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16 octobre 2022 7 16 /10 /octobre /2022 15:10

 

Alors que la crise énergétique bat son plein et que les inquiétudes sur le passage de l'hiver se font sentir, il me semble opportun de réaliser une vision globale de la situation économique de l'UE et de la zone euro . Parce que nous avons clairement changé de situation ces trois dernières années . En effet comme nous allons le voir, depuis plusieurs années, la zone euro, sous à férule de l'Allemagne, était devenue une zone structurellement excédentaire sur le plan commercial. À coup de contrition de la demande intérieure, l'Allemagne et ses satellites avaient construit une machine de guerre commerciale. Les pays périphériques latins comme l'Italie ou l'Espagne avaient suivi eux aussi par un effondrement de la demande intérieure. Étrangement, la France bien qu'ayant été tout le long dirigé par des ultralibéraux a laissé filer les déficits commerciaux empêchant en réalité l'euro de grimper de façon excessive. En un sens, l'euro montre en la matière tout son défaut, trop fort pour la France, l'Italie et l'Espagne, il était en même temps beaucoup trop faible pour l'Allemagne. Et cette sous-évaluation monétaire de près de 20 ans se paye aujourd'hui, car l'Allemagne n'a pas eu à s'adapter à la demande mondiale ou à innover . Sa sous-évaluation monétaire l'a ainsi laissé dormir sur son avantage économique apparent pendant que le reste de la zone accumulait dette extérieure et croissance faible. Et comme on va le voir, le modèle allemand de l'excédent va avoir beaucoup de mal à perdurer dans les décennies qui viennent.

 

 

Nous avons donc maintenant une espèce de retour de bâton extrêmement violent . Car les sous-évaluations monétaires ou les surévaluations monétaires lorsqu'elles perdurent longtemps produisent bien souvent de graves déséquilibres à long terme. Il suffit de prendre l'exemple de quelques pays d'Amérique du Sud qui ont souvent la mauvaise idée de coller leur monnaie au dollar à l'image de l'Argentine qui court de crise en crise pour s'en convaincre. Un pays doit impérativement prendre soin de ses grands équilibres et je ne parle pas ici du seul équilibre dont les libéraux vous parlent à tort et à travers, celui des déficits publics, mais plutôt du seul équilibre qui compte vraiment, celui de la balance des paiements et de la balance commerciale. Une nation peut survivre à une dette nationale monstrueuse. Elle peut même la liquider d'un trait de plume si l'envie lui vient . Cela produirait des remous, les rentiers détenteurs de titre hurleraient certainement, mais cela serait vite digéré en réalité. Alors que la dette extérieure qui découle des déficits commerciaux, elle, est un problème entre nations. Un pays qui se débarrasserait de sa dette extérieure ainsi se retrouverait bien en peine d'acheter quoique ce soit à d'autres nations pour un temps assez long. Et étant donné que nous ne sommes pas autosuffisants, nous manquerions alors de beaucoup de chose à commencer par l'énergie.

 

L'on comprend dès lors sans peine l'intérêt qu'il y a à équilibrer ses comptes extérieurs . Et il est bien malheureux que les hommes français depuis 20 ans aient oublié ce principe essentiel pour n'avoir finalement comme seul problème existentiel que celui de réguler la dette publique. Enfin, notons tout même que régler la question de la dette publique n'a pas vraiment été la priorité de Macron, qui se sert de la dette comme argument massue pour détruire les services publics alors qu'il a été le premier à faire gonfler nos dettes par ses politiques ineptes. Le vice ultime de l'Europe , le marqueur absolu du fait que l'euro était une monnaie pensée par des imbéciles, est probablement le fait que le seul facteur pris en compte dans les contraintes européennes fut le fameux 3% de déficit autorisé. S'enquérir uniquement du déficit public en oubliant les déficits extérieurs, voilà bien toute la stupidité européenne concentrée en un point. Car s'il y avait bien une contrainte à mettre si vous vouliez que la zone euro fonctionnât à peu près, c'était bien celui des déséquilibres commerciaux et des déséquilibres des balances des paiements. Nulle nation n'aurait dû être autorisée à accumuler indéfiniment des déficits extérieurs comme la France et nulle autre non plus, n'aurait dû être autorisée à accumuler des excédents contre ses voisins, comme l'Allemagne l'a fait. Or aucun mécanisme n'a été pensé pour rééquilibrer les balances commerciales au sein de la zone euro. Un comble pour une structure économique qui ne pouvait que faire diverger les économies à cause de l'absence d'ajustement monétaire . Ne cherchait pas plus loin l'impossibilité structurelle de la zone à fonctionner. À chaque crise extérieure, nous nous retrouvons à devoir sauver le soldat euro, acteur génétiquement retardé de la globalisation malheureuse.

