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10 septembre 2011 6 10 /09 /septembre /2011 18:53

 mass100-vip-blog-com-280355Barack_Obama.jpgAinsi donc, les politiques contradictoires de l'occident font-elles à nouveau surface. Avec d'un côté une Amérique qui officiellement s'inquiète de la hausse de son taux de chômage, et de l'autre une Europe qui s'enferme dans une politique de contrition salariale et de baisse de la dépense publique. On ne pourra bien sûr que pencher en faveur de l'Amérique pour ce qui est de la volonté de faire baisser le chômage. Il semble bien que même corrompu au plus haut niveau, comme ses consœurs européennes, les élites américaines gardent encore un soupçon de bon sens face à la réalité du monde. Il faut dire également que l'Amérique n'a pas décidé de sortir de l'histoire et de laisser aux autres peuples le soin d'écrire ses orientations économiques ce qui n'est pas le cas de la vielle Europe aujourd'hui dominer culturellement et mentalement. Les USA gardent une farouche volonté politique et restent persuadés que ce sont bien les politiques menées qui orientent l'évolution économique, et non une espèce de météorologie hasardeuse poussant un coup vers la récession, puis un autre vers la crise. L'Europe, elle, se laisse flotter sur le flot de l'évolution économique considéré comme naturelle et comme étant la résultante de l'orientation du saint marché. Nous voyons dans cette affaire que c'est bien l'Europe et non les USA le royaume le plus achevé du libéralisme triomphant. Et c'est aussi dans cette région du monde que les crises seront les plus violentes et destructrices tant l'abandon de toute forme de politique y est devenu la seule et unique pratique. La politique n'étant plus considérée que comme un moyen de communication pour faire croire que l'on fait quelque chose.  

 

Les USA dans l'impasse libre-échangiste

 

   

La proposition de Barack Obama de vouloir faire une nouvelle relance de 447 milliards de dollars est tout à fait pertinente. Quoi qu’en dise les malades mentaux de l'équilibre budgétaire que sont ses opposants républicains, ou les dégénérés qui se pensent sage et qui dirigent la construction européenne. Tout montre pourtant que les politiques de laissez-faire ou de contrition de la demande ne font en général qu'aggraver le problème en détruisant les ressources. Même le très officiel organisme du CNUCED le reconnaît. Nous en avons parlé ici moult fois et la situation de la Grèce nous montre vers quoi les politiques de réduction de la demande dans le but de rééquilibrer les comptes publics ne règlent jamais les problèmes d'endettement, mais les aggrave.  Cependant, il y a trois obstacles majeurs qui s'opposent et s'opposeront à nouveau à la réussite du plan de relance d'Obama. Des obstacles qui font que ce nouveau plan ne marchera pas mieux que le premier et peut-être même moins bien.

 

 

 

 

   En premier lieu, la nature de ce plan de relance est loin d'être optimale pour réactiver l'économie. L'une des mesures habituelles aux USA étant de baisser les impôts ce qui en pratique n'est pas la meilleure méthode pour relancer la demande, car ce genre de baisse ne touche pas prioritairement les ménages qui ont la plus forte propension à consommer. De plus, on sait que les impôts sont trop bas aux USA surtout pour les populations les plus riches. Les USA connaissent aujourd'hui un niveau d'inégalité aussi élevé qu'au début du vingtième siècle, la baisse d'impôt n’est donc pas une bonne idée, il faudrait très certainement fortement les augmenter sur les tranches les plus élevées. Rappelons d'ailleurs au passage qu'après l'époque de Roosevelt les impôts sur les tranches les plus élevées atteignaient 94% des revenus. C’est seulement avec ce traitement de choc que la course à l'inégalité, qui empêchait le bon fonctionnement de l'économie en produisant des bulles de toute sorte, a pu être enrayée. En focalisant la relance sur la baisse d'impôt, vous minimisez ses effets en maximisant la production d'épargne, car les revenues supplémentaires dégagées par ces baisses ont de fortes chances de ne pas être utilisé dans la consommation courante, mais plutôt épargnée. Je rappelle ici que la propension à consommer est d'autant plus forte que le niveau de vie est faible, un pauvre utilisera naturellement une plus grande part de l'argent qu'il gagne dans la consommation qu'un riche. Bien sûr, cette règle n'est pas générale, il y a des exceptions et des façons d'être culturelles qui rentrent en compte. Un chinois pauvre aura ainsi plus tendance à épargner qu'un américain pauvre. Cependant le bon sens nous indique tout de même qu’au fur et à mesure que notre revenu augmente l'on a plus de mal à l'utiliser dans la consommation courante, même en étant très imaginatif. On transforme donc le nouveau revenu en épargne, ce qui collectivement se traduit par une forte augmentation du niveau de capitaux disponibles. Capitaux, qui s'ils ne trouvent pas d'utilité, produiront soit des bulles, soit une dépression à cause de la diminution de la vitesse de circulation monétaire que cela engendre. La thésaurisation étant la pire ennemie d'une société à forte productivité.

