Nos amis du LEAP ont beau avoir des tendances apocalyptiques ils ont souvent de bonnes références en matière d'information économique. Dans dernière prophétie le LEAP nous donne une carte provenant de l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, et il se trouve que cette carte est très intéressante tant elle résume la problématique mondiale actuelle de façon trés résumé. En effet on y voit apparaitre les pays ayant des déficits commerciaux et ceux en excédent. En un seul coup d'oeil nous voyons bien que la question des déficits commerciaux ne concerne pas que les USA, d'autre pays, y compris certains membre du BRIC sont touchés par les déficits de leur commerce extérieur. On voit bien sur la carte l'est de l'Eurasie fortement excédentaire et le reste du monde en déficit. Les pays en bleu foncé ont des excédents supérieur à 4% de leur PIB ce qui est tout à fait considérable. On parle souvent de l'Allemagne et de la Chine parce que ces deux pays sont gros et peuplés, mais ils ne sont pas les seuls à pratiquer le mercantilisme. La Russie a visiblement choisi son camp, même si son cas est à rapprocher de celui de l'Arabie Saoudite gros producteur de matières premières et d'énergie. Mais le fait d'avoir des matières premières ne garantie pas l'excédent puisque le Canada et l'Australie sont aussi largement déficitaire que les USA. Ce sont donc bien les politiques menées qui conduisent à l'excédent ou au déficit plus que les dons naturelles dont jouissent un pays. J'ai d'ailleurs été surpris par le déficit canadien d'autant que ce pays a un énorme excédent avec son voisin géant du sud, on peut supposer que la situation canadienne est très dégradé avec l'Asie. Qu'un pays avec autant d'avantages naturel que le Canada soit en déficit commercial montre le coté absurde du système économique mondial actuel, car ce pays sous-peuplé et bourré de richesses naturelle devraient au contraire facilement être excédentaire.
Cette carte permet donc de tordre le cou à plusieurs croyances d'une seule traite. Ainsi ceux qui accusent le dollars d'être la source de tout nos maux peuvent aller se rhabiller, si tel était le cas seul les USA auraient des déficits commerciaux or il n'en est rien, par exemple la Turquie et l'Afrique du sud dépassent largement l'Oncle Sam en la matière. D'autre part nous voyons bien ici que les Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine) qui furent présentés par les médias comme une espèce d'alliance entre puissances montantes pour contrer l'occident lui aussi vu comme un bloc, n'existe pas vraiment. En fait la Chine fait aussi mal à l'Inde ou au Brésil qu'à la France ou aux USA. La vision que l'on colle généralement à ces pays est d'autant plus fausse qu'elle provient essentiellement d'une image du passé, un peu ce que fut jadis le camp des non-alignés, ou encore une espèce de revanche du tiers-monde. Les pays en voie de développement ont en réalité chacun leur rythme économique et souffrent tout autant que nous, si ce n'est plus, de la chienlit du libre-échange planétaire. Il y a là une bonne chance pour les puissances européennes de trouver des alliés en cas de litiges ou de négociations, il faut cesser de voir le monde en bloc et recommencer à le voir en nation. L'Inde par exemple est une nation à forte croissance mais dont le modèle est beaucoup moins extraverti que celui des chinois, l'Inde a même un déficit commercial à cause de l'empire du milieu. Elle porte donc en elle une vision peut-être plus égalitaire au niveau commercial que celle de la Chine.
Quoiqu'il en soit le fait est que la problématique des déséquilibres mondiaux surpasse largement la question monétaire du dollars. Deuxième apprentissage de la carte, la situation française est à relativiser fortement en matière commerciale, nous sommes certes en déficit mais à l'échelle du monde nous faisons partie des pays les plus proche de l'équilibre, donc en réalité ceux qui sont les plus exemplaires sur le plan commercial. En effet il faudra expliquer une bonne fois pour tout que tout les pays du monde ne peuvent pas avoir d'excédents tous en même temps, puisque les excédents des uns sont les déficits des autres. La seule solution pour trouver un équilibre mondial est donc que tout les pays du monde aient une balance à l'équilibre, du moins à peu prés. Bien sûr un tel équilibre ne peut se trouver que par l'intervention de la puissance publique dans l'organisation du commerce, les marchés seuls ayant très visiblement échoués à réguler le commerce mondial. Sous l'influence de l'OMC le commerce mondiale régulé par la marché a totalement cafouillé. L'OMC malheureusement a un nom qui est bien mal adapté puisque sa politique à en réalité consisté uniquement à désorganiser le commerce, on devrait d'ailleurs la renommer DMC (désorganisation mondiale du commerce) ce qui serait plus proche de son action réelle.
Pourquoi faut-il punir les pays excédentaires?
Cependant lorsque l'on en vient aux solutions et pour peu que l'on ait accepté la réalité des déséquilibres mondiaux comme ce fut apparemment le cas de nos dirigeants au G20, les réactions immédiates et finalement très chrétienne dans l'esprit, sont de se mettre à accuser les pays déficitaires. Et oui, vous consommez trop et il faut vous saigner, il faut réduire votre train de vie (enfin celui de vos concitoyens), vous devez faire pénitence. Le lien avec l'économie traditionnelle est évidente et malheureusement l'évidence héritée des âges anciens et de nos vie de tout les jours ne sont pas vraiment bonnes conseillèrent dès qu'il s'agit de gérer une nation ou un peuple avec des modes de productions modernes à haute productivité. Et la nature même de l'interdépendance commerciale rend le raisonnement gaspilleur/travailleur, fourmis/cigale complètement caduc. La fourmis chinoise ou allemande ne peut pas survivre sans sa cigale américaine et l'inverse non plus. De sorte que la mort de l'un ou l'autre fini inéluctablement par la mort de tous, c'est d'ailleurs bien ce que voulaient les néolibéraux non? Nous rendre interdépendant pour éviter les guerre soit disant, c'est d'ailleurs la plus grosse erreur de Montesquieu, le doux commerce.