 

La zone euro a maintenant un déficit commercial structurel.

 

 

Et cette crise structurelle de la zone euro, elle commence presque en 2002. En réalité, c'est la politique du chancelier allemand de l'époque qui va mettre le feu aux poudres ainsi que la hausse progressive de l'euro . Dès 2005 le déséquilibre entre l'Allemagne et ses deux grands partenaires français et italiens apparaît. L'euro devient dès lors structurellement problématique, car la question des dettes accumulées par les pays chroniquement déficitaires va apparaître. Lors de la crise de 2008, le premier gros coup de semonce apparaît, les taux d'intérêt des emprunts d'État divergent montrant le très gros manque d'homogénéité de la zone euro. Il faut alors sauver les PIGS, notamment la Grèce, et empêcher la zone euro d'éclater. Malheureusement pour la Grèce on va sauver l'euro en coulant ce pays, car seules une sortie de la zone et une dévaluation auraient pu réellement sauver l'économie grecque ce que les dirigeants du pays n'ont pas voulu faire.

 

Le coût de la crise pour sauver le soldat euro et le système bancaire européen fut énorme. Les dettes publiques et les dettes de la BCE ont alors explosé. Les finances publiques ne se sont jamais remises de ce coût, on a juste mis la poussière sous le tapis en attendant que ça passe. Le modèle mercantiliste allemand a alors repris son cours puisque rien n'a été fait pour corriger ce déséquilibre, il s'est même encore accru. L'Allemagne de Merkel devint le nouveau phare économique européen , les excédents du pays atteignirent des sommets. Tout allait pour le mieux, semblait-il, même si en réalité la société allemande n'a jamais résolu son problème de fond, le déclin démographique. La crise des migrants qui fit miroiter un moment une solution à coup d'immigration colossale fut vite arrêtée par la réalité à savoir que les immigrants trop nombreux pourraient simple détruire l'Allemagne à une telle échelle d'importation. Et vint alors la crise du COVID, puis celle de l'énergie qui mirent un gros point d'arrêt au modèle allemand fondé sur une main-d’œuvre est-européenne pas cher couplé à l'arrivée des matières premières russes. D'un côté l'Europe de l'Est s'épuise démographiquement, de l'autre, la Russie coupe le robinet des matières premières. Un double choc dont on ne voit pas très bien comment l'Allemagne va pouvoir se remettre à terme.

 

Mais il y a un autre problème auquel fait face l'Allemagne. Protégé par l'euro, en partie et grâce à sa main-d’œuvre pas chère l'industrie allemande pensait continuer son excédent aussi grâce à la qualité de ses produits. Mais les Allemands comme le reste du monde commencent à voir poindre une concurrence y compris sur les produits de haute valeur ajoutée comme les biens d'équipement. Ces derniers constituent le vrai cœur de l'industrie de pointe. Ce sont des produits qui permettent de produire, de fabriquer et de faire fonctionner des usines . Les grands dominants dans le domaine sont les grandes puissances industrielles l'Allemagne, les USA et le Japon. Mais voilà que la Chine à son tour se met à produire des biens d'équipement. Et la vitesse à laquelle elle augmente sa production est impressionnante. En 2021 les ventes chinoises de biens d'équipement ont bondi de 25,9% . Si l'on regarde la balance commerciale de la zone euro ce qui marque évidemment c'est la naissance rapide d'un déficit commercial qui en apparence s'explique par l'énergie et c'est vrai que les déficits avec la Norvège et la Russie expliquent en partie celui-ci. Mais le déficit commercial européen avec la Chine a simplement doublé entre 2021 et 2022 ! Dans le même temps, les excédents avec les USA et la GB ont diminué et ne compense plus les déficits avec les pays asiatiques.