 

 

historic-tax-rates-usa.jpg

 

saez.jpg

 

Mais au-delà des choix dans l'organisation du plan de relance, il y a un autre élément qui va nuire au plan d'Obama. C'est la nature même du système politique américain. Les républicains vont tout faire pour empêcher l'application de ce plan en réduisant sa portée. Comme ils l'ont fait avec le précédent d'ailleurs. La politique demi-keynésienne d'Obama n'aura jamais le soutien de ses adversaires et le poids des lobbys de toute sorte fera que ce dernier sera réduit à peau de chagrin. De plus, le niveau du plan de relance est tout à fait insuffisant pour véritablement relancer la croissance. Pour tout vous dire le premier était déjà largement sous-dimensionné par rapport aux besoins en terme d'emploi et de croissance. Pour s'en rendre compte, il suffit de calculer ce que font 447 milliards de dollars par rapport au PIB du pays. En prenant le chiffre de 14500 milliards de dollars pour le PIB US, le plan de relance ne pèse en fait que 3% du PIB ce n'est en fait pas grand-chose. À l'époque de Roosevelt, les dépenses avaient atteint des taux nettement supérieurs sans pour autant être suffisantes pour relancer la machine durablement. Ce n'est qu'en atteignant le niveau des dépenses de guerre des années 40 que l'économie a pu atteindre le plein emploi. Comme le disait Keynes, il semble que les dépenses massives, les états n'en soient capables que pour faire la guerre et non pour remplir la satisfaction des besoins de leurs propres populations. Les comptables libéraux cessent d'ailleurs leurs critiques dès lors qu'il s'agit des affaires de la guerre et des intérêts de leurs proches. En ces périodes, ils sont alors d'invraisemblables dépensiers, mais jugent ces mêmes dépenses de gaspillage dès lors qu'elles sont dirigées vers la construction d'hôpitaux, de HLM, ou d'investissement public. L'Amérique est en partie en proie à ce dilemme, on se souvient que le keynésianisme guerrier de Regan n'avait pas vraiment heurté les chantres de l'équilibre budgétaire à l'époque, car il s'agissait de vaincre les méchants Soviétiques. Cette dichotomie de l'esprit qui consiste à juger les dépenses de solidarité comme du gaspillage et les dépenses militaires ou financière ( par exemple les aides aux banques), comme des nécessités font partie des bizarreries qui feront certainement rire les historiens du futur qui se pencheront sur l'origine de l'effondrement des civilisations occidentales.