Bien sûr théoriquement un pays ayant des excédents peut toujours relancer ses salaires et donc sa demande intérieure pour palier aux exportations. Mais d'une part, cela va à l'encontre des intérêts à court terme des castes dominantes de ces pays, on voit bien que la Chine n'a pas vraiment envie d'une classe moyenne. L'Allemagne quant à elle a choisi l'exportation comme seul moteur à cause de son déficit démographique, mais également parce que son élite s'est prise, elle aussi, au jeu du plaisir de l'inégalité sociale que seul un modèle extraverti permet. Plus besoin du consommateur allemand puisque l'on peut exporter, donc plus besoin de négocier avec ces salauds de pauvres et de syndiqués. Ensuite puisque ces pays sont spécialisés dans l'exportation, ils produisent beaucoup de choses qui seraient en surproduction si d'un seul coup ils se retrouvaient seuls sur leurs propres marchés. Il y aurait une inadéquation entre ce qu'ils produiraient et ce qu'ils consommeraient s'ils étaient leurs seuls clients. Ainsi la Chine produiraient elle trop de gadgets destinés aux pays riches, alors que le chinois moyens aurait d'abord besoin de produits de bases si son salaire augmentait. Trop d'écran plasma et pas assez de chaussure, si vous voyez ce que je veux dire. C'est le principe même de la spécialisation que de créer ces problèmes de distorsion entre la production locale et la consommation locale. Mais la situation est probablement beaucoup plus grave encore en Allemagne qu'en Chine sur ce plan.
Donc au final il n'y a pas vraiment de gagnant juste une ribambelle de pays coincés, n'arrivant plus à exercer leur souveraineté, ce qui produit des conflits et non la paix. Si je dis qu'il est dangereux de passer par la case punition des pays déficitaires, c'est que cette solution n'apporterait qu'une seule conséquence, celle de la déflation salariale et de la déflation des prix. En effet chaque pays voulant relancer sa croissance par son commerce extérieur serait tenté de contracter sa demande intérieure et d'exporter chez le voisin ses problèmes. Ce n'est donc pas une solution aux problèmes des déséquilibres mondiaux, la course à la contraction de la demande produisant une déflation planétaire. La solution la plus rationnelle serait de faire en sorte que les pays excédentaires se mettent à importer plus, à augmenter leurs propres salaires et ainsi à stimuler leurs importations pour rééquilibrer l'économie mondiale. Le problème bien entendu, c'est que les pays excédentaires trouvent leurs positions plutôt favorables à leur propres intérêts, du moins à court terme. La Chine à travers ses excédents obtient un pouvoir sur l'extérieur qu'elle n'aurait pas si elle se contentait d'équilibrer sa balance des paiements. Ensuite comme je l'ai expliqué avant, ces pays ne veulent pas une économie égalitaire, ils veulent la croissance économique sans la hausse des salaires et sans inflation qui seules permettraient l'absorption de la production. C'est pour cette raison qu'il est absurde d'attendre d'un pays en excédent qu'il mette fin à cette situation volontairement. On est donc bien obligé de mettre en place des punitions visant les pays pratiquant ce type de politique.
Le protectionnisme rentre donc dans ce cadre comme un mécanisme, non pas nationaliste, ou mercantiliste, mais bien dans un but de régulation d'une pratique agressive. Le protectionnisme et les politiques de punition des pays excédentaires viseraient à découpler les nations et à réduire cette contrainte qui a fait que chaque peuple sur cette planète est obligé de se plier à des règles extérieures de plus en plus excessives. L'interdépendance n'est pas un but à souhaiter, elle produit le conflit et la haine, en Europe même, l'on voit ressurgir des propos et des attitudes que l'on croyait disparues depuis la guerre. Les tensions entre les nations "unies" par le commerce ne cessent de grandir, et certains états pourraient être finalement convaincu qu'une solution plus brutale pour dominer les autres serait un moyen de se sortir de la contrainte mondiale. Les conflits en Corée par exemple, pourraient très bien dégénérer en cas d'une forte dégradation économique produite par une déflation planétaire. Déflation qui semble pourtant de plus en plus certaine puisque ce sont bien les pays excédentaires qui sont en train de gagner la course des cœurs et des idées. Les USA s'ils se rangent aux cotés des pays excédentaires (voir le dernier texte de Krugman), sous l'influence du parti républicain notamment, et se lancent, après l'UE, dans une course à la contraction de la demande intérieure. Ils produiront un effondrement des exportations allemandes et chinoises ce qui ne sera pas sans impact géopolitique. En effet que fera une Chine sans débouchés économiques avec un peuple qui commencera à douter de ses élites et un budget militaire hyperinflationniste? Et l'Amérique, une fois le poison de la déflation gouté, alors que la relance d'Obama sans protectionnisme n'a pas marché, vers où se tournera le peuple américain totalement désenchanté et désespéré? L'heure est grave, plus grave encore que ce que l'on peut imaginer. Il est bien malheureux de voir tout ces adorateurs de pays excédentaires se réjouir des plans irlandais, britanniques et demain portugais, français américains etc.. Car leurs fausses solutions auront tôt fait de précipiter la planète vers un désastre sans précédent. L'actuelle reprise dans les pays excédentaires n'est du qu'à l'irresponsabilité monétaire américaine, que les américains deviennent "raisonnables" comme les européens et la mondialisation s'effondrera dans le fracas de la guerre.