 

On le voit, même sans la question énergétique, l'excédent de la zone euro aurait quand même diminué . Et cela parce que les derniers avantages comparatifs dont disposaient les pays excédentaires de l'UE, l'Allemagne surtout, semblent disparaître. La Chine se lance dans les hautes technologies, l'aviation, les biens d'équipement, le nucléaire, le spatial, etc. Il ne restera bientôt plus rien pour lui acheter nos tee-shirts . La crise actuelle de la zone et de son modèle déséquilibré c'est avant tout ça. Nous arrivons à la fin de l'illusion raciste que sous-entendait le modèle du libre-échange total. C'est-à-dire l'idée que les blancs pour faire court sont tellement plus intelligents que les autres qu'ils se spécialiseront dans la création, l'invention, pendant que le reste du monde produirait les objets . Cette vision s'effondre aujourd'hui devant les faits, mais personne en Europe ne semble comprendre ce que cela signifie. Si nous ne mettons pas fin au libre-échange, il va arriver à la zone euro ce qui est arrivé à l'Inde au 19e ou à l'Empire ottoman, c'est-à-dire une destruction complète de la base productive locale. Ou alors pour maintenir sa place l'Europe devra faire abaisser considérablement les salaires et le niveau de vie de sa population. Chose qui semble quand même bien peu réaliste politiquement parlant. Nous assistons donc en Europe à un double choc. D'un côté le choc produit par une monnaie totalement absurde qui n'en finit pas de produire des déséquilibres entre ses membres. Et de l'autre côté le choc d'une globalisation qui détruit les derniers morceaux d'industries que le continent avait gardés jusque là .

 

 

Alors est-ce que cette crise va détruire l'euro ? Il est bien difficile de se prononcer . Ce qu'il y a de certain c'est que la stratégie allemande d'adaptation à la globalisation a échoué. Et comme c'est l'Allemagne qui dirige en fait la zone et qui a maintenu en grande partie son excédent, cela signifie une baisse durable de la monnaie européenne. La réaction allemande sera déterminante dans l'affaire. Si l'Allemagne commence à remettre en cause le libre-échange, voyant qu'elle commence à accumuler des déficits notamment avec la Chine. Nous pourrions avoir une espèce de réveil au sein des autres nations d'Europe. En effet difficile de continuer à prôner le libre-échange avec les autres membres quand on se permet de se protéger soi-même . Mais la zone euro étant une construction politique artificielle, seule une décision politique pourra probablement y mettre fin. Le plus probable à mes yeux est que l'Allemagne finisse par laisser tomber elle-même l'euro. La déglobalisation progressive de l'économie mondiale poussant les Allemands à changer de stratégie pour un retour à une économie plus centrée sur eux même. Je crains malheureusement qu'il n'y ait pas grand-chose à attendre de la France qui va se laisser flotter au milieu des courants économique.

 

 

 

Grande nouveauté du blog, on se modernise un peu . Vous pouvez me suivre sur twitter à cette adresse https://twitter.com/Yannlebondoseur si vous le souhaitez. Je n'aime guère les médias sociaux qui concourent à abaisser l'esprit généralement plus qu'à l'élever, mais il faut bien vivre avec son temps comme on dit.

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commentaires

S
Bonjour,<br /> L'UE va-t-elle enfin se désagréger ?<br /> Se poser la question est déjà optimiste.<br /> Pas si mal pour un pessimiste.<br /> A titre personnel : pas de demain.<br /> A2
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