Dernier point qui est le plus important à mon sens, le plan de relance va surtout accroitre les importations comme le fit le premier plan. Je l'ai déjà dit dans d'autres textes, mais je le répète. Les USA sont dans la même situation que la France en 1983 et probablement en pire. Le niveau de dépendance aux importations est tel qu'il réduit à néant l'impact sur l'emploi productif les effets de plan de relance. Ces derniers ne réactivant que la production d'emploi de service ce qui creuse inexorablement les déficits commerciaux. C'est d'autant plus vrai que l'Amérique est seule à faire ce type de politique tout comme la France était seule à faire une relance au début des années 80. Dans ce type de cas de figure, il faut impérativement prendre des mesures pour minimiser les importations et maximiser la consommation locale. Or on n’entend absolument rien comme proposition sur cette question, Obama avait d'ailleurs récemment fait un discours sur les bienfaits du libre-échange. L'Amérique a oublié sa propre histoire. Et le fait que jusqu'en 1945 les importations étaient taxées à 50% en moyenne ce qui avait comme avantage certain de faire que les politiques de relance réactivaient surtout la production locale. Consommer des produits chinois fabriquera certes des emplois chez Wall Mart, mais créera mécaniquement une fuite de la masse monétaire vers l'extérieur du pays. Ce n'est pas un hasard si avec l'augmentation des importations les effets des plans de relance diminuent année après année pour devenir pratiquement nuls comme en 2008-09. Il est tout simplement impossible de réactiver une croissance auto-entretenue si le pays a de forts déficits commerciaux. Injecter des liquidités dans ce contexte revenant à verser de l'eau dans une passoire en espérant la remplir. On a affaire à une politique semi-keynésienne, c'est à croire que les élites américaines ne comprennent pas le concept de circuit économique. Les USA ne sont plus assez gros pour ignorer le reste du monde et l'Asie. Ou peut-être que les élites US comptent sur une forte dévaluation du dollar, mais il y a fort à parier qu'en pareil cas le yuan suivrait, les Chinois ayant collé leur monnaie à celle du des USA. En pareil cas, la compétitivité des USA ne s'améliorerait que contre celle de la zone euro, mais cette dernière pratiquant des politiques de déflation salariales, le gain économique potentiel pour les USA ne serait guère élevé. Si les USA continue dans cette direction, les réactionnaires monteront au pouvoir en prônant des politiques à l'Européenne au nom du « bon sens » comptable. Tout comme l'on fait les idéologues néolibéraux en France après la rupture de 83. Une rupture que l'on a appelé le tournant de la rigueur et dont nous ne sommes jamais sorties. Si Obama veut vraiment une politique de plein emploi, il lui faut s'attaquer aux intérêts des grands groupes et il faut des politiques protectionnistes d'accompagnement aux politiques de relance.



L'Europe l'empire libéral en décrépitude

 

trichet.jpegPour l'Europe la situation est en fait plus simple, le continent continue dans sa direction d'autodestruction macroéconomique qu'il pratique depuis les années 70-80. La seule différence c'est qu'aujourd'hui la locomotive américaine qui donnait l'illusion que ces politiques étaient saines a disparu. L'Europe a un PIB trop gros pour être tirée uniquement par le dynamisme économique du reste du monde et notamment des USA, c'est d'autant plus vrai que ces derniers sont eux même en proie aux difficultés dont nous avons parlé. Jusqu'aux débuts des années 2000, l'Europe a vécu aux crochets des politiques de relance de l'oncle Sam. Le problème c'est qu'aujourd'hui elle est fortement concurrencée par l'Asie qui la remplace en matière de zone d'exportation et qu'en plus elle s'est empêtrée dans une monnaie unique qui ne pouvait en aucun cas marcher. L'Europe est sans doute la seule zone du monde où les dirigeants croient réellement aux fadaises libérales. La mécanique européenne a d'ailleurs été un outil formidable pour atteindre l'idéal libéral d'une société sans état et sans responsabilité collective.

 

La crise de l'euro loin d'être le réveil que l'on aurait pu attendre, a été au contraire une occasion pour les idéologues néolibéraux d'accroitre encore la pression sur les états membres. L'Europe se lance dans la folle politique de déflation salariale volontaire alors même qu'elle ne peut plus compter sur les exportations pour tirer sa croissance économique. Mais les élites ne cherchent même pas à résoudre le problème du chômage. La seule chose qui les intéresse ce sont les cours de la bourse et la prospérité du système financier. L'Europe est devenue une immense corporation dirigée par des intérêts privés qui se cachent de moins en moins et dont les discours ne font même plus semblant de s'intéresser aux problèmes de la population. C''est probablement là que la division entre les USA et l'Europe était le plus palpable. Bien qu'étant moi même peu soupçonnable de proaméricanisme, je dois dire que je trouve les priorités de l'état US plus nobles que celles de l'élite européenne. On peut dire ce que l'on veut des USA, force est de constater que même s'ils font n'importe quoi une partie de l'élite a encore conscience des intérêts de sa population, on ne peut pas en dire autant de la très très vieille Europe. Il ne nous reste plus qu'à espérer que l'explosion de l'euro fasse chavirer cette construction c'est la seule porte de sortie pour les peuples d'Europe. Sinon, ces derniers devront s'habituer à une crise sans fin encore plus difficile que celle des années 30.

