA et qui pourtant lui permettrait de se différencier fortement de Marine Lepen. Il faut proposer en plus de la dévaluation et du protectionnisme une politique massive de relance. Avec d'une part, un plan d'investissement dans l'industrie visant à reconstruire une base industrielle forte, et d'autre part, un plan visant à augmenter les salaires de façon significative pour permettre aux entreprises locales de trouver des débouchés pour réduire le taux de chômage. On peut même trouver combien il faudrait pour que la France retrouve le plein emploi en partant du taux de croissance nécessaire pour revenir au plein emploi. L'épargne en France représente environ 15% des revenus, ce qui fait que le coefficient du multiplicateur keynésien en France, en supposant l'économie protégée de l'extérieur, est de 1/0.15=6.67 . Ce qui veut dire qu'une injection monétaire produira un accroissement du PIB 6.67 fois plus important que l'argent injecté au départ dans le circuit économique. En supposant que pour obtenir le plein emploi il nous faut une croissance d'au moins 5% par an pendant quatre ans. En prenant le PIB français de 1850 milliards d'euros, cela veut dire une augmentation annuelle de 92.5 milliards par an. Pour obtenir une telle augmentation en prenant en compte le multiplicateur keynésien il faudrait environ 92.5/6.67= 13.67milliards d'euros. Il faudrait donc injecter tous les ans environ 14 milliards d'euros pour obtenir une croissance de 5% et résorber le chômage en quelques années.
Il s'agit ici de création monétaire pure même si théoriquement une dette supplémentaire peut avoir le même effet. Ce raisonnement n'est valable évidemment que si auparavant la France a remis des frontières aux marchandises et dévalué en partie sa monnaie. Il est bien dommage que Dupont Aignan ne parle pas plus de la nécessité d'un plan de relance visant au plein emploi. Car dans le contexte actuel il est fou de croire que nous pourrons relancer la machine seulement avec la dévaluation ou le protectionnisme, ce sont des outils nécessaires, mais non suffisants pour atteindre l'objectif suprême qu'est le redressement économique et moral de notre pays. Et cela, ses adversaires politiques le savent. 14 Milliards d'euros c'est n'est pas grand-chose si on compare cela aux milliards gaspillés pour sauver les banques de façon totalement contreproductive. Ces milliards auraient été mille fois plus utiles dans l'industrie, la recherche ou la hausse des salaires. D'ailleurs, les banques auraient obligatoirement bénéficié indirectement d'un plan de relance de la demande intérieure puisque l'activité économique aurait augmenté et donc leurs bénéfices avec. À l'inverse les multiples plans de rigueurs actuels ne font que diminuer la croissance et ont des effets dépressifs qui vont conduire l'UE à la dépression. Ce n'est qu'une fois revenu à un chômage inférieur à 2% que l'on devra réellement s'inquiéter d'une éventuelle inflation excessive.