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commentaires

O
<br /> <br /> O Seutet<br /> <br /> <br /> "Un tout autre message que celui qu’on entend habituellement: l’Allemagne va devoir vivre avec le charbon et le gaz…<br /> <br /> <br /> Mais au delà de ce débat, c’est bien une filière industrielle nouvelle, sur un créneau d’avenir porteur, bénéficiant des crédits transférés de la filière nucléaire abandonnée ,qui est entrain de<br /> naître à marche forcée sous nos yeux."<br /> <br /> <br /> http://alternatives-economiques.fr/blogs/godard/2011/09/21/nucleaire-et-filieres-industrielles/<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> Je conseille de lire cette étude de comparaison entre l'Allemagne et la France au sujet de l'innovation qui explique une partie des problèmes francais :<br /> <br /> <br /> http://gestion-des-risques-interculturels.com/pays/europe/france/linnovation-en-france-et-ses-freins-culturels-2e-partie/<br /> <br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> Je suis allé au colloque autour des européens, le protectionnisme et le libre-échange, , organisé par Manifeste pour un débat sur le libre échange, signalé sur ce blog. Passionants les<br /> résultats du sondage (disponible sur leur site). Intéressantes les contributions des économistes. Décevantes les interventions des politiques (Loos, Chevènement, Dupont-Aignan, Montebourg) : ils<br /> voulaient tous exposer un maximum de leur programme, sans écouter les autres, et n'en essyant pas d'être précis sur le sujet de la délocalisation que le modérateur leur demandait de traiter.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Je viens de lire le bulletin du LEAP que j’attendais tant, j’en reste baba (je n’en donne pas le lien, il traîne déjà partout).<br /> <br /> <br /> Je crois qu’il marque une rupture dans cette publication.<br /> <br /> <br /> La rigueur démonstrative implacable qui les caractérisait, et agaçante en ce qu’elle versait déjà dans le prophétisme, tourne carrément ici au<br /> bolchevisme mystique.<br /> <br /> <br /> C’est l’apocalypse selon Saint Franck, qui nous décrit avec fiel le grand Armaggedon américain, dans les affres de ses ridicules plans de<br /> relance, et, en contrepartie, la montée irrésistible au paradis du chandelier à sept branches de l’Europe (une pour chacun des pays qui voudront encore piloter la galère, au train ou cela va).<br /> Les euros sceptiques sont au passage explicitement voués aux ténèbres de leur bêtise et à l’oubli.<br /> <br /> <br /> Le côté cocasse du texte c’est l’impasse totale sur les rebuffades du vilain canard allemand (le seul aigle crédible du coin pourtant), à part la<br /> défaite significative que représenterait la démission de Jürgen Stark de la BCE (c’est exactement l’inverse, comme l’a souligné Pinsolle récemment).<br /> <br /> <br /> Là aussi les lignes de force de TOUTES les batailles électorales des états européens à venir se clarifient.<br /> <br /> <br /> Une grande partie de ce que j’appelle « les lucides de la crise », lesquels avaient su prévoir et analyser la tempête en cours, vont se<br /> trouver irrésistiblement attirés dans le camp de ceux qui ne voulaient rien savoir, leurs quasi ennemis d’hier, cela par fidélité crampon au fédéralisme européen.<br /> <br /> <br /> Biancheri se hisse maintenant au niveau de Jorion, celui qui, dans les apéritifs d’anciens soixante-huitards se refusera désormais se refusera<br /> d’entonner l’un de leurs slogans mythiques : « Nous sommes tous des juifs allemands ».<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> http://histoireetsociete.wordpress.com/2011/09/12/a-propos-du-nucleaire-civil-et-militaire-lallemagne-sengage-t-elle-dans-la-3-eme-revolution-industrielle/<br /> <br /> <br /> <br